Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° /2023, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01601 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKXI
Décision déférée à la Cour : jugement du 6 décembre 2019 - tribunal de grande instance de Paris - RG n° 19/08516
APPELANTE
Société civile SCCV LIBERTE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
Ayant pour avocat plaidant Me Olivier GIRAUD, avocat au barreau de Marseille
INTIME
Monsieur [X] [H]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Ayant pour avocat plaidant Me Hélène CHAUVEL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Ange Sentucq, présidente
Elise Thévenin-Scott, conseillère
Alexandra Pélier-Tétreau, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La S.C.C.V. Liberté a décidé d'édifier deux ensembles immobiliers à [Localité 4] à proximité du [Localité 3], l'un comprenant 36 logements en accession à la propriété, l'autre 88 logements dont 56 en résidence dite Senior.
Par contrat du 06 juillet 2017 la S.C.C.V. Liberté a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à Monsieur [H], architecte exerçant à [Localité 6] ayant pour objet en son article 1 :
- ' L'étude de l'ensemble du permis de construire et permis de démolir à établir par le maître d'oeuvre pour le déposer au plus tard le 15 septembre 2017 étant précisé qu'au jour de la signature des présentes, le type de permis de construire, division en volume ou PC valant division n'est pas encore définitivement connu, et doit se définir en lien avec la ville de [Localité 4]
- l'exécution des missions de conception et de réalisationdu programme défini à l'Annexe 1 pourront être confiées au maître d'oeuvre dans un second temps, à l'initiative du maître d'ouvrage. Dans ce cas le maître d'oeuvre assumera la responsabilité des études de conception, le suivi de la mise au point des plans d'exécution et leur approbation, les études techniques y afférentes ainsi que la direction des travaux(...)
L'article VI Rémunération prévoit :
' pour la mission permis de construire, une rémunération forfaitaire de 160 000 euros HT, hors assurance et hors BET. Le maître d'oeuvre recevra, dans le cas où le maître de l'ouvrage lui confierait les missions complémentaires, suivant les modalités précisées à l'article VII ci-après une rémunération fixée au taux de 5,85 % HT, y compris assurance mais hors BET, calculée sur le montant hors taxe des travaux tel qu'il apparaîtra aux décomptes définitifs, incluant le forfait d'honoraires de 160 000 euros HT.'
L'article VII Modalités de versement des honoraires énonce :
La rémunération due à l'architecte maître d'oeuvre, en application de l'article VI ci-dessus, lui sera acquise et versée dans les conditions ci-après, sur présentation des demandes d'acomptes, et en fin d'opération, d'une demande de règlement de solde :
'Mission confiée au Maître d'Oeuvre :
- A la signature du contrat : 6,5%, 10 000 HT
- A la réception des documents constituant le dossier de PC : 30 %, 48 000 HT
- A l'obtention du Permis de construire 30 %, 48 000 HT
- A l'obtention du Permis de construire purgé de tout recours 33,75% 54 000 HT
% sur mission 5,85% déduit 160 000.'
Le 12 janvier 2018 le préfet de [Localité 5] a adressé à la commune de [Localité 4] un projet de 'porter à la connaissance de la carte des aléas inondation par le [Localité 3] et de ses modalités d'application'.
Sur la foi des avis défavorables du préfet de [Localité 5], le maire dela commune de [Localité 4]
le 14 mai 2018 :
- retiré l'autorisation de permis de construire accordée tacitement le 15 avril 2018 et portant sur la construction de 36 logements en accession à la propriété,
- refusé l'autorisation de permis de construire 88 logements dont 56 en résidence Senior.
Ces décisions indiquent que les projets se situent 'dans une zone d'aléa d'inondation très fort (C4) et fort (C3) et dans une zone urbanisée dense'.
Le 11 juillet 2018 Monsieur [H] a établi une facture portant sur la somme de 102 000 euros H.T, soit le solde des honoraires contractuellement prévus après règlement de celle de 58 000 euros H.T.
Invoquant l'absence d'obtention des permis de construire et d'informations sur le Plan de Prévention des Risques d'Inondation (P.P.R.I.) en cours d'élaboration par la préfecture de [Localité 5], la S.C.C.V.Liberté a refusé de régler la facture.
