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14/06/2023 | FRANCE | N°20/08095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 juin 2023, 20/08095


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08095 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXNI



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 15 Septembre 2020 - RG n° F 19/07822





APPELANT



Monsieur [V] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Sheila HERRIOT

, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 121





INTIMÉE



S.A.R.L. SOCIETE D'EXPLOITATION DJAKARTA BALI

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Sonia HADJALI, avocat au barre...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08095 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXNI

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 15 Septembre 2020 - RG n° F 19/07822

APPELANT

Monsieur [V] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sheila HERRIOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 121

INTIMÉE

S.A.R.L. SOCIETE D'EXPLOITATION DJAKARTA BALI

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sonia HADJALI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0054

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [V] [S], de nationalité bangalaise, a été engagé, par la société d'exploitation Djakarta Bali selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 19 février 2008, à temps complet, en qualité de plongeur.

En dernier lieu, M. [S] exerçait les fonctions d'agent de restauration, niveau I, échelon 2.

Le 24 août 2018, la société lui a notifié un avertissement pour un retard à sa prise de poste le 27 juin 2018, pour des propos diffamatoires et homophobes à l'encontre de son employeur et pour ne pas avoir respecté la consigne de ne pas entrer dans la cuisine sans port de l'uniforme.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mai 2019, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a été mis à pied à titre conservatoire.

L'entretien s'est tenu le 31 mai 2019.

Par courrier du 6 juin 2019, la société a notifié à M. [S] son licenciement pour faute grave.

Par lettre en date du 21 juin 2019, M. [S] a contesté son licenciement auprès de son employeur.

Le 25 septembre 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir :

- Dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Condamner la société Djakarta Bali au paiement des sommes suivantes :

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 4 798,63 €

- CP afférents : 479,86 €

- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 1 488,384 €

- CP afférents : 148,83 €

- Indemnité légale de licenciement : 5 931,61 €

- Article 700 CPC : 1 500 €

- Condamner la société à la remise d'une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision à intervenir sous astreinte journalière de 15 € par document

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile.

Par jugement du 15 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M. [S] de ses demandes, a débouté la société d'exploitation Djakarta Bali de ses demandes reconventionnelles et a condamné M. [S] aux dépens.

M. [S] a interjeté appel le 1er décembre 2020.

Selon ses dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des demandes, M. [S] demande de :

- Annuler'le'jugement du'conseil'de'prud'hommes'de'Paris'du'15'septembre 2020 en ce qu'il'déboute Monsieur [S] de ses demandes

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 septembre 2020'en ce qu'il déboute'la'société'Djakarta'Bali'de'ses'demandes'reconventionnelles

En'conséquence,

- Dire le licenciement de M [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société Djakarta'Bali'au'paiement'des'sommes'suivantes': '

- Indemnité pour'licenciement'sans'cause'réelle'et'sérieuse':'35.000'€

- Indemnité'compensatrice de'préavis : 4.798,63 €

- CP'afférents :'479,86€

- Rappel de salaire sur Mise à pied conservatoire : 1.488,384 €

- CP'afférents : 148,83 €

- Indemnité légale de licenciement : 7.131,27 €

- Article'700 code de procédure civile : 2 000 €

- Condamner'la société Djakarta Bali' à la remise d'une attestation Pôle Emploi et'un bulletin'de paie'récapitulatif conformes à'la'décision'à'intervenir sous astreinte journalière de'15'€'par document.

Selon ses dernières conclusions notifiés le 13 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des demandes, la société d'exploitation Djakarta Bali demande de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 septembre 2020, en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave avérée,

Déclarer recevable et bien fondée la société d'exploitation Djakarta Bali en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Y faire droit ;

Dire et Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que la faute grave est parfaitement avérée.

Par conséquent débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes

A titre reconventionnel, et statuant à nouveau

' condamner M. [S] à payer à la société d'exploitation Djakarta Bali la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral infligée à sa gérante ;

' condamner M. [S] à payer à la société d'exploitation Djakarta Bali la somme de 10 000 € au titre d'une procédure abusive ;

' condamner M. [S] à payer à la société d'exploitation Djakarta Bali la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. [S] aux entiers dépens de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

Les pièces 40 à 43 communiquées après la clôture par M. [S] sont hors débats.

MOTIFS :

Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement fait grief à M. [S] d'avoir refusé d'obéir et tenu des propos homophobes le 24 mars 2019, d'avoir fait preuve de violences, le 16 avril 2019 pour avoir participé à une bagarre dans la rue, d'avoir tenu des propos provocateurs le 7 mai 2019 après des retards, d'avoir refusé de procéder au réassort des boites de packaging le 17 mai 2019, puis de s'être énervé en hurlant et en dégradant le passe-plat et d'avoir séquestré sa responsable dans la cuisine le même jour.

S'agissant du refus d'obéir et des propos homophobes tenus le 24 mars 2019, Mme [K], amie de la gérante, atteste avoir été témoin du refus de M. [S] de passer l'aspirateur alors que sa supérieure le lui demandait et de sa réaction, M. [S] s'étant approché très près du visage de Mme [H] et lui ayant dit en anglais 'no madame, no madame, il ou elle on ne sait pas, est fou'. M. [S] conteste ces faits mais ne produit aucune attestation contraire. C'est vainement que le salarié invoque son faible niveau de français dans la mesure où il exprimait les propos litigieux en anglais. Ces faits sont dès lors suffisamment caractérisés.

