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07/06/2023 | FRANCE | N°21/02131

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 juin 2023, 21/02131


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDITK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08527



APPELANT



Monsieur [N] [D]

[Adresse 6]

[Localité 8]

ReprésentÃ

© par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257



INTIMEES



S.C.P. BTSG

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASS...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02131 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDITK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08527

APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMEES

S.C.P. BTSG

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASSE, toque : 239

Association AGS CGEA DE MARSEILLE UNEDIC Délégation AGS CGEA de Marseille Association déclarée, représentée par sa Directrice, dûment habilitée [G] [H],

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

S.A.R.L. INTERSECURITE

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASSE, toque : 239

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER,greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Intersécurité exerce une activité spécialisée dans la sécurité.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 8 septembre 2010, M. [N] [D] a été engagé par la société Intersécurité, en qualité d'agent de sécurité qualifié, niveau I, échelon I ADS, coefficient 120, moyennant une rémunération mensuelle de 1364,27 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 1351).

La société Intersécurité a perdu le marché de la sécurité du magasin ADIDAS situé sur les Champs Elysées au profit de la société Triomphe Sécurité, à effet du 31 décembre 2017. Le salarié en a été informé et a refusé d'être transféré dans la société entrante.

M. [N] [D] a fait l'objet, après convocation du 20 avril 2018 et entretien préalable fixé au 7 mai 2018, d'un licenciement pour faute grave le 16 mai 2018.

Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal de Commerce d'Antibes a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire à l'encontre de la société Intersécurité et a désigné en qualité de mandataire judiciaire la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [L] [I].

M. [N] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 12 novembre 2018, aux fins de voir juger son licenciement nul à titre principal et ordonner sa réintégration et le paiement de ses salaires jusqu'à son retour dans l'entreprise. A titre subsidiaire, le salarié a demandé de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, le salarié a sollicité la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes dont des dommages et intérêts pour discrimination. Dans le dernier état de ses demandes, le salarié a sollicité la fixation des sommes au passif de la société.

Par jugement en date du 18 octobre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- dit le licenciement justifié,

- débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Intersécurité, représentée par la société SCP BTSG, prise en la personne de Maître [L] [I] ès qualité de mandataire judiciaire, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [D].

Par jugement en date du 24 janvier 2020, le tribunal de commerce d'Antibes a arrêté le plan de redressement de la SARL Intersécurité d'une durée de 10 ans, la SCP BTSG prise en la personne de Maître [L] [I] ayant été désignée ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement.

La société est redevenue in bonis.

Par déclaration au greffe en date du 22 février 2021, M. [N] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, M. [N] [D] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré

statuant à nouveau,

- fixer le salaire moyen brut de M. [D] à la somme de 1.691,53 euros (moyenne des 12 derniers mois travaillés),

- mettre hors de cause le mandataire et les AGS,

A titre principal :

- dire et juger que le licenciement de M. [D] est nul,

- condamner la société Intersécurité aux sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement nul : 35.000 euros,

* dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la rupture de son contrat de travail pour un motif discriminatoire sur le fondement de l'article L.1132-1 du Code du travail : 10.150 euros,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement de M. [D] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Intersécurité aux sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 35.000 euros,

En tout état de cause :

- condamner la société Intersécurité aux sommes suivantes :

* indemnité légale de licenciement : 2.593,68 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 3.383 euros,

* congés payés afférents : 338,30 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros,

- condamner la société Intersécurité aux sommes suivantes :

* 720 euros au titre des rappels de salaire en paiement des heures de travail non rémunérées outre les congés payés afférents soit la somme de 338,30 euros,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte, certificat de travail) conformément à la décision à venir sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard et par document à compter du lendemain de la notification de la décision dans la limite de 190 jours et vous réserver le pouvoir de la liquider,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts dans le cadre des dispositions des articles 1231-6 et suivants et 1343-2 du code civil,

- condamner la société Intersécurité aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir.