Le 4 juillet 2019 Monsieur [H] a été autorisé à assigner à jour fixe la S.C.C.V. Liberté. Il l'a assignée le 11 juillet 2019.
Le jugement prononcé le 6 décembre 2019 a ainsi statué devant le Tribunal Judiciaire de Paris a ainsi statué :
' REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la S.C.C.V. Liberté ;
CONDAMNE la S.C.C.V. Liberté à verser à Monsieur [H] la somme de 122 400 euros T.T.C. avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2019 ;
CONDAMNE la S.C.C.V. Liberté à verser à Monsieur [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
LAISSE à la charge de la S.C.C.V. Liberté les frais irrépétibles qu'elle a engagés ;
CONDAMNE la S.C.C.V. Liberté aux dépens ;
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'encontre de la S.C.C.V. Liberté en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens ;
REJETTE les autres demandes des parties.'
La SCCB Liberté a formé appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 15 janvier 2021.
Par conclusions signifiées le 30 juin 2021 comportant 27 pièces numérotées de 1 à 27 la SCCV Liberté demande à la cour de :
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence prise en application,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la juridiction de Céans de bien vouloir :
- CONSTATER que les dossiers de permis de construire n'étaient pas juridiquement en état
d'être déposés compte tenu de leur caractère incomplet,
- CONSTATER que les dossiers de permis de construire déposés par Monsieur [H] ne prenaient pas en compte le PPRI en cours d'élaboration basé notamment sur les prescriptions du Plan de gestion des risques d'inondation du bassin Rhône-Méditerranée approuvé le 7 décembre 2015,
- CONSTATER que Monsieur [H] a complété tardivement les dossiers de permis de construire et ceci postérieurement au porter à connaissance du PPRI concernant les risques d'inondation du projet, sans pour autant en faire référence dans ses dossiers,
En conséquence,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [H] a manqué à son obligation de conseil et d'information,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [H] a manqué à son devoir de prévention
concernant le projet de PPRI en cours d'élaboration,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [H] a méconnu ses engagements contractuels,
En tout état de cause,
- INFIRMER le Jugement rendu le décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de
Paris en toutes ses dispositions.
- DEBOUTER Monsieur [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions.
- CONDAMNER Monsieur [H] à verser à la SCCV LIBERTE la somme de 5.000 €
au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Monsieur [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions n°3 signifiées le 25 octobre 2021 auquel est joint un bordereau comportant 22 pièces numérotées de 1 à 22-3, Monsieur [X] [H] demande à la cour de :
Confirmer le jugement de la 6 chambre 2 section du TGI de Paris en date du 6 décembre 2019 condamnant la SCCV LIBERTE au paiement de la somme de 102 000 euros HT, soit 122 400 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2019, date de la première mise en demeure.
Ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du Code civil, et ce à compter des conclusions du 18 aout 2020.
Rejeter toute mise en cause de la responsabilité de Monsieur [H] et rejeter l'appel interjeté par la SCCV LIBERTE comme étant non fondé.
Condamner la SCCV LIBERTE au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de |'art. 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de premiere instance et d'appe| qui pourront être recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du CPC.
L'avis de fixation était notifié aux parties constituées par le magistrat de la mise en état le 8 juillet 2021 les informant de la date de clôture au 4 octobre 2022 et de la date de plaidoiries au 4 janvier 2023 à 13 h30 en rapporteur.
La clôture était prononcée par ordonnance du 4 octobre 2022.
La SCCV Liberté a signifié des conclusions d'appelant le 28 septembre 2022 joignant un bordereau comportant 27 pièces numérotées de 1 à 27.
Monsieur [X] [H] a signifié des conclusions afin de révocation de clôture et à défaut de rejet des conclusions adverses et des conclusions n°4 comportant une demande de révocation de clôture le 15 novembre 2022 y joignant un bordereau comportant 23 pièces numérotées de 1 à 23.
La SCCV Liberté a signifié des conclusions d'acceptation de révocation de l'ordonnance de clôture le 29 décembre 2022 et des conclusions au fond en joignant le même bordereau de communication de pièces.
SUR QUOI,
LA COUR
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
Aux termes des dispositions de l'article 802 du code de procédure civile :
'Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.'
