Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 09 JUIN 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2023, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00165 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKKP
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
La SAS ALLOCATIONS D'ACTIFS CONSEIL
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 10 Mai 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La société allocation d'actifs conseils (ci-après la société AAC), courtier en assurances, a confié à Me Dounia Harbouche, avocate inscrite au barreau de Paris, la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à la société Cardif assurance vie (ci-après la société Cardif).
Le 23 février 2011, la société AAC et Me [P] [N] ont signé une convention qui prévoyait essentiellement :
'Comme convenu, et à titre tout à fait exceptionnel, je vous propose de fixer mes honoraires de la façon suivante, outre les débours (frais de délivrance d'assignation...) à votre charge:
D'une part, des honoraires de diligence, dans le cadre de la procédure judiciaire de première instance, au forfait de 2.000 € HT soit 2.392 € TTC
D'autre part, un honoraire de résultat équivalent à 20% H.T. sur les sommes récupérées à titre de dommages et intérêts ainsi que l'intégralité de l'article 700 du CPC déduction faite des honoraires et frais engagés dans le cadre de la procédure. Les sommes récupérées à l'issue d'un protocole transactionnel ou d'une décision définitive rendue en votre faveur feront l'objet d'un honoraires de résultat à prélever directement sur les fonds CARPA versés par l'adversaire.
L'ensemble de ces honoraires de diligence et de résultat restera dû même si vous décidiez de changer d'Avocat en cours d'instance. [...]'.
Par jugement du 1er février 2013, saisi par la société AAC, assistée de Me [P] [N], le tribunal de commerce de Paris a notamment :
' débouté la société AAC de l'ensemble de ses demandes,
' condamné la société AAC à payer à la société Cardif Assurance Vie la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 13 février 2013, la société AAC et Me [P] [N] ont signé une nouvelle convention qui prévoyait cette fois-ci 'dans le cadre de la procédure d'appel du litige vous opposant à la société Cardif Assurance Vie' en particulier :
'Comme convenu, et à titre tout à fait exceptionnel, je vous propose de fixer mes honoraires de la façon suivante, (outre les débours et honoraires de mon postulant, ex avoué et droit de timbres, à votre charge):
D'une part, des honoraires de diligence, dans le cadre de la procédure judiciaire d'appel, au forfait de 4.000 € HT soit 4.784 € TTC, selon NH N°13/02- 16, ci-jointe, de ce jour que je vous remercie de bien vouloir régler par moitié à la signature des présentes et le solde dans les 3 mois.
D'autre part, un honoraire de résultat équivalent à 10% H.T. sur toutes les sommes récupérées, en principal, dommages et intérêts et article 700 du CPC. Ces sommes récupérées à l'issue d'un protocole transactionnel ou d'une décision définitive rendue en votre faveur feront l'objet d'un honoraires de résultat à prélever directement sur les fonds CARPA versés par l'adversaire.
L'ensemble de ces honoraires de diligence et de résultat restera dû même si vous décidiez de changer d'Avocat en cours d'instance. [...]'.
Ensuite de l'appel interjeté à l'encontre du jugement susdit par la société AAC assistée par Me [P] [N], suivant un arrêt rendu le 23 octobre 2014, la cour d'appel de céans, autrement composée a notamment :
' confirmé le jugement déféré,
' condamné la société AAC à payer à la société Cardif la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 24 novembre 2014, la société AAC a déchargé Me [P] [N] de la défense de ses intérêts, faisant le choix d'un nouveau conseil, Me [L] [J].
Par arrêt rendu le 03 mai 2016, la Cour de cassation a :
' cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,
' remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
' condamné la société Cardif Assurance Vie aux dépens,
' vu l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée à payer à la société AAC la somme de 3.000 euros et a rejeté sa demande.
