La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°21/07039

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 08 juin 2023, 21/07039


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 08 JUIN 2023



(n° 2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE37



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 18/03286



APPELANT



Monsieur [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté

par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920



INTIMEE



S.A. INETUM Anciennement dénommée GFI INFORMATIQUE PRODUCTION

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Léa DUHA...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 08 JUIN 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE37

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F 18/03286

APPELANT

Monsieur [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920

INTIMEE

S.A. INETUM Anciennement dénommée GFI INFORMATIQUE PRODUCTION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [M] a été engagé par la société GFI informatique-production aux droits de laquelle vient la société Inetum (ci-après la société) par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 octobre 2006 en qualité d'ingénieur système, catégorie cadre, position 2.3 coefficient 150 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre du 23 mars 2009, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 avril 2009.

Par lettre du 10 avril 2009, il a été licencié pour faute grave.

Considérant notamment que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 29 juin 2021 rendu en formation de départage auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- dit que son licenciement est justifié par une faute grave ;

- dit que la procédure de licenciement est régulière ;

- débouté, en conséquence, M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté M. [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté la SA GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

M. [M] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 30 juillet 2021 .

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce que il a :

- dit que son licenciement est justifié par une faute grave ;

- dit que la procédure de licenciement est régulière ;

- débouté, en conséquence, M. [M] de l'ensemble de ses demandes, à savoir :

* dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

* condamner la société GFI à lui verser les sommes de :

. 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 3 263,88 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 3 916,66 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 11 749,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 1 174,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis,

. 3 155,40 euros à titre de rappel de salaire de mars 2019,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la défenderesse aux dépens ;

- débouté M. [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné M. [M] aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

- constater qu'il n'a commis aucune faute ;

En conséquence,

- dire son licenciement pour faute grave dénué de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, à lui verser les sommes suivantes :

* 30 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7,5 mois) ou à tout le moins 23 000 euros (6 mois),

* 3 590,27 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 11 749,93 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 174,99 euros au titre des congés payés afférents ;

* subsidiairement, dans l'hypothèse où le licenciement ne serait pas dit sans cause réelle ni sérieuse, 3 263,88 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- condamner également la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, à lui verser les sommes suivantes :

. 3 615,38 euros à titre de rappel de salaire impayé pour les mois de mars et avril 2009, et 361 euros au titre des congés payés afférents,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamner la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, à lui verser la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, à lui verser les intérêts au taux légal sur ces sommes, à compter de l'acte introductif d'instance, et ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- ordonner à la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum de lui remettre une attestation pôle emploi et un certificat de travail rectifiés, ainsi qu'un bulletin de salaire, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour après la notification de la décision à intervenir ;

- dire et juger que la cour d'appel se réserve le droit de liquider l'astreinte ;

- condamner la S.A GFI Informatique, aux droits de laquelle intervient la SA Inetum, aux entiers dépens ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Inetum.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes;

- condamner M. [M] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire la cour venait à infirmer le jugement et à requalifier le licenciement pour faute grave de M. [M] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, elle ne pourrait que :

- le débouter de sa demande de dommages intérêts ;

- le débouter de toutes ses autres demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

si par extraordinaire la cour venait à infirmer le jugement et juger le licenciement de M. [M] dénué de cause réelle et sérieuse :

- limiter le montant des dommages et intérêts à 6 mois de salaire (soit 23 500 euros) ;

- le débouter de toutes ses autres demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

' (...) Nous vous avions convoqué à un entretien préalable à une procédure de licenciement le vendredi 3avril 2009 à 15 heures. Pour des raisons que nous ignorons, vous ne vous êtes pas présenté à ce rendez-vous.

Nous sommes sans nouvelles de votre part depuis le 9 mars 2009, date à laquelle vous deviez vous présenter pour démarrer une nouvelle prestation chez notre client, France Télécom.

