La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2023 | FRANCE | N°18/13983

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 09 juin 2023, 18/13983


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 09 JUIN 2023



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13983 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B655H



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/06124





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE

Service

contentieux

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMÉE

M. [F] [R] ( SOCIÉTÉ [6] )

[Adresse 2]

[Localité 5]

r...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13983 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B655H

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/06124

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS-DE-SEINE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉE

M. [F] [R] ( SOCIÉTÉ [6] )

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Assunta SAPONE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0404, substitué par Me Matthieu BLAESI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0404

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, et Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine d'un jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à M. [F] [R].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [F] [R], pharmacien propriétaire titulaire de la [6] à [Localité 5], a fait l'objet d'une analyse des facturations remboursées entre le 1er janvier 2012 et le 30 septembre 2013 par les Caisses Primaires d'Assurances Maladie de l'Ile de France ; que la notification des griefs a eu lieu les 26 juin et 29 juin 2015 comportant la liste des anomalies constatée et des griefs retenus ; que suite à l'entretien avec le service du contrôle médical et au terme de la procédure contradictoire, la Caisse a fait valoir les suites qu'elle entendait donner aux griefs par courrier du 8 octobre 2015 ; que par courrier recommandé du 23 octobre 2015, le directeur général de l'Assurance Maladie a notifié à M. [F] [R] un indu de 34 374,69 euros se répartissant sur plusieurs caisses, dont 5 590,62 euros concernaient la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine ; que M. [F] [R] a contesté le bienfondé des indus et a saisi les Commission de Recours Amiable de chaque caisse ; que par décision du 9 novembre 2016, notifiée le 21 novembre 2016, la Commission de Recours Amiable a confirmé partiellement le bien fondé de la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine qu'elle a ramené à 4 492,82 euros sur la base de plusieurs anomalies ; que la Caisse Primaire d'Assurances Maladie a déposé plainte à l'encontre du pharmacien devant la section des assurances sociales du Conseil de l'Ordre des pharmaciens pour les mêmes faits au cours de la même période ; que M. [F] [R] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris le 2 décembre 2016.

Par jugement en date du 18 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré M. [F] [R] recevable en sa demande ;

- débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 4] de sa demande en restitution d'indu ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires des parties ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise à une date indéterminée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 4] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 18 décembre 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 18 septembre 2018 en toutes ses dispositions .

- recevoir la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine en sa demande reconventionnelle et l'y déclarer bien fondée ;

en conséquence,

- condamner M. [F] [R] à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine la somme de 4 492,82 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la notification d'indu du 23 octobre 2015 ;

- condamner M. [F] [R] à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que c'est toujours à celui qui réclame le bénéfice de prestations de justifier du bienfondé de sa demande ; que dans la mesure où le paiement est réalisé sur demande du professionnel de santé, il lui appartient en cas de contestation ultérieure de la Caisse de démontrer que les facturations qu'il a réalisées étaient justifiées, de sorte que c'est à bon droit qu'elles lui ont été réglées au vu de ses déclarations ; que les règles applicables quant à la charge de la preuve imposent à la partie sur laquelle celle-ci repose de prendre ses dispositions quant à la conservation des pièces nécessaires au soutien de ses prétentions ; que M. [F] [R] ne peut dès lors se dédouaner de sa carence en indiquant qu'il n'a aucune obligation de conservation des ordonnances au-delà de 90 jours ; que l'argumentation tendant à dire que les jurisprudences précitées ne seraient pas applicables lorsqu'elles ne concernent pas un pharmacien apparaît parfaitement inopérante dans la mesure où, s'agissant des règles de preuves en matière de contrôle de facturation, la profession du professionnel de santé contrôlé importe peu car, qu'il soit médecin, kinésithérapeute, pharmacien, ambulancier ou infirmier, le fondement juridique du contrôle et de la notification d'indu est rigoureusement le même ; que toute la procédure de contrôle lui a donc permis de connaître précisément ce qui lui était reproché et de formuler des observations, étant rappelé que s'agissant d'un système déclaratif, les griefs retenus sont fondés sur les cotations qu'il a elle-même appliquées à la lumière de ses dossiers ; que M. [F] [R] n'a pas contesté l'ensemble des indus ; que les constats opérés par le Service médical sont donc suffisants pour justifier de l'indu notifié par la Caisse ; que le Conseil de l'Ordre composé de pairs de M. [F] [R] a validé les conclusions des opérations de contrôle menées pour le compte de l'Assurance Maladie de sorte qu'une sanction devait lui être infligée ; que les griefs sont constitués par les points suivants : facturation en une seule fois d'une quantité de produit supérieure à un mois, renouvellement anticipé de délivrances, non-respect de la législation sur les hypnotiques et anxiolytiques, remboursement de préparations magistrales non remboursables .