Ensuite d'une déclaration de saisine en date du 23 mai 2016 de la société Allocation d'Actifs Conseil, représentée par Me [L] [J], (affaire inscrite sous le numéro du répertoire général : 16/12342 - Pôle 5 - chambre 5), par un arrêt rendu le 04 octobre 2018, la cour d'appel de céans, autrement composée, a:
' infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société AAC de sa demande au titre de l'indemnisation d'une perte de chance,
statuant à nouveau,
' notamment dit que la société Cardif est redevable envers AAC de la rémunération au taux privilégié stipulé par le protocole signé le 11 juillet 2001 entre Cardif et l'AFCGP et par ses annexes, pour tous les contrats apportés par AAC à Cardif Assurances Vie entre le 11 juillet 2001 et le 26 août 2008, et ce, aussi longtemps que dureront les dits contrats, y compris après les prononcé de l'arrêt, les commissions étant dues jusqu'à expiration des encours correspondants aux contrats apportés par AAC à Cardif Assurance Vie entre le 11 juillet 2001 et le 26 août 2008,
[...]
' condamné en conséquence la société Cardif à payer à la société AAC un rappel de commissions, sauf à parfaire, de 141.300,74 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sur la somme de 65.262,57 € et à compter de la présente décision pour le surplus, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
et
' ordonné une mesure d'expertise pour calculer la somme réellement due et faire le compte entre les parties sur les bases retenues;
' sursis à statuer sur le montant définitif restant dû à ce jour,
[...]
' condamné la société Cardif à payer à la société AAC la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
'''
C'est dans ces circonstances que, suivant courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 20 juillet 2020, Me [P] [N] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris en fixation de ses honoraires dus par la société AAC à hauteur de 190.000 euros hors taxes à la suite des diligences qu'elle disait avoir effectuées pour cette cliente.
Elle rappelait son intervention comme conseil de la société AAC et expliquait que celle-ci lui avait indiqué que le montant de ses honoraires était trop coûteux et avait souhaité trouver seule un autre avocat à la Cour de cassation, en sorte qu'elle lui avait remis son entier dossier par courriels des 26 novembre et 02 décembre 2014 et par courrier du 02 décembre 2014, avant d'apprendre qu'un arrêt de cassation avait été prononcé le 03 mai 2016.
Elle faisait part de son étonnement alors que la société AAC ne lui avait pas confié le soin de poursuivre l'instance devant la cour d'appel de renvoi, alors même que l'avocat à la Cour de cassation avait loué la qualité de ses écritures de 1ère instance et d'appel, sans lesquelles il n'aurait jamais pu obtenir un arrêt de cassation.
Se prévalant de l'arrêt définitif de la cour de renvoi, prononcé le 04 octobre 2018, octroyant à sa société des sommes très importantes actuellement déposées, selon ses dires, à la CARPA d'environ 1.900.000 euros, elle rappelait les termes de la convention d'honoraires signée le 13 février 2013 considérant qu'elle devait s'appliquer.
Suivant une décision en date du 22 février 2011, après avoir recueilli les explications des parties, entendues le 13 octobre 2020 en audience par le rapporteur qu'il avait désigné, après avoir pris une première décision de prolongation le 16 novembre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats a :
' fixé à la somme de 9.420 euros hors taxes le montant total des honoraires dus à Me [P] [N] par la société AAC ;
' condamné en conséquence la société AAC à verser à Me [P] [N] cette somme de 9.420 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision, outre la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les frais éventuels de signification de celle-ci,
' prescrit l'exécution provisoire de la décision.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 23 mars 2021, la société AAC a formé un recours à l'encontre de ladite décision du bâtonnier de l'ordre des avocats qui lui avait été notifiée le 24 février 2021.
'''
L'affaire a été évoquée une première fois à l'audience du 1er février 2023, date à laquelle les parties avaient été convoquées par le greffe le 14 novembre 2022. A cette audience, sur demande du conseil de l'intimée qui souhaitait communiquer avec sa cliente après avoir reçu les conclusions de l'appelante le 13 janvier 2023, l'affaire a été renvoyée contradictoirement.
A l'audience de renvoi du 10 mai 2023, les parties ont de nouveau comparu.
