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08/06/2023 | FRANCE | N°22/18982

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 juin 2023, 22/18982


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 08 JUIN 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18982 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVPR



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/50553





APPELANTE



S.A.R.L. JOCELYN, RCS de Paris sous le n°403 345 440, prise en la perso

nne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 08 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18982 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVPR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/50553

APPELANTE

S.A.R.L. JOCELYN, RCS de Paris sous le n°403 345 440, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIME

M. [J] [N]

[Adresse 4]

[Localité 1] (SUEDE)

Représenté par Me Catherine DAUMAS de la SCP SCP d'Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0056, substituée à l'audience par Me Laurentine SARROUY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 1er novembre 2001, M.[N] a donné à bail à la société Jocelyn un local commercial dans un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 2]. Ce bail a été renouvelé à compter du 1er juillet 2013.

Par acte d'huissier de justice en date du 30 octobre 2018, M. [N] a fait délivrer à son locataire un premier commandement de payer la somme de 48.675 euros au titre des loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire prévue au bail.

La société Jocelyn a formé opposition à ce commandement et sollicité la répétition d'une somme de 19.950 euros au titre des provisions sur charges.

Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 30 novembre 2018, accordé à la société Jocelyn un délai rétroactif pour apurer sa dette locative de 48.675 euros arrêtée 30 octobre 2018, suspendu les effets de la clause résolutoire, fixé la créance de la société Jocelyn à l'encontre de M. [N], au titre de la répétition des appels de provisions indus, à la somme de 49.960 euros arrêtée au 30 octobre 2018, ordonné la compensation entre la créance du locataire et celle du bailleur, constaté que la société Jocelyn a apuré les causes du commandement dans le délai accordé, dit que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué, condamné la société Jocelyn à payer à M. [N] la somme de 52.057 euros au titre des loyers et charges impayés échus entre le 1er trimestre 2019 inclus et le 1er trimestre 2020, condamné la société Jocelyn à payer la somme de 3000 euros à M. [N] en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par acte d'huissier de justice en date du 4 octobre 2021, M. [N] a fait délivrer à sa locataire un nouveau commandement visant la clause résolutoire, de payer la somme de 117.608,35 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 3ème trimestre 2021 inclus, cet acte incluant la dette locative de 52.057 euros fixée par le jugement du 19 novembre 2020.

Par acte du 18 novembre 2021, M. [N] a fait assigner la société Jocelyn devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties,

condamner la société Jocelyn à lui payer une provision de 115.791,80 euros sur loyers impayés arrêtée au troisième trimestre 2021 inclus ; outre une provision à titre d'indemnité d'occupation augmentée de toutes charges et taxes, le tout majoré de 20%,

condamner la société Jocelyn à lui payer une provision de 22.518 euros pour charges et taxe foncière du deuxième trimestre 2020 et troisième trimestre 2021,

ordonner son expulsion,

ordonner la séquestration des meubles garnissant le local loué dans les conditions de ses écritures,

condamner la défenderesse à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'huissier.

Par ordonnance contradictoire du 7 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté à compter du 5 novembre 2021 l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 1er novembre 2021 liant les parties ainsi que la résiliation du contrat ;

- dit que la société Jocelyn devra libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 2] et, faute de l'avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef ;

- condamné la société Jocelyn à payer à M. [N] la somme provisionnelle de 115.791,80 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges, accessoires indemnités d'occupation éventuelles, arrêté au 8 juin 2022 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2022 ;

- autorisé la société Jocelyn à se libérer de cette dette en 17 mensualités de 6.471 euros, outre une dix-huitième mensualité qui sera du montant du solde de la dette, le dix de chaque mois en sus du loyer courant et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer, charges et accessoires mentionnés dans le contrat de bail commercial du 1er novembre 2021 comme si le contrat s'était poursuivi sans résiliation ni retard à compter du 5 novembre 2021 ;

- condamné la société Jocelyn à payer à M. [N] l'indemnité d'occupation déterminée selon les conditions fixées au sein du présente dispositif à compter du 9 juin 2022 jusqu'à la libération effectives des lieux ;

- condamné la société Jocelyn au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ;

- condamné la société Jocelyn à payer à M. [N] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus.

Il est indiqué dans l'ordonnance que la société Jocelyn n'a pas contesté la dette, a sollicité de quitter les lieux au 30 septembre ainsi qu'un délai de paiement de 24 mois.

