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08/06/2023 | FRANCE | N°22/18985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 juin 2023, 22/18985


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18985 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVPY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Septembre 2022 -Président du TJ de MELUN - RG n° 22/00435





APPELANTE



S.A.S. FDC [Localité 6], RCS de Créteil sous le n°808 3

25 989, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Jérémie CREPIN de la SELARL CORVAISIE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18985 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVPY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Septembre 2022 -Président du TJ de MELUN - RG n° 22/00435

APPELANTE

S.A.S. FDC [Localité 6], RCS de Créteil sous le n°808 325 989, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie CREPIN de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0170

Assistée à l'audience par Me Philippine MARTIN DE CLAUSONNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. IMMOBILIERE CARREFOUR, RCS d'Evry sous le n°323 439 786, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée à l'audience par Me Erwann JEGOT, substituant Me Paul FRIAS-NAHMIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0281

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Rachel LE COTTY, Conseillère

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Immobilière Carrefour est propriétaire de locaux commerciaux situés [Adresse 5], à [Localité 6] (77), qui ont été donnés à la location à la société Providange, aux droits de laquelle vient, par suite d'une cession de fonds de commerce, la société FDC [Localité 6], en vertu d'un contrat de bail en date du 31 mars 2006 soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce.

Se plaignant du non paiement des loyers et des charges, la société Immobilière Carrefour a fait délivrer le 3 mai 2022 à la société FDC [Localité 6] un commandement de payer la somme de 114.452,72 euros en principal.

Par acte du 15 juillet 2022, la société Immobilière Carrefour a fait assigner la société FDC [Localité 6] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun, aux fins de voir :

- ordonner la résiliation du bail et son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et 1'assistance d'un serrurier ;

- ordonner que les meubles se trouvant dans les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et, à défaut , seront laissés sur place ou entreposés aux frais, risques et périls du preneur en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier en charge de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de huit jours à l'expiration duquel il sera procédé à leur destruction ou à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de1'éxécution, conformément aux dispositions du code des procédures d'exécution ;

- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les locaux loués dans un garde-meubles aux choix de la société Immobilière Carrefour, aux frais, risques et périls de la société FDC [Localité 6] ;

- condamner la société FDC [Localité 6] au paiement d'une provision de 128.229,91 euros, à valoir au titre des loyers, charges et accessoires, arrêtée au 9 juin 2022 sauf à parfaire ;

- condamner la société FDC [Localité 6] au paiement d'une provision de 12.822,99 euros, à valoir au titre de la clause pénale, arrêtée au 9 juin 2022 sauf à parfaire ;

- condamner, à titre provisionnel, la société FDC [Localité 6] au paiement des sommes dues au titre du bail par application d'un taux d'intérêt de l% sur toutes les sommes exigibles, les intérêts afférents à tout mois commencé étant dus en totalité ;

- fixer l'indemnité d'occupation d'un montant correspondant au double du loyer exigible au titre de la derniére année de location, tout trimestre commencé étant dû en totalité, outre le paiement des charges, et condamner la société FDC [Localité 6] au paiement d'une provision de 101.663,04 euros au titre d'une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle sur la base du double du loyer exigible au titre de la dernière année de location, tout trimestre commencé étant dû en totalité, outre le paiement des charges, à compter du 4 juin 2022, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés, par expulsion en l'absence de meubles laissés dans les lieux ou à l'issue du délai de huit jours à compter de la date d'expulsion en cas de maintien des meubles dans le local loué ;

- condamner à titre provisionnel la société FDC [Localité 6] au montant du dépôt de garantie, soit la somme de 12.707,86 euros par acquisition de ce montant à la société Immobilière Carrefour;

- condamner la société FDC [Localité 6] à payer une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, incluant le coût du commandement de payer.

La société FDC [Localité 6] n'a pas comparu ni été représentée en première instance.