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, M. [F] [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale du 18 septembre 2018 en ce qu'il a :

*déclaré recevable M. [F] [R] en sa demande ;

*débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines en sa demande de restitution d'indu ;

*condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que comme le confirme le jugement dont appel, pour ce qui relève de la procédure contentieuse devant le tribunal judiciaire, il y a lieu d'appliquer les règles de droit commun relative à la charge de la preuve ; que la caisse ne peut, sans se contredire et sans méconnaître les dispositions des 1353 du Code civile et 9 du code de procédure civile précités, reconnaître d'une part qu'elle réclame le remboursement de sommes qu'elle considère comme indues, et affirmer qu'il lui appartient seul de justifier du bien-fondé de sa contestation ; que dans ses conclusions du 21 juillet 2022, la Caisse opère une confusion entre la procédure précontentieuse de contrôle et la procédure judiciaire en considérant qu'il a pu avoir accès aux pièces lors de cette procédure de contrôle ; que s'il a pu consulter les pièces, sans en obtenir de copie, dans les locaux de la Caisse, lors de la procédure de contrôle, tel n'est pas le cas ni du tribunal, ni de la cour alors même qu'il conteste les conclusions que la Caisse tire desdites pièces ; qu'à l'exception des ordonnances prescrivant des médicaments classés comme stupéfiants, le pharmacien n'a pas à conserver une copie des prescriptions, lesquelles appartiennent au patient et dont le double doit être adressé à la Caisse comme pièce justificative de la facture subrogatoire ; que sur la période considérée, la convention liant les pharmaciens aux caisses ne l'obligeait pas à conserver l'ensemble des prescriptions et, en cas de conservation, pas au-delà d'un délai de 90 jours; que les sanctions ordinales ne sauraient justifier de l'indu ; que rien ne s'oppose à ce que le tribunal hier et aujourd'hui la cour puisse consulter les pièces justificatives et ainsi de permettre à la cour « de savoir les raisons qui ont conduit à retenir lesdites anomalies et à examiner leur bien-fondé ou non » ; que dans la procédure l'opposant à la Caisse, le tableau, comme l'a justement relevé le tribunal des affaires de sécurité sociale, ne permet pas, à lui seul, d'examiner le bien-fondé des anomalies retenues par la Caisse ; que seules les prescriptions sur lesquelles figurent le nom des médicaments prescrits, la posologie, l'éventualité d'un ou de plusieurs renouvellements, et les mentions apposées par la pharmacie sur celles-ci et reprenant la date de prescription, la date de délivrance, les quantités délivrées et le montant facturé permettent de contrôler, voire d'apprécier, la réalité de l'indu ; que, relativement aux anomalies résultant des préparations non remboursables, les pièces produites n'apportent pas la preuve de ce qui est allégué par la caisse ; que s'agissant des intérêts légaux, il sera rappelé qu'il ne faisait qu'user le plus strictement de son droit de recours, usage d'autant plus justifier que le tribunal lui a donné raison en première instance, ne saurait être considéré comme responsable de la durée de la procédure.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 30 mars 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur le droit de la preuve en matière d'indu

En cas d'inobservation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1 du même code, l'organisme de prise en charge recouvre l' indu correspondant auprès du professionnel de santé ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement. Il résulte de ces dispositions que l'organisme de prise en charge est fondé, en cas de non respect des règles de tarification et de facturation des médicaments et spécialités pharmaceutiques, à engager le recouvrement de l'indu correspondant auprès du pharmacien titulaire de l'officine qui a délivré ces derniers quelle que soit la forme juridique de l'exploitation de l'officine.