Les dispositions de l'article 803 du même code énoncent que : 'L 'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.'
Il n'est pas en l'espèce excipé d'une cause grave au sens des dispositions de l'article 803 précité qui par ailleurs donne à la cour la faculté et non l'obligation, lorsque les parties le demandent, de révoquer l'ordonnance de clôture.
Au rappel de l'avis de fixation envoyé le 9 juillet 2021 aux parties plus de trois mois avant la date prévue pour la clôture, il sera constaté qu'un temps raisonnable leur a été laissé pour se mettre en état et qu'aucun moyen autre que la signification tardive de conclusions par la SCCV Liberté n'est soulevé justifiant ladite révocation.
Par conséquent les parties seront déboutées de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture et les conclusions signifiées par elles postérieurement à l'ordonnance de clôture seront écartées des débats.
Sur les honoraires dus à l'architecte maître d'oeuvre
Le tribunal a rappelé que l'architecte, tenu d'une obligation de moyens et non de résultat, a l'obligation de tout mettre en oeuvre pour la réalisation du projet et d'aviser le maître de l'ouvrage des difficultés prévisibles résultant des règles d'urbanisme.
Il a constaté que l'échelonnement du règlement des honoraires de l'architecte ne signifie pas que les sommes sont dues à l'obtention du permis de construire et une fois celui-ci purgé, dès lors que ces deux phases ne nécessitent pas de prestations spécifiques postérieurement au dépôt du dossier en mairie et que ces honoraires ne sont pas qualifiés contractuellement d'honoraires de résultat de sorte qu'au dépôt en mairie des documents permettant l'obtention du permis de construire, l'architecte est théoriquement créancier de 102 000 euros.
Il a jugé que l'architecte n'a pas manqué à son devoir de conseil retenant que les deux parties avaient connaissance de l'existence d'un Plan de Prévention des Risques d'Inondation, que ce plan a été pris en considération par Monsieur [H] et que si un refus de permis de construire obligeait celui-ci à reprendre ses plans et constituer, si nécessaire, de nouvelles demandes, ce qu'il n'a pas fait, à la décharge de Monsieur [H], doivent être pris en considération le fait que le point prévu sur le dossier au mois d'octobre 2018 n'a pas été effectué et que les modalités financières de son intervention prévues à l'article III I.3 alinéa 8 de la convention et VI 8 et 9 sont contradictoires.
La SCCV Liberté au rappel du fait qu'elle n'a jamais soutenu ne pas avoir eu connaissance du PPRI, souligne que l'architecte ne pouvait ignorer les prescriptions du Plan de Gestion des Risques d'Inondation (PGRI) approuvé le 7 décembre 2015 dans lequel est incluse la ville de [Localité 4], qu'il était tenu à cet égard d'une obligation complète d'information et de conseil et d'avertir l'appelante des risques présentés par le PPRI, le diplôme d'architecte de Monsieur [J], gestionnaire du projet, ne signifiant pas que ce dernier ait une maîtrise complète des tenants et aboutissants de la notion de PPRI.
Elle précise avoir souhaité rémunérer l'architecte en lui réglant 58 000 euros HT pour les deux premières phases conformément aux modalités contractuelles mais qu'à aucun moment elle n'a eu l'intention de le rémunérer pour les phases non accomplies postérieures aux dépôt des dossiers de permis de construire.
Elle souligne que Monsieur [H] a agi dans la précipitation et a fait preuve d'imprudences manifestes en poursuivant ses études sans prendre en compte le PGRI, en ne joignant pas l'étude préalable liée au Plan de Prévention des Risques naturels Prévisibles, en n'étayant pas correctement le projet architectural comme en témoignent les demandes de pièces complémentaires adressées par la mairie et le non aboutissement du projet qui a été refusé par la ville alors que les trois demandes de permis de construire déposées par le nouvel architecte le 20 décembre 2019 ont été acceptées par la ville de [Localité 4] le 26 mai 2020.
Elle indique avoir dû modifier le projet, renoncer à la réalisation de la résidence Seniors de 56 logements eu égard à la vulnérabilité des futurs habitants en cas de crue du [Localité 3], avoir dû diligenter des études hydrauliques et de structure ce qui démontre les manquements de Monsieur [H] aux devoirs de sa mission de maître d'oeuvre.
