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09/06/2023 | FRANCE | N°21/05628

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 09 juin 2023, 21/05628


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 09 JUIN 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05628 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5B4



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2021 par le pôle social du Tribunal judiciaire d'Evry RG n° 20/00067





APPELANTE

S.A.R.L. [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Chao

uki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739 substitué par Me Faustine GRENIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05628 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5B4

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2021 par le pôle social du Tribunal judiciaire d'Evry RG n° 20/00067

APPELANTE

S.A.R.L. [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739 substitué par Me Faustine GRENIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 12 mai 2023 et prorogé au 09 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SARL [6] (la société) d'un jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que le 1er janvier 2018, Mme [J] [U], salariée de la société en qualité de collaboratrice d'agence, a établi une déclaration de maladie professionnelle pour' dépression', accompagnée d'un certificat médical initial établi le 23 décembre 2017 faisant mention de ' problèmes au travail depuis 2 ans. Syndrome anxio-dépressif réactionnel : troubles du sommeil, asthénie, difficultés de concentration, perte d'envies, trouble humeur fluctuant, idées noires'; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles région de Paris Ile de France a rendu le 10 juillet 2019 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée ; que le 16 juillet 2019, la caisse a notifié à la société la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de sa salariée ; que l'état de santé de Mme [U] a été déclaré consolidé à la date du 03 janvier 2021 et qu'un taux d'IPP a été fixé à 40 %; qu'entre-temps après avoir saisi en vain la commission de recours amiable et sur décision implicite de rejet, la société a le 15 janvier 2020, saisi le tribunal judiciaire d'Evry d'une contestation de la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie.

Par jugement en date du 18 mai 2021 le tribunal a :

- déclaré le recours de la société recevable ;

- débouté la société de son recours et de ses demandes ;

- déclaré opposable à la société la prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle du 1er janvier 2018 dont souffre sa salariée, Mme [J] [U] ;

- débouté la société de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que si Mme [U] n'a pas changé de poste de travail, les méthodes de travail ont changé, ainsi que sa charge de travail en raison de l'absorption de la société par une autre, ainsi que de la mise en place d'un nouveau système informatique comptable ; que Mme [U] s'est sentie dépassée, incompétente dans son nouveau travail, ce qui a généré un stress très important pour elle ; que même si l'ambiance de travail n'était pas délétère, il apparaît bien un lien entre le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme [U] et ses conditions de travail, ce que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a constaté ; qu'il n'est pas opportun de saisir un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dont l'avis, selon toute vraisemblance, corroborerait le premier avis favorable à la prise en charge de la pathologie.

La société a le 18 juin 2021 interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions écrites ' d'appelant' soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, au visa des articles L.461-1 alinéa 4, R.142-17-2 du code de la sécurité sociale, de :

- infirmer le jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a débouté la société de ses demandes et l'a condamnée aux dépens ;

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

- avant dire droit, désigner un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui de l'Ile de France pour instruire la déclaration de maladie professionnelle de Mme [J] [U] ;

- annuler la décision de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [J] [U] rendue par la caisse en date du 16 juillet 2019 ;

- annuler la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ainsi qu'aux frais éventuels d'exécution.

La société soutient en substance que :

- elle a formé avant dire droit une demande de désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui d'Ile de France pour instruire la déclaration de maladie professionnelle ; le juge saisi d'une contestation du caractère professionnel d'une maladie hors tableau par un employeur, doit, avant de statuer sur cette demande solliciter l'avis d'un second comité ; en la déboutant de sa demande de désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, le tribunal judiciaire a rendu un jugement en méconnaissance des articles L.461-1 et R.142-17-2 du code de la sécurité sociale selon lesquels la désignation d'un second comité est de droit lorsque le litige porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie hors tableau ;