'''
Lors de l'audience du 10 mai 2023, Me [P] [N] a sollicité le bénéfice de ses conclusions écrites remises au greffe le même jour aux termes desquelles elle demandait à cette juridiction de :
' déclarer l'appel interjeté par Me [P] [N] à l'encontre de la décision du bâtonnier de Paris du 22 février 2021, reçue le 24 février 2021, recevable et bien fondé,
' confirmer ladite décision en ce qu'elle a condamné la société AAC à verser à Me [P] [N] la somme de 9.420 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, outre la TVA au taux de 20%,
' l'infirmer en ce qu'elle a limité à la somme de 9.420 euros HT, le montant total des honoraires dus à Me [P] [N] par la société AAC,
et statuant à nouveau,
' condamner la société AAC à lui verser un honoraire de résultat supplémentaire de 4.710 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2021, outre la TVA au taux de 20%,
' condamner la société AAC à payer à Me [P] [N] un honoraire de résultat supplémentaire équivalent à 10%, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2021, de toutes les sommes perçues par la société AAC dans le cadre des suites de la procédure ayant donné l'arrêt définitif du 04 octobre 2018 de la cour d'appel de renvoi, comprenant toutes les condamnations accessoires, à savoir :
' 6.000 € d'article 700 du code de procédure civile que la société AAC a dû percevoir en exécution de l'arrêt définitif du 4 octobre 2018 de la cour de renvoi,
' le reliquat du rappel de commissions, augmentées des intérêts au taux légal, dues par Cardif à la société AAC qui sera fixé par la cour de renvoi statuant sur le montant définitif (Cardif ayant d'ores et déjà acquiescé au règlement, à titre provisionnel, des sommes de 11.444,90 euros et 3.545 euros à la société AAC),
' les 1.563.400 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2019, perçus par la société AAC au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire en exécution de l'Ordonnance du 5 septembre 2019 du CME de la CA de PARIS,
' les 50.500 euros, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 1/07/2021, perçus par AAC au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire en exécution de l'ordonnance du 1/07/2021 du CME de la cour d'appel de Paris,
' toutes autres sommes perçues par la société AAC en exécution des condamnations prononcées à l'encontre de Cardif dans le cadre des suites de l'arrêt définitif rendu le 4 octobre 2018 par la cour de renvoi,
' désigner la CARPA ou tel séquestre qu'il plaira au magistrat délégataire du Premier président de la cour d'appel de Paris, avec pour mission de conserver dans l'attente d'une décision irrévocable fixant le montant définitif des astreintes :
' la somme de 156.340 € due à Me [P] [N], soit 10 % des 1.563.400 euros perçus par AAC perçus au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire en exécution de l'ordonnance du 5 septembre 2019 du CME de la cour d'appel de Paris,
' la somme de 5.050 euros due à Me [P] [N] , soit 10 % des 50.500 euros perçus par la société AAC perçus au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire en exécution de l'ordonnance du 1/07/2021 du CME de la cour d'appel de Paris,
' débouter la société AAC de toutes ses demandes,
' condamner la société AAC à verser à Me [P] [N] la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
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En réponse, la société AAC a soutenu ses conclusions écrites remises au greffe à l'audience aux termes desquelles elle demandait à cette juridiction de :
' débouter Me [P] [N] des fins de son appel,
' infirmer la décision du bâtonnier,
' débouter Me [P] [N] de toute demande au titre d'un reliquat d'honoraire postérieur à son dessaisissement,
' la condamner à rembourser à la société AAC les 9.000 euros que celle-ci lui a payés en application de la décision entreprise;
' la condamner à payer à la société AAC une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Puis, l'affaire a été mise en délibéré pour que la décision soit rendue le 09 juin 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties.
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Saisi par Me [P] [N] d'une demande de fixation des honoraires dus par la société AAC, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a rendu sa décision, à l'encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant en particulier :
'Constate qu'il existe une convention d'honoraires, signée le 13 février 2013, prévoyant expressément un honoraire de résultat même en cas de dessaisissement de l'avocat.
Constate que la procédure suivie devant la, Cour de Cassation n'est que la poursuite de la procédure d'appel, et que le renvoi après Cassation devant ladite Cour autrement composée en est l'aboutissement.
Considère donc que le dessaisissement de l'avocat n'est intervenu qu'au moment où la Cour de renvoi a été effectivement saisie, puisque l'avocat au barreau n'a pas compétence pour postuler et représenter les parties devant la juridiction suprême, et que la remise du dossier au client, pour qu'il soit transmis à l'avocat au conseil de son choix, ne saurait en aucune manière constituer la preuve du dessaisissement, en sorte que l'argument développé sur la prescription quinquennale est parfaitement inopérant.
