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09/06/2023 | FRANCE | N°19/01475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 09 juin 2023, 19/01475


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 09 JUIN 2023



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/01475 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F6D



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 18-00067





APPELANTE

LA [8] , PRISE EN QUALITE D'ORGANISME SPECIAL DE SECURITE SOCIALE DENO

MMEE CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354, substituée ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/01475 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F6D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 18-00067

APPELANTE

LA [8] , PRISE EN QUALITE D'ORGANISME SPECIAL DE SECURITE SOCIALE DENOMMEE CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354, substituée par Me Philippe MARION, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354

INTIMÉ

Monsieur [E] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de M. [L] [P], défenseur syndical, en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 02 juin 2023, prorogé au 09 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'EPIC [8] pris en qualité de Caisse de coordination aux assurances sociales de la [8] (la caisse) d'un jugement rendu le 23 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à [E] [C] (l'assuré).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'assuré, employé par la [8] en qualité de machiniste, a été victime d'un accident le 6 juin 2017 à 6 heures 01 déclaré par son employeur au titre des accidents de trajet le 8 juin 2017 ; que le certificat médical initial a été établi le 7 juin 2017 faisant état des lésions suivantes : « Hématome douloureux avant-bras gauche et poignet droit. État anxieux réactionnel à l'agression », avec un arrêt de travail jusqu'au 13 juin 2017, qui sera renouvelé jusqu'au 7 juillet 2017 ; que le 13 juin 2017, l'employeur a émis des réserves ; que la caisse, après instruction avec recours au délai supplémentaire, le 17 août 2017, a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle ; que l'assuré a saisi la commission de recours amiable le 9 octobre 2017 d'une contestation de cette décision ; qu'en l'absence de réponse de cette commission, l'assuré a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun le 22 janvier 2018.

Le tribunal, par jugement du 29 juillet 2019, a :

- déclaré l'assuré recevable en son recours et l'a dit bien fondé ;

- dit que l'accident survenu le 6 juin 2017 entre le domicile et le lieu de travail de l'assuré est un accident de trajet ;

- dit que la caisse devra procéder à un nouvel examen du dossier de l'assuré afin de déterminer ses droits ;

- dit que tout appel de la décision devait, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de la notification.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé qu'une rixe a opposé l'assuré à l'un de ses collègues alors qu'il allait prendre son service. Ensuite, le tribunal a retenu que si la caisse fait valoir que cette altercation était sans lien avec le travail, force était cependant de constater qu'il ressortait des faits tels que décrits par les protagonistes eux-mêmes que l'altercation faisait suite à la demande d'explication du collègue à l'assuré, lequel avait porté des critiques sur son travail auprès de son responsable hiérarchique, de sorte que le caractère professionnel de la rixe était établi et qu'il n'était pas contesté que cette rixe avait eu lieu alors que l'assuré se rendait à son travail et se trouvait sur son trajet habituel.

Le jugement lui ayant été notifié le 20 décembre 2018, la caisse en a interjeté appel le 18 janvier 2019.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2018 par le tribunal de Melun, ayant ordonné la prise en charge à titre professionnel de l'accident déclaré par l'assuré le 6 juin 2017 ;

- débouter purement et simplement l'assuré de l'ensemble de ses demandes mal fondées ;

- confirmer la décision de refus de prise en charge à titre professionnel du 17 août 2017 au titre des faits allégués du 6 juin 2017.

