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14/06/2023 | FRANCE | N°22/07844

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 juin 2023, 22/07844


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 089/2023, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/07844 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVYG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Avril 2022 - Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n° 19/11622







APPELANTS



Monsieur [N] [J]

Né le 30

novembre 1955 à [Localité 13]

De nationalité Italienne

Dirigeant d'entreprise

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 10]





DOMAINE DU [Adresse 15]

Société civile agricole au capital l de 1 524....

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 089/2023, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/07844 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVYG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Avril 2022 - Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n° 19/11622

APPELANTS

Monsieur [N] [J]

Né le 30 novembre 1955 à [Localité 13]

De nationalité Italienne

Dirigeant d'entreprise

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 10]

DOMAINE DU [Adresse 15]

Société civile agricole au capital l de 1 524.49 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DRAGUIGNAN sous le numéro 388 596 868

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Localité 10]

Représentés par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Assistés de Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, substituant Me Eric AGOSTINI, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : P0401

INTIMÉS

Monsieur [H] [E]

Courtier en vins,

Exerçant son activité sous le nom commercial PJB COURTAGES

immatriculé au registre du commerce et des sociétés de TOULON sous le numéro 415 096 783

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]

Monsieur [F] [R]

Né le 09 janvier 1939 à [U] (83)

De nationalité française

Retraité

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 8]

Représentés et assistés par Me Na-ima OUGOUAG BERBER de la SCP BENICHOU OUGOUAG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0203

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT ETIENNE sous le numéro 428 268 023

Capital de 106 801 329 euros

Domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Pierre CUSSAC de la SELASU P . CUSSAC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0544

S.A.S. GASSIER

Société au capital de 150 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AIX-EN-PROVENCE sous le numéro 452 421 514

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 3]

Représentée par Me Gachucha COURREGE de la SELARL M&C Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0159

Société LES CAVES DE L'AMIRAL

Société coopérative agricole au capital de 16 007 euros

Immatriculée eu registre du commerce et des sociétés de DRAGUIGNAN sous le numéro 783 067 168

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 19]

[Localité 10]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Nathalie TOURRETTE de la SELARL KARSENTY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R156

S.A.S. DISTRIBUTION FRANPRIX

Société au capital de 800 000 euros

Immatriculée eu registre du commerce et des sociétés de CRETEIl sous le numéro 414 265 165

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 12]

N'ayant pas constitué avocat

S.A.S. ACHATS MARCHANDISES CASINO

Société au capital de 945 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIl sous le numéro 428 369 104

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 11]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHEE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Réputé contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Françoise BARUTEL, conseillère, faisant fonction de Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15], ayant constaté la vente, au sein notamment de magasins à l'enseigne Franprix, de bouteilles de vin reproduisant la marque française semi-figurative «[Adresse 15]» n° 4413485 enregistrée le 15 décembre 2017 dans les classes de produits et services 29 et 33, dont il est propriétaire et qu'elle exploite, ont, par actes d'huissier du 4 février 2019, fait assigner les sociétés GASSIER et ACHATS MARCHANDISES CASINO devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.

M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] ont ultérieurement mis en cause les sociétés DISTRIBUTION FRANPRIX et DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

La société GASSIER a fait assigner en intervention forcée, le 16 avril 2019, la SCA LES CAVES DE L'AMIRAL, auprès de laquelle elle faisait l'acquisition des bouteilles litigieuses, et M. [N] [E], courtier, afin qu'ils la garantissent des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Le 8 mars 2021, M. [F] [R], ancien courtier agissant en tant qu'apporteur d'affaires pour M. [E], est intervenu volontairement à la procédure.

Toutes ces instances ont été jointes.

Par ordonnance du 5 décembre 2019, une mesure de médiation a été prononcée, mais les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Par ordonnance du 20 mai 2021, M. [N] [J] et la société DOMAINE DU [Adresse 15] ont été déboutés de leurs demandes de communication de pièces formées à l'encontre de M. [H] [E].

Par lettre du 24 septembre 2019, M. [J] a, parallèlement à la présente instance, déposé entre les mains du Procureur de la République de Draguignan une plainte pour dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui. Un réquisitoire introductif a été rendu de ce chef le 15 décembre 2020.