Par ordonnance réputée contradictoire du 30 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun a :

- constaté l'acquisition de la clause insérée au bail commercial conclu le 31 mars 2006 à compter du 4 juin 2022 ;

- ordonné l'expulsion de la société FDC [Localité 6] des lieux qu'elle occupe Centre Commercial Carrefour [Localité 6] [Adresse 5], à [Localité 6] (77), dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- dit qu'à défaut, la société FDC [Localité 6] pourra être expulsée ainsi que ses biens et toute personne occupant les lieux avec elle, et ce avec le concours de la force publique s'il y a lieu ;

- ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles au choix de la bailleresse et ce en garantie de toutes les sommes qui pourraient être dues ;

- condamné la société FDC [Localité 6] à payer, à titre de provision, à la société Immobilière Carrefour les sommes de :

128.229,91 euros correspondant au montant des loyers et charges impayés suivant décompte arrêté au mois de juin 2022 inclus avec application d'un taux d'intérêt de 1%,

12.822,99 euros à titre provisionnel au titre de la clause pénale ;

- constaté l'acquisition du dépôt de garantie de 12.707,86 euros au profit de la société Immobilière Carrefour ;

- condamné la société FDC [Localité 6] à payer à la société Immobilière Carrefour la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision ;

- condamné la société FDC [Localité 6] aux dépens en ceux compris le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 8 novembre 2022, la société FDC [Localité 6] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 février 2023, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Melun le 30 septembre 2022 ;

statuant à nouveau,

- débouter la société Immobilière Carrefour de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- suspendre le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial ;

- lui accorder des délais de paiement sur le fondement de l'article 1345-5 du code civil ;

- condamner la société Immobilière Carrefour à lui payer la somme de 182.820,83 euros au titre du manquement à l'obligation de bonne foi ;

en tout état de cause,

- condamner la société Immobilière Carrefour à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En substance, la société FDC [Localité 6] sollicite, sur le fondement de la force majeure, le débouté de la bailleresse de sa demande en paiement des loyers échus pendant les périodes de mars à mai 2020 et de octobre à décembre 2020 où elle a dû interrompre son activité en raison de la crise sanitaire. A titre subsidiaire, elle sollicite des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire, se prévalant de difficultés financières dues notamment à la crise sanitaire. A titre reconventionnel, elle sollicite le paiement de dommages et intérêts d'un montant équivalent à la créance du bailleur, invoquant la mauvaise foi contractuelle de ce dernier qui, en dépit des circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire, n'a pas répondu à ses demandes réitérées de renégociation du loyer.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 avril 2023, la société Immobilière Carrefour demande à la cour de :

- débouter la société FDC [Localité 6] de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- déclarer irrecevable la prétention nouvelle de la société FDC [Localité 6] tendant à la condamnation de la société Immobilière Carrefour au paiement de la somme de 182 .820,83 euros au titre d'un supposé manquement à l'obligation de bonne foi ;

à titre subsidiaire,

- débouter la société FDC [Localité 6] de sa prétention nouvelle tendant à la condamnation de la société Immobilière Carrefour au paiement de la somme de 182. 820,83 euros au titre d'un supposé manquement à l'obligation de bonne foi ;

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

constaté l'acquisition au profit d'Immobilière Carrefour du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au bail commercial du 31 mars 2006 à compter du 4 juin 2022,

ordonné l'expulsion de la société FDC [Localité 6] des lieux qu'elle occupe [Adresse 5], à [Localité 6] (77) dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance de référé du 30 septembre 2022,

dit qu'à défaut, elle pourra être expulsée ainsi que ses biens ou toute personne occupant les lieux avec elle, et ce avec le concours de la force publique s'il y a lieu ;

condamné la société FDC [Localité 6] à payer à titre de provision à la société Immobilière Carrefour les impayés de loyers, charges et accessoires avec application d'un taux d'intérêt de 1% ;

constaté l'acquisition du dépôt de garantie de 12.707,86 euros au profit de la société Immobilière Carrefour ;

condamné la société FDC [Localité 6] au paiement des dépens et de 1.200 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer l'ordonnance du 30 septembre 2022 sur le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux ;

statuant à nouveau,

- ordonner, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier en charge de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de huit (8) jours à l'expiration duquel il sera procédé à leur destruction ou à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution ;

- infirmer l'ordonnance du 30 septembre 2022 en ce qu'elle a fixé le montant l'impayé à la somme de 128.229,91 euros et le montant de la clause pénale à la somme de 12.822,99 euros ;

statuant à nouveau,

- condamner la société FDC [Localité 6] à payer à titre de provision à la société Immobilière Carrefour la somme de 182.306,41 euros, et subsidiairement 128.229,91 euros ;

- condamner la société FDC [Localité 6] au paiement à titre de provision des pénalités contractuelles à hauteur de 10% du montant des impayés (soit la somme de 18.230,64 euros et subsidiairement 12.822,99 euros) ;