Les professionnels de santé, en cas de contestation ultérieure de la caisse, doivent démontrer que les facturations qu'ils ont réalisées étaient justifiées et qu'elles lui ont été réglées à bon droit au vu de ses déclarations. Il appartient donc à l'organisme d'assurance-maladie de rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation, puis au professionnel de discuter des éléments de preuve produits par l'organisme, à charge pour lui d'apporter la preuve contraire (2ème Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.506).

La production par la Caisse de tableaux établis par elle, annexés à la notification de payer, qui reprennent, notamment, les numéros des bénéficiaires, les dates de prescription, les noms des assurés, les dates de mandatement, les numéros et noms du pharmacien, les produits délivrés, les bases de remboursement et les montants remboursés et des dossiers contestés incluant les prescriptions constitue une preuve suffisante de l'indu.

En l'espèce, la caisse produit un tableau récapitulatif mentionnant la caisse créancière, le régime d'assurance maladie, le numéro de facture, le numéro du prescripteur, la date de délivrance des produits, le code nature des prestations, le code CIP ou LPP, le libellé du médicament délivré, la quantité délivrée, le prix unitaire, le montant du remboursement, le taux du remboursement, la date de mandatement, l'anomalie commentée et le montant du préjudice. A ce tableau était jointe une liste intitulée référentiels reprenant la nature de l'anomalie et les références textuelles du code de la santé publique ou du code de la sécurité sociale, ainsi que les références des arrêtés éventuellement applicables outre une table de correspondance entre les numéros de dossiers et les patients avec leur matricule de sécurité sociale, la date de naissance et le code de caisse de rattachement. Ces éléments suffisent à caractériser le manquement reproché.

Il appartient donc au pharmacien de démontrer, pour chaque anomalie dénoncée, la régularité de la délivrance, le moyen tiré des règles de télétransmission et de conservation des ordonnances étant inopérant puisque tendant à renverser la charge de la preuve qui lui incombe.

S'agissant de la violation du secret médical, la production par la caisse des dossiers médicaux avec les prescription devant la juridiction de jugement rend inopérant ce moyen.

Le jugement déféré sera donc infirmé, sauf en ce qu'il a déclaré M. [F] [R] recevable en sa demande.

- sur les indus

Les textes du code de la santé publique visés par la Caisse ne constituent pas uniquement des obligations déontologiques mais les habilitations légales à exercer la profession et les conditions de son exercice. La validité de l'exercice par le professionnel constitue la base de l'obligation de remboursement de la Caisse.

Il n'y a donc pas lieu de qualifier un préjudice dès lors que les conditions de délivrance ne sont pas respectées.

Il n'est pas contesté que le dossier n° 75 de la liste n'a pas fait l'objet de contestation, de telle sorte que l'indu de 11 euros est justifié.

- sur la facturation en une seule fois d'une quantité de produit supérieure à un mois

L'article R. 160-20-5 du code de la sécurité sociale dispose que : « Ainsi qu'il est dit à l'article R. 5123-2 du code de la santé publique :

" Art. R. 5123-2.-L'ordonnance comportant la prescription d'un médicament pour une durée de traitement supérieure à un mois indique, pour permettre la prise en charge de ce médicament, soit le nombre de renouvellements de l'exécution de la prescription par périodes maximales d'un mois ou de trois mois pour les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois, soit la durée totale de traitement, dans la limite de douze mois. Pour les médicaments contraceptifs, le renouvellement de l'exécution de la prescription peut se faire par périodes maximales de trois mois, quel que soit leur conditionnement.

Pour en permettre la prise en charge, le pharmacien ne peut délivrer en une seule fois une quantité de médicaments correspondant à une durée de traitement supérieure à quatre semaines ou à trente jours selon le conditionnement. Toutefois, les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois peuvent être délivrés pour cette durée dans la limite de trois mois. En outre, quel que soit leur conditionnement, les médicaments contraceptifs peuvent être délivrés pour une durée de douze semaines. " ».

L'article R 5132-12 du code de la santé publique dispose que :

« Il ne peut être délivré en une seule fois une quantité de médicaments correspondant à une durée de traitement supérieure à quatre semaines ou à un mois de trente jours selon le conditionnement.

