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14/06/2023 | FRANCE | N°20/08203

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 juin 2023, 20/08203


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08203 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCX6F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/08695





APPELANTE



S.A.S. ARNAMA

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représent

ée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151





INTIMÉ



Monsieur [B] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Aurélie BOUSQUET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-D...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08203 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCX6F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/08695

APPELANTE

S.A.S. ARNAMA

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

INTIMÉ

Monsieur [B] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Aurélie BOUSQUET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 214

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [B] [N] a été engagé par la société Adelyne qui exploitait un fonds de commerce de restauration en qualité d'« homme de toutes mains », niveau 1, échelon 1, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 mai 2003.

Le 20 septembre 2017, le contrat de travail de M. [B] [N] a été transféré la société Arnama lors de la cession du fonds de commerce.

Par avenant du 20 septembre 2017, M. [N] a été nommé « chef de partie », niveau 3, échelon 3.

La société emploie moins de 11 salariés.

La convention collective nationale applicable est celle des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997.

Un avertissement a été notifié à M. [N], par lettre du 11 octobre 2018, pour ne pas avoir contrôlé des plats avant leur envoi en salle lesquels n'étaient pas conformes à la recette ou insuffisamment cuits.

Un second avertissement lui a été adressé le 18 mars 2019 pour avoir servi des plats froids et des produits périmés.

Le 5 juin 2019, la société Arnama a convoqué le salarié à un entretien en vue d'une sanction disciplinaire lequel s'est déroulé le 13 juin 2019.

Le 18 juin 2019, la société a notifié à M. [N] qu'elle envisageait de procéder à sa rétrogradation au poste de plongeur et à défaut d'accord exprimé au plus tard le 26 juin à son licenciement.

Par lettre du 23 juin 2019, M. [N] a refusé sa rétrogradation.

L'employeur l'a convoqué à un nouvel entretien fixé au 16 juillet 2019.

La société a notifié à M. [N] son licenciement pour faute grave par lettre du 20 juillet 2019 aux motifs d'un non respect des consignes et d'un comportement bruyant le 28 mai 2019 avec revendication d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, de nombreux retards réitérés les 1er, 3,11 et 14 mai 2019 et absence injustifiée le 16 mai 2019.

Le 30 septembre 2019, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de contester son licenciement.

Par jugement du 9 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la société Arnama à payer à M. [N] les sommes suivantes :

- 22 300 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

- 5 601,16 euros au titre du préavis,

- 569,16 euros au titre des congés payés y afférents,

- 12 681,56 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1 391,79 euros à titre de rappel de salaires,

- 139,17 euros au titre des congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Arnama de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Arnama aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 2 décembre 2020, régularisée par une seconde déclaration du 11 janvier 2021, la société Arnama a interjeté appel. Les deux procédures ont été jointes.

Par ordonnance du 8 avril 2021, la juridiction du premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit des condamnations, a rejeté la demande de consignation et a condamné la société Arnama à verser à M. [B] [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Selon ses dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats et remises au greffe le 1er mars 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des demandes, la société Arnama demande à la cour de :

- Dire et Juger la société Arnama recevable et bien fondée en son appel, et ainsi en ses demandes, fins et moyens ;

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- Dire et juger justifié le licenciement pour faute grave de M. [B] [N] en date du 20 juillet 2019 ;

En conséquence,

- Débouter M. [B] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner M. Sy [N] au paiement, au bénéfice de la société Arnama, d'une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Edmond Fromantin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de M. [B] [N] en date du 20 juillet 2019 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Débouter M. [B] [N] de sa demande tendant à la condamnation de la société Arnama au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dire et Juger que le salaire de référence est de 2 516,87 € et calculer toute condamnation à intervenir sur la base de ce salaire de référence ;

- Diminuer fortement le montant des condamnations mises à la charge de la société Arnama par jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 9 octobre 2020 au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

- Statuer ce que de droit sur les dépens ;

A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse,

- Diminuer fortement le montant des condamnations mises à la charge de la société Arnama par jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 9 octobre 2020 au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

- Statuer ce que de droit sur les dépens ;

En tout état de cause,

- Débouter M. [B] [N] de ses demandes formées au titre des rappels de salaires et congés payés y afférents.

