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14/06/2023 | FRANCE | N°21/14942

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 juin 2023, 21/14942


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 087/2023, 3 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/14942 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEG7K



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 1ère chambre - RG n° 2017F01126 - Jonction avec le dossier RG 21/15001







APPELANTES



E.U.R.L. FREIGHT HANDLING LOGISTIC

- FHL

Société au capital de 7 500 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AMIENS sous le numéro 819 529 462

Agissant poursuites et diligences de ses représentants...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 087/2023, 3 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/14942 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEG7K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 1ère chambre - RG n° 2017F01126 - Jonction avec le dossier RG 21/15001

APPELANTES

E.U.R.L. FREIGHT HANDLING LOGISTIC - FHL

Société au capital de 7 500 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AMIENS sous le numéro 819 529 462

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

Assistée de Me Marie-José GONZALEZ RIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

S.A.S. TRANSPORTS MICHEL PAJKIC

Société au capital de 9 220 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de COMPIEGNE sous le numéro 440 273 753

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Benjamin PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G450

INTIMEES

E.U.R.L. FREIGHT HANDLING LOGISTIC - FHL

Société au capital de 7 500 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'AMIENS sous le numéro 819 529 462

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

Assistée de Me Marie-José GONZALEZ RIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

S.A.S.U. I M B LOGISTIQUE

Société au capital de 50 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PONTOISE sous le numéro 419 681 093

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Olivier GUIDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

S.A.S. TRANSPORTS MICHEL PAJKIC

Société au capital de 9 220 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de COMPIEGNE sous le numéro 440 273 753

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Benjamin PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G450

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHEE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Françoise BARUTEL, conseillère, faisant fonction de Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société IMB LOGISTIQUE, créée en 1998, est une société commissionnaire de transports, située à [Localité 6] (ci-après « IMB »).

Elle assure pour ses clients, composés de fournisseurs d'équipement de cuisines professionnelles (notamment les sociétés FRANKE et HK International ) et de grandes enseignes de restauration rapide (McDonald's, Burger King, KFC, etc...) des prestations de logistique, de transport et de manutention pour les matériels et équipements de cuisine installés au sein de leurs restaurants par ces sociétés spécialisées.

En janvier 2016, elle comptait 4 salariés à temps plein, à savoir :

- Mme [T] [S], présidente de la société, également salariée,

- Mme [A] [H] - épouse [L] - assistante commerciale,

- Mme [K] [X] attachée commerciale,

- M. [F] [W], cariste et responsable d'entrepôt.

Le 4 janvier 2016, Mme [L] a démissionné de ses fonctions avec un préavis de 3 mois. La rupture anticipée de son préavis a été prononcée le 20 janvier 2016.

Le 4 février 2016, Mme [X] a démissionné de ses fonctions, indiquant qu'elle quitterait IMB à la fin d'un préavis qu'elle souhaitait écourter à un mois, soit au 4 mars 2016.

Le 6 avril 2016, la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC (ci-après FHL), société commissionnaire de transport a été immatriculée au RCS d'Amiens (n° 819 529 462), avec un siège social situé au [Adresse 4] à [Localité 5], et un début d'activité renseigné sur le K-Bis à la date du 3 mars 2016.

La société TRANSPORT MICHEL PAJKIC ( ci après TMP), société immatriculée au RCS de Compiègne (n°440 273 753), dont le siège social est situé à [Localité 7], est une société de transports qui effectuait des prestations avec la société IMB LOGISTIQUE, en qualité de sous-traitant.

Estimant être victime d'actes de concurrence déloyale commis par les sociétés FHL et TMP, la société IMB a été autorisée par deux ordonnances en date du 8 juillet 2016 du vice-président du tribunal de commerce de Bobigny à procéder à des mesures d'instruction, conformément à l'article 145 du code de procédure civile. Les opérations de saisie ont eu lieu le 20 juillet 2016 dans des locaux situés dans la zone de fret cargo de l'aéroport [8] occupés par les sociétés FHL et TMP, l'huissier de justice procédant à la saisie d'un certain nombre de fichiers et pièces qui, conformément aux dispositions de l'ordonnance, ont été conservés sous séquestre.

Le 2 août 2016, les sociétés FHL et TMP ont fait assigner en référé la société IMB aux fins de rétractation des ordonnances du 8 juillet 2016. Par deux ordonnances de référé du 4 octobre 2016, le président du tribunal de commerce a rejeté les demandes de rétractation des ordonnances, décisions frappées d'appel par les sociétés FHL et TMP.

Le 10 janvier 2017, la société IMB a attrait les sociétés FHL et TMP en référé afin de demander au président du tribunal de commerce de Bobigny la remise des pièces saisies dans le cadre de l'ordonnance du 7 juillet 2016, les sociétés FHL et TMP ont alors sollicité et obtenu qu'il soit sursis à statuer concernant la remise des pièces dans l'attente des décisions à venir de la cour d'appel relatives aux demandes de rétractation des ordonnances du 7 juillet 2016 par une ordonnance rendue le 28 février 2017.