M. [J] expose désormais qu'un réquisitoire supplétif du Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan en date du 10 août 2021 a saisi le juge d'instruction en charge de cette affaire de faits nouveaux d'abus de confiance, commis courant janvier 2018 et jusqu'au 31 décembre 2018, à Encastreaux et dans le département du Var.

Dans une ordonnance rendue le 7 avril 2022, dont appel, le juge de la mise en état a :

- rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 5 et 6 produites par M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] ;

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] ;

- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit enjoint à M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] de retirer des débats les pièces n° 61 et 62 qu'ils ont communiquées au fond sous bordereau signifié par RPVA le 7 décembre 2021, ainsi que les parties de leurs conclusions en réplique au fond les analysant ;

- condamné M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] à payer à la SCI LES CAVES DE L'AMIRAL la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] aux dépens ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 28 juin 2022 à 10h (AUDIENCE DÉMATÉRIALISÉE) pour prononcer la clôture de l'instruction de cette affaire, les dernières conclusions des défendeurs devant être notifiées au plus tard le 24 juin 2022.

Le 15 avril 2022, M. [J] et la société DOMAINE DU [Adresse 15] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 2 et signifiées par RPVA le 29 juillet 2022, M. [J] et la société DOMAINE DU [Adresse 15] demandent à la cour de :

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile

Vu les articles 4 et 11 du code de procédure pénale

Vu l'assignation du 4 février 2019

Vu le réquisitoire supplétif de M. le Procureur de la République de Draguignan du 10 août 2021

- réformer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de la coopérative LES CAVES DE L'AMIRAL visant à écarter les pièces n°5 et 6 des consorts [J] ;

Et statuant à nouveau

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale en cours initiée devant le tribunal judiciaire de Draguignan par M. [N] [J] et la SCA Domaine du [Adresse 15] et impliquant les divers intervenants de la présente procédure civile.

- condamner la coopérative LES CAVES DE L'AMIRAL aux dépens ainsi qu'à 10 000 euros sur le fondement de l'art. 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions signifiées par RPVA le 13 juillet 2022, MM. [E] et [R] demandent à la cour de :

- recevoir M. [H] [E] et M. [F] [R] en leurs présentes conclusions.

- leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice quant au mérite de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris prononcée le 7 avril 2022.

- condamner tous succombants aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de la SCP BENICHOU OUGOUAG Avocats aux offres de droit, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions, signifiées par RPVA le 5 septembre 2022, la société GASSIER demande à la cour de :

- donner acte à la SAS GASSIER de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant au mérite de l'appel interjeté par M. [N] [J] et la SCA DOMAINE DU [Adresse 15] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 7 avril 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris.

- condamner tous succombants aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Gachucha COURREGE, avocat dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 13 juillet 2022, la société LES CAVES DE L'AMIRAL demande à la cour de :

Vu les articles 4, 5, 11, 114, 114-1 du code de procédure pénale,

Vu les articles 378 et suivant du code de procédure pénale,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 avril 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n°5 et n°6 produites par la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] ;

Statuant à nouveau :

- écarter des débats les pièces n°5 et n°6 produites par la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] ;

- débouter la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] de leurs demandes, fins et conclusions ;

- prendre acte de ce que la SCA LES CAVES DE L'AMIRAL réserve son droit d'appel différé du chef du rejet des pièces 61&62 communiquées sur le fond par la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] ;

- confirmer en ses autres dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 avril 2022 ;

Y ajoutant :

- condamner la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] à payer à la SCA LES CAVES DE L'AMIRAL la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions signifiées au RPVA le 13 juillet 2022 par MM. [E] et [R] qui s'en rapportent à justice et sollicitent la condamnation de tous succombants aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP BENICHOU OUGOUAG.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a constitué avocat mais n'a pas déposé de conclusions.

Les sociétés SAS FRANPRIX et ACHATS MARCHANDISES CASINO n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions des appelants leur ont été signifiées les 8 et 16 juin 2022 à personne habilitée.