- si elle ne conteste pas la réalité de la pathologie de Mme [U], la dépression de cette dernière n'est en aucun cas en lien avec ses conditions de travail lesquelles, contrairement à ses affirmations, étaient paisibles et identiques depuis de nombreuses années ; aucun élément ressortant de ses conditions de travail ne permet d'établir l'existence d'un lien entre la pathologie déclarée par la salariée et son activité professionnelle au sein de la société ; la dépression de Mme [U] n'a en aucun cas été directement et essentiellement causé par son travail, dès lors qu'elle a une origine personnelle ; il n'existe pas de lien direct et essentiel entre la maladie de Mme [U] et son travail habituel, en conséquence, la maladie n'est pas d'origine professionnelle.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, de :

- déclarer la société mal fondée en son appel ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry ;

- rejeter la demande de condamnation à l'encontre de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse réplique en substance que :

- la pathologie n'étant répertoriée dans aucun tableau de maladie professionnelle aucun délai de prise en charge ni aucune durée d'exposition au risque ne sont requis, la seule condition étant la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; préalablement à la motivation de son avis, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a pris connaissance de la demande motivée de reconnaissance, du certificat médical initial, du rapport circonstancié de l'employeur, de l'enquête réalisée par l'organisme gestionnaire, du rapport du contrôle médical ; le comité a disposé d'un dossier complet, étant précisé que l'enquête réalisée par la caisse comprend notamment le procès-verbal de l'assurée et de l'employeur, la fiche d'évaluation de formation ; le comité a procédé à l'audition du médecin rapporteur et de l'ingénieur conseil chef du service de prévention de la CRAMIF, le médecin du travail n'ayant pas répondu aux demandes ; le comité était ainsi en possession de tous les éléments nécessaires à la motivation de son avis ;

- le comité a retenu qu'il existait un lien de causalité entre l'affection et les conditions de travail; cette décision s'impose à la caisse conformément au dernier alinéa de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ; tous les éléments ont été soumis au comité ; dans ces conditions, le caractère professionnel de la pathologie déclarée par l'assurée a été reconnu ; il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de tout lien de causalité entre la maladie déclarée et l'activité professionnelle de Mme [U] ; l'employeur échoue à en faire la démonstration ; la juridiction de première instance a rejeté la demande de désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui ne ferait que confirmer l'avis du premier.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 21 février 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que:

'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

En l'espèce il n'est pas discuté que la maladie constatée médicalement le 23 décembre 2017 n'est pas mentionnée dans un tableau de maladie professionnelle et que le taux d'incapacité permanente prévisible de Mme [J] [U] était supérieur ou égal à 25 %, de sorte que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles était nécessaire pour une décision de prise en charge.

Le 10 juillet 2019, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles région de Paris Ile de France a donné un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, au motif que : ' Certaines conditions de travail peuvent favoriser l'apparition de syndromes anxio-dépressifs. L'analyse des conditions de travail telles qu'elles ressortent de l'ensemble des pièces du dossier ainsi que les éléments médicaux tranmis en particulier la chronologie d'apparition des symptômes et leur nature permettent de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médial du 23/12/2017".

En application des dispositions de l'article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale devenu l'article R.142-17-2 du même code, le différend portant sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, alors applicable, le tribunal doit recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ; il en résulte que la cour d'appel est tenue de recueillir cet avis lorsque le tribunal a méconnu cette disposition.

En l'espèce, la société conteste le caractère professionnel de la pathologie déclarée et le tribunal a méconnu la disposition susvisée en estimant qu'il n'était pas opportun de saisir un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il convient donc de désigner le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 7] qui devra donner son avis sur le lien direct et essentiel entre la maladie caractérisée soumise à instruction et le travail habituel de la victime.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

AVANT DIRE DROIT, désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle d'Orléans Centre, Direction Régionale du service médical, secrétariat comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, [Adresse 2], pour qu'il donne un avis motivé sur la question de savoir si la maladie dont souffre Mme [J] [U], constatée médicalement le 23 décembre 2017, a été directement et essentiellement causée par son travail habituel ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne saisira le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dans les meilleurs délais ;

INVITE les parties à communiquer les documents médicaux en leur possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale ;

DIT que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ;

SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;

RENVOIE l'affaire à l'audience à l'audience de la chambre 6-13 en date du :

Mercredi 24 Janvier 2024

en salle d'audience Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,

pour que l'affaire suive son cours après l'avis du comité régional ;

DIT que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/05628
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;21.05628 ?
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