Toutefois, les médicaments présentés sous un conditionnement correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois peuvent être délivrés pour cette durée dans la limite de trois mois. En outre, quel que soit leur conditionnement, les médicaments contraceptifs peuvent être délivrés pour une durée de douze semaines ».

Ce texte réglementaire, régissant la profession de pharmacien, est d'ordre public. Il s'en suit que le pharmacien ne peut délivrer de médicament que dans les conditions prévues par ce texte et pour les durées qu'il édicte.

En l'espèce, la cour est en mesure de vérifier pour le dossier n° 13 que les pièces visées par la caisse ont été communiquées. La caisse produit l'ordonnance sous le régime de l'affection de longue durée pour la délivrance de médicaments sur six mois. Deux factures n° 387453 et 387510 sont produites datées du 2 mars 2013 et du 6 avril 2013 dont le paiement est intervenu le 16 avril 2013 après télétransmission le 15 avril 2013. Si le pharmacien indique qu'il s'agit d'un recyclage de facture, il ne dépose pas de pièces relatives à la première présentation et à un éventuel rejet, alors que les numéros de factures très proches ne permettent pas de conclure qu'elles ont été établies à un mois d'intervalle, de telle sorte que son argumentation sera rejetée.

S'agissant du dossier n° 42, la cour est en mesure d'opérer la vérification que sur l'ordonnance initiale du 28 janvier 2013, les médicaments ont été facturés sous les références 000392354 et 392355, ce qui exclut une délivrance à un mois d'intervalle, le numéro d'ordre indiquant donc une délivrance concomitante. Le fait que la délivrance globale de médicaments sur six mois ait respecté l'ordonnance constitue cependant une violation des dispositions précitées.

L'indu sera donc validé.

- sur les renouvellements anticipés de délivrances

L'article R.5132-14 du code de la santé publique énonce que : « Le renouvellement de la délivrance d'un médicament ou d'une préparation relevant de la présente section ne peut avoir lieu qu'après un délai déterminé résultant de la posologie et des quantités précédemment délivrées.

Le renouvellement fait l'objet d'un nouvel enregistrement. Lorsque le renouvellement est effectué par le même dispensateur, l'enregistrement peut consister en la seule indication du numéro afférent à la délivrance précédente.

Sont ajoutées sur l'ordonnance les mêmes indications que celles énumérées à l'article R. 5132-13 ».

Il résulte de ce texte que la délivrance de médicaments renouvelable ne peut se faire qu'en respectant le délai résultant de la posologie et des quantités précédemment délivrées.

L'article R 5132-22 précise en son dernier alinéa que : « Les dispensateurs sont tenus d'exécuter les renouvellements selon les modalités définies à l'article R. 5132-14, sous réserve des dispositions de l'article R. 5121-95 ».

L'article 9 de la Convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'Assurance Maladie, applicable à compter du 25 juillet 2006, stipule que : « Les parties signataires considèrent que l'analyse pharmaceutique de l'ordonnance médicale effectuée par le pharmacien au cours de l'acte de dispensation est un facteur essentiel contribuant à la qualité de cet acte. Elle le conduit plus particulièrement à :

- opérer un suivi de l'utilisation des produits de santé pour chaque assuré qui recourt régulièrement à ses services, notamment en veillant à ce que les quantités délivrées à l'occasion de dispensations successives par son officine soient en adéquation avec le ou les traitements prescrits ».

Dès lors, en ne respectant pas les délais de renouvellement liés à l'ordonnance, un pharmacien ne respecte pas la prescription et agit hors habilitation. En conséquence, la délivrance du médicament n'était pas licite et le droit à remboursement n'était pas acquis.

La caisse dépose les décomptes images et la facture du 28 mars 2013 pour un traitement prescrit le jour même, démontrant ainsi que la délivrance a suivi une délivrance antérieure du 11 mars 2013, la prescription étant valable pour un mois.

Le pharmacien ne dépose aucune pièce pour contester cet argument. L'indu sera donc confirmé

- sur le non-respect de la législation sur les hypnotiques et anxiolytiques

L'article R. 5132-21 du code de la santé publique dispose que : « Une prescription de médicaments relevant des listes I et II ne peut être faite pour une durée de traitement supérieure à douze mois.