M. [N] a constitué avocat mais n'a pas conclu dans le délai fixé par l'article 909 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

MOTIFS :

En vertu de l'article 954 in fine du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement qui délimite les termes du litige fait grief à M. [N] d'un non respect le 28 mai 2019 des consignes relatives à la vérification des ingrédients présents pour le service du soir et du lendemain, des propos bruyants audibles par les clients, de nombreux retards réitérés les 1er, 3,11 et 14 mai 2019 et d'une absence injustifiée le 16 mai 2019.

S'agissant de l'absence de vérification de la disponibilité de produits alimentaires, M. [X], chef de cuisine, atteste avoir donné instruction à M. [N] le 28 mai 2019 de 'faire un tour des frigos en fin de service et de lui téléphoner s'il manquait quelque chose' ce que ce dernier n'a pas effectué. Ce grief est ainsi caractérisé.

Mme [T], chef de rang, atteste avoir entendu le 28 mai 2019, après le service du midi, les salariés dont M. [N] parler fort dans la cuisine ouverte sur la salle alors que des clients étaient encore présents et avoir entendu le gérant lui dire qu'il pouvait travailler ailleurs s'il voulait bavarder pendant ses heures de travail, ce à quoi M. [N] a répondu 'qu'il aimerait bien partir s'il acceptait de lui signer une rupture conventionnelle'. Si Mme [T] indique que 'c'était toujours compliqué avec [N]' et qu'il était moins impliqué depuis le changement de propriétaire, les faits relatés ne caractérisent pas une insubordination contrairement à la qualification invoquée par l'employeur dans ses conclusions.

Concernant l'absence injustifiée le 16 mai 2019, celle-ci a été jugée établie par le jugement entrepris.

Aucune pièce, ni attestation ni courrier, n'établit en revanche la réalité des retards reprochés à M. [N] les 1er, 3, 11 et 14 mai 2019. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

Les trois griefs imputables à M. [N] à savoir l'inexécution de l'instruction donnée de vérifier la disponibilité des produits le 28 mai 2019 et d'informer son supérieur des produits à commander, le fait d'avoir adopté un comportement bruyant en présence de clients et l'absence injustifiée le 16 mai 2019, en ce qu'ils font suite à de précédents avertissements pour inexécution de ses obligations par le salarié les 11 octobre 2018 et 18 mars 2019 soit 7 mois et 2 mois au préalable, justifient la rupture du contrat de travail sans pour autant caractériser une faute grave.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Arnama à payer à M. [N] la somme de 22 300 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

L'employeur conteste la base de calcul de l'indemnité considérant que l'indemnité compensatrice de congés payés versée au salarié lors de la rupture du contrat de travail ne doit pas être intégrée au calcul du salaire de référence.

En vertu de l'article L1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R1234-2 dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Il convient de déterminer le salaire en prenant en compte les mois de travail complet avant la rupture du contrat de travail. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte du mois de juillet pour déterminer le salaire moyen.

Au regard du salaire mensuel moyen des douze derniers mois de 2 516,87 euros et de son ancienneté de 16 ans et un mois, l'indemnité légale de licenciement due à M. [N] s'élève à 11 395,82 euros. La société Arnama est condamné à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité légale à 12 681,56 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En vertu de l'article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit:

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Au regard du salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé et du délai de deux mois de préavis applicable, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [N] s'élève à 5 177,74 euros outre 517,77 euros de congés payés. La société Arnama est condamnée à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Arnama à payer la somme de 5 601,16 € au titre du préavis et de 569,16 € au titre des congés payés y afférents.

Sur le rappel de salaire :

Les retenues sur salaire opérées entre mars 2018 et juin 2019 sont justifiées par des absences et des retards démontrées par les extraits du fichier de contrôle des horaires.

C'est dès lors à tort que le conseil de prud'hommes a condamné la société à payer à M. [N] une somme de 1 371,79 euros au titre de rappel de salaire sur retenues et la somme de 137,17 euros de congés payés y afférents. Il sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a condamné la société Arnama aux dépens et au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [N] est condamné aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés directement par Me Edmond Fromantin en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Juge que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse,

Rejette la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Arnama à payer à M. [B] [N] les sommes de :

- 11 395,82 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 5 177,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 517,77 euros au titre des congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019,

Rejette la demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents,

Rejette la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [N] aux dépens lesquels seront recouvrés directement par Me Edmond Fromantin en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/08203
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;20.08203 ?
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