Constate, contrairement à ce qui est soutenu par AAC que la contribution de Maître [N] malgré l'incrimination de ses échecs successifs a été décisive, puisque pour justifier la cassation, la Cour a repris pour censurer la décision de la Cour d'appel, le moyen soutenu en cause d'appel par Maître [N] pour AAC, à savoir que son droit à commission lui demeurait acquis pendant toute la durée des contrats.
Considère donc que la clause de la convention d'honoraires relative à l'honoraire de résultat doit recevoir application.
Constate que par arrêt du 4 octobre 2018, CARDIF a été condamnée à payer à AAC un rappel de commissions de 141.300,74 €, sur une demande initialement introduite par Maître [N] en 2011 pour une somme de 65.262,57 €, et portée en cause d'appel à la somme de 136.725,78 €.
Considère que c'est bien par l'effet de l'intervention de Maître [N] que la condamnation en principal pour rappel de commissions a pu être prononcée en faveur de AAC, pour un montant de 141.300 € et que c'est cette somme qui doit servir à l'assiette de l'honoraire de résultat, et non les condamnations accessoires, et notamment l'astreinte, qui ne doivent rien à l'activité déployée par Maître [N], mais à celle de son successeur.
Considère que la prescription n'est pas acquise, la Cour de Cassation considérant que l'honoraire de résultat ne peut être demandé qu'une fois la décision soit devenue définitive.
Qu'en l'espèce l'arrêt de la Cour de Cassation a été rendu le 4 octobre 2018, fixant le montant de rappel de commission.
Considère, en ce qui concerne l'attribution de cet honoraire, qu'il sera retenu que Maître [N] ayant été dessaisie, n'a donc pas plaidé devant la Cour de renvoi, et qu'il n'est donc pas inéquitable de le ramener au 2/3 de ce qu'il aurait été si Maître [N] avait accompli la mission dans son intégralité et qu'il sera donc fixé à la somme de 9420 € HT, correspondant au 2/3 de la somme de 14 130 € HT, et condamne en tant que de besoin AAC à payer la dite somme de 9.420 € HT.
Dit qu'il n'y a lieu à application de l'article 700.'.
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Il n'est pas discuté que le recours formé par Me [P] [N] est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d'un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
A hauteur d'appel, comme devant le bâtonnier de l'ordre des avocats, les parties s'opposent en premier lieu sur l'applicabilité de la convention d'honoraires signée entre elles en date du 13 février 2013, et en particulier sur la portée de la clause prévoyant que les honoraires resteront dus même en cas de changement 'en cours d'instance'.
Sur l'application de la convention d'honoraires invoquée :
A l'appui de ses demandes, Me [P] [N] se prévaut de clause de dessaisissement insérée dans la seconde convention d'honoraires conclue avec la société AAC, qui prévoit un honoraire de résultat.
Elle souligne que celle-ci est licite. Observant que la cliente était représentée par son dirigeant aguerri à la lecture de contrats complexes, elle considère que la convention conclue est parfaitement claire et dénuée de toute ambiguïté.
Elle soutient encore que la cassation intervenue a eu pour effet de permettre la reprise et la poursuite de l'instance dans laquelle elle a assisté sa cliente, conformément aux prévisions de l'article 632 du code de procédure civile.
Elle en déduit qu'il y a lieu d'appliquer la clause qu'elle invoque comme l'a retenu à bon droit le bâtonnier de l'ordre des avocats.
Au contraire, la société AAC fait valoir qu'elle a dessaisi Me [P] [N] de sa mission d'assistance le 26 novembre 2014, en faisant le choix d'un nouveau conseil et s'oppose à la réclamation faite six ans après par cet avocate au titre des honoraires.
Elle soulève la nullité de la clause relative à l'honoraire de résultat dont elle n'a pas été informée de son sens exact. Elle soutient qu'en tout cas, elle n'a jamais consenti au paiement d'un tel honoraire de résultat acquis postérieurement au dessaisissement, ni même été mise en mesure de consentir à une telle obligation.