En effet, vous aviez rencontré les managers en charge de ce projet pour la présentation de cetteprestation et vous aviez convenu de démarrer le lundi 9 mars 2009. A cette date, vous ne vous êtes pas présenté et depuis cette date, nous sommes sans nouvelles de votre part.

Nous avons essayé de vous joindre à de multiples reprises tant par téléphone que par mail. Nous avons été contraints de vous adresser un premier courrier recommandé le 13 mars 2009 pour vous demander de vous présenter à l'agence et connaître vos explications sur les raisons de votre absence et de votre silence. Lors de notre dernier appel téléphonique, nous avons finalement réussi à joindre à votre domicile votre conjointe qui nous a déclaré qu'effectivement vous aviez reçu un avis de réception d'un courrier recommandé mais que vous n'alliez pas chercher les lettres recommandées.

Nous lui avons alors précisé que nous vous attendions le mardi 17 mars 2009 à 9 heures à votre agence d'[Localité 5]. Vous ne vous êtes pas non plus présenté à ce rendez-vous.

Il en a été de même pour la présentation à l'entretien préalable du 3 avril dernier.

Par ailleurs, vous ne remplissez plus non plus vos relevés mensuels d'activité malgré les relances de votre secrétariat d'agence.

A ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de votre part.

En conséquence des faits qui précèdent, nous considérons que vous avez abandonné votre poste de travail. Nous sommes donc contraints de vous licencier pour faute grave.(...)'.

M. [M] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car :

- aucun ordre de mission ne lui a été communiqué pour ce qui concerne une mission chez Orange alors que la remise d'un tel document préalablement à une mission est obligatoire selon les dispositions de l'article 51 de la convention collective dite Syntec et qu'il a toujours reçu de tels ordres pour les missions antérieures ; le mail produit ne peut pas remplacer un ordre de mission et il n'est pas établi qu'il l'a reçu ;

- l'existence de cette mission n'est pas démontrée par l'employeur ;

- s'il reconnaît avoir participé à une réunion chez ce client le 21 janvier 2009, aucune mission n'a été fixée ;

- il démontre l'existence d'une panne électrique à son domicile dont il a avisé la société le 13 mars ;

- la société n'a pas tenté à plusieurs reprises de le joindre alors qu'elle a engagé la procédure de licenciement dès le 23 mars ; elle ne démontre pas lui avoir adressé un courrier le 13 mars ni avoir joint son épouse ; elle ne justifie pas de la réalité des mails qu'elle lui aurait adressés et de leur réception ;

- quand bien même elle aurait envoyé cette lettre, elle saurait qu'il ne l'a pas réceptionnée et donc qu'il n'en avait pas eu connaissance ;

- la société ne l'a pas mis en demeure de reprendre son poste, préalable nécessaire à l'engagement d'une procédure disciplinaire pour abandon de poste ;

- il ne lui a jamais été reproché auparavant de ne pas remplir ses relevés mensuels d'activité, la société ne précise pas dans la lettre de licenciement la date de ce manquement, il ne pouvait pas les renseigner au mois de mars compte tenu de la panne survenue à son domicile, il ne devait pas établir ce document avant la fin du mois et ce motif ne peut pas fonder un licenciement pour faute grave pour un salarié ayant donné entière satisfaction durant 3 ans ;

- il a été licencié pour des faits mensongers et discriminatoires en raison de son état de santé car il souffre d'une affection de longue durée et alors que les syndicats avaient signalé que la société souhaitait diminuer ses effectifs en procédant à des licenciements.