Monsieur [X] [H] rappelle que les permis de construire ont été refusés pour l'un et retirés pour l'autre, en raison du classement du site en zone inondable et de l'impossibilité de réalisation de m2 classés en ERP tels que prévus au programme.Il précise avoir bien pris en compte le PPRI et fait chiffrer une étude hydraulique puis avoir été informé de la reprise du projet hors son intervention le 23 juin 2018.
Il oppose que le contrat ne prévoit aucunement que les honoraires ne seraient pas dus en l'absence d'obtention du permis de construire et que la rémunération fixée par le contrat à hauteur de 160 000 euros est la contrepartie de la phase des études préliminaires, avant-projet, permis de construire , de démolir et modificatif et qu'ayant achevé cette phase de conception, comme l'a jugé le tribunal, il est bien fondé en sa demande de paiement de la somme de 102 000 euros HT soit 122 400 euros TTC.
Sur le respect de ses obligations, il indique avoir suivi les directives du maître de l'ouvrage et préparé le dossier en tenant compte des informations transmises par lui et connues lors de son élaboration et du projet de Stratégie locale de Gestion du Risque Inondation téléchargeable à l'époque lequel, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, montre que l'assiette de l'opération immobilière envisagée figure en zone aléa faible à modéré ce que la SSCV, professionnelle de l'immobilier savait, comme en témoignent ses courriels du 6 mars et du 18 mai 2017 et que nonobstant la connaissance de ce risque pleinement appréciable par un professionnel de l'immobilier, elle a choisi de déposer le permis de construire sans attendre l'opposabilité du PPRI en préparation, alors même qu'elle évoquait dès le mois de mars 2017, la possibilité d'une inscription du terrain en zone à aléas forts.
Monsieur [H] précise avoir répondu dans le temps utile aux demandes d'instruction qui sont d'usage et qu'il ne peut lui être fait grief d'un retard quand c'est le maître de l'ouvrage lui-même qui a souhaité attendre le dernier moment pour déposer les pièces complémentaires pour attendre le 'porter à connaissance' qui n'est finalement intervenu que le 12 janvier 2018.
Il affirme qu'il ne s'est jamais désintéressé du projet mais en a été démis, le 23 juin 2018, que c'est dans ce contexte qu'il a sollicité le règlement de ses prestations et au vu du projet finalement accepté par la mairie, observe que le permis de construire in fine a été accordé sur une dérogation au PPRI ce à quoi lui-même n'aurait pu prétendre puisque cette dérogation ne peut être accordée qu'une fois que le PPRI est opposable.
Réponse de la cour
Prolégomènes
A titre préliminaire il sera observé qu'aucune des parties ne plaide l'absence de clarté, la contradiction ou la confusion des clauses du contrat de maîtrise d'oeuvre, le débat étant élevé par chacune sur l'interprétation et la portée de la clause de l'article VII prévoyant les modalités de rémunération du maître d'oeuvre, au regard des manquements allégués par le maître de l'ouvrage, ensuite du retrait et du refus des deux permis de construire déposés par Monsieur [H].
Par conséquent la cour, saisie du bien fondé de la demande en paiement par l'architecte de la totalité des honoraires prévus au contrat s'attachera à déterminer la portée de la clause article VII au regard de l'ensemble des clauses du contrat de maîtrise d'oeuvre, à l'aune du droit des obligations et des dispositions spécifiques applicables aux missions des architectes.
Selon les dispositions des articles 1103 et 1104 du Code civil prises ensemble, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette dernière disposition étant d'ordre public.
L'article 19 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, modifié par la loi du 7 juillet 2016 prévoit qu' un code de déontologie, établi par décret en Conseil d'Etat après avis du conseil national de l'ordre des architectes et consultation des organisations syndicales d'architectes, précise les règles générales de la profession et les règles particulières à chaque mode d'exercice.
Selon l'article 46 du Code de déontologie des architectes : 'La rémunération de l'architecte doit être calculée en fonction des missions qui lui sont confiées.
