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14/06/2023 | FRANCE | N°20/01831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 juin 2023, 20/01831


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n°2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01831 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRCP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00032





APPELANTE



Société BH CATERING SERVICES prise en la personne de son ma

ndataire ad hoc, Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Thierry BENKIMOUN, avocat au barreau de MEAUX, toque : 38





INTIMÉE



Madame [X] ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n°2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01831 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRCP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00032

APPELANTE

Société BH CATERING SERVICES prise en la personne de son mandataire ad hoc, Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry BENKIMOUN, avocat au barreau de MEAUX, toque : 38

INTIMÉE

Madame [X] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jonathan BEN AYOUN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 206

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [O] a été embauchée par la société BH Catering Services le 1er octobre 2008 en qualité de conditionneuse polyvalente, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de trois mois ; un nouveau contrat à durée déterminée a suivi, dans les mêmes conditions. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

L'entreprise compte plus de onze salariés et la convention collective applicable est celle des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par courrier recommandé du 12 décembre 2016, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement. L'entretien a eu lieu le 23 décembre 2016.

Le 10 janvier 2017, un licenciement pour faute grave a été notifié à Mme [O], à effet du 13 janvier suivant.

Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le l6 janvier 2018.

Par jugement du 27 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :

Requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Condamné la société BH Catering Services à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

- 3 081,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 308,14 euros à titre des congés payés afférents à la période de prévis,

- 2 606,86 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018, date de réception de

la convocation devant le bureau de conciliation,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 50 euros, en réparation de 1'absence d'organisation de la visite médicale d'embauche,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Ordonné à la société BH Catering Services de délivrer à Mme [O] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement et un bulletin dc salaire récapitulatif de la période travaillée incluant le préavis, et ce sous astreinte, le conseil de prud'hommes s'étant réservé la liquidation de l'astreinte.

Ordonné l'exécution provisoire,

Débouté Mme [O] du surplus de ses demandes,

Débouté la société BH Catering Services de sa demande au titre de1'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société BH Catering Services aux entiers dépens.

La société BH Catering Services a formé appel par acte du 27 février 2020.

La société a fait l'objet d'une dissolution le 31 mars 2020 et la clôture des opérations avec radiation a été inscrite au registre du commerce le 17 mai 2021. M. [G] a été désigné en qualité de mandataire ad'hoc par ordonnance du 07 avril 2022.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 6 décembre 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, la société BH Catering Services représentée par son mandataire ad'hoc demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 27 janvier 2020,

Prendre acte de l'intervention volontaire de M. [G] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société BH Catering Services à la suite de sa liquidation amiable en date du 17 mai 2021 et de l'ordonnance du tribunal de commerce de Meaux du 7 avril 2022,

Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes,

A titre principal :

Débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non respect de la visite d'embauche imposée à l'employeur,

Dire que le licenciement pour faute grave dont a fait l'objet Mme [O] est justifié et réalisé par le biais d'une procédure parfaitement régulière, conformément aux dispositions applicables en l'espèce,

En conséquence,

Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes de dommages et intérêts formulées dans le cadre de son appel incident,

A titre subsidiaire,

Débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non respect par l'employeur de la visite médicale d'embauche,

Dire que le licenciement pour faute grave dont a fait l'objet Mme [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Dès lors, débouter Mme [O] de sa demande d'indemnité sollicitée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

Ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité allouée à Mme [O] dans le cadre de ce prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Enfin, en tout état de cause, condamner Mme [O] à verser à la société BH Catering Services prise en la personne de son mandataire ad hoc, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 7 décembre 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, Mme [O] demande à la cour de :

Confirmer la décision de première instance en ce que les premiers juges ont condamné la société BH Catering Services à lui verser les sommes suivantes :

' 3 081,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 308,14 euros au titre des congés payés y relatifs,

' 2 606,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

' avec intérêts au taux légal et anatocisme.

Infirmer la décision des premiers juges pour le surplus.

Statuant de nouveau,

Juger le licenciement irrégulier et dénué de toute cause réelle et sérieuse.

Condamner la société BH Catering Services à verser à Mme [O] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction de première instance :

' 31 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

' 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence d'organisation de la visite médicale d'embauche.

Juger qu'il y aura lieu de capitaliser lesdits intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonner à l'employeur de remettre à la salariée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, les pièces suivantes, conformes à la décision à intervenir :

- bulletins de paie de janvier à mars 2017 inclus,

- certificat de travail du 1er octobre 2008 au 13 mars 2017,

- attestation Pôle Emploi.

Condamner la société BH Catering Services à verser la somme de 2 000 euros à Mme [O], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés par elle de ce chef en cause d'appel.

Condamner la société BH Catering Services aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.

MOTIFS

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle implique une réaction de l'employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s'analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le privant de tout droit au titre d'un préavis ou d'une indemnité de licenciement, pèse sur l'employeur.

En application des articles L1232-1 et L1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

La lettre de licenciement, qui fige l'objet du litige, indique que Mme [O] est licenciée pour faute grave pour 'absences injustifiées le 1er mai 2016, le 13 novembre 2016 et le 11 décembre 2016.'

Par courrier du 21 novembre 2016, Mme [O] a été mise en demeure de justifier, avant le 29 novembre, de son absence du 13 novembre 2016 sans avoir averti son supérieur.

Le 12 décembre 2016 Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, en l'absence de retour après le courrier du 21 novembre et en raison d'une nouvelle absence le 11 décembre 2016.

Le bulletin de salaire du mois de mai 2016 indique une retenue pour absence, ainsi que pour des retards. Le bulletin de salaire du mois de novembre 2016 indique une retenue pour absence le 13 novembre et celui du mois de décembre pour la journée du 11 décembre.

Mme [O] n'a pas répondu aux demandes d'explications de son employeur. Elle ne conteste pas les absences à ces dates et explique qu'elle rencontrait des problèmes de santé récurrents qui l'empêchaient de se rendre au travail et qu'elle prévenait son supérieur. Elle produit un certificat médical du 31 janvier 2017 qui confirme qu'elle était suivie pour une pathologie à l'origine de fatigues qui pouvait justifier de ses absences, sans indiquer que c'était le cas aux dates concernées par la lettre de licenciement.

Mme [O] ne justifie pas avoir prévenu son employeur de ses absences.

L'appelante produit plusieurs avertissements et mises en garde pour des absences, retards, mauvaises exécution du travail, qui ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement.

Les absences des 1er mai et 13 novembre 2016 sont anciennes. L'employeur n'a pas réagi après le dernier jour imparti à la salariée pour justifier de son absence. Si Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement le lendemain de l'absence du 11 décembre, aucune mesure n'a été prise concernant la salariée dont le licenciement est intervenu quelques semaines après. Si les manquements de la salariée sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail, ils n'étaient pas incompatibles avec sa présence dans l'entreprise et la faute grave n'est pas démontrée.

Ainsi, le conseil de prud'hommes a justement requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il sera confirmé de ce chef.

Mme [O] doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En l'absence de contestation concernant les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, le jugement sera confirmé de ces chefs.

Mme [O] expose que la procédure de licenciement était irrégulière, en raison de l'absence d'information suffisante dans la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, sans formuler de demande à ce titre.

Sur la visite médicale d'embauche

L'article R. 4624-10 du code du travail en sa version applicable au moment de l'embauche prévoyait que le salarié devait bénéficier d'un examen médical lors de l'embauche, au plus tard avant l'expiration de la période d'essai.

La société BH Catering Services conteste tout manquement et verse aux débats un certificat du médecin du travail en date du 19 octobre 2010, bien après l'expiration de la période d'essai. Elle expose que le document mentionne une date erronée sans en justifier, alors que Mme [O] justifie par la fiche manuscrite qui a été établie que la visite à cette date était celle de son embauche. Le manquement de l'employeur à ses obligations est établi.

Mme [O] a été déclarée apte lors de la visite devant le médecin du travail et ne produit pas d'élément relatif à des difficultés qu'elle aurait rencontrées entre son embauche et cet examen. En l'absence de preuve d'un préjudice plus important, le conseil de prud'hommes a justement évalué à 50 euros le montant des dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il n'y a pas lieu à ordonner d'astreinte et le jugement sera infirmé en ce qu'il en a ordonné une.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et les dommages et intérêts alloués à compter du jugement du conseil de prud'hommes.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil par année entière. Il sera ajouté au jugement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société BH Catering Services qui succombe supportera les dépens.

Il n'y a pas lieu à allouer de somme en plus de l'indemnité prononcée par le conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Reçoit l'intervention de M. [G] en qualité de mandataire ad'hoc de la société BH Catering Services ,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte,

Dit n'y avoir lieu à astreinte assortissant la condamnation à remettre les documents de rupture,

Ajoutant au jugement,

Dit que les intérêts seront capitalisés par année entière selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société BH Catering Services aux dépens,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/01831
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;20.01831 ?
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