La décision sera rendue par arrêt réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande visant à écarter les pièces n°5 et n°6 produites par LE DOMAINE DU [Adresse 15]

M. [J] et la société DOMAINE DU [Adresse 15] maintiennent le bien fondé de leur communication de pièces extraites de la procédure pénale; ils soutiennent qu'en tant que parties civiles, ils ne concourent pas à l'instruction ; que de plus, même s'il était décidé d'écarter à [Localité 18] les pièces n° 5 et 6 déjà produites à [Localité 17], il demeurerait qu'en tant qu'acte authentique, l'ordonnance d'incident rendue le 1er février 2022 par le juge de la mise en état qui fait preuve des faits qu'elle constate jusqu'à inscription de faux ; que ces deux documents ne correspondent ni à un interrogatoire ni à une confrontation seuls visés par l'article 114 du code de procédure pénale.

La coopérative LES CAVES DE L'AMIRAL soutient que, s'il est admis que la partie civile puisse évoquer des informations relatives à l'information judiciaire, elle n'est en revanche pas autorisée à produire des pièces d'une instruction en cours dans le cadre d'une instance civile ; que la partie civile ne peut obtenir de copie de la procédure d'instruction que si elle fournit une attestation aux termes de laquelle elle s'interdit de diffuser auprès de tiers les pièces ou actes de la procédure d'instruction qu'elle a obtenus ; que la seule exception concerne la communication des rapports d'expertise, uniquement pour les besoins de la défense ; que la société DOMAINE DU [Adresse 15] n'avait donc pas le droit de verser ces éléments dans le cadre de la procédure civile.

En vertu de l'article 11 du code de procédure pénale, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 434-7-2 du code pénal.

Cependant, la partie civile, qui ne concourt pas à l'instruction, n'est pas tenue au secret de celle-ci ( Cass crim 9 octobre 1978 n°76-92.075). Elle peut ainsi évoquer cette information et produire certaines pièces de l'instruction dans une instance civile, uniquement dans l'exercice des droits de la défense.

La pièce 5 est une ordonnance de soit-communiqué au Procureur de la république de [Localité 16] rendue par le juge d'instruction en date du 10 août 2021, aux fins d'obtenir un réquisitoire supplétif.

La pièce 6 est le réquisitoire supplétif contre X pour des faits d'abus de confiance commis courant janvier 2018 et jusqu'au 31 décembre 2018 rendu par le Procureur de la République le 10 août 2021.

C'est, en conséquence, à juste titre que le premier juge, après avoir constaté que M. [J] a la qualité de partie civile dans le cadre de l'information judiciaire en cours à [Localité 16], a retenu, qu'il pouvait, au soutien de sa demande de sursis à statuer, soit pour l'exercice de sa défense dans le cadre de la présente instance, produire deux pièces tendant uniquement à démontrer que le juge d'instruction a été saisi, sur réquisitoire supplétif du Procureur de la République, de faits nouveaux d'abus de confiance contre X.

Sauf à empêcher M. [J] à exercer son droit à la défense et partant à un procès équitable, la demande de la SCI LES CAVES DE L'AMIRAL tendant à voir écarter ces pièces doit être rejetée et l'ordonnance entreprise confirmée de ce chef.

Sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale en cours

M. [J] et la société DOMAINE DU [Adresse 15] soutiennent que, du fait de l'appel en intervention forcée de la coopérative, la procédure pénale ainsi engagée à [Localité 16] a exactement le même objet et oppose très exactement les mêmes parties que la présente procédure parisienne ; qu'il s'agit quasiment de litispendance ; que quels que soient les modes d'ouverture de l'action publique pour la répression du délit pénal potentiellement générateur des atteintes justifiant la présente instance civile, la décision à intervenir au pénal aura autorité sur tous les ordres de juridiction ; qu'il ne serait donc pas raisonnable d'y faire exception au nom du secret de l'instruction ; qu'il existe en l'occurrence un réel risque de contrariété de décisions; qu'il est évident et aucunement conjectural que, si l'abus de confiance est retenu, la contrefaçon et la fausse indication du nom du fabricant seront caractérisées.

