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08/06/2023 | FRANCE | N°22/18944

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 juin 2023, 22/18944


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 08 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18944 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVMU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Octobre 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/54572





APPELANTE



S.A.R.L. EPICES D'OR, RCS de Paris sous le n°512 947 532 prise en la pe

rsonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Hugo WINCKLER de l'AARPI EVERGREEN ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 08 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18944 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVMU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Octobre 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/54572

APPELANTE

S.A.R.L. EPICES D'OR, RCS de Paris sous le n°512 947 532 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Hugo WINCKLER de l'AARPI EVERGREEN LAWYERS, avocat au barreau de PARIS, toque : E649

INTIMEE

S.C.I. PARDES PATRIMOINE, RCS de Paris sous le n°447 748 286, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 8 mars 2019, la SCI Pardes Patrimoine a donné à bail commercial à la société Epices d'or un local à usage exclusif de « restauration traditionnelle et/ou rapide indienne et pakistanaise, sur place et à emporter », situé [Adresse 4] à [Localité 5] correspondant au lot n°7 de la copropriété, pour une durée de neuf ans à compter du 15 mars 2019, moyennant le paiement d'un loyer de 58.800 euros hors charges et hors taxes entre le 15 mars 2019 et le 14 mars 2020 puis de 60.000 euros avec indexation à compter du 15 mars 2020.

Par acte d'huissier de justice en date du 24 mars 2022, la société bailleresse a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail, portant sur la somme de 50.692,65 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de janvier 2022 inclus.

Par exploit du 2 mai 2022, la SCI Pardes Patrimoine a assigné la société Epices d'or devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir condamner la société défenderesse à lui payer par provision la somme de 51.810,56 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu'au deuxième trimestre 2022 inclus, outre la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens incluant le coût du commandement de payer et de l'assignation.

La défenderesse a demandé que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 25 avril 2022, de se voir octroyer un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision pour quitter les lieux, de voir fixer l'indemnité mensuelle d'occupation à 5000 euros et de voir ordonner au bailleur le remboursement du dépôt de garantie en compensant son montant avec celui de l'arriéré locatif, de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire et de se voir accorder un délai de paiement de vingt quatre mois, outre la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 28 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné la société Epices d'or à payer à la SCI Pardes Patrimoine la somme de 94.181,93 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et accessoires impayés au 1er octobre 2022, échéance du mois d'octobre 2022 et taxe foncière 2022 incluses ;

- condamné la société Epices d'or à payer à la SCI Pardes Patrimoine la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Epices d'or au paiement des dépens, ne comprenant pas le coût du commandement de payer ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes ;

- rejeté les demande de délais de paiement et de mainlevée de la saisie conservatoire.

Par déclaration du 07 novembre 2022, la société Epices d'or a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 06 décembre 2022, elle demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuer comme cela suit ;

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail de plein droit et donc la résiliation du bail commercial à compter du 25 avril 2022 ;

- octroyer à l'appelant un délai de 30 jours à compter de la date de signification du présent jugement pour libérer les locaux ;

- fixer l'indemnité d'occupation de 5.000 euros mensuels à compter de la date d'effet de la clause résolutoire ;

- ordonner à l'intimée de rembourser le dépôt de garantie à l'appelant et constater la compensation du dépôt de garantie avec le restant dû au titre du passif locatif ;

- octroyer à l'appelant des délais de paiement de 24 mois pour le règlement du passif locatif et de toutes autres indemnités dues au titre du bail à l'intimée par l'appelant, dont le solde sera arrêté à la date de l'arrêt de la cour ;

- débouter l'intimée en tous ses moyens, demandes, fins et conclusions y compris en ce qui concerne la demande de provision égale au montant des loyers réclamés ;

- condamner l'intimée à verser à l'appelant la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.