La caisse fait valoir en substance qu'en matière d'accident de trajet, il appartient à l'assuré de rapporter la preuve des faits matériels qu'il invoque ; qu'au cas d'espèce, les éléments communiqués ne sont pas suffisants pour déterminer les circonstances exactes de l'altercation ; que l'attestation produite révèle qu'une rixe a éclaté entre l'assuré et son collègue, et que d'autres collègues ont dû intervenir pour les écarter ; que les deux protagonistes présentent une version très différente des faits ; que leurs dires ne permettent pas de déterminer avec exactitude leur comportement respectif lors de cette rixe ; que l'assuré n'indique pas les suites qui ont été données à sa plainte et ne communique pas le dossier pénal alors que celui-ci aurait permis de confirmer ou non ses allégations ; qu'il ressort des allégations de l'assuré qu'il a lui-même facilité l'infraction dont il dit avoir été victime ; qu'il ressort de ses propres allégations qu'il est allé de lui-même à l'encontre de son prétendu agresseur et s'est ainsi volontairement exposé à l'agression dont il dit avoir été victime en bousculant son agresseur ; que l'objet de la rixe ne saurait être retenu comme établissant un lien avec le travail dès lors qu'aucun élément objectif ne vient confirmer les affirmations de l'assuré sur l'origine de l'altercation ; que l'interruption du trajet ne répondait pas à une demande de la hiérarchie et exclut que la dispute puisse être qualifiée d'accident de trajet ; qu'en interrompant son trajet pour se disputer avec un collègue, l'assuré s'est exclu du bénéfice des dispositions de la législation professionnelle.

Par un mémoire écrit soutenu oralement à l'audience par [L] [P], délégué syndical, l'assuré demande à la cour de :

- le déclarer recevable en ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de Melun le 23 novembre 2018 en toutes ses dispositions ;

- juger que l'accident de trajet survenu le 6 juin 2017 à l'assuré est un accident de trajet qui doit être pris en charge au titre de l'accident du travail ;

- débouter la caisse de toutes ses prétentions ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les dépens en cas d'exécution et tous les frais d'huissier seront mis à la charge de la caisse.

L'assuré fait valoir en substance qu'il a été agressé par un collègue, d'abord par des insultes et des menaces à plusieurs reprises puis par des coups portés à l'aide d'une barre de fer ; que dans sa déclaration de l'agression et dans sa plainte il a constamment fait état de la soudaineté des propos tenus par son collègue et des coups que ce dernier lui a portés ; qu'il a reçu un coup sur l'avant-bras en voulant protéger son visage ; que les circonstances de l'agression ont été confirmées par les témoignages de deux collègues témoins des faits ; que le témoignage du responsable hiérarchique à l'époque des faits corrobore également cette version en relatant le reproche professionnel qu'il a pu faire à son collègue et en confirmant la réalité de ce reproche qui lui a valu cette agression par ledit collègue ; que ce responsable hiérarchique l'a d'ailleurs accompagné au commissariat avec deux barres de fer et un tesson de bouteille qui ont servi lors de l'agression selon les témoignages, puis à l'hôpital pour être vu par un médecin et enfin à son domicile ; que son collègue de travail est à l'origine directe de l'agression qui lui a causé un trouble, étant observé que deux collègues ont dû intervenir pour mettre un terme à l'agression ; que selon l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 : « La violence au travail se produit lorsque un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à l'agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d'agression verbale, d'agressions comportementales, notamment sexistes, d'agression physique' » ; que l'agression dont il a été victime le 6 juin 2017 rentre parfaitement dans les prévisions de la violence au travail telle que définie par cet accord ; qu'il en est de même de la convention n° 190 de l'Organisation Internationale du Travail du 21 juin 2019 relative à l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail ; que selon cette convention la violence au travail désigne « un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu'ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, cause ou sont susceptibles de causer un dommage d'ordre physique, psychologique, sexuel ou économique' » ; que les premiers juges ont ainsi relevé à bon droit que l'agression dont il a été la victime faisait suite à une demande d'explication de son collègue à la suite des critiques portées sur son travail auprès de son responsable hiérarchique, de sorte que le caractère professionnel de la rixe était établi et que celle-ci avait eu lieu alors qu'il se rendait à son travail et se trouvait sur son trajet habituel ; que l'absence de réponse de la CRA dans le délai requis était un rejet implicite, de sorte que la caisse ne peut lui reprocher de ne pas avoir attendu la réponse explicite de la CRA ; que contrairement à ce qu'affirme la caisse, il n'a pas choisi volontairement de s'engager dans une altercation avec son collègue et il ne s'agit pas d'une affaire purement privée détachée de tout lien avec le travail ; que les jugements versés par la caisse ne sont pas transposables à l'espèce ; qu'en effet les témoignages démontrent qu'il a été la victime incontestable d'une agression abjecte et gratuite de la part de son collègue ; que s'il a reconnu avoir légèrement bousculé son collègue c'est en réponse à l'agression dont il était en train de faire l'objet ; qu'il s'agissait d'une légitime défense, ce que démontrent les coups reçus et médicalement constatés ; qu'il convient également d'apprécier la mauvaise foi de la caisse dans cette affaire au regard des dispositions des articles 1, 2, 13, 20, 21 à 24, 26, 28 à 34 du règlement intérieur de la [8] établissement bus.