Par déclaration du 08 novembre 2022, la société Jocelyn a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 février 2023, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a :

constaté à compter du 5 novembre 2021 l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 1er novembre 2021 liant les parties ainsi que la résiliation du contrat,

dit qu'elle devra libérer les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 2] et, faute de l'avoir fait, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef,

condamné celle-ci à payer à M. [N] la somme provisionnelle de 115.791,80 euros au titre de l'arriéré de loyer, de charges, accessoires et d'indemnité d'occupation éventuelle, arrêté au 8 juin 2022 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2022,

autorisé celle-ci à se libérer de cette dette en dix-sept mensualités de 6.471 euros, outre une dix-huitième mensualité qui sera du montant du solde de la dette, le 10 de chaque mois en sus du loyer courant et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente ordonnance,

fixé le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer, charges et accessoires mentionnés dans le contrat de bail commercial du 1er novembre 2021 comme si le contrat s'était poursuivi sans résiliation ni retard à compter du 5 novembre 2021,

condamné celle-ci à payer à M. [N] l'indemnité d'occupation déterminée selon les conditions fixées au sein du présente dispositif à compter du 9 juin 2022 jusqu'à la libération effective des lieux,

condamné celle-ci au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer,

condamné celle-ci à payer à M. [N] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

- dire et juger qu'aucune stipulation expresse du bail ne prévoit que le non-paiement des sommes résultant d'une décision de justice ne se trouve sanctionné par la clause résolutoire ;

- dire le commandement nul et non avenu ;

- suspendre les effets de la clause résolutoire et lui accorder un délai de 24 mois à compter de la date de signification de la décision à intervenir pour s'acquitter des éventuelles sommes mises à sa charge ;

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes et de son appel incident ;

- déclarer recevables ses demandes et prétentions, et y faire droit ;

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de Me Etevenard, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Jocelyn soutient que le commandement de payer du 4 octobre 2021 est nul est non avenu, cet acte incluant la condamnation prononcée par le jugement du 19 novembre 2020 alors que la clause résolutoire du bail ne prévoit pas de sanction pour les sommes mises à la charge du preneur par suite d'une décision de justice.

Elle sollicite 24 mois de délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire, rappelant que son activité commerciale a été frappée par la crise des gilets jaunes puis par la crise sanitaire.

Elle conteste la fin de non-recevoir soulevée par son bailleur au motif que ses demandes seraient nouvelles en appel, faisant valoir que le contenu de ses demandes de première instance n'est pas connu, la procédure étant orale et le résumé qui en est fait par l'ordonnance étant insuffisant, que le bailleur ne produit pas le plumitif d'audience pour en attester, que par l'effet dévolutif la cour est saisie de l'entier litige et l'appelante est évidemment en droit de solliciter l'infirmation de l'ordonnance entreprise, qu'au surplus les ordonnances de référé n'ont pas au principal autorité de chose jugée.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 24 mars 2023, M. [N] demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Jocelyn ;

A titre subsidiaire,

- déclarer mal fondée la société Jocelyn en l'ensemble de ses demandes et en conséquence, l'en débouter ;

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 7 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Jocelyn à lui payer une indemnité de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé soutient l'irrecevabilité des demandes de la société Jocelyn comme étant nouvelles en cause d'appel, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, faisant valoir que la bailleresse a reconnu sa dette en première instance et s'est engagée à quitter les lieux le 30 septembre 2022, se bornant à solliciter des délais de paiement, ce que précise l'ordonnance qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, non démontrée pas l'intimée qui ne produit pas le plumitif d'audience ; que l'effet dévolutif n'a pas pour effet de permettre à une partie de former une demande nouvelle devant la juridiction de second degré.

A titre subsidiaire, M. [N] fait valoir que les sommes visées dans le commandement sont bien prévues par la clause résolutoire, qu'en tout état de cause, même si la cour estimait que les sommes dues au titre du jugement rendu le 19 octobre 2020 n'auraient pas dû être visées par le commandement du 4 octobre 2021, cet acte n'en est pas moins valable pour le surplus des sommes visées.

L'intimé s'oppose aux délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire, rappelant que la société Jocelyn n'a réglé aucun loyer depuis le 1er trimestre 2018 et n'a pas respecté les délais de paiement qui lui ont été accordés. Il précise que la société Jocelyn a été expulsée des locaux le 30 janvier 2023.

SUR CE, LA COUR

Sur la fin de non-recevoir

Selon l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Selon les articles 71 et 73 du code de procédure civile :

- 'Constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.'

- 'Les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause.'

En l'espèce, les demandes formées en appel par la société Jocelyn, de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire et de suspension des effets de cette clause, s'analysent en une défense au fond en ce qu'elles tendent à voir rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la demande de M. [N] tendant à voir constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire par suite du défaut de régularisation du commandement de payer délivré à sa locataire le 4 octobre 2021.

Cette défense au fond pouvant être proposée en tout état de cause, elle est recevable même si elle est présentée pour la première fois en appel.