En substance, la société locataire soutient :

- que le premier juge devait constater l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la demande du preneur dès lors que cette clause n'est pas stipulée au seul profit du bailleur et que ce dernier a déclaré au commandement de payer qu'il entendait s'en prévaloir ;

- qu'en affirmant que la clause résolutoire était stipulée au seul bénéfice du bailleur, le premier juge a interprété la clause et outrepassé ses pouvoirs,

- que c'est de mauvaise foi, pour nuire à son locataire, que le bailleur n'a pas sollicité la mise en oeuvre de la clause résolutoire,

- que dès lors que le premier juge ne constatait pas acquisition de la clause résolutoire, il ne pouvait pas condamner le preneur au paiement des loyers et charges échus postérieurement à la date d'acquisition de la clause, cette partie de la créance du bailleur se heurtant à contestation sérieuse,

- que des délais de paiement doivent lui être accordés alors qu'elle démontre sa capacité à apurer sa dette locative par le versement d'une somme de 40.000 euros au titre de l'arriéré locatif, le bailleur reconnaissant lui-même sa solvabilité en ne sollicitant pas la résiliation du bail.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 décembre 2022, la SCI Pardes Patrimoine demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référés rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 28 octobre 2022 en ce qu'elle a :

condamné la société Epices d'or à lui payer la somme de 94.181,93 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et accessoires impayés au 1er octobre 2022, échéance du mois d'octobre 2022 et taxe foncière 2022 incluse,

condamné la société Epices d'or à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Epices d'or aux dépens,

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes formées par la défenderesse,

rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire,

rejeté la demande de délais de paiement,

débouté la société Epices d'or de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Epices d'or à lui payer par provision la somme de 55.253,85 euros, selon décompte arrêté au 14 décembre 2022, incluant le quatrième trimestre 2022 ;

Subsidiairement, si par impossible la clause résolutoire était réputée acquise,

- condamner la société Epices d'or à lui payer une indemnité d'occupation égale au loyer actuellement acquitté, charges et taxes en sus, jusqu'à parfaite restitution des locaux ;

- déclarer le dépôt de garantie acquis au bailleur, en application des dispositions du bail ;

En tout état de cause,

- condamner la société Epices d'or à lui payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Pardes Patrimoine soutient en substance :

- que le bailleur n'a fait qu'appliquer les termes de la clause résolutoire en n'usant pas de sa faculté de solliciter l'acquisition de cette clause,

- qu'il ne l'a pas fait de mauvaise foi mais dans son intérêt qui est de garder ses locaux occupés et d'être payé des loyers et charges,

- que le premier juge n'a nullement outrepassé ses pouvoirs en interprétant la clause résolutoire, renvoyant précisément la question de la demande de résiliation du bail formée par le preneur à l'examen du juge du fond, disant n'y avoir lieu à référé sur cette demande,

- que tous les loyers et charges sont incontestablement dus en exécution du bail qui se poursuit,

- qu'il ne saurait être accordé des délais de paiement à la locataire qui ne justifie pas de sa situation financière et s'est déjà alloué des délais de fait.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la clause résolutoire

La clause résolutoire prévu au bail conclu par les parties prévoit qu'en cas (notamment) de non paiement des loyers et charges par le preneur, 'le bail sera résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après une mise en demeure d'exécuter ou après un commandement et/ou une sommation de payer demeurée sans effet pendant ce délai et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause.'

Il résulte de cette clause, sans nécessité de l'interpréter,

- d'une part, que seul le bailleur peut en solliciter le bénéfice, sa partie soulignée par la cour étant sans équivoque sur ce point, alors par ailleurs qu'aucune autre clause ne prévoit la possibilité pour le locataire de faire constater la résiliation du bail pour manquement à ses obligations ;

- d'autre part, que dès lors que le bailleur a déclaré dans le commandement son intention d'user du bénéfice de la clause et que les causes du commandement n'ont pas été régularisées dans le délai d'un mois, le bail se trouve résilié de plein droit, ce constat s'imposant au juge saisi.

En l'espèce, le commandement de payer s'intitule 'commandement de payer les loyers' et non 'commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire', et les mentions qu'il contient sur la clause résolutoire ne traduisent pas la ferme intention du bailleur de se prévaloir de cette clause, l'huissier de justice y mentionnant : 'je vous informe que mon demandeur entend se prévaloir, si bon lui semble et sous toutes réserves, de la dite clause résolutoire et qu'en conséquence à défaut d'avoir payé les causes du présent commandement dans le délai d'un mois à compter de la date de cet acte, il se pourvoira, si bon lui semble, devant le tribunal pour entendre constater la résiliation du bail et se faire ainsi autorisé à procéder à votre expulsion.'