Par arrêt du 14 décembre 2017, la cour d'appel de Paris a fait droit à la demande de rétractation présentée par la société TMP en raison d'un manquement aux formes requises quant à la signification de l'ordonnance rendue sur requête.

Par arrêt du 5 juillet 2018, la cour d'appel de Paris a rejeté la demande en rétractation formulée par la société FHL et confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions, et par un arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par cette dernière.

Parallèlement, la société IMB a fait assigner les sociétés FHL et TMP par actes du 2 août 2017, dénonçant des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre.

Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal a débouté les sociétés FHL et TMP de leur demande de sursis à statuer et a ordonné la levée du séquestre des pièces concernant la société FHL.

Dans un jugement rendu le 6 juillet 2021 dont appel, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- débouté l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKJC (TMP) de sa demande de mise hors de cause ;

- condamné in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) à payer la somme de 434 000 € à la SAS IMB LOGISTIQUE ;

- débouté la SAS IMB LOGISTIQUE de sa demande d'interdiction d'utilisation de sa grille tarifaire ;

- débouté l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) de leur demande de dommages et intérêts ;

- condamné in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) à payer la somme de 40 000 € à la SAS IMB LOGISTIQUE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire mais dit que la somme de 434 000 euros devra être déposée en séquestre à la Caisse des Dépôts et Consignations ;

- condamné in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 90,25 € TTC dont 15,04€ de TVA.

Le 29 juillet 2021, la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC a interjeté appel de ce jugement, instance enrôlée sous le N° de RG 21/14942.

Le 30 juillet 2021, la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC a interjeté appel de ce jugement, instance enrôlée sous le N° de RG 21/15001.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 janvier 2022.

La médiation ordonnée par le conseiller de la mise en état le 11 janvier 2022 n'a pas abouti.

Par ordonnances du 18 janvier 2022, le magistrat délégataire du Premier président de la cour d'appel de Paris, saisi par les sociétés FHL et TMP, a ordonné la levée de l'exécution provisoire du jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Bobigny et a autorisé la société FHL à consigner la somme de 100.000€ à la Caisse des dépôts et consignations.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées par RPVA le 3 mars 2023, la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny du 6 juillet 2021,

- déclarer recevable et bien fondée la société FHL en son appel ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 6 juillet 2021, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société IMB LOGISTIQUE tendant à faire interdiction d'utiliser la grille tarifaire ;

En conséquence,

Statuant à nouveau,

- déclarer mal fondées les demandes formulées contre la société FHL, aucun acte de concurrence déloyale ne pouvant lui être reproché qui aurait donné lieu à la réalisation d'un préjudice pouvant être invoqué par la société IMB LOGISTIQUE ;

- débouter la société IMB LOGISTQIUE de toutes ses demandes ;

- condamner la société IMB LOGISTIQUE à payer à FHL une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et du caractère abusif de la présente procédure ;

- condamner la société IMB LOGISTIQUE à payer à la société FHL la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées par RPVA le 6 mars 2023, la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en date du 6 juillet 2021, signifié le 19 juillet 2021,

Vu l'appel interjeté par la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC devant la cour d'Appel de Paris à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en date du 6 juillet 2021,

- déclarer recevable et bien fondée la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC en son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny, en date du 6 juillet 2021, en ce qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société FHL, à payer à la société IMB LOGISTIQUE une somme de 434.000 € à titre de dommages et intérêts, pour de prétendus actes de concurrence déloyale, outre une somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement dont appel, en toutes ses dispositions, ayant condamné la société TMP ;

En tout état de cause

- rejeter toutes les demandes de la société IMB LOGISTIQUE ;

- condamner la société IMB LOGISTIQUE à payer à la société TRANSPORT MICHEL PAJKIC une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner aux entiers dépens.

Dans ses conclusions, numérotées 2 et notifiées le 29 janvier 2023, la société IMB LOGISTIQUE demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces et jurisprudences versées aux débats,

- confirmer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a :

- jugé que la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC et la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la SAS IMB LOGISTIQUE ;

- débouté l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) de sa demande de mise hors de cause ;

- débouté l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) de leur demande de dommages et intérêts ;

- condamné in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL

TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) à payer la somme de 40.000 € à la SAS IMB LOGISTIQUE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL

TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) aux dépens ;

- infirmer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a :

- limité la condamnation in solidum l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) à payer la somme de 434.000 € à titre de dommages intérêts à la SAS IMB LOGISTIQUE ;

Et statuant à nouveau sur le préjudice :

- recevoir la SAS IMB LOGISTIQUE en son appel incident ;

- condamner in solidum la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC et la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC à verser à la SAS IMB LOGISTIQUE la somme de 933.034€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier subi par la société IMB ;

En tout état de cause :

- débouter l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) de leurs demandes, fins et prétentions en cause d'appel ;

- condamner in solidum la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et la société TRANSPORTS MICHEL PAJKIC (TMP) à payer à la SAS IMB LOGISTIQUE la somme de 40.000 €, en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

- condamner in solidum les sociétés FREIGHT HANDLING LOGISTIC et TRANSPORTS

MICHEL PAJKIC aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le chef du jugement non critiqué

Le jugement n'est pas critiqué, et est donc définitif, en ce qu'il a débouté la société IMB LOGISTIQUE de sa demande d'interdiction d'utilisation de sa grille tarifaire.

Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire

La société IMB soutient essentiellement avoir été victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société FHL avec la participation de la société TMP, la société FHL ayant été spécifiquement créée par deux de ses anciennes salariées pour détourner ses principaux clients. Elle expose que la société FHL a ainsi été constituée de manière occulte pour dissimuler les activités de Mmes [L] et [X], avec un siège social et un gérant fictifs et a ainsi pu démarrer son activité avant son immatriculation; qu'avant même sa constitution, ses deux anciennes salariées ont commencé à démarcher activement ses clients, les prestations étant facturées par la société TMP qui a en reversé une partie à la société FHL; que cette société a débauché ses deux responsables commerciales qui disposaient de son savoir faire et de ses informations commerciales et financières, même si elle n'a employé officiellement que Mme [L], les mails saisis démontrant l'implication de Mme [X]; que ce débauchage des deux salariées qui géraient seules son activité commerciale a complètement désorganisé son activité; que la société FHL a exploité son fichier client et a procédé à un démarchage systématique de sa clientèle lui permettant d'être immédiatement opérationnelle, la liste des clients établie suite aux opérations de saisie démontrant que l'ensemble des clients de la société FHL sont d'anciens clients et partenaires commerciaux; que, par ailleurs, la société FHL a utilisé sa propre grille tarifaire, document confidentiel et fruit d'un travail important. Elle conteste la valeur probante des attestations versées à hauteur d'appel s'agissant tant d'anciens salariés que de ses anciennes clientes, à l'encontre desquelles elle a intenté, pour certaines, des procès pour rupture abusive de relations commerciales établies.

La société IMB reproche par ailleurs à la société TMP sa complicité dans les faits de concurrence déloyale commis à son encontre puisque cette société a hébergé la société FHL, a profité de prestations réalisées par Mme [X] alors qu'elle était encore sa salariée, et qu'elle l'a même embauchée pour contourner son obligation de non concurrence, pour finir par rompre brutalement ses relations commerciales avec elle. Elle ajoute que la société TMP a accepté de facturer des prestations pour le compte de la société FHL, le temps qu'elle obtienne son numéro d'accréditation pour exercer une activité de commissionnaire de transport.

La société FHL conteste l'ensemble des faits qui lui sont imputés rappelant que le principe est la liberté de concurrence, qu'un salarié peut créer une entreprise concurrente et même prospecter des anciens clients s'il le fait dans des conditions loyales et qu'il appartient au demandeur d'apporter, non pas de simples présomptions, mais la preuve d'agissements déloyaux, ce que ne fait pas, selon elle, la société IMB. Elle expose à cet égard que Mme [L] n'était pas liée par une clause non concurrence, que Mme [X], qui n'a jamais été sa salariée, était liée par une clause de non concurrence qui a été annulée par le conseil de Prud'hommes de Nanterre le 7 décembre 2020; qu'elle n'a jamais été constituée de manière occulte, ayant fait l'objet des publicités légales; qu'il ne peut lui être imputé des faits de débauchage, ayant été créée après la démission des salariées en cause; que la société IMB est la seule responsable de la désorganisation qu'elle allègue en ayant choisi notamment de rompre de manière anticipée le préavis de Mme [L]; que la grille tarifaire en cause lui a été remise par un de ses clients, comme il est d'usage et qu'il ne porte que sur des tarifs de transport de 2014, qui n'étaient plus d'actualité en 2016; qu'elle n'a pas procédé au détournement illicite des clientes de la société IMB, avec lesquelles il n'existait pas de clause d'exclusivité et qui se sont tournées vers elle car elles n'étaient pas satisfaites de ses prestations ou de ses conditions tarifaires ou car elles souhaitaient diversifier leurs prestataires, la société IMB ne démontrant aucun démarchage actif de sa part alors qu'elles oeuvrent toutes deux dans un secteur très concurrentiel. La société FHL souligne qu'en tout état de cause la société IMB ne démontre nullement que la baisse de son chiffre d'affaires est causé par un agissement fautif de sa part, alors qu'elle-même a tenté de le minimiser en différant certaines facturations ou en transférant le chiffre d'affaires réalisé sur une autre société liée à sa gérante.

La société TMP critique la décision du tribunal, qui ne s'est fondé, selon elle, que sur des présomptions alors qu'il n'existe aucune preuve qu'elle se serait livrée à des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société IMB. Elle constate que le fait qu'elle a pu héberger la société FHL ou lui facturer des prestations ou encore embaucher Mme [X], ( son activité n'étant pas concernée par la clause de non concurrence imposée à cette salariée) ne constituent aucun comportement déloyal; que si Mme [X] a pu réaliser des prestations administratives alors qu'elle était encore salariée de la société FHL, c'est en accord avec elle, ce genre de prestations étant réalisé pour d'autres sociétés identiquement; qu'il n'est nullement démontré qu'elle aurait encaissé des facturations pour le compte de la société FHL le temps qu'elle obtienne son numéro d'accréditation.

La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d'investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit ou un service qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.

