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14/06/2023 | FRANCE | N°18/07142

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 juin 2023, 18/07142


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07142 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Z65



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/01237





APPELANT



Monsieur [I] [V]

[Adresse 1]

[Localité

2]



Représenté par Me Patrice BACQUEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1017





INTIMÉE



SAS [Localité 4] LA POINTE exerçant sous l'enseigne SUPER U

[Adresse 3]

[Localité...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07142 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Z65

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/01237

APPELANT

Monsieur [I] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Patrice BACQUEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1017

INTIMÉE

SAS [Localité 4] LA POINTE exerçant sous l'enseigne SUPER U

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine PIAULT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1702

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [V] a été engagé par la société [Localité 4] La Pointe en qualité d'agent de sécurité incendie (niveau 5 catégorie agent de maîtrise), le 2 mai 2013, par contrat à durée indéterminée à temps complet avec une durée hebdomadaire de 40 heures, en contrepartie d'une rémunération moyenne fixée à 3 037, 43 euros.

L'activité de 1'entreprise est la gestion d'une grande surface de distribution sous l'enseigne

SUPER U à [Localité 4].

La convention collective nationale applicable est celle du commerce de détail de gros à prédominance alimentaire.

Par lettre du 13 avril 2015, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable prévu le 23 avril 2015, auquel il ne s'est pas présenté.

Puis, par lettre du 28 avril 2015, la société [Localité 4] La Pointe lui a notifié un licenciement pour faute grave.

M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 27 avril 2017aux fins de contester le licenciement et demander le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 14 mai 2018, le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [V] de ses demandes,

Débouté la société [Localité 4] La Pointe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société [Localité 4] La Pointe aux dépens.

M. [V] a formé appel par acte du 29 mai 2018.

L'acte d'appel et les conclusions ont été signifiées par M. [V] le 25 juillet 2018.

La société [Localité 4] La Pointe a notifié ses conclusions par le réseau privé virtuel le 21 avril 2019.

Par ordonnance du 19 octobre 2020, le magistrat en charge de la mise en état a prononcé la caducité de l'appel. Cette décision a été déférée à la cour d'appel, qui l'a infirmée par arrêt du 24 novembre 2021, a dit n'y avoir à prononcer la caducité de l'appel et a renvoyé l'affaire à la mise en état.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 février 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [V] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions

En conséquence et à titre principal,

- Condamner la société [Localité 4] La Pointe à payer à M. [V] les sommes suivantes :

- 39 338,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 556,42 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 655,64 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 311,28 euros d'indemnité de licenciement en application de l'article 6 de l'annexe de la convention collective,

- 9 093,52 euros au titre du règlement des heures supplémentaires effectuées et non payées,

- 909,35 euros à titre des congés payés sur heures supplémentaires effectuées,

- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter de la saisine de la juridiction

Par conclusions déposées au greffe et notifiées 05 octobre 2020, auxquelles la cour fait expressément référence, la société [Localité 4] La Pointe demande à la cour de :

Déclarer irrecevable la déclaration d'appel de M. [V]

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse :

Dire que M. [V] n'est fondé en aucune de ses demandes ;

Débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [V] à verser à la société [Localité 4] La Pointe une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

Par message adressé par le réseau privé le 10 mai 2023, les parties ont été invitées à s'expliquer sur la recevabilité des conclusions de l'intimée sous forme de note en délibéré à adresser au plus tard le 17 mai 2023 compte tenu de la date de leur notification.

Le 17 mai le conseil de l'intimée a indiqué être intervenu en cours d'instance, ne pas disposer des éléments permettant de répondre dans le délai imparti.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée

L'article 909 du code de procédure civile dispose que : 'L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.'

L'acte d'appel et les conclusions de M. [V] ont été signifiées à la société [Localité 4] La Pointe le 25 juillet 2018.

Les premières conclusions ont été notifiées par le conseil de la société [Localité 4] La Pointe le 21 avril 2019, soit plus de trois mois après l'expiration du délai de trois dont il disposait.

Les conclusions et pièces de l'intimé sont ainsi irrecevables, ainsi que celles qui ont été notifiées par la suite.

Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la société [Localité 4] La Pointe est réputée s'approprier les motifs du jugement qui a accueilli ses prétentions.

Sur la faute grave

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle implique une réaction de l'employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties

et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s'analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le privant de tout droit au titre d'un préavis ou d'une indemnité de licenciement, pèse sur l'employeur.

La lettre de licenciement indique que :

- lors d'un vol signalé le 3 avril 2015 il s'est avéré que les caméras de surveillance étaient 'zoomées à 200%' et ne permettaient pas de visionner les scènes ; le constat a été fait qu'elles étaient ainsi depuis plus de deux semaines ;

- le 11 avril 2015 un vol de téléphone portable a eu lieu ; le visionnage des caméras a permis d'observer que M. [V] était en ligne sur son téléphone personnel au moment du vol et avait regardé la scène sans attention, ce qui avait permis le déroulement du vol ;

- les faits étant à l'origine d'une perte de chiffre d'affaires conséquente.