- infirmer l'ordonnance du 30 septembre 2022 en ce qu'elle a débouté la société Immobilière Carrefour de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation ;

statuant à nouveau,

- condamner à titre provisionnel la société FDC [Localité 6] au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 4 juin 2022, correspondant au double du dernier loyer appelé HT et HC au 4 juin 2022, soit à la date d'acquisition de la clause résolutoire, soit le montant annuel de 101.663,04 euros HT et HC et portant intérêt de 1% et assortie d'une pénalité de 10% des sommes dues ;

en tout état de cause,

- débouter la société FDC [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société FDC [Localité 6] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société FDC [Localité 6] aux entiers dépens.

En substance, l'intimée soulève l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de l'appelante, comme étant nouvelle en cause d'appel. Sur la force majeure, elle oppose les arrêts rendus par la Cour de cassation le 30 juin 2022 et qui l'écartent. Elle conteste être de mauvaise foi dans le fait de n'avoir pas fait droit aux demandes de la locataire, qu'elle a bien examinées. Elle s'oppose aux délais de paiement sollicités et à la suspension des effets de la clause résolutoire, contestant que la baisse du chiffre d'affaires de société FDC [Localité 6] soit liée à la crise sanitaire, se prévalant de l'importance de la dette, de son augmentation constante du fait du non paiement du loyer courant et de l'incapacité de la locataire à l'apurer, précisant qu'un seul paiement de 30.000 euros a été effectué depuis juillet 2020. Elle forme appel incident sur le montant de sa créance, non retenue en totalité par le premier juge qui ne l'a pas actualisée, ainsi que sur l'indemnité d'occupation égale au double du loyer selon les dispositions du bail, que le premier juge a rejetée au motif que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de procéder à la vérification et au calcul du montant de cette indemnité.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la force majeure

Aux termes de l'article 1218 alinéa 1er ducode code civil, 'Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.'

Il en résulte que le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

Autrement dit, la force majeure est un mécanisme prévu dans l'intérêt exclusif du débiteur, seule hypothèse prévue par l'article 1218 du code civil.

Or en l'espèce, le preneur qui a été empêché d'exercer son activité en raison des mesures gouvernementales prises dans le cadre de la crise sanitaire au printemps et à l'automne 2020, n'a pas été empêché de payer le loyer par l'effet de ces mesures ; il n'a été empêché que de profiter pleinement de la jouissance du local. Dès lors, il n'est pas autorisé à invoquer la force majeure.

C'est en ce sens que la Cour de cassation a statué dans ses arrêts du 30 juin 2022 (3e civ, n° 21-20.127 et n° 21-20.190), en énonçant : 'Il résulte de l'article 1218 du code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résiliation du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.'

La société PDC [Localité 6] est en conséquence mal fondée à se prévaloir de la force majeure s'agissant des loyers et charges échus durant les périodes de mars à mai 2020 et d'octobre à décembre 2020 pour un montant total de 23.839,02 euros.

Sur le montant de la provision au titre du loyer et des charges

Il ressort du relevé de compte de la locataire (produit en pièce 14 par la société bailleresse) et non contesté par l'appelante que cette dernière reste redevable au 1er avril 2023 (loyer d'avril 2023 inclus) d'une somme totale de 182.306,41 eurs au titre des loyers et charges impayés.

Il sera donc fait doit à la demande de provision de la société Immobilière Carrefour à hauteur de cette somme qui correspond au montant non sérieusement contestable de l'obligation de la société FDC [Localité 6], l'ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et les délais de paiement

Il n'est pas discuté que la locataire n'a pas réglé les causes du commandement de payer du 3 mai 2022 dans le mois de sa délivrance, en sorte que la résiliation du bail se trouve acquise à la date du 4 juin 2022 comme il a été exactement jugé en première instance.

Il résulte du relevé détaillé du compte de la dette locative que celle-ci a commencé à se constituer avant même la crise sanitaire, que si elle s'est accrue à partir de cette crise elle a continué à progresser après sa fin, pour atteindre le montant très important de 182.306,41 euros au 1er avril 2023.

Il ressort d'un message adressé le 5 avril 2022 par la locataire à sa bailleresse que ses difficultés récurrentes sont liées à la proximité d'un concurrent direct, la société PDC [Localité 6] écrivant : 'Aujourd'hui notre chiffre d'affaires est de 0 euro et ce depuis 13 mois, car notre activité de réparation automobile, face à un centre automobile de 2500 m² ne peut plus être rentable dans le local où le loyer est trop élevé.'