Concernant les violences reprochées, le 16 avril 2019, lors d'une bagarre dans la rue, aucune attestation ne démontre que M. [S] ait fait autre chose que s'interposer entre deux personnes comme il le soutient. Ce grief n'est donc pas établi.

Sur les propos provocateurs le 7 mai 2019 après des retards, M. [P], salarié de la société jusqu'au 4 septembre 2019 comme cela résulte du registre du personnel, atteste que ' le 7 mai à 17h30, [F] ([S] [V]) est arrivé sur notre lieu de travail le Djakarta Bali. Lorsque la patronne lui a demandé de l'informer lorsqu'il serait en retard, il s'est mis à crier : 'la patronne du Djakarta Bali est méchante, si vous voulez, je peux appeler tous ceux qui travaillent ici pour qu'ils entendent, afin que tout le monde sache qu'il y a un problème'. Il criait devant le restaurant sur la voie publique [']. Il était très incorrect envers la patronne. Son attitude a toujours été malpolie [']'. Le grief est ainsi caractérisé.

S'agissant du refus de procéder au réassort des boites de packaging, se manifestant par un énervement avec des hurlements, une dégradation du passe-plat et la séquestration de sa responsable dans la cuisine le 17 mai 2019, Mme [Z], salariée, relate que 'Le 17 mai 2019 devant la porte de la cuisine [M] [H] demande à [V] ([F]) de monter les packaging des boîtes à emporter. Celui-là refuse et il se met à crier « Vous n'êtes pas une bonne personne» Il crie de plus en plus fort et sur un ton menaçant. Il a demandé à [M] [H] d'entrer dans la cuisine, lorsque celle-ci est entrée il referme violemment la porte et a descendu le passe-plat.

[M] [H] était enfermée dans la cuisine, personne n'avait de couteau dans la main.

['] [P] était à côté de moi et j'ai voulu ouvrir la porte car je voulais voir ce qui se passait avec les cris de [V] ([F])'. Le témoin précise :'Je tirais afin d'ouvrir la porte que [F] tenait fermée de l'autre côté en serrant le passe plat a cédé et la porte du passe-plat s'est détachée et a heurté la tête de [M] [H]. [M] [H] est sortie de la cuisine très choquée'.

M. [C], stagiaire, confirme que M. [S] voulait enfermer Mme [H] et qu'en tirant la porte, il a cassé le passe-plat qui a heurté la tête de Mme [H] sans la blesser. La société justifie du dépôt de plainte de Mme [H] laquelle déclarait subir des violences verbales et des intimidations de la part de son salarié et avoir été séquestrée par celui-ci.

L'attestation de M. [B], chef de cuisine, qui indique que M. [S] n'a jamais pris quoi que ce soit pour attaquer ou menacer Mme [H], déclare toutefois que M. [S] et Mme [H] se disputaient. S'il ajoute que Mme [H] avait un tire bouchon dans les mains et le dirigeait vers M. [S] pour le menacer pendant la dispute, il est le seul témoin à en faire état et la déclaration de main courante qui le mentionne est datée du 12 novembre 2019 soit six mois après les faits qui lui sont reprochés.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits de violences verbales et d'intimidation par menaces physiques reprochés à M. [S] sont établis.

Les autres attestations produites par la société et contestées par M. [S] concernent des faits objets d'un avertissement dont l'annulation n'est pas demandée de sorte que la cour n'a pas à porter d'appréciation sur la matérialité et l'imputabilité de faits reprochés à M. [S] à l'origine de ces sanctions.

Le comportement violent et injurieux de M. [S] qui fait suite à de précédentes sanctions est constitutif d'une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave était justifié et a débouté M. [S] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire sur mise à pied et congés payés y afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par l'employeur :

La société intimée expose que le comportement de M. [S] a eu un impact sur la santé de Mme [H], gérante de la société, qui a subi un harcèlement moral de sa part et sollicite des dommages-intérêts à ce titre.

M. [S] objecte que la personne morale de la société est distincte de celle de sa gérante et que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître d'un litige entre un salarié et le gérant de la société qui l'emploie et subsidiairement qu'il ne pouvait que débouter la société.

Il convient de constater que M. [S] ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions que la cour se déclare incompétente.

Le préjudice allégué, dont la réparation est sollicitée, concerne la gérante de la société et non la société elle-même qui seule est employeur de M. [S] de sorte que la société Djarkarta Bali est mal fondée à solliciter une indemnisation pour un préjudice qu'elle n'a pas subi personnellement.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :

Le bien fondé du licenciement n'est pas suffisant à démontrer que l'action en justice de M. [S] serait abusive et à justifier des dommages-intérêts à ce titre. La société intimée n'invoquant pas d'autre moyen, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [S] aux dépens.

M. [S] est condamné aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne M. [V] [S] à payer à la société Djakarta Bali la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [S] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/08095
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;20.08095 ?
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