En outre, la cour rappelle également que l'exercice par un ancien salarié, d'une activité concurrente de celle pratiquée par l'entreprise dans laquelle il était auparavant employé n'est pas constitutif d'actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette activité n'était pas interdite par une clause contractuelle et qu'elle n'a pas été accompagnée d'actes déloyaux ou de pratiques illicites. Ainsi, dans ces conditions, un salarié peut mettre à profit l'expérience et les connaissances qu'il a acquises au profit d'un autre employeur, fût-ce dans le même secteur que celui de la société dont il était antérieurement salarié, et peut, pareillement, préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu'après l'expiration du contrat de travail.

La charge de la preuve incombe au cas présent à la société IMB.

Sur les actes invoqués à l'encontre de la société FHL

Il n'est pas contesté que Mme [A] [H] épouse [L], employée en qualité d'assistante commerciale au sein de la société IMB, a démissionné le 4 janvier 2016, qu'il a été mis fin à son préavis le 20 janvier 2016 et qu'elle n'était liée par aucune clause de non concurrence à l'égard de son employeur. Mme [A] [H] épouse [L] a été embauchée en qualité de salariée par la société FHL à compter du 2 juin 2016.

Mme [K] [X], employée en qualité d'attachée commerciale au sein de la société IMB, a démissionné le 4 février 2016, son préavis prenant fin le 4 mars 2016. Elle était liée par une clause de non concurrence à la société IMB pour une année et qui expirait le 4 février 2017, qui a été annulée par un jugement du conseil des Prud'hommes du 7 décembre 2020. Mme [X] a, quant à elle, été salariée de la société TMP du 2 mai au 2 juin 2016, puis a été embauchée à compter du 5 septembre 2016 par la société BOLLORE LOGISTICS.

Il ressort également des explications des parties que la société IMB travaille essentiellement avec des sociétés de «fast food» et deux prestataires en charge de l'installation de leurs cuisines (essentiellement FRANKE et HK), soit un nombre restreint de clients, qui avaient déjà décidé, à compter de 2012, de faire appel à un prestataire concurrent de la société IMB.

La société FHL a été immatriculée le 6 avril 2016, avec pour gérant M. [R] [C], et a commencé son activité, selon son extrait KBIS, le 3 mars 2016.

La société IMB invoque d'abord, comme grief, la constitution occulte de la société FHL avec un faux gérant à sa tête ainsi qu'un faux siège social. Cependant, il doit être relevé qu'à l'occasion de la constitution de la société FHL, les formalités prévues par la loi ont été respectées, la société FHL ayant valablement été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. De plus, le siège social dont il n'est nullement établi qu'il serait fictif, peut être différent du lieu d'exploitation. Enfin, il n'est pas davantage établi que le gérant n'est qu'un prête nom, la société FHL démontrant, en tout état de cause, son implication dans la bonne marche de la société.

Par ailleurs, la société IMB ne peut reprocher à la société FHL d'avoir procédé au débauchage de ses deux salariés, puisqu'à la date de leur démission les 4 janvier et 4 février 2016, la société IMB n'était pas constituée et n'avait pas commencé son activité et que Mme [L] n'a été embauchée que le 2 juin 2016. Enfin, il n'est nullement argué que Mme [L] ait bénéficié de conditions financières anormalement avantageuses auprès de ce nouvel employeur. Il n'existe en conséquence aucun démarchage organisé fautif de la part de la société FHL.

Il y a lieu, cependant, de constater que si Mme [X] n'a jamais été salariée de la société IMB, il ressort, cependant, d'au moins quatre mails adressés à son nom, sur son adresse mail personnelle ou sur une adresse fonctionnelle de la société FHL, qu'elle a répondu entre les mois de mai et septembre 2016 à certains clients et a proposé un devis pour une intervention réclamée par la société FRANKE. Cet emploi dissimulé, ou à tout le moins ces prestations réalisées pour le compte de la société FHL de manière officieuse, et alors que le contrat de travail de Mme [X] comportait une clause de non concurrence, même si elle a été annulée depuis, constitue un acte déloyal commis au détriment de son ancien employeur, la cour rappelant que la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ancien salarié en raison d'actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice. (Cass soc 3 nov 2010 n°09-42572).

S'agissant de Mme [L], la société IMB démontre qu'elle a été en relation d'affaires dès le mois de mars 2016 avec certains de ses clients, soit la société FRANKE, HK et RICO pour l'organisation de la logistique de chaîne de restauration rapide tels Mc Donald's, Burger Kid ou encore la société Coca Cola. Ces échanges attestent de ce que du mois de mars au mois de juin 2016, soit avant son embauche, et donc de manière dissimulée, ou à tout le moins officieuse, Mme [L] a commencé à travailler pour la société FHL.