(souligné par la cour)

En outre, dans son exploit introductif d'instance, la société bailleresse a clairement limité sa demande au paiement d'une provision au titre des loyers et charges impayés, sans se prévaloir de la clause résolutoire.

Il est donc acquis, avec l'évidence requise en référé,

- d'une part, que le bailleur ne s'est pas prévalu de la clause résolutoire, en sorte qu'il ne peut être valablement soutenu que le premier juge aurait dû constater l'acquisition de cette clause dès lors que les loyers et charges n'avaient pas été régularisés dans le mois de la délivrance du commandement ;

- d'autre part, que le preneur ne pouvait pas solliciter la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire pour manquement à son obligation de régler le loyer et les charges dans le mois du commandement, le contrat de bail ne lui ouvrant pas cette possibilité.

Ce n'est que si le bailleur avait indiqué dans le commandement sa volonté ferme de voir jouer la clause résolutoire à défaut de paiement des loyers et charges dus dans le délai d'un mois, sans ensuite demander au juge de constater la résiliation du bail, que cette résiliation aurait pu être prononcée à la demande du preneur.

En ne se prévalant pas ici de la clause résolutoire, la bailleresse ne fait qu'user d'une faculté qui lui est offerte par le bail, et rien ne permet d'affirmer, alors qu'il est constant que la société Epices d'or se maintient dans les lieux, que la société Prades patrimoine cherche à nuire aux intérêts de sa locataire en s'abstenant de solliciter la résiliation du bail, plutôt qu'à rechercher son intérêt personnel de voir poursuivre l'exploitation dans ses locaux et d'obtenir la régularisation du loyer et des charges par son locataire.

C'est donc à bon droit, sans avoir outrepassé ses pouvoirs, que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société locataire en constatation de la résiliation du bail.

Sur la provision et les délais de paiement

A défaut de constatation de la résiliation du bail, celui-ci se poursuit et la société locataire reste tenue au paiement du loyer et des charges.

Les sommes échues postérieurement à la date à laquelle la résiliation du bail aurait pu être constatée si le bailleur l'avait requise ne sont donc pas sérieusement contestables.

Il résulte du décompte détaillé de la dette locative, produit par la bailleresse et non contesté par la locataire, que cette dernière reste débitrice au 13 avril 2023 d'une somme de 83.397,30 euros.

Il sera fait droit à la demande de provision de la société Prades patrimoine à hauteur de ce montant non contesté.

Il résulte de ce même décompte que la société locataire a fait d'importants efforts de paiement puisque de novembre 2022 à mars 2023 elle a réglé la somme totale de 65.000 euros, démontrant ainsi, nonobstant le défaut de production de pièces comptables pour en justifier, sa capacité à apurer sa dette locative.

Par ailleurs, la société Epices d'or soutient à raison qu'en ne sollicitant pas la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la société Prades patrimoine admet implicitement que sa locataire jouit encore de sa confiance pour l'apurement de sa dette locative, la cour soulignant en sus qu'il n'est pas de l'intérêt de la bailleresse de s'opposer au paiement échelonné de sa créance tout en cherchant à poursuivre les relations contractuelles, sauf à voir remise en cause la bonne foi dont elle se prévaut.

Il sera donc alloué à la société Epices d'or les plus larges délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

L'ordonnance entreprise ne sera ainsi infirmée que sur le montant de provision, compte tenu de son actualisation au moment où la cour statue, et en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement.

Sur les mesures accessoires

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

Le sens du présent arrêt commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais et dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le montant de la provision allouée au bailleur et en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Epices d'or à payer à la société Pardes patrimoine la somme provisionnelle de 83.397,30 euros arrêtée au 13 avril 2023,

Autorise la société Epices d'or à se libérer de sa dette en 24 mensualités de 3.500 euros chacune et une 24ème du solde, en sus du loyer et des charges courants, chaque mensualité devant être payée au plus tard le 10 du mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt,

Dit qu'à défaut de respect des délais impartis la dette sera immédiatement et intégralement exigible,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18944
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.18944 ?
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