En application de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties déposées à l'audience du 21 mars 2023, et visées par le greffe à cette date, pour l'exposé des prétentions et moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE :

Sur la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des faits survenus le 6 juin 2017 :

Il résulte de la combinaison des articles 1er et 3 du décret n°2004-174 et des articles 75 à 77 du règlement intérieur de la CCAS de la [8] seuls applicables au litige qu'est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu, par le fait ou à l'occasion du travail et que l'accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire. Pour l'application de cet article, la preuve contraire s'entend de la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.

En application de l'article 76 de ce règlement, la caisse considère également comme accident de trajet, l'accident qui survient entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où l'agent se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et un centre médical de la [8] a' condition que ce trajet soit effectué avant la prise de service ou après la fin de service de l'agent et que ce dernier en ait informe' son attachement.

Il n'est pas contesté par la caisse qu'une altercation a eu lieu entre l'assuré et un autre salarié sur le trajet domicile-travail le 6 juin 2017 à 6 heures 01. La caisse conteste le caractère professionnel de cette agression en soutenant que l'assuré s'est soustrait de la sphère d'autorité de son employeur en allant de lui-même à la rencontre de son agresseur et qu'il a ainsi interrompu son trajet habituel, et protégé, pour des motifs personnels sans lien avec le travail, de sorte qu'il ne peut pas bénéficier de la législation professionnelle. L'existence de la lésion n'est pas contestée par la caisse.

En l'espèce, il résulte de la déclaration d'accident du travail que l'employeur a déclaré l'accident en ces termes : « L'agent déclare : En rentrant de la gare [6], je me fais menacer verbalement physiquement par un collègue M. A. [Z], suite à un mécontentement la semaine 21 de la part de l'un de ses supérieurs. Il prend un poteau anti-stationnement pour me frapper et un témoin s'interpose. Plus loin, il casse une bouteille et saisit le tesson de celle-ci en venant vers moi. Je m'enfuis, il me poursuit. Je vois un collègue et à ce moment-là M. A. jette le tesson de bouteille puis il trouve une barre de fer et me menace de nouveau physiquement et verbalement, il me porte un coup avec la barre, me bouscule jusqu'à ce qu'un collègue s'arrête à notre hauteur. Risques d'agression » (pièce n°1 de la caisse).