En réponse, la société soutient que le licenciement de M. [M] est fondé sur une faute grave car :

- il a été prévenu le 4 mars 2009 de la nécessité de se présenter le 9 mars au sein de la société Orange pour débuter sa mission ce qu'il n'a pas fait sans explications ;

- ses supérieurs hiérarchiques l'ont appelé en vain et il n'a pas répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée le 13 mars pour une convocation le 17 mars ;

- son épouse a été prévenue de ce rendez-vous auquel il ne s'est pas présenté sans justification ;

- il n'a pas rempli ses comptes-rendus d'activité pour le mois de mars 2009 malgré ses relances ;

- la convention collective n'impose pas la remise d'un ordre de mission mais la préconise seulement ;

- elle n'a jamais été destinataire du courrier du 13 mars 2009 du salarié ;

- il ne peut pas contester avoir reçu les mails qu'elle lui a adressés ;

- elle ne l'a pas discriminé en raison de son état de santé, son licenciement étant intervenu 3 ans après la notification de son affection de longue durée.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. [M] d'avoir abandonné son poste depuis le 9 mars 2009 et de ne pas remplir ses relevés mensuels d'activité.

Afin de démontrer que M. [M] était informé de sa mission auprès de la société que les parties s'accordent à dénommer Orange à compter du 9 mars 2009, la société produit :

- un mail du 4 mars 2009 adressé au salarié par M. [B], ressource manager, lui indiquant lui avoir laissé un message téléphonique sur son téléphone, lui transmettant l'adresse de la société Orange, le nom de la personne devant l'accueillir le 9 mars afin de lui présenter le client ainsi que son numéro de téléphone portable et lui précisant l'heure de ce rendez-vous ;

- une lettre du 13 mars 2009 lui indiquant être sans nouvelle depuis le 9 mars malgré l'envoi de plusieurs messages et lui demandant de se présenter à l'agence le 17 mars ;

- des échanges de mails internes évoquant son absence ;

- une pièce 15 intitulée par la société 'retour non réclamé de la LRAR adressée à M. [M] le 13 mars 2009 '.

Aux termes de l'article 51 de la convention collective dite Syntec, ' avant l'envoi d'un salarié en déplacement, un ordre de mission sera normalement établi, se référant au présent titre (...)'.

A juste titre, la société fait valoir que la remise d'un tel ordre de mission n'est pas obligatoire. Cependant, il incombe à l'employeur de démontrer que le salarié a été informé de la mission qu'il devait remplir, celui-ci en l'espèce se trouvant en inter-contrat à son domicile et que, préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement notamment pour abandon de poste, il a été mis en demeure de reprendre son poste.

La cour relève à cet égard qu'il résulte du mail du 4 mars 2009 que la société a informé M. [M] de son obligation de se présenter le 9 mars chez un client dont l'adresse lui a été communiquée, à une heure précise, un membre de la société, M. [D], l'y attendant afin de lui présenter le client. Ce message lui a été adressé sur son adresse mail professionnelle. M. [M] produit aux débats une lettre adressée à la société datée du 13 mars 2009 dont il ne justifie ni de la remise ni même de l'envoi, invoquant une panne électrique et donc informatique qu'il ne date pas. Il ne produit pas d'éléments permettant de démontrer que cette panne est intervenue dès le 4 mars de sorte qu'il n'a pas reçu le mail lui notifiant ce rendez-vous.