La coopérative LES CAVES DE L'AMIRAL soutient que la demande de sursis à statuer ne repose sur aucun élément et qu'en tout état de cause, elle n'est ni justifiée ni opportune ; que le sursis à statuer sollicité par les appelants n'est pas obligatoire mais facultatif, dans la mesure où la juridiction civile n'est pas saisie de l'action en indemnisation fondée sur les infractions pour lesquelles l'action publique a été mise en mouvement et est donc indépendante de l'action publique ; que l'information judiciaire ne peut apporter aucun élément utile à la procédure civile car elle porte sur des faits d'abus de confiance qui auraient été commis entre janvier et décembre 2018, soit postérieurement aux faits reprochés par la société DU DOMAINE DU [Adresse 15] et M. [N] [J] dans le cadre de la procédure civile ; que les parties défenderesses à l'action civile ne sont pas parties dans la procédure pénale ; qu'elles ne sont ni mises en examen, ni témoin assisté, ni partie civile.

L'article 4 du code de procédure pénale dispose que «L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.»

Le présent litige porte sur des faits de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire, les appelants reprochant essentiellement au négociant en vin GASSIER et au distributeur d'avoir, fallacieusement, apposé sur des bouteilles de vin proposées à la vente en grande surface, la dénomination «Clos de Caille» qui leur appartient, suivant une assignation délivrée le 4 février 2019.

Il résulte, par ailleurs, des pièces précitées n° 5 et 6 produites par les demandeurs que :

- le 10 août 2021, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Draguignan a rendu une ordonnance de soit-communiqué au Procureur de la République près ledit tribunal, de laquelle il résulte que 'la plainte initiale se place dans un contexte plus général et conflictuel laissant apparaître un abus de confiance éventuel au préjudice de la SCA [Adresse 15] par l'utilisation détournée de sa production viticole ainsi que des infractions au code de la consommation et notamment l'utilisation de fausse indication concernant le nom du fabricant';

- cette ordonnance a été suivie le 10 août 2021 d'un réquisitoire supplétif contre X pour des faits d'abus de confiance, commis courant janvier 2018 et jusqu'au 31 décembre 2018.

C'est en conséquence, à juste titre, que le premier juge a relevé que les demandes dont est saisi le tribunal judiciaire de Paris dans le cadre de la présente instance ne dépendent pas de l'action initiée par le Procureur de la République près le tribunal de Draguignan, les demandes formées par les appelants étant fondées sur la contrefaçon de marques et la concurrence déloyale et parasitaire, tandis que le juge d'instruction près le tribunal judiciaire de Draguignan est saisi de faits d'abus de confiance, information judiciaire ouverte, au demeurant, contre X sans qu'aucune mise en examen n'ait été prononcée en l'état des éléments versés par les appelants. Il ne peut davantage être invoquée une litispendance, l'objet de l'instance civile et de l'instance pénale n'étant pas identique.

C'est également, à bon escient, que le juge de la mise en état a relevé que M. [J] et la SCA DU DOMAINE DU [Adresse 15] ne démontrent pas que l'issue de la procédure pénale en cours serait de nature à exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du présent litige civil, et ce alors que les faits d'abus de confiance visés par le réquisitoire supplétif se seraient déroulés durant l'année 2018 alors que les faits de contrefaçon dont est saisi le tribunal judiciaire de Paris se seraient déroulés en 2017. L'erreur matérielle, quant à la date des faits retenus dans le cadre du réquisitoire supplétif invoquée par les appelants, n'est en outre nullement établie, et n'a, en tout état de cause, fait l'objet d'aucune rectification à ce jour.

Au surplus, ce sont les appelants eux-mêmes qui ont d'abord décidé d'agir sur un plan civil et de ne déposer plainte avec constitution de partie civile qu'ultérieurement pour des faits distincts de dégradation de biens.

C'est, en conséquence, pour de justes motifs que le premier juge a retenu qu'il n'est ni justifié ni opportun de prononcer un sursis à statuer, qui serait en outre de nature à allonger de manière déraisonnable l'issue de la présente instance introduite en 2019, l'ordonnance déférée étant en conséquence confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15], succombants, seront condamnés aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP BENICHOU OUGOUAG, et Maître Gachucha COURREGE, pour leur part respective, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner M. [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] à verser à la société LES CAVES DE L'AMIRAL une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par la SCP BENICHOU OUGOUAG, et Maître Gachucha COURREGE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] [J] et la SCA du DOMAINE DU [Adresse 15] à verser à la société LES CAVES DE L'AMIRAL une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/07844
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.07844 ?
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