Cette déclaration reprend en partie les déclarations de l'assuré faites à l'employeur, lesquelles sont plus détaillées : « En sortant de la gare [6], je me fais menacer verbalement et physiquement par M. A. [Z], suite à un mécontentement la semaine 21 de la part de ses supérieurs. Il prend un poteau anti-stationnement pour me frapper, à ce moment un témoin, M. C.1 s'interpose. Celui-ci me conseille de rester avec lui, en attendant que M. A. s'éloigne. Reprenant ma route et me voyant au téléphone il casse une bouteille et saisit le tesson de celle-ci en venant vers moi. Je m'enfuis et il me poursuit. Je vois un collègue de la ligne 24, sortant de son bus et lui dit que je suis poursuivi par M. A., celui-ci jette aussitôt le tesson de bouteille. À ce moment je vois qu'il cherche d'autres objets dans l'herbe, je prends mon téléphone et filme. Il trouve une barre de fer et me menace de nouveau physiquement et verbalement, je cite (je vais te planter). Il me porte un coup avec la barre, je me protège avec mes avant-bras, puis il me bouscule, j'essaie de le maîtriser puis pour éviter de reprendre des coups et à ce moment-là M. L s'arrête à notre hauteur. M. A. se débarrasse de la barre de fer, M. L. nous demande de nous arrêter. M. A. me dit, « c'est bon j'ai trois témoins, ils ont vu que tu étais en train de m'étrangler ». En arrivant, je donne la barre de fer au contrôleur de sortie (M. T.), et n'étant pas bien, je ne suis pas en mesure de tout lui expliquer à ce moment-là. Je suis pris en charge par mon responsable (M. C.3). » (pièce n°2 de l'assuré)

Le procès-verbal n° 01013/2017/006596 du 6 juin 2017, à 11 heures 19, enregistrant la plainte de l'assuré fait état des mêmes circonstances. L'assuré a déclaré au policier : « Le 06/06/2017, aux alentours de 06h00, je sortais du RER D à la station [6] située sur la commune de [Localité 5]. Comme il pleuvait, je me suis abrité sous un abri à vélo se trouvant à proximité de la gare RER, le temps d'enfiler un pantalon coupe-vent. J'étais en train de mettre mon pantalon lorsque j'ai entendu la voix d'un homme dire « Fils de pute, fils de chien, tu as appelé fils de pute ». J'ai levé la tête et j'ai constaté que c'était M. A. [Z], un collègue de travail, étant également conducteur de bus travaillant pour la [8]. J'ai alors compris pourquoi il me disait cela. Il y a quelques jours j'ai contacté mon responsable pour l'aviser que M. A. faisait mal son travail. Je suis allé vers M. A., lui demandant d'arrêter de m'insulter, je l'ai légèrement bousculé. Il m'a également bousculé, puis nous avons mis un terme à cette altercation. Je suis retourné à l'abris de bus pour finir d'enfiler mon pantalon. M. A. est allé prendre une barre de fer en métal de stationnement se trouvant au sol et est revenu vers moi tout en me disant en ces termes « Tu l'as appelé, je vais te tuer, je vais te tuer ». J'ai constaté que deux hommes se sont approchés de nous. L'un a pris la barre en métal que tenait dans sa main M. A. Il s'agit de M. C.1' M. A. a alors quitté les lieux, il était en train de prendre des objets se trouvant au sol le long du chemin de fer, mais je n'ai pas vu ce qu'il était en train de prendre. Je suis resté avec M. C.1 le temps qu'il quitte définitivement les lieux. J'ai, par la suite, continué mon chemin afin de me rendre au travail. Je l'ai alors aperçu sur mon chemin. Il avait dans sa main une bouteille de verre. Il a cassé la bouteille au sol et tenait le tesson dans sa main. Je suis alors parti en courant. Je sentais qu'il me suivait, il continuait de me dire en ces termes « Je vais te tuer ». J'ai alors aperçu un collègue qui conduisait un bus, je l'ai arrêté afin de demander de l'aide. M. A. a alors lâché son tesson de bouteille, il est passé devant moi sans faire de cas, comme s'il n'avait rien fait. Je suis reparti à pied, M. A. se trouvait devant moi. Nous nous trouvons au niveau de la zone commerciale [4], à proximité du magasin [3]. Je sentais qu'il cherchait à nouveau à m'insulter. J'ai alors enclenché la fonction vidéo de mon téléphone portable. Au bout d'un certain temps il s'en est aperçu, puis est parti ramasser ce qu'il trouvait au sol. Il a alors trouvé une barre en métal. Il s'est approché de moi mais comme il voyait que je le filmais, il a cessé de m'insulter. Il cachait la barre en métal dans son dos. Il est revenu vers moi et m'a alors poussé afin de m'empêcher de filmer. Il a alors voulu me porter un coup de barre au niveau de mon visage. Je me suis protégé avec mon avant-bras gauche j'ai reçu le coup sur l'avant-bras. J'ai essayé de le maîtriser mais il continuait de nouveau à me mettre des coups. Un collègue de travail qui était en train de conduire un bus s'est arrêté puis est descendu du bus. Il s'agit de M. L., conducteur de bus. Au moment où M. L. est descendu du bus, M. A. a jeté la barre de fer au sol et lui a dit « Tu as vu, il voulait étrangler, c'est bon j'ai trois témoins ». Je vous précise que notre collègue se trouvant dans son véhicule et allant embaucher s'est également arrêté, il s'agit de M. C.2. J'ai alors continué mon trajet, afin de me rendre au travail se trouvant à 50 m. M. A. se trouvait derrière moi. Jusqu'à ce qu'on arrive au dépôt, M. A. n'a cessé de me dire « Demain tu verras, je vais te tuer, je vais te planter ». J'ai avisé immédiatement mon responsable qui s'est déplacé au dépôt. J'ai quitté par la suite le travail afin de me déplacer dans vos locaux pour déposer plainte' » (pièces n°3 de l'assuré et 7/2 de la caisse).