Selon elle, a minima, il y a eu erreur sur l'objet et la substance de la clause invoquée par Me [P] [N] au soutien de ses prétentions. Elle fait valoir que la clause ne visait pas les suites de l'arrêt de 2014. Elle relève que son dirigeant avait toutes raisons de penser que la convention valait bien pour l'instance devant conduire à l'arrêt de la cour d'appel puisque Me [P] [N] lui avait fait signer une précédente convention pour l'instance devant le tribunal de commerce et qu'après l'arrêt, cet avocate lui a demandé 1.500 euros pour présenter le dossier à un avocat à la Cour de cassation.
Elle remarque encore qu'après avoir été dessaisie, en lui rendant son dossier, Me [P] [N] n'a pas fait état d'un honoraire 'en suspens' dépendant des suites.
Elle considère que cette erreur est le fait même du comportement précontractuel de Me [P] [N] qui s'est abstenue d'informer son dirigeant du sens qui pourrait être prêté à la clause qu'elle invoque.
Enfin, la société AAC considère Me [P] [N] ne peut pas se prévaloir d'un succès postérieur à son dessaisissement. Elle ajoute que sauf à admettre que l'avocat puisse profiter du résultat d'un tiers au-delà de sa propre contribution au succès d'une cause, la clause signifie seulement que le résultat acquis avant le dessaisissement doit être seul pris en compte, soit en l'espèce deux échecs.
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En matière de contestation d'honoraires d'avocats, l'article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d'Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dont la section V est intitulée 'Contestations en matière d'honoraires et débours'.
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu'elles sont d'ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, pourvoi n° 10-21.144). L'article 277 de ce décret prévoit en outre qu' 'Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret.'.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l'ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d'honoraires est soumise d'apprécier, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat.
En effet, selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2013 au 8 août 2015, applicable à l'espèce, 'La tarification de la postulation devant le tribunal de grande instance et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
L'avocat est tenu de conclure avec son client une convention d'honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans. [...].'
Il est en outre acquis qu'une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement et que n'est pas en soi illicite la clause prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable.
Reste que lorsque une convention d'honoraire a été conclue, les stipulations de celles-ci doivent nécessairement être examinées au regard de l'exigence de clarté et de compréhensibilité qui doit présider aux relations entre un avocat et son client pour ce qui concerne les honoraires (arrêt CJUE du 12 janvier 2023, C-395/21 | D.V.)
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En l'espèce, la clause litigieuse prévoyant un honoraire de résultat est insérée dans la convention signée par les parties en date du 13 février 2013.
Cette convention fait suite à une précédente convention d'honoraires conclue entre les mêmes parties en date du 23 février 2011. Celle-ci concernait 'la procédure judiciaire de première instance' et prévoyait outre un forfait de 2.000 euros hors taxes, un honoraire de résultat équivalent à 20 % H.T. sur les sommes récupérées à titre de dommages et intérêts ainsi que l'intégralité de l'article 700 du code de procédure civile, déduction faite des honoraires et frais engagés dans le cadre de la procédure.
L'objet de la seconde convention conclue en date du 13 février 2013 est autre puisqu'il s'agit ici de déterminer le montant des honoraires de diligence et de résultat dus par la cliente à son avocate 'dans le cadre de la procédure d'appel du litige' encore désignée par la convention comme étant 'la procédure judiciaire d'appel' . Il est ainsi fait référence à deux reprises à l'objet de la convention qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle mission confiée à l'avocat, faisant suite à la procédure de première instance par-devant le tribunal de commerce.
Dès lors, l'objet même de la seconde convention est bien afférent à la défense des intérêts de la société AAC dans le litige l'opposant à la société Cardif dans l'instance en appel. Mais, il est circonscrit à cette instance alors que la convention vise expressément à deux reprises 'la procédure d'appel' et non pas plusieurs procédures. En tout cas, il n'est aucunement précisé que la convention aurait vocation à s'appliquer au-delà de la procédure visée, notamment lors des phases ultérieures, qui n'ont manifestement pas été envisagées lorsqu'elle a été conclue.
Cette seconde convention se distingue encore de la précédente quant au montant de l'honoraire de diligence prévu et aux modalités de détermination de honoraire de résultat. En effet, il est stipulé pour la procédure d'appel, à la fois un forfait au titre des honoraires de diligence, 'dans le cadre de la procédure judiciaire d'appel', à hauteur de 4.000 euros hors taxes et un honoraire de résultat équivalent à 10 % hors taxes sur toutes les sommes récupérées, en principal, dommages et intérêts et article 700 du code de procédure civile.