Cependant, la société ne justifie pas avoir mis en demeure M. [M] de se présenter sur son lieu de travail préalablement au licenciement. Si elle verse aux débats des échanges de mails entre des personnes de l'entreprise, salariés placés sous un lien de subordination, M. [H], M. [D], M. [B], Mme [E], ces écrits n'ont pas de valeur probante suffisante. En effet, seul le message rédigé par M. [H] par ailleurs directeur de l'agence, évoque un appel téléphonique le 13 mars 2009 auprès de M. [M] sans succès, cette affirmation n'étant corroborée par aucun élément objectif et son auteur n'ayant pas rédigé d'attestation confirmant ses dires. D'autre part, la société invoque son courrier du 13 mars 2009 qu'elle produit aux débats portant la mention 'lettre recommandée avec accusé de réception', mentionnant une absence depuis le 9 mars et demandant à M. [M] de se présenter dans ses locaux le 17 mars. Alors que M. [M] conteste la réalité de cet écrit, la société échoue à démontrer qu'elle l'a effectivement adressé au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La cour constate à ce titre que la pièce 15 qu'elle produit, est composée de plusieurs photocopies partielles de documents de sorte qu'il n'est pas démontré que la référence de la lettre recommandée figurant sur ce document est bien celle de la lettre du 13 mars et que la mention 'non réclamée' correspond bien à cet envoi. La cour relève à cet égard que la société a l'habitude de mentionner les numéros des lettres recommandées sur ses écrits comme le révèlent la lettre de convocation à entretien préalable et la lettre de licenciement et qu'un tel numéro ne figure pas sur la lettre du 13 mars 2009. Elle constate en outre que la société conserve les avis de réception, ceux-ci étant produits pour ces deux courriers, mais qu'elle ne le produit pas pour cette lettre. Enfin, aucun élément n'est produit quant aux déclarations de l'épouse de M. [M] évoquées dans la lettre de licenciement, non confirmées par cette dernière aux termes de l'attestation produite par le salarié.

Ainsi, elle ne justifie pas avoir demandé au salarié de reprendre son travail et ne démontre pas le caractère délibéré de son absence.

Dès lors, le grief d'abandon de poste n'est pas établi.

Le fait que M. [M] n'a pas renseigné un relevé d'activité au cours du mois de mars 2009 alors qu'il a été convoqué le 23 mars à un entretien préalable, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En conséquence, le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Conformément aux dispositions de l'article 4.2 de la convention collective applicable et en l'absence de faute grave, il est dû à M. [M] la somme de 11 749,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 174,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, sommes exactes et non contestées en leur montant par la société.

Par application des dispositions de l'article 4.5 de cette convention collective, il lui est dû la somme de 3 590,27 euros à titre d'indemnité de licenciement, somme exacte et non contestée en son montant par la société.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M], de son âge, 45 ans, de son ancienneté, 2 ans et demi au moment de la rupture du contrat de travail, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, M. [M] justifiant avoir perçu des prestations de Pôle emploi dans la continuité de la mesure de licenciement jusqu'au mois d'août 2010, il y a lieu de lui allouer une somme de 28 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société sera condamnée au paiement de ces sommes et la décision des premiers juges sera infirmée sur ces chefs de demande.

Sur le rappel de salaire

M. [M] sollicite le paiement d'un rappel de salaire au titre de la période du 9 mars au 10 avril 2009 en faisant valoir qu'il n'a pas abandonné son poste.

La société considère que M. [M] était en absence injustifiée.

La cour a précédemment retenu qu'il n'était pas établi que le salarié a abandonné son poste de sorte qu'un rappel de salaire lui est dû au titre de cette période.

En conséquence, la société sera condamnée à lui payer la somme de 3 615,38 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de mars et avril 2009 outre la somme de 361 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, dans la limite de la demande.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [M] soutient que la société ne lui a pas permis de connaître la date de sa mission et de se justifier quant à son absence.

La société conteste avoir exécuté le contrat de travail de manière déloyale.

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il n'est pas suffisamment démontré par M. [M] que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement ne suffisant pas à l'établir.

En conséquence, il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 2 mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code.

Sur la remise des documents

Il sera ordonné à la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production de remettre à M. [M] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production sera condamnée au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge du salarié.

La société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production sera condamnée à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre. La société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, le jugement étant confirmé à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [F] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production à payer à M. [F] [M] les sommes suivantes :

-11 749,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 174,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

- 3 590,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 28 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 615,38 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de mars et avril 2009 ;

- 361 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

- 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la présente décision, ces intérêts étant capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

ORDONNE à la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [F] [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 2 mois d'indemnités,

ORDONNE à la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production de remettre à M. [F] [M] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Inetum venant aux droits de la société GFI informatique-production aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/07039
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.07039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award