Cependant, à compter de son embauche officielle le 2 juin 2016, il convient de rappeler qu'elle était libre, le cas échéant, d'être embauchée par une société concurrente, n'étant liée par aucune clause de non concurrence à l'égard de son ancien employeur, ou même de participer à la création d'une société ayant une activité similaire. Par ailleurs, les échanges de mails produits par la société IMB, postérieurement à sa démission correspondent à des sollicitations de clients auprès de Mme [L] et, non, à un démarchage actif de cette dernière. Il ne peut enfin être reproché à Mme [L] d'avoir souhaité exploiter au mieux ses compétences professionnelles dans ce secteur dans lequel elle oeuvre depuis plusieurs années et de les avoir mises au services de la société FHL nouvellement créée qui a ainsi pu bénéficier de celles-ci dès sa création de celles-ci.

La société IMB dénonce également une désorganisation de son activité consécutive à ces embauches, comme le démontre, selon elle, la chute brutale de son chiffre d'affaires. Néanmoins, s'il ne peut être contesté que le départ de deux salariés ayant une ancienneté notable, sur un effectif de quatre, génère des perturbations conjoncturelles inévitables, la cour constate que l'intimée échoue à démontrer que la situation de crise et de désorganisation qu'elle décrit serait causée par le départ fautif de ces salariés.

Ainsi, alors que la société IMB insiste sur le rôle important joué par Mme [L] en son sein, il convient de constater qu'elle n'a pas pris la précaution de prévoir une clause de non concurrence dans son contrat de travail et a décidé de mettre fin à son préavis, avant le terme convenu.

Il ressort, en outre, des attestations produites de salariés ayant travaillé après le départ de Mmes [L] et [X] pour la société IMB que la gérante a très rapidement procédé à des remplacements, avec un nouvel organigramme présenté aux clients dès le 17 février 2016, mais que son management s'est révélé inadapté tant à l'égard des salariés, qui, pour certains, ont démissionné ou ont été licenciés, qu'à l'égard de ses clients. Sur ce point, les sociétés intimées versent aux débats de nombreux échanges de mails ou attestations de responsables commerciaux émanant des clients de la société IBM faisant état de leur mécontentement dans la qualité des prestations offertes.

À titre d'exemple, la société HK, prestataire pour la conception et l'installation de cuisine pour la société Mc Donald's, mentionne que, jusqu'en 2012, la société IMB était le seul prestataire agréé mais qu'elle a décidé de diversifier ses prestataires «compte tenu de la forte baisse de qualité des prestations fournies par IMB LOGISTIQUE» et qu'«en dépit des avertissements répétés et du référencement d'autres prestataires par Mc Donald's, IMB n'a pourtant pris aucune mesure corrective afin de fournir un service de qualité au client final. La qualité des prestations, a, au contraire, continué à se dégrader. (...) Nous avons pris soin d'alerter votre cliente à maintes reprises entre 2012 et 2016 . (..) IMB LOGISTIQUE n'a non seulement pas répondu à ces alertes répétées mais n'a pris aucune mesure visant à remédier à la situation.»

M. [F] [W], déjà salarié de la société IMB, lorsque Mmes [L] et [X] ont démissionné, atteste de ce que, dès leur départ, Mme [S] a recruté trois autres salariés mais que «l'ambiance était pesante», «la dirigeante étant obnubilée par [le départ] de Mmes [L] et [X]», «très rapidement les premiers problèmes sont apparus, mes collègues me rapportaient que les clients étaient mécontents, qu'il y avait des soucis de transport (..) Ils me disaient également que l'approche de Mme [S] mettait mal à l'aise les clients», et dans ce contexte deux des salariés nouvellement recrutés sont parties. Il précise également que «certains clients (...) se plaignaient régulièrement auprès de moi. Ils me racontaient les problèmes de surfacturation à répétition, le refus de transmettre les états de stock qui étaient auparavant transmis régulièrement. Tous me disaient que le comportement de la dirigeante était anti-commerciale et plutôt agressive lorsqu'ils faisaient part de leurs réclamations.»

M. [U], embauché pour remplacer Mme [L], décrit également le même contexte en ces termes « après le départ de Mme [X], avec mes deux collaborateurs nous étions en charge de la totalité des opérations d'exploitations. Faute de formations suffisantes, en partie liée à la non transmission du savoir de Mme [L], celle-ci ayant été congédiée avant notre arrivée, le rapide départ de Mme [X], poussée à démissionner par la pression psychologique et le climat pesant instauré par la direction, ainsi que la non participation de Mme [S] aux opérations, occupée à conduire ses investigations contre ses anciennes salariées, des erreurs ont été commises suite à ces quelques soucis, la relation avec la clientèle fast food s'est légèrement dégradée (...) Mme [S] qui avait repris la gestion commerciale a fini par ses méthodes hors normes et son manque total de professionnalisme de crisper la clientèle.»

Un ancien salarié témoigne également de ce que Mme [S] a décidé en août 2016 d'augmenter « de manière démesurée le prix de la location des surfaces d'entreposage, notamment au client Mc Donald's. Une augmentation de l'ordre de 50%. (...) Cette mesure a contribué à clore définitivement la relation avec le client historique de la société IMB».

Si la société IMB soutient qu'il s'agit d'attestations de complaisance qui n'ont pour objectif que de jeter le discrédit sur sa dirigeante, il doit pourtant être constaté qu'elles sont corroborées par des attestations, mails ou courriers de clients décrivant la même situation.