Le certificat médical du 6 juin 2017, établi par le service des urgences de l'hôpital de [Localité 5], fait état d'un 'dème de 5 cm de diamètre à l'avant-bras gauche et de douleur base M2 à la main droite (pièce n° 4 de l'assuré).

Le certificat médical initial établi sur le Cerfa idoine le 7 juin 2017 par le médecin traitant de l'assuré fait état d'un hématome douloureux sur l'avant-bras gauche et le poignet droit, ainsi que d'un état anxieux réactionnel à la suite de l'agression et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 13 juin 2017(pièce n° 2/1 de la caisse).

Le responsable de la ligne de bus a été avisé de l'accident à 6h15 (pièce n°7/1 de la caisse).

La société a procédé à une mesure d'enquête interne en entendant ses deux salariés (pièces n°7/1 et 7/2 de la caisse).

Dans le cadre de cette enquête, [Z] A., auteur des faits allégués, a déclaré que je suis sorti du RER D à [6] et je suis allé voir [l'assuré] pour lui demander des explications sur les critiques concernant mon travail à mon responsable. Il m'a répondu qu'il n'avait rien à me dire, m'a insulté, m'a asséné une gifle sur ma joue droite, je lui ai saisi les bras pour qu'il arrête et deux personnes nous ont séparés. Puis, plus loin il a tenté de me mettre un coup de poing que j'ai esquivé, il m'a filmé, insulté, m'a donné un coup de pied au niveau du bas de la cuisse gauche et m'a menacé de mort jusqu'à ce que des collègues arrivent pour nous séparer. » (Pièce n° 6 de la caisse)

Au regard de la contradiction de ces déclarations la société a émis des réserves. La caisse a dès lors diligenté une instruction.

[R] L., témoin des faits désigné dans les déclarations de l'assuré, a attesté que : « Le 6 juin 2017 entre les heures de 06h05 et 06h10, je terminais mon service noctilien en rentrant au centre bus. Je constate que [l'assuré] se fait agresser par un autre collègue muni d'une barre de fer sur le trottoir face au [3] [Adresse 9] et Centre bus [Localité 5]. Je me suis arrêté puis suis intervenu pour les séparer. [L'assuré] avait maîtrisé l'agresseur entre ses bras lorsque l'agresseur m'a vu il jette la barre de fer au sol dans l'herbe que j'ai ensuite ramassée. Je tiens à préciser que deux autres collègues entre-temps se sont arrêtés mais je les connais pas et qui m'ont aussi aidé. » (pièce n° 14 de l'assuré)