Sauf entente contraire entre les parties contractantes, la rémunération de l'architecte est unique et à la charge exclusive de son client ou employeur ; elle doit clairement être définie par contrat (...) La rémunération de l'architecte peut être calculée sur la base des frais réels. Elle peut aussi faire l'objet d'un forfait si les parties contractantes en conviennent : dans ce cas elle est déterminée avant le début de la mission et fixée en valeur absolue. Cette valeur ne peut plus alors être reconsidérée que d'un commun accord entre les parties lorsqu'il y a modification du programme initial ou de l'importance de la mission. Elle peut également, si les parties en conviennent, être revalorisée dans le temps en fonction d'indices officiels et selon une méthode convenue à l'avance.
Avant tout engagement, l'architecte communique à son client les règles contenues dans le présent chapitre ainsi que les modalités de sa rémunération. Ces règles et ces modalités doivent être respectées dans le contrat.
Selon l'article 47 : 'En ce qui concerne les missions rendues obligatoires par la loi sur l'architecture à l'égard des personnes privées, la rémunération de l'architecte est déterminée en fonction des difficultés de la mission, du coût de la réalisation de l'ouvrage projeté et de la complexité, par référence aux barèmes annexés au décret " relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ". Pour les travaux neufs faisant l'objet d'un programme précis et complet annexé au contrat, une clause du contrat peut stipuler que la sous-estimation ou la surestimation du coût de réalisation, si elle est supérieure à une marge de tolérance convenue, entraîne une diminution de la rémunération initialement prévue (...)
La rémunération due à l'architecte maître d'oeuvre, selon l'alinéa 1 de la clause article VII du contrat : ' lui sera acquise et versée dans les conditions ci-après sur présentation de demandes d'acomptes, et en fin d'opération, d'une demande de règlement du solde'
Le tableau qui suit cet alinéa décrit la Mission confiée au Maître d'Oeuvre et la Mission Complémentaire, cette dernière portant sur le stade dossier de consultation des entreprises et le stade exécution.
Le montant de la rémunération n'est défini par le tableau que pour la première mission intitulée Mission confiée au Maître d'Oeuvre, à hauteur de la somme de 160 000 euros devant être réglée de manière échelonnée :
- au stade de la signature du contrat à hauteur de 10 000 euros représentant 6,25 % de l'honoraire total
- au stade de la réception des documents constituant le dossier de permis de construire à hauteur de 48 000 euros représentant 30 % de l'honoraire total
- au stade de l'obtention (souligné par la cour) du permis de construire à hauteur de 48 000 euros représentant 30 % de l'honoraire total
- au stade de l'obtention ( souligné par la cour) du permis de construire purgé de tout recours à hauteur de 54 000 euros représentant 33,75 % de l'honoraire total.
Ces modalités sont claires et ne donnent pas à être interprétées : elles prévoient un règlement échelonné des honoraires à quatre stades contractuellement définis qui conditionnent le règlement des honoraires.
Elles sont éclairées par le détail de la mission décrit à la clause article III-1 Modalités d'exercice de la mission qui porte sur les études préliminaires, les études d'Avant-Projet, la constitution et le dépôt du dossier de permis de construire devant intervenir au plus tard le 15 septembre 2017, des permis de démolir et des permis modificatifs, le maître d'oeuvre suivant l'instruction des dossiers de permis de construire, ( article III-4), assurant le suivi des relations auprès des services et des organismes consultés par la Ville et leur fournissant tous renseignements nécessaires à l'obtention de leur avis favorable dans les meilleurs délais.
Ainsi le tribunal ne pouvait sans dénaturer la clause conditionnant le règlement du solde des honoraires à l'obtention du permis de construire et du permis de construire purgé de tout recours, juger qu'aucune diligence ne suit la phase du dépôt du permis de construire et en inférer l'exigibilité du solde des honoraires dès l'accomplissement du dépôt du permis de construire, la circonstance que le contrat ne fasse pas explicitement référence à un honoraire de résultat ne suffisant pas à exclure cette qualification qui se lit sans équivoque dans la volonté exprimée par les parties à l'article 1 du contrat de lier le règlement des honoraires 'aux missions effectivement réalisées' ceci s'expliquant par les aléas parfaitement connus des deux parties quant à l'obtention des autorisations administratives exprimés en ces termes par le dernier alinéa de l'article 1 : 'Compte tenu de son avancement au jour des présentes, le maître d'ouvrage ignore s'il pourra être mené à terme puisqu'il n'a pas obtenu les autorisations administratives définitives nécessaires, n'a pas commencé sa commercialisation et n'a pas acquis son assiette foncière.