La société IMB soutient également que la société FHL aurait détourné son fichier client et aurait ainsi procédé à un démarchage systématique de sa clientèle.

Cependant, outre qu'aucun fichier client lui appartenant n'a été retrouvé à l'occasion des opérations de saisie contrefaçon qui se sont déroulées au sein des locaux de la société FHL, il n'est nullement rapporté la preuve d'un démarchage «systématique» de ses clients par la société FHL, mais au contraire la volonté de ces derniers de trouver un nouveau prestataire de qualité, les mails produits faisant état de sollicitations de ses derniers auprès de Mme [L] et de la société FHL. À cet égard, M. [M] [G] ( pièce 44 de FHL), ancien contact de Mme [L] au sein de la société KFC France jusqu'en 2015, après avoir appris qu'elle avait quitté la société IMB en 2016, a attesté l'avoir recommandée auprès de ses anciens collègues de la société KFC, précisant « avoir toujours été satisfait de ces prestations.»

La société IMB ne démontre pas davantage que les références de ses clients ont été obtenues par un détournement illicite de ses fichiers, malgré les investigations menées par l'huissier de justice, plutôt que par les connaissances et les relations suivies de Mme [L], notamment avec des clients connus de longue date avec lesquels se nouent inévitablement une relation intuitu personae, sur le marché spécifique en cause. En outre, ces clients, qui n'étaient tenus à aucune clause d'exclusivité avec la société IMB, étaient libres de contracter avec une société concurrente.

Ainsi, si la société IMB démontre que les clients de la société FHL sont constitués de ses six principaux anciens clients, ce que ne conteste pas au demeurant l'appelante, ce seul constat, en l'absence de preuve de tout démarchage fautif, et dans un contexte où ces derniers n'étaient manifestement plus satisfaits des prestations offertes, ne peut suffire à caractériser un agissement déloyal.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société IMB, il n'est versé aucun élément de preuve tendant à démontrer que Mmes [L] et [X] aient procédé au moindre acte déloyal alors qu'elles étaient encore ses salariées. Ainsi, il n'est nullement établi que le projet FANZONE pour lequel Mme [L] avait proposé un devis avant son départ de la société IMB pour le client FRANKE (pièce 40.1) ait été in fine assuré par la société FHL, ce qui ne ressort pas suffisamment de la facture établie par la société TMP à destination de FHL en date du 31 mai 2016, ce type de projet s'inscrivant manifestement dans le cadre de la compétition de l'Euro 2016 de football qui a généré de nombreux événements sur plusieurs sites.

La société IMB dénonce également l'usage par la société FHL de sa grille tarifaire et l'avantage concurrentiel indu dont elle a ainsi bénéficié.

La cour constate, au vu des pièces 11 et 12 produites par la société IMB, que la société FHL a établi une grille tarifaire reprenant, à quelques rares exceptions prés, les mêmes mentions et tarifs que ceux figurant sur la grille tarifaire de la société IMB, avec une présentation très similaire, soit une tarification identique pour les 7 zones géographiques ayant, chacune, 25 catégories. Même si cette grille est assez banale dans son apparence, il n'en demeure pas moins qu'elle constitue, au cas d'espèce et pour le secteur considéré, une information commerciale stratégique, fruit d'une expérience, d'investissement et d'un savoir-faire, puisque son élaboration suppose la prise en compte complexe de plusieurs variables (zone géographique, volume de marchandises transportées), soit une valeur économique individualisée, que la société FHL s'est appropriée, la pièce 80 communiquée ne démontrant nullement qu'elle aurait été communiquée par un client, et a, ainsi, bénéficié d'un avantage concurrentiel indu, même si cette grille concerne l'année 2014.

Au total, trois griefs dénoncés par la société IMB à l'encontre de la société FHL sont donc constitués, au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, à savoir l'emploi de manière dissimulée de Mmes [X] et [L] sur quatre mois et l'exploitation de la grille tarifaire de la société IMB.

Sur les actes invoqués à l'encontre de la société TMP

La société IMB reproche d'abord à la société TMP d'avoir hébergé la société FHL dans ses locaux lui permettant ainsi de démarrer rapidement son activité. Cependant, le fait que la société TMP a accepté d'héberger dans ses locaux la société FHL lors de sa création résulte d'accords pris entre ces deux sociétés et ne peut constituer un comportement fautif, en termes de concurrence déloyale, à l'égard de la société IMB.

La société IMB soutient ensuite que Mme [X] a accompli des tâches pour le compte de la société TMP pendant son temps de travail et que cette dernière a ensuite été embauchée par la société TMP pour contourner l'obligation de non concurrence qui la liait à la société FHL.

Toutefois, la société TMP démontre au travers de plusieurs attestations que si Mme [X] a pu apporter son aide à des sociétés de transport travaillant avec la société IMB, dont la société TMP, cette aide, se limitant à des impression de factures, de devis ou de mail, était connue et tolérée par la dirigeante de la société IMB et ne caractérise nullement un acte de concurrence déloyale imputable à la société TMP.

