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14/06/2023 | FRANCE | N°21/02085

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 juin 2023, 21/02085


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02085 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIJ5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/05507





APPELANTE



Madame [J] [H] née [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]
r>Représentée par Me Pierre-henri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0213



INTIMEE



S.A.S. PERFORMANCE SPECIALTY PRODUCTS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02085 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIJ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/05507

APPELANTE

Madame [J] [H] née [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre-henri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0213

INTIMEE

S.A.S. PERFORMANCE SPECIALTY PRODUCTS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne MURGIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François de Chanville, président de chambre

Madame Anne-Gaël Blanc, conseillère

Madame Florence Marques, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sarah SEBBAK

ARRET :

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le groupe Dow-DuPont (anciennement le Groupe DuPont) intervient dans les domaines de la science et de l'innovation au service d'un grand nombre d'industries.

Il a pour mission de proposer des innovations scientifiques et techniques d'envergure internationale sous la forme de produits et de services novateurs sur des marchés diversifiés.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 juin 1990, Mme [J] [H] a été engagée par le groupe Dupont de Nemours France, en qualité d'inspectrice technico-commerciale, statut cadre, groupe V, coefficient 400, au sein du département industries graphiques, moyennant un salaire mensuel de 15000 francs .

A compter du 1er février 2000, la salariée a accepté un forfait en jours de 212 jours.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries chimiques, avenant 'cadres'.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute de base de Mme [H] s'établissait à la somme de 10.086,32 euros.

Par contrat de travail en date du 10 janvier 2011 à effet du 1er janvier 2011, Mme [J] [H] a été engagée par la société DuPont Solutions (France) , en qualité de responsable des ventes, coefficient 550, level 5, filière personnel commercial,groupe V, avec reprise d'ancienneté au 20 août 1990, moyennant une rémunération mensuelle versée sur 13 mois de 5944 euros.

Suivant avenant au contrat de travail à effet du 1er janvier 2014, Mme [J] [H] a été promue aux fonctions de Responsable Grands Comptes et a bénéficié du coefficient 660. Sa rémunération mensuelle a été fixée à 6.724 euros, outre les éventuelles primes afférentes à sa qualification.

A compter du 1er février 2017, Madame [H] a été positionnée sur un poste de Responsable Grands Comptes au niveau mondial.

A compter du 1er novembre 2018, en application de l'article L 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de Mme [J] [H] a été transféré à la SAS Performance Specialty Product France.

Le 29 janvier 2019, et jusqu'au 8 février 2019, Mme [H] a fait l'objet d'un arrêt de travail.

Le 22 février 2019, Mme [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de de la SAS Performance Specialty Products France.

Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 24 juin 2019, aux fins de faire requalifier sa prise d'acte du 22 février 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner la société à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 3 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

-débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Performance specialty products France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 19 février 2021, Mme [J] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2021, Mme [J] [H] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] des demandes suivantes :

* 175.568,29 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 80.690,56 euros, soit 8 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30.258,96 euros soit 3 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour manquement de la Société à son obligation de loyauté et à son obligation d'assurer la protection de la sécurité et la santé de Mme [H],

* 3.760,86 euros à titre de remboursement des frais de traduction exposés par Mme [H],

* 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- juger que la prise d'acte de Mme [H] aux torts de la société Performance specialty products France le 22 février 2019 doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la société a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail de Mme [H] et y a eu à comportement discriminatoire à son égard,

- juger que la société Performance specialty products France n'a pas respecté son obligation d'assurer la protection de la santé et la sécurité de Mme [H] notamment au regard des règles régissant le forfait jours,

- juger y avoir lieu au remboursement des frais de traduction exposés par Mme [H],

- condamner la société Performance specialty products France à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

* 175.568,29 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 80.690,56 euros, soit 8 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30.258,96 euros soit 3 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Performance specialty products France à son obligation de loyauté et à son obligation d'assurer la protection de la sécurité et la santé de Mme [H],

* 3.760,86 euros à titre de remboursement des frais de traduction exposés par Mme [H],

* 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les sommes versées portent intérêts au taux légal à compter du jour de la prise d'acte soit le 22 février 2019,

- ordonner la remise d'une attestation pôle emploi conforme à la décision à intervenir,

- juger que les sommes versées portent intérêts au taux légal à compter du jour de la prise d'acte soit le 22 février 2019.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juillet 2021, la société Performance specialty products France demande à la Cour de :

- constater que Mme [H] ne s'est vu imposer aucune rétrogradation, ni aucune modification de son contrat de travail,

- constater que Mme [H] ne peut reprocher à la société Performance specialty products France une absence d'évolution professionnelle,

- constater que la société Performance specialty products France n'a aucunement manqué à son obligation de sécurité, notamment au titre du forfait annuel en jours dont relevait Mme [H],

Par conséquent :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 3 juin 2020 en ce qu'il a débouté Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions au motif que sa prise d'acte ne saurait être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse et s'analyse en une démission,

- débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel,

- condamner Mme [H] à verser à la société Performance specialty products France la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens en cela compris les frais de signification de l'arrêt à venir.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la prise d'acte de la rupture du contrat

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.