Les feuilles de caisse produites par l'appelante font en effet ressortir que son chiffre d'affaires net était de 339.659,81 euros en 2020, de 86.840,73 euros en 2021 et de 0 euro au 28 avril 2022.

Il apparaît ainsi que l'activité de la société PDC [Localité 6] n'est plus rentable et que la locataire se trouve dans l'incapacité d'acquitter sa dette en sus du loyer courant, même dans les plus larges délais de paiement de 24 mois qui lui seraient consentis sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, en sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ses demandes de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Sur l'indemnité d'occupation

Il résulte clairement du relevé de compte produit que le montant du loyer et des charges courants s'élève actuellement à la somme mensuelle de 5.892,24 euros TTC (loyer, provision sur charges, taxe focière et TVA) .

L'indemnité d'occupation qui est due par la société PDC [Localité 6] à sa bailleresse depuis la résiliation du bail doit être fixée à ce montant, étant rappelé que l'indemnité d'occupation présente une nature mixte, indemnitaire et compensatoire, qu'elle constitue la contrepartie de l'occupation du bien et de son indisponibilité, qu'elle doit donc être fixée à une somme au moins équivalente à celle contractuellement due par le locataire.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la bailleresse tendant à ce que cette indemnité soit fixée au double du loyer conformément à la clause prévue au bail, laquelle s'analyse en une clause pénale.

Il convient en effet de rappeler que si le juge des référés peut entrer en voie de condamnation provisionnelle en application de clauses pénales claires et précises, nonobstant le pouvoir modérateur des juges du fond, c'est à la condition que leur application ne procure pas un avantage disproportionné pour le créancier. Or les sommes ici en jeu sont de ature à procurer un avantage excessif pour la société Imobilière Carrefour, excédant notablement le montant du préjudice réellement subi.

Sur les clauses pénales (pénalité de 10%, intérêts de 1% par mois, conservation du dépôt de garantie)

La pénalité contactuelle de 10% des sommes dues, le taux de l'intérêt de retard de 1% par mois et la conservation du dépôt de garantie s'analysent en des clauses pénales.

Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement des sommes dues en application de ces clauses par le bailleur, l'ordonnance étant infirmée de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société locataire

Cette demande indemnitaire, fondée sur la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution du contrat, s'analyse en une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile.

En application de l'article 567 du même code, elle est recevable même formée pour la première fois en appel.

Elle est en revanche mal fondée, alors qu'il ne peut être reproché au bailleur de n'avoir pas répondu favorablement à la demande de son locataire tendant à voir réviser le loyer à la baisse, alors qu'il n'est pas contractuellement tenu à une telle rénégociation et qu'en outre, l'ancienneté de la dette, sa progression constante et son importance légitimaient son refus de négocier, sa locataire ne lui apportant aucun gage d'amélioration de sa situation.

Sur les mesures accessoires

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

Perdant pour l'essentiel de son appel, la socété FDC [Localité 6] sera condamnée aux dépens de la présente instance.

La situation économique des parties commande toutefois d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise :

- sur le montant de la provision allouée au bailleur au titre du loyer et des charges,

- en ce qu'elle a rejeté la demande au titre de l'indemnité d'occupation,

- en ce qu'elle a fait droit aux demandes au titre des clauses pénales,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société PDC [Localité 6], à titre provisionnel, à payer à la société Immobilière Carrefour, à compter de la date de résiliation du bail (4 juin 2022), une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers, charges et taxes qui seraient dus si le bail n'était pas été résilié,

Condamne la société PDC [Localité 6] à payer à la société Immobilière Carrefour, à titre provisonnel, la somme de 182.306,41 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 1er avril 2023 (terme d'avril 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter de la date du commandement de payer sur 82.390,43 euros, de la date de l'assignation sur 128.229,91 euros, du présent arrêt sur le solde,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes relatives aux clauses pénales (dépôt de garantie, pénalité de 10% et intérêts de retard de 1% par mois),

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

Déclare recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle indemnitaire de l'appelante,

Rejette cette demande indemnitaire,

Condamne la société PDC [Localité 6] aux dépens de la présente instance,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18985
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.18985 ?
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