Par ailleurs, si Mme [X] a effectivement été embauchée durant un mois par la société TMP, il n'est nullement démontré que ce contrat de travail aurait été fictif, alors que durant cette période, soit du 2 mai au 2 juin 2016, elle n'a répondu qu'à un mail pour le compte de la société FHL et qu'il n'est pas davantage établi que la société TMP connaissait ces interventions ponctuelles. Enfin, cette embauche ne contrevient pas à la clause de non concurrence imposée à Mme [X], au regard des secteurs différents concernés.

Le grief tenant à la rupture injustifiée des relations avec la société IMB par la société TMP n'est nullement établi alors que celle-ci, en sa qualité de sous-traitante, était dépendante de la société IMB qui ne l'a plus commissionnée suite, notamment, à une altercation entre les deux dirigeants liée à un retard de paiement par la société IMB. Au surplus, les attestations produites par la société IMB pour étayer ses accusations sont à prendre avec circonspection, une salarié d'IMB (Mme [Z]) ayant précisé que Mme [S], gérante de la société IMB, lui avait demandé de faire une attestation relatant des propos qui n'étaient pas «conformes» aux faits réels.

La société IMB reproche également à la société TMP d'avoir été rémunérée par les clients de la société FHL dans l'attente qu'elle obtienne son numéro d'accréditation APE. Cependant, ces facturations (soit quatre factures de la société TMP émises au nom de la société FHL et une facture de la société FHL émise au nom de la société TMP, produites en pièce 49 par la société IMB) ne font que démontrer l'existence de relations commerciales, au demeurant non contestées, entre une société commissionnaire de transport et son transporteur et sont en outre datées du mois de mai 2016, soit postérieurement à l'accréditation obtenue.

Enfin, le fait que les deux sociétés aient pu avoir le même expert comptable ou le même conseil en première instance ou que l'ordonnance sur requête ait fait l'objet d'une rétractation au motif que Mme [L] ne pouvait recevoir la signification de l'ordonnance au nom de la société TMP ne suffit nullement à établir la «complicité» de la société TMP dans les actes de concurrence déloyale et parasitaire imputés à la société FHL.

En conséquence, il convient de retenir que la société IMB échoue à démontrer que la société TMP s'est livrée à des agissements déloyaux et parasitaires à son égard, le jugement entrepris étant en conséquence infirmé sur ce point.

Sur le préjudice

La société IMB estime que le tribunal de commerce a sous estimé le préjudice qu'elle a subi, ayant vu l'intégralité de ses clients disparaître et son chiffre d'affaires s'effondrer en quelques mois alors que ses résultats étaient en pleine progression et, que, concomitamment, les chiffres d'affaires des sociétés FHL et TMP ont connu une augmentation spectaculaire, grâce notamment à la captation de ses deux plus gros clients, les sociétés FRANKE et HK. Elle en déduit que son préjudice doit être évalué sur une période de deux exercices, à partir de la marge brute qu'elle réalisait avant d'être victime de ces agissements ou de la perte de chiffre d'affaires subie.

Elle conteste avoir transféré son activité vers une société tierce et rappelle que les actions qu'elle a intentées à l'encontre de ses autres clients visent à obtenir la réparation d'un préjudice distinct, causé par la rupture brutale des relations commerciales qu'elles entretenaient depuis plusieurs années.

La société FHL constate d'abord que la société IMB multiplie de façon cumulative ses demandes indemnitaires tant à son égard qu'à l'encontre de ses anciens clients, démontrant sa volonté de s'enrichir. Elle estime que le tribunal a réalisé une mauvaise appréciation tant du principe que du quantum du préjudice en ne tenant compte que du chiffre d'affaires sans opérer de déduction des charges variables et, notamment, de sous-traitance, la marge retenue n'étant nullement justifiée, rappelant que la réparation d'un dommage résultant d'une perte de chance ne peut être que partielle. Elle souligne que la baisse du chiffre d'affaires trouve également à s'expliquer par la démission des deux salariés qui n'est pas fautive, sans que la société IMB ait tenté de reconstituer son équipe de manière efficiente.

La cour rappelle que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.

À titre liminaire, il doit être rappelé que si la société IMB a diligenté des actions judiciaires à l'encontre de ses anciens clients les accusant de ruptures brutales de relations commerciales établies, ces actions, au fondement juridique différent, visent à réparer un préjudice distinct de celui argué au titre de la concurrence déloyale, de sorte que la société FHL n'est pas fondée à invoquer à l'encontre de son adversaire un enrichissement sans cause.

Pour conclure à la confirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce lui ayant octroyé un dédommagement à hauteur de 434.000€ et à l'octroi d'une somme complémentaire de 933.034€, la société IMB fait état d'une baisse de son chiffre d'affaires entre la période juillet-décembre 2015 (892.468€) et la période juillet-décembre 2016 (325.476€) et le très bon chiffre d'affaires réalisé par la société FHL dès son début d'activité, essentiellement avec ses anciens clients ( soit en 2016, 905.126€ puis en 2017, 1.613.520€).

Il ressort par ailleurs des comptes annuels clos produits par la société IMB que son résultat d'exploitation s'est élevé à 71.194€ au 30 juin 2015, 70.180€ au 30 juin 2016 puis à -59.462€ au 30 juin 2017, -47.431€ au 30 juin 2018 et -4.708€ au 30 juin 2019.

Il n'est pas contesté par la société FHL qu'elle a développé sa nouvelle activité notamment avec les deux principaux clients de la société IMB soit les société FRANKE et HK, qui ont cependant continué à entretenir avec la société IMB un flux d'affaires sur la période 2016-2017.

Cependant, comme déjà relevé ci-dessus, la baisse du chiffre d'affaires objectivée par la société FHL et l'augmentation corrélative de celui de la société IMB trouvent à s'expliquer par le choix de sa clientèle, non tenue par une clause d'exclusivité, de se détourner de ses services, manifestement insatisfaite des prestations offertes et de la politique commerciale de sa gérante, (pour certains, avant même la création de la société FHL, puisqu'un autre sous-traitant, la société SSDT a été sollicité à compter de 2012), outre les problèmes liés à la gestion du personnel nouvellement recruté, indépendamment de toute faute imputable à la société FHL.

En outre, il ressort d'une attestation d'un ancien salarié de la sociétés IMB que, suite au départ de Mmes [L] et [X] et dans l'optique d'introduire une action judiciaire aux fins d'afficher une baisse de son chiffre d'affaires sur l'exercice comptable 2015/2016, «Mme [S] a ordonné que la facturation des prestations réalisées sur la période juin, soit dans son immense majorité reportée en date de facturation sur juillet 2016.»

Par ailleurs, deux salariés de la société IMB témoignent de ce que les nouveaux clients de la société IMB LOGISTIC ont, en 2017, été facturés et livrés au nom de la société IMB WEB, ayant pour présidente Mme [S], fait corroboré par la production d'une facture.

Ces attestations précises et concordantes tendent ainsi à relativiser l'ampleur de la baisse d'activité invoquée par la société IMB au titre de son préjudice.

L'ensemble de ces éléments doit être remis en perspective avec les griefs retenus à l'encontre de la société FHL s'agissant du recours aux services de Mmes [L] et [X] de manière dissimulée pendant quatre mois et de l'exploitation de la grille tarifaire de la société IMB, la société FHL ayant ainsi bénéficié d'avantages indus pour lancer son activité et être immédiatement opérationnelle tout en ne supportant que très peu de charges, pénalisant d'autant la société IMB, qui ne peut, toutefois, revendiquer une perte de marge consécutive à la baisse de son chiffre d'affaires, qui ne relève d'aucun agissement fautif, comme il a été vu.

Il ressort des pièces versées par les parties, et notamment des comptes de la société IMB, que celle-ci a supporté sur l'exercice 2015 au titre des salaires et traitements, outre les charges sociales, pour les quatre salariés alors employés, une somme d'environ 250.000€, ce qui, rapporté à la période durant laquelle Mmes [L] et [X] ont travaillé de manière officieuse, représente pour la société FHL, un avantage indu de l'ordre de 42.000€.

Par ailleurs, l'exploitation de la grille tarifaire de la société IMB a permis à la société FHL de proposer immédiatement des tarifs compétitifs et adaptés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que le préjudice ainsi subi par la société IMB en lien avec les fautes relevées sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 60.000€.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé quant au quantum des condamnations prononcées.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de la société TMP

La société TMP estime que la société IMB a fait preuve d'acharnement à son égard et réclame à ce titre une somme de 50.000€ à titre dommages et intérêts.

Cependant, l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, la société TMP ne démontre pas la faute commise par la société IMB qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits. Elle ne justifie pas en outre de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, il convient de débouter la société IMB de sa demande reconventionnelle.

Sur la demande de la société FHL

Le sens de la présente décision commande de débouter la société FHL de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, la société IMB prospérant en une partie de ses demandes.

Le jugement déféré en est en conséquence confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes

Les sociétés TMP et FHL soulignent, à juste titre, que le tribunal de commerce a statué ultra petita en les condamnant in solidum à verser à la société IMB une somme de 40.000€ alors qu'il leur était réclamée, à chacune, uniquement une somme de 20.000€.

Il doit en conséquence être infirmé de ce chef.

La société FHL, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société FHL à verser à la société IMB une somme de 25.000 euros et la société IMB à verser une somme de 15.000€ à la société TMP, puisqu'elle succombe à son égard, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- débouté la société IMB LOGISTIQUE de sa demande d'interdiction d'utilisation de sa grille tarifaire,

- débouté l'EURL FREIGHT HANDLING LOGISTIC (FHL) et l'EURL TRANSPORT MICHEL PAJKIC (TMP) de leur demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société IMB LOGISTIQUE,

Condamne, en conséquence, la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC à verser à la société IMB LOGISTIQUE une somme de 60.000 euros en réparation de son préjudice,

Déboute la société IMB LOGISTIQUE de ses demandes formulées à l'encontre de la société TRANSPORT MICHEL PAJKIC,

Condamne la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société FREIGHT HANDLING LOGISTIC à verser à la société IMB LOGISTIQUE une somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société IMB LOGISTIQUE à verser à la société TRANSPORT MICHEL PAJKIC une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/14942
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;21.14942 ?
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