La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 22 février 2019.

A l'appui de sa demande et aux termes de ses écritures la salariée invoque :

1-la modification unilatérale de ses fonctions à compter du 2 février 2017 dans le cadre de la nouvelle organisation du travail mise en place laquelle a constitué une véritable rétrogradation,

2-le non respect par son employeur du forfait en jours et de son obligation de préserver sa santé et sa sécurité, l'absence de moyen pour mener à bien ses missions,

3-des agissements déloyaux de son employeur consistant, notamment dans le rejet systématiques de ses candidatures et un blocage de son évolution de carrière.

En ce qui concerne le grief n° 1, il est remarqué que le courrier du 2 février 2017 indique clairement que madame [H] (outre 3 collègues) devient responsable grand compte Tyvek/Typar au niveau mondial (contre la fonction de responsable grand compte en europe de l'Ouest précédemment). Il est précisé qu'elle conserve sa place dans la hiérarchie administrative.

La cour comprend que la salariée a conservé sa fonction de responsable grand compte, en charge de 4 grands comptes ( évaluation 2018), et qu'elle a été positionnée au niveau mondial. Il s'agit là d'un changement dans ses conditions de travail et non une modification de son contrat de travail, exclusive de toute rétrogradation et que la salariée semble avoir apprécié (évaluation 2018, première partie). En outre, elle n'a subi aucune modification de sa position hiérarchique ni de sa rémunération.

Ce grief n'est pas retenu.

En ce qui concerne le grief n° 2, Mme [J] [H] qui ne demande pas que son forfait en jours lui soit déclaré inopposable, indique qu'aucun suivi de sa charge de travail, aucun entretien dans le cadre de son forfait en jour n'a été mis en place par son employeur. Elle soutient également qu'elle avait alerté à plusieurs reprises, tant à l'oral qu'à l'écrit son employeur de son manque de moyen pour mener à bien ses missions et sa charge de travail déraisonnable.

S'il est exact que la salariée n'a pas bénéficié de l'entretien spécifique prévu à l'article L3121-65 du code du travail, elle n'établit pas pour autant qu'elle a été soumise à une charge de travail déraisonnable, son mail du 25 janvier 2019 dans lequel elle s'en plaint fait également part de son incompréhension et de son sentiment d'injustice après qu'une rupture conventionnelle lui a été refusée et ses mails des 21 et 22 février 2019, pour certains adressés tôt le matin ( 7h22, 7h25 ) et tard le soir ( 22h26, 0h 52), outre qu'il n'établissent pas une amplitude de travail, sont insuffisants à établir une charge de travail habituellement trop importante. L'attestation de son coach psychopraticienne n'est pas de nature à rapporter la preuve de l'épuisement professionnel invoqué, ni l'arrêt maladie pendant quelques jours.

En ce qui concerne, le manque de moyens invoqués, la société ne répond pas. Il résulte cependant que la salariée s'est félicitée des résultats obtenus, avec son équipe lors de son évaluation 2017 et que si elle regrette l'absence de 'ressources adéquates pour effectuer un plan d'action local chez les clients utilisateurs finaux', elle souligne de nombreux succés. Il s'en déduit que la salariée n'a pas été entravée dans son activité professionnelle par le manque de moyens invoqué.

Ce grief n'est pas retenu.

Concernant le grief n°3, il ne peut qu'être constaté que la salariée a connu une progression constante au sein de la société DuPont , s'accompagnant d'une augmentation en termes de positionnement hiérarchique et de rémunération.

Si la salariée démontre qu'elle a candidaté entre juin 2016 et novembre 2018 à 6 postes, elle procède par simple affirmation lorsqu'elle indique que ses candidatures n'ont pas été réellement examinées et qu'elle a été en réalité évincée en raison de son âge, l'employeur démontrant qu'à une exception près, les personnes recrutées se situaient dans tranche d'âge 42/57 ans (dont une âgée de 48 ans, une autre de 49 ans et une 3éme de 52 ans), Mme [H] étant née en 1966. Par ailleurs, une offre d'emploi a finalement été retirée.

Ce grief n'est pas retenu.

La prise d'acte de Mme [J] [H] s'analyse en une démission.

Le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de remboursement de ses frais de traduction.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à délivrance d'une nouvelle attestation Pôle Emploi. Le jugement est confirmé.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de la société à son obligation de loyauté et à son obligation d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée

En application de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l'organisation de moyens adaptés et l'améliorations des situations existantes. Il doit assurer l'effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, la société n'a ni exécuté de manière déloyale le contrat de travail ni mis en danger la sécurité et la santé de sa salariée laquelle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts unique de ces chefs.

Le jugement est confirmé.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [J] [H] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne Mme [J] [H] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02085
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;21.02085 ?
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