Aux temes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 août 2021, la société Intersécurité et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [L] [I] ès qualité, demandent à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 8 juillet 2019,

- condamner M. [D] à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [D] n'a fait l'objet d'aucune discrimination,

- dire et juger que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que M. [D] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice lui permettant de réclamer une indemnisation supérieure à l'indemnisation minimale prévue par l'article L 1235-3 du Code du Travail, 5.000 euros,

En tout état de cause,

- condamner M. [D] à verser à la société Intersécurité la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, l'AGS CGEA de Marseille demande à la Cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 8 juillet 2019,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause, vu l'article L.1235-3 du code du travail,

- réduire à de bien plus justes proportions les montants éventuellement alloués, M. [D] ne justifiant d'aucun préjudice,

Sur la garantie de l'AGS,

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est constaté que suivant Kbis versé aux débats, la société est redevenue in bonis, si bien que l'AGS CGEA de Marseille et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [L] [I] ès qualité de commissaire au plan seront mis hors de cause.

1-Sur la rupture du contrat de travail

1-1 Sur la nullité du licenciement et la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

Au soutien de sa demande de nullité du licenciement, le salarié vise de manière cumulative les articles L 2411-6 et L 2511-7 du code du travail et les articles L1132-1 et L1132-4 du code du travail.

M. [N] [D] indique qu'au début de l'année 2018, il a demandé verbalement à son employeur qu'il mette en place les élections professionnelles , le syndicat Anti-précarité réitérant cette demande par courrier en date du 15 mai 2018.

M. [N] [D] indique qu'en application des dispositions de l'article L 2411-6 du code du travail, il bénéficiait du statut de salarié protégé et que la société devait solliciter de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à son licenciement. A défaut, il indique que son licenciement est nul.

Il indique par ailleurs, qu'il est évident que son employeur l'a licencié uniquement en raison de sa demande de mise en place des élections professionnelles, qu'il a fait l'objet d'une mesure de discrimination syndicale et que son licenciement est nul à ce titre.

L'employeur s'oppose à la demande du salarié en indiquant que M. [D] ne lui a jamais demandé la tenue des élections professionnelles. Par ailleurs, il souligne que la lettre du syndicat du 15 mai 2018, qui ne mentionne pas M. [D], a été reçu postérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement du salarié.

Aux termes de l'article L 2411-6 du code du travail " L'autorisation de licenciement est requise, pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l'employeur d'organiser les élections au comité social et économique ou d'accepter d'organiser ces élections. Cette durée court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections.

Cette protection ne bénéficie qu'à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l'organisation des élections.".

Aux termes de l'article L 2411-7 du code du travail " L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement."

La cour constate que pour des raisons évidentes de preuve, la demande d'organiser les élections doit être faite par écrit. Si M. [D] affirme qu'il a demandé oralement à son employeur d'organiser les élections professionnelles début janvier 2018, il n'en rapporte pas la preuve, les deux attestations produites aux débats émanant de deux membres du syndicat étant insuffisantes à établir cette preuve.

Par ailleurs, le courrier du syndicat en date du 15 mai 2018, envoyé après le début de la procédure de licenciement de M. [D], ne le mentionne pas en qualité de candidat.

Ainsi, l'autorisation préalable de l'inspection du travail au licenciement de M. [N] [D] n'était pas nécessaire, le salarié n'étant pas un salarié protégé.

La nullité du licenciement ne peut être encourue de ce chef.

Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige "Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ...., en raison... , de ses activités syndicales ... ."

Aux termes de l'article L 1132-4 du code du travail "Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul."

En application de l'article L1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires.

Si le salarié soutient qu'il a été licencié parcequ'il a demandé la tenue des élections professionnelles, il n'établit pas cet élément de fait et ce faisant n'établit aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Le salarié est débouté de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail pour discrimination syndicale.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

1-2-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 16 mai 2018, il est reproché au salarié d'avoir été absent sans prévenir préalablement et sans en justifier les 1er, 6, 7 février 2018, puis de nouveau les 14, 21, 27 et 28 février 2018 malgré une mise en demeure d'avoir à justifier de ses absences du 9 février 2018. Il lui est également reproché d'avoir été en absence injusfiée les 1er, 2, 3, 13, 14, 19, 26 et 28 mars 2018. Il est rappelé qu'une mise en demeure de s'expliquer a été adressée au salarié le 23 mars 2023, avec pour seule réponse l'envoi d'un arrêt de travail pour la journée du 15 mars 2018.

Il est également reproché au salarié une absence injustifiée les 30 mars et 12 avril 2018, veille de ses congés et d'avoir organisé son remplacement du 12 avril par un collègue, M. [R], sans autorisation de son employeur.

Le salarié ne nie pas ses absences mais indique que depuis le début de