Le conseil de prud'hommes a retenu, pour le premier grief, qu'aucun élément ne démontrait que les caméras étaient zoomées à 200% depuis deux semaines, qu'en revanche ce qui pouvait être reproché à M. [V] était l'absence de vérification de sa part du matériel de surveillance après sa reprise de poste aux fins de signaler les dysfonctionnements.

Pour le deuxième grief, le conseil a retenu que contrairement à ce qu'il avait indiqué M. [V] ne démontrait pas avoir été en conversation téléphonique avec un collègue au moment du vol, conversation qui était reconnue par le salarié dans son courrier de contestation. La juridiction de première instance a ainsi retenu que les griefs caractérisaient une faute grave.

M. [V] expose que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la faute grave, alors que lui-même démontre que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Aucun élément n'établit l'existence d'un dysfonctionnement du système de vidéo, qui n'a pas été retenu par le conseil de prud'hommes. Il ne peut donc pas être reproché à M. [V] de ne pas avoir signalé une anomalie, dont la réalité n'est pas justifiée.

Si M. [V] a écrit un courrier dans lequel il a reconnu avoir été en communication téléphonique le 11 avril 2015 lors du vol, il a précisé que c'était pour joindre un collègue, les émetteurs-récepteurs de l'entreprise étant défaillants. Il produit une attestation d'un autre salarié qui confirme que les outils de communication ne fonctionnaient pas et que les agents de surveillance se contactaient avec leurs téléphones portables. Le registre d'événements tenu dans l'entreprise indique à la date du 10 mars 2015 qu'il y a toujours un problème de communication entre les agents, l'émetteur récepteur étant hors service.

Compte tenu de ces éléments, l'employeur ne démontre pas l'existence d'une faute grave qui aurait été commise par son salarié. Aucun fait justifiant la rupture du contrat de travail ne résulte des pièces produites par les parties.

Le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [V] avait une ancienneté inférieure à deux années au moment du licenciement. L'article L.1235-5 du code du travail, en sa version applicable à l'instance dispose que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

M. [V] démontre qu'il a connu une importante période ce chômage, jusqu'au mois de juillet 2016, alors qu'il avait une famille à charge et percevait un revenu mensuel moyen de 3 037,43 euros. La société [Localité 4] La Pointe sera condamnée à lui verser la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [V] explique qu'il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires qui n'étaient pas payées et produit un décompte qui indique pour chaque semaine entre le 2 mai 2013 et le 29 juin 2014 le nombre d'heures travaillées et le nombre d'heures supplémentaires revendiquées. Il verse aux débats des copies des fiches quotidiennes d'intervention qui indiquent l'heure d'arrivée et de départ, avec des amplitudes qui pouvaient être de douze à quatorze heures. M. [V] produit également le justificatif de remise du dispositif de badge permettant le pointage à compter du 4 juillet 2014, soit après la période revendiquée.

Ces éléments permettent à l'employeur de répondre utilement à la demande en paiement d'heures supplémentaires.

Le conseil de prud'hommes a retenu que M. [V] n'avait pas précisé ses demandes dans les courriers qu'il avait adressés à son employeur revendiquant des heures supplémentaires, alors que des documents démontraient des récupérations d'heures supplémentaires réalisées à la fin de l'année 2014, jusqu'au mois d'avril 2015.

Les éléments qui ont été retenus ne permettent pas de vérifier les horaires qui auraient été accomplis par le salarié avant la mise en place du contrôle des horaires.

Il résulte ainsi des éléments produits par les parties que M. [V] a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées. La société [Localité 4] La Pointe doit être condamnée au paiement de la somme de 9 093,52 euros au titre du rappel des heures supplémentaires accomplies et celle de 909,35 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande au motif de la faute grave qui était retenue.

La durée du préavis des agents de maîtrise prévue par la convention collective est de deux mois. M. [V] aurait perçu un revenu de 6 074,86 euros au cours du préavis, les heures supplémentaires n'étant plus accomplies lors des derniers mois de la relation de travail.

La société [Localité 4] La Pointe doit être condamnée au paiement de la somme de 6 074,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 607,48 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de licenciement

Le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'une faute grave pour débouter M. [V] de cette demande.

Compte tenu du revenu mensuel de M. [V] et des heures supplémentaires, dont une partie est allouée sur la période entre mai et juin 2014 soit sur la période des douze derniers mois, la société [Localité 4] La Pointe doit être condamnée à lui payer la somme de 1 311,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société [Localité 4] La Pointe qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit irrecevables les conclusions et pièces notifiées par la société [Localité 4] La Pointe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société [Localité 4] La Pointe à payer à M. [V] les sommes suivantes :

- 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 9 093,52 euros au titre du rappel des heures supplémentaires et celle de 909,35 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 074,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 607,48 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 311,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

Dit que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

Condamne la société [Localité 4] La Pointe aux dépens,

Condamne la société [Localité 4] La Pointe à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/07142
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;18.07142 ?
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