Aussi, elle est recevable en l'espèce, même si la société Jocelyn n'a pas contesté la validité du commandement de payer en première instance et n'a pas non plus sollicité expressément la suspension des effets de la clause résolutoire, se bornant à solliciter oralement, à l'audience du 8 juin 2022, un délai pour quitter les lieux au 30 septembre ainsi qu'un délai de paiement d'une durée de 24 mois, ainsi que cela ressort des mentions de l'ordonnance entreprise qui font foi jusqu'à preuve du contraire, étant en outre rappelé que l'absence de contestation à l'audience lors d'une procédure orale ne caractérise pas la volonté non équivoque d'acquiescer.

Les demandes de la société Jocelyn sont donc recevables en appel.

Sur le fond du référé

Sur la demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire

Il y a lieu de rappeler :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

En l'espèce,

- la demande de nullité du commandement de payer soutenue par la société Jocelyn échappe aux pouvoirs du juge des référés ;

- ne constitue pas un moyen de contestation sérieuse empêchant de constater la résiliation du bail le moyen tiré de ce que les causes du commandement de payer du 4 octobre 2021 comprennent le montant de la condamnation prononcé par le jugement du 19 novembre 2020 au titre des loyers et charges impayés échus entre le 1er trimestre 2019 inclus et le 1er trimestre 2020, alors que, d'une part, le commandement a été délivré aussi pour les loyers et charges échus postérieurement et dont le non paiement n'est pas contesté, d'autre part, en prévoyant que le bail sera résilié de plein droit 'en cas de manquement par le preneur à l'une quelconque de ses obligations contractuelles' 'et de même en cas de violation des dispositions imposées au preneur par les textes légaux et réglementaires et notamment par le décret du 30.09.1953", la clause résolutoire sanctionne par la résiliation de plein du bail le manquement du preneur à son obligation de payer le loyer, manquement incontestablement caractérisé par l'inexécution (non discutée) par le preneur de la condamnation prononcée contre lui par le jugement du 19 novembre 2021 au titre des loyers et charges impayés échus entre le 1er trimestre 2019 inclus et le 1er trimestre 2020 ;

- il n'est pas contesté par la société Jocelyn qu'elle n'a pas davantage acquitté les loyers et charges échus entre le 2ème trimestre 2020 et le 3ème trimestre 2021 visés au commandement de payer du 4 octobre 2021.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du 4 octobre 2021, et la demande d'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement de ce commandement ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Sur les demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

En sollicitant la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, M. [N] ne remet pas en cause en appel la décision du premier juge en ce qu'il a accordé à la locataire dix huit mois de délais de paiement et cela sans suspendre les effets de la clause résolutoire.

L'ordonnance est en revanche critiquée par la locataire, d'une part sur la durée des délais de paiement accordés à hauteur de dix huit mois, puisqu'elle sollicite en appel un délai de vingt quatre mois, d'autre part en ce qu'elle n'a pas suspendu les effets de la clause résolutoire pendant les délais octroyés.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Il ne saurait être accordé à la société Jocelyn un délai de paiement supérieur à celui consenti en première instance, alors qu'il est constant qu'elle ne règle pas son loyer depuis le 1er trimestre 2018, qu'elle ne justifie d'aucun paiement depuis la décision de première instance ni ne produit en appel aucun élément pour justifier de sa situation financière actuelle, étant observé que les événements successifs dont elle se prévaut (mouvement des gilets jaunes et crise sanitaire) sont aujourd'hui anciens.

La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a alloué un délai de paiement de dix huit mois, sauf à actualiser en appel le point de départ de ce délai.

La cour ne peut que suspendre les effets de la clause résolutoire pendant ce délai, l'octroi de délais par le juge impliquant nécessairement la suspension des effets de la clause résolutoire (Civ.3e, 7 janvier 1998, n° 95-20.167). L'ordonnance sera infirmée de ce chef.

Sur les mesures accessoires

Le sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

Le sens du présent arrêt commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes formées en appel par la société Jocelyn,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle n'a pas suspendu les effets de la clause résolutoire pendant les délais accordés,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que les délais de paiement consentis par le premier juge et confirmés par la cour (17 mensualités de 6.471 euros et une 18ème du solde, en sus du loyer et des charges courants), prendront effet le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt,

Suspend les effets de la clause résolutoire pendant les délais de paiement consentis,

Dit que si ces délais sont respectés la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué ;

Dit que dans le cas contraire,

- le tout deviendra immédiatement exigible,

- la clause résolutoire sera à nouveau acquise à la date du 5 novembre 2021 et reprendra son plein effet,

- la société Jocelyn sera tenue au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, taxes et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi,

- il pourra être procédé à l'expulsion de la société Jocelyn et de tout occupant de son chef,

- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens exposés en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18982
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.18982 ?
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