Il n'est d'ailleurs pas discuté qu'après la survenance de l'arrêt de la cour d'appel de céans autrement composée, Me [P] [N] a réclamé à son client de nouveaux honoraires pour prolonger sa mission d'assistance si celui-ci le souhaitait.
Il est encore constant que la mission ainsi confiée à Me [P] [N] s'est poursuivie jusqu'à la survenance de cet arrêt et que c'est après son prononcé, le 23 octobre 2014, que la société AAC a chargé un autre avocat de la défense de ses intérêts.
Or, il n'est pas douteux que lorsque le société AAC a ainsi chargé un nouvel avocat de défendre ses intérêts, la mission précédemment confiée par cette société à Me [P] [N] était terminée alors que l'arrêt d'appel avait été prononcé.
Pour autant, Me [P] [N] croit pouvoir utilement invoquer la stipulation de la convention, qui organise la détermination des honoraires en cas de dessaisissement, qui prévoit exactement que : 'L'ensemble de ces honoraires de diligence et de résultat restera dû même si vous décidiez de changer d'Avocat en cours d'instance.'.
Si la société AAC soutient que dans l'hypothèse où cette clause de la convention aurait pour effet de la rendre débitrice d'un honoraire de résultat au profit de Me [P] [N], celle-ci serait nulle, cependant, elle ne démontre aucunement en quoi son consentement aurait été vicié lors de la signature de la convention litigieuse.
Reste que pour pouvoir être appliquée, la clause litigieuse doit être suffisamment claire et compréhensible.
Les stipulations invoquées de la convention visent manifestement à sanctionner un dessaisissement intervenu 'en cours d'instance'.
Ces termes doivent être interprétés en considération des autres stipulations de la convention, adoptée communément par les parties.
Or, comme cela a été précédemment relevé, ladite convention n'avait pour objet que la détermination des honoraires dans le cadre de l'instance en appel contre le jugement rendu par le tribunal de commerce, mais pas au-delà.
Pour soutenir que son dessaisissement serait intervenu 'en cours d'instance' et fonder sa demande au titre de l' honoraire de résultat, Me [P] [N] invoque les dispositions de l'article 631 du code de procédure civile, lequel dispose exactement que 'Devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.'.
Toutefois, ces dispositions concernent, au plan procédural, les effets du pourvoi en cassation et non pas le mandat confié à l'avocat, sur l'étendue duquel elles ne sauraient avoir le moindre effet.
Ainsi, il ne saurait résulter des dispositions de l'article 631 du code de procédure civile que Me [P] [N] serait demeurée saisie d'une mission de représentation en justice, alors qu'elle l'avait pourtant menée à son terme et qu'elle n'était plus en charge de la défense des intérêts de sa cliente, qui a depuis fait le choix d'un nouveau conseil.
En outre, la saisine de la juridiction de renvoi est un préalable à la reprise de l'instance. Or, pour l'effectuer au moyen d'une déclaration au greffe de la juridiction de renvoi, le conseil doit avoir reçu pour ce faire mandat de son client, ce dont Me [P] [N] n'a pas été chargée.
Dès lors, de ce qui précède, il résulte que c'est à tort que le bâtonnier de l'ordre des avocats a pu faire droit à la demande de Me [P] [N], qui faute d'avoir été dessaisie en cours d'instance, ne pouvait pas valablement se prévaloir des stipulations de la convention la liant à sa cliente pour solliciter de celle-ci le paiement d'un honoraire de résultat.
Dans ces conditions, la décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.
Il reviendra par conséquent, le cas échéant, à Me [P] [N] de restituer à la société AAC les sommes qu'elle aurait reçues de la société AAC en application de la décision entreprise, sans qu'il y ait lieu de prononcer de condamnation de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Les dépens seront mis à la charge de Me [P] [N], qui a échoué dans son recours.
Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à la société AAC une indemnité de 2.000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Condamne Me [P] [N] aux dépens ;
Condamne Me [P] [N] à payer la somme de deux mille (2.000) euros à la société AAC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE