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14/06/2023 | FRANCE | N°21/02118

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 juin 2023, 21/02118


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02118 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIQD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F20/00475





APPELANTE



Madame [D] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136





INTIMEE



S.A. ICTS FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02118 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIQD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F20/00475

APPELANTE

Madame [D] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEE

S.A. ICTS FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François de Chanville, président de chambre

Madame Anne-Gaël Blanc, conseillère

Madame Florence Marques, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sarah SEBBAK

ARRET :

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ICTS France a pour activité exclusive la sûreté aérienne et aéroportuaire, et est notamment en charge de la sûreté des aéroports de [Localité 4].

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet du 17 avril 2002, Mme [D] [J] a été engagée par la société ICTS France, en qualité d'agent d'exploitation de sûreté aéroportuaire.

Par avenant en date du 5 novembre 2012 à effet du 1er décembre 2012, les parties ont convenu que le volume horaire mensuel de la salariée passerait à 136 heures.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 1351).

Au cours de la relation contractuelle, Mme [D] [J] a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires entre le 22 février 2008 et le 21 août 2012.

Mme [D] [J] a fait l'objet, après convocation du 11 septembre 2013 avec mise à pied conservatoire, et entretien préalable fixé au 19 septembre 2013, d'un licenciement pour faute grave le 25 septembre 2013.

Mme [D] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 17 août 2015 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner son employeur à lui verser diverses sommes.

L'affaire a été radiée le 29 novembre 2016 puis ré-inscripte au rôle le 8 décembre 2016.

Par jugement en date du 22 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de départage, a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [J] par la société ICTS France est justifié,

- débouté Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné Mme [J] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 22 février 2021, Mme [D] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, Mme [D] [J] demande à la Cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 22 janvier 2021,

Et Statuant à nouveau de :

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société ICTS France à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

* 22.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail,

* 3.502 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 350,20 euros au titre des congés payés afférents,

* 5.883,34 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 875 euros à titre de rappel de salaire sur période de mise à pied conservatoire,

* 1.871 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes s'agissant des créances salariales et de l'indemnité légale de licenciement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société ICTS France aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 août 2021, la société ICTS France demande à la Cour de :

- confirmer dans son intégralité le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Bobigny,

Y Ajoutant,

- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 25 septembre 2013 est rédigée comme suit :

" En effet, le 09 septembre 2013, positionnée en palpation sur le poste E2B du terminal 2E, vous n'avez pas appliqué les procédures de sûreté qui régissent votre activité d'agent de sûreté aéroportuaire.

Plus précisément, il nous a été rapporté par les services compétents de l'état que vous aviez laissé passer en zone réservée une passagère sans l'avoir contrôlée alors qu'elle avait déclenché l'alarme du portique. Trop occupée à bavarder avec votre collègue située en table de fouille, vous n'avez pas été attentive à l'exécution de vos fonctions, si bien que la passagère est partie en salle d'embarquement sans qu'elle n'ait subi la moindre vérification.

De tels agissements sont extrêmement graves et reflètent un comportement quelque peu laxiste que nous ne pouvons pas accepter car vous vous êtes fait fi du respect de règles de sureté, pourtant basiques et dont vous avez parfaitement connaissance puisque régulièrement communiquées en formation continue et en briefing.

Tout d'abord, vous devez impérativement rester au poste qui vous a été attribué par votre hiérarchie, notamment en l'espèce la position palpation.

Puis, vous devez stopper tout passager ayant déclenché la sonnerie du portique pour procéder à la palpation de celui-ci et lever tout doute quant aux éventuels effets personnels portés.

Vous avez agi avec légèreté sans mesurer les conséquences particulièrement préjudiciables de vos agissements fautifs sur le bon déroulement de nos opérations et plus particulièrement sur notre mission première qui est de sécuriser toutes les zones aéroportuaires réservées en vue de préserver les individus et les biens dont nous avons la charge.

Non seulement vous avez abandonné votre poste de travail sans autorisation de votre encadrement mais aves également perturbé le travail de votre collègue, laquelle n'avait non plus guère l'attention requise pour la bonne exécution de ses missions.

Nous vous rappelons que lorsque vous exercez vos fonctions, vous n'avez pas vocation à vous distraire et à distraire vos collègues de travail dans la mesure où vous devez avoir une attention et une vigilance accrues eu égard à la nature particulièrement sensible de notre activité.

En tant que société spécialisée dans le domaine de la sûreté, nous nous devons d'être très exigeants quant à la qualité des prestations que nous fournissons et à l'application des procédures car, il en va de la sécurité des personnes et des biens.

Or, vous avez failli à ces règles sans prendre en considération les intérêts de notre entreprise ni ceux de l'ensemble des passagers et personnels présents sur la plateforme aéroportuaire lors de la survenance de cet événement. Vous n'avez sans doute pas mesuré l'impact de votre défaillance, ce qui est fort condamnable.

Votre attitude soulève a posteriori les potentielles conséquences dommageables d'un tel incident pour notre entreprise ainsi que pour notre donneur d'ordre : la passagère a en l'occurrence pu prendre son avion sans aucune difficulté, que serait-il advenu si cette dernière avait transporté un objet susceptible d'engendrer une catastrophe tant dans l'enceinte de l'aéroport que dans l'aéronef.

Sans parler de la pénalité financière majeure qui aurait pu nous être imputée par la commission de sûreté en charge de la vérification de la bonne application de la réglementation par l'ensemble de nos collaborateurs. C'est dire les dommages collatéraux pour la renommée de notre entreprise, surtout en cette période de renouvellement de marché où chaque prestation est scrutée par les différents intervenants externes en charge de la sureté de l'aéroport [5].

Sachez que votre comportement que nous qualifions de manquement grave aux procédures de sûreté est inacceptable dans la mesure où il témoigne d'un manque total d'implication, de motivation et de conscience professionnelle.

Durant notre entretien, vous avez reconnu les faits tout en indiquant que vous n'aviez pris que quelques secondes pour échanger avec votre collègue au sujet de considérations personnelles.

Après vérification de votre version, il s'avère que ces quelques secondes que vous évoquez, ont été en réalité de très longues minutes et que votre attitude laissait transparaître un moment de détente, qui n'a guère lieu d'être sur un poste d'inspection filtrage où chaque maillon de la chaîne doit être à son poste pour que le degré de sureté exigé par l'état ne soit rompu.

Au demeurant, qu'il s'agisse de quelques secondes ou de quelques minutes, nous constatons que vous n'étiez pas à l'affectation qui était la vôtre et que vous avez négligé les responsabilités afférentes à vos missions d'agent de sûreté aéroportuaire, missions qui ne peuvent pas laisser place à ce type de négligence professionnelle.

Votre défaillance nécessairement préjudiciable, rend impossible votre maintien dans l'entreprise tant elle est fort peu professionnelle et en total désaccord avec les attentes qui sont les nôtres en notre qualité d'employeur.

Vous avez ouvertement violé vos obligations professionnelles en n'adoptant pas la posture adéquate et en appliquant pas nos directives de travail et la réglementation définie par les services compétents de l'état. [...] »

La salariée soutient que son employeur ne rapporte pas la preuve des griefs qui lui sont faits et en particulier celui selon lequel elle n'aurait pas été à son poste face au portique détecteur de métaux.

L'employeur verse aux débats un "constat de manquement contre personne morale" établi par le ministère de l'intérieur à l'encontre de la société ICTS après visionnage de l'enregistrement des images fournies par la caméra CSE982 aux fins de contrôle des objectifs quantitatifs et qualitatifs en terme de palpation de sûreté aéroportuaire duquel il résulte que " le 9 mars 2013 à 9h22 et 47 secondes une passagère ... passe sous le portique détecteur de masses métalliques et déclenche l'alarme matérialisée par l'allumage des diodes rouges au niveau des pieds... A aucun moment, elle ne ressort afin de se déchausser ou ne subit une palpation". Il est précisé que la passagère a ensuite continué son parcours et qu'il n'a pas été recherché la cause du déclenchement de l'alarme.

Il est constaté que la salariée ne conteste pas avoir été de service le 9 septembre 2013 ni avoir été affectée à la surveillance du portique en question et à la palpation en cas de besoin.

Par ailleurs, dans sa lettre de contestation du 3 octobre 2013, la salariée admet "avoir été de dos sur la vidéo" alors que son collègue apparaît face à son portique.

Il est ainsi établi que la salariée n'était pas positionnée de manière à surveiller le portique et qu'elle n'a pas procédé à la palpation après que la passagère a déclenché l'alarme visuelle. Ce seul grief caractérise une faute grave, laquelle a été commise alors que la salariée avait déja un lourd passé disciplinaire ( 6 avertissements et une mise à pied en 4 ans et demi), qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur, étant souligné que le manquement était de nature à porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes et susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire de l'entreprise ( amende administrative d'un montant maximum de 7500 euros).

Le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu'il a débouté Mme [D] [J] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires afférentes y compris le rappel de salaire pendant sa mise à pied.

2-Sur la demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement

Aux termes de l'article L 1232-2 du code du travail " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation."

Au cas d'espèce, si la lettre de convocation est datée du 11 septembre 2013, elle a été présentée le 16 septembre 2013 pour un entretien s'étant déroulé le 19 septembre 2013, soit moins de 5 jours après la présentation de la LRAR.

Pour autant, Mme [D] [J], qui a été assistée lors de l'entretien préalable par un salarié de la société, ne justifie pas d'un préjudice.

Elle est déboutée de sa demande d'indemnité.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [D] [J] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne Mme [D] [J] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02118
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;21.02118 ?
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