Toutefois, pour des motifs de santé publique, pour certains médicaments, substances psychotropes ou susceptibles d'être utilisées pour leur effet psychoactif, cette durée peut être réduite par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé après avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ».

L'arrêté du 7 octobre 1991 précise la durée de prescription. Ainsi, l'article 1 limite à quatre semaines la durée de prescription des médicaments contenant les substances à propriétés hypnotiques, ainsi que leurs sels lorsqu'ils peuvent exister et l'article 1 bis, limite à deux semaines la prescription des médicaments contenant des substances à propriétés hypnotiques, ainsi que leurs sels. L'article 2 énonce enfin que : « Ne peuvent être prescrits pour une durée supérieure à douze semaines les médicaments contenant les substances à propriétés anxiolytiques, ainsi que leurs sels lorsqu'ils peuvent exister, inscrites sur la liste I des substances vénéneuses à des doses et à des concentrations non exonérées figurant à la deuxième partie de l'annexe du présent arrêté ».

La prescription du 2 avril 2013 porte sur de l'Imovane établie pour trois mois. Même si le médecin a demandé le renouvellement, dès lors que le médicament en cause est classé comme hypnotique, le pharmacien, dans sa mission de professionnel de santé attaché au respect des dispositions impératives du code de la santé publique, aurait dû refuser de renouveler la délivrance sans nouvelle ordonnance. Or, la caisse démontre plusieurs facturations sur la même ordonnance. Le remboursement n'était pas dû.

- sur les préparations magistrales non remboursables

L'article R. 163-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que : « I. - Les préparations magistrales et les préparations officinales, mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, délivrées sur prescription médicale, sont prises en charge par l'assurance maladie conformément aux articles R. 322-1 et R. 322-1-2, sauf lorsque ces préparations :

- soit ne poursuivent pas à titre principal un but thérapeutique, alors même qu'elles sont réalisées dans les conditions prévues aux 1° et 3° de l'article L. 5121-1 ;

- soit ne constituent qu'une alternative à l'utilisation d'une spécialité pharmaceutique, allopathique ou homéopathique disponible ;

- soit sont susceptibles d'entraîner des dépenses injustifiées pour l'assurance maladie, faute de présenter un intérêt de santé publique suffisant en raison d'une efficacité mal établie, d'une place mineure dans la stratégie thérapeutique ou d'une absence de caractère habituel de gravité des affections auxquelles elles sont destinées ;

- soit contiennent des matières premières ne répondant pas aux spécifications de la pharmacopée.

II. - Sont notamment exclues les catégories de préparations magistrales et de préparations officinales fixées par arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale répondant à au moins l'un des critères d'exclusion du remboursement mentionnés au I du présent article.

III. - La prise en charge des préparations magistrales et des préparations officinales par l'assurance maladie est subordonnée à l'apposition par le médecin sur l'ordonnance de la mention manuscrite : "prescription à but thérapeutique en l'absence de spécialités équivalentes disponibles" ».

En l'espèce, la préparation magistrale avait vocation à n'être qu'une alternative à l'utilisation d'une spécialité pharmaceutique, allopathique ou homéopathique disponible, dès lors que seule la commodité de la préparation par rapport à l'utilisation de la spécialité était en cause. Les explications données par le pharmacien ne permettent pas de remettre en cause cette appréciation.

L'indu est donc caractérisé.

En conséquence, la caisse réclame à bon droit le remboursement de la somme de 4 492,82 euros et M. [F] [R] sera condamné au paiement de cette somme.

La caisse ne démontrant pas la date de réception de la mise en demeure du 23 octobre 2015, les intérêts courront à compter de la demande en justice présentée à l'audience du 2 juin 2017, valant interpellation suffisante.

M. [F] [R] qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine ;

CONFIRME le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ce qu'il a déclaré M. [F] [R] recevable en sa demande ;

L'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT à nouveau :

CONDAMNE M. [F] [R] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine la somme de 4 492,82 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 ;

CONDAMNE M. [F] [R] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [R] aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13983
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;18.13983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award