Au cas où le maître de l'ouvrage ne procèderait pas à l'acquisition de cette assiette foncière, il en avertirait le maître d'oeuvre et le contrat prendrait fin de plein droit, le maître d'oeuvre étant strictemnt réglé de ses honoraires correspondant aux missions effectivement réalisées et ceci conformément aux indications figurant à l'article X du présent contrat. Dans ce cas, l'architecte maître d'oeuvre conservera la libre utilisation des études et documents qu'il aura produits et pourra contracter avec un autre maître d'ouvrage.'
Il résulte de l'ensemble de ces éléments la volonté clairement exprimée par les parties de subordonner le règlement du solde de la mission au résultat et non au dépôt du permis de construire.
Par conséquent, lorsque Monsieur [H] a sollicité le règlement du solde de ses honoraires à hauteur de 122 400 euros TTC le 11 juillet 2018, sur le montant total prévu au contrat de 160 000 euros TTC, ensuite du retrait de l'autorisation de Permis de construire PC 38169 17 10025 déposé le 25 septembre 2017 et complété le 15 janvier 2018, notifié le 14 mai 2018 et du refus du permis de construire PC 38169 17 10026 déposé le 25 septembre 2017 et complété le 15 janvier 2018, notifié à la même date, seule était due la somme de 58 000 euros au demeurant déduite par Monsieur [H] de la facture, correspondant à la signature du contrat et à la réception des documents constituant le dossier de permis de construire.
Au vu des dispositions législatives et règlementaires précitées, rien n'interdit en effet à un architecte de subordonner le paiement de tout ou partie de ses honoraires à l'obtention du permis de construire d'une part et du permis de construire purgé de tout recours d'autre part, s'agissant d'un honoraire de résultat qu'il est libre de fixer dès lors que les modalités de sa rémunération sont clairement et préalablement définies avec le maître de l'ouvrage et tiennent compte des difficultés de la mission, du coût de la réalisation de l'ouvrage projeté et de la complexité de l'opération envisagée.
Dans ces conditions, le débat sur le manquement ou pas au devoir de conseil est étranger au litige, la seule circonstance de la non obtention du permis de construire, quelles qu'en soient les causes, sauf à démontrer qu'elle fait suite à la seule obstruction fautive du maître de l'ouvrage, non plaidée en l'espèce, suffisant à constater la non exigibilité des honoraires fixés postérieurement au stade de la réception des documents constituant le dossier de permis de construire.
Surabondamment, il sera relevé que le courriel de Monsieur [J] gestionnaire du programme et interlocuteur de Monsieur [H], adressé le 13 septembre 2017 au vendeur du foncier, au contraire de ce qui est soutenu par l'intimé, fait bien la preuve que ce type de clause est d'usage entre les promoteurs et les architectes, la circonstance que la SCCV Liberté ait exprimé le souhait, dans ce courriel, de régler un dépôt de garantie de 5 % au lieu de 10 % pour ' payer nos maîtres d'oeuvre à la phase de la demande de dépôt de permis de construire et non à l'obtention ou encore à sa purge comme de nombreux promoteurs ont l'habitude de faire' n'ayant aucune incidence sur la portée de la clause contractuelle dont bien au contraire le maître de l'ouvrage témoigne par ce courriel qu'il en a mesuré les effets en se disant prêt à procurer un avantage à l'architecte en soldant ses honoraires plus tôt que ce que les promoteurs ont pour usage de faire.
Par conséquent le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et Monsieur [H] débouté de l'intégralité de ses demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens de l'arrêt conduit à condamner Monsieur [H] à régler à la SCCV Liberté une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
DEBOUTE les parties de leurs demandes de révocation de l'ordonnance de clôture ;
ECARTE des débats les conclusions signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Monsieur [X] [H] de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [X] [H] à régler les entiers dépens de première instance et d'appel outre une somme de 3 500 euros à la SCCV Liberté au titre des frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,