[D] C.2, autre témoin désigné par l'assuré, a attesté que : « Le mardi 6 juin 2017 aux environs de 06h10 je me rendais au dépôt de [Localité 5] afin de commencer mon service. Lorsque je vis une altercation où [l'assuré] se faisait agresser par un autre collègue, [Adresse 9] (sur le chemin du travail à 50 m) sur le trottoir. Je m'arrêtais derrière un bus pour arrêter l'agression. Avec le collègue du bus qui rentrait au dépôt nous avons pu intervenir malheureusement après que l'assuré ait reçu quelques coups de barres de fer. Le collègue du bus a pu récupérer l'arme de l'agresseur qu'il avait jeté dans l'herbe. » (pièce n° 15 de l'assuré)

Il ressort en outre du témoignage du supérieur hiérarchique au moment des faits, [Y] S., que fin mars 2017, au poste de régulation de la ligne 103 à l'école vétérinaire de [Localité 7], l'assuré était venu lui dire que [Z] A exagérait en roulant plus lentement pour arriver à [Localité 10] et prendre une pause au terminus en demandant ensuite de pouvoir prendre un raccourci sans voyageurs pour rattraper son retard, ce qui, en raison du passage d'un bus toutes les 30 min à cette heure de la journée, entraînait des plaintes des clients auprès de l'assuré. Ce supérieur hiérarchique confirme que les faits étant confirmés par l'outil de régulation, [Z] A. en arrivant au terminus de l'école vétérinaire avait été averti que son comportement n'était pas acceptable et qu'il serait sanctionné si cela se reproduisait. Il confirme également que le 6 juin 2017 étant arrivé au Centre bus de [Localité 5] à 08h30 il a immédiatement reçu l'assuré puis l'a accompagné à la direction des ressources humaines et depuis le Centre bus jusqu'au commissariat de [Localité 5] où il a apporté les deux barres de fer et le tesson de bouteille qui avaient servi lors de l'agression selon les témoignages recueillis. Il confirme également qu'il a accompagné l'assuré à l'hôpital intercommunal de [Localité 5] pour y être vu par un médecin puis comme il était blessé l'a raccompagné jusqu'à son domicile avec sa voiture personnelle (pièce n°16 de l'assuré).

Il y a lieu de reprendre la motivation du premier juge qui a estimé à juste titre au regard des éléments ci-dessus rappelés qu'il ressortait des faits tels que décrits par les protagonistes eux-mêmes que l'altercation faisait suite à la demande d'explication de M. [Z] A. à l'assuré, lequel avait porté des critiques sur son travail auprès de son responsable hiérarchique qui avait alors averti M. [Z] A., de sorte que le caractère professionnel de la rixe était établi. Il ne peut donc pas être soutenu utilement que l'assuré aurait interrompu son trajet habituel pour aller au-devant de son collègue et régler un différend personnel sans lien avec le travail. Au contraire non seulement il n'est pas contestable que M. [Z] A. est à l'origine de l'altercation et de sa poursuite malgré l'intervention d'un premier tiers mais les témoignages concordent pour décrire l'assuré comme seule victime et ne corroborent nullement les violences imputées à l'assuré par M. [Z] A. (l'étranglement) et chargent exclusivement ce dernier auquel ils ont pris ses armes par destination pour les remettre à leur supérieur hiérarchique.

Cette altercation ayant eu lieu sur le chemin habituel de l'assuré le séparant de la gare RER et le Centre de bus où il devait prendre son service, et le trajet protégé n'ayant pas été interrompu pour un motif personnel étranger au travail, le caractère professionnel de l'accident n'est pas contestable et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

La caisse qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens. L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à l'assuré la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du 23 novembre 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun en toutes ses dispositions ;

Y additant,

CONDAMNE la [8] prise en qualité de Caisse de coordination aux assurances sociales à payer à [E] [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la [8] prise en qualité de Caisse de coordination aux assurances sociales aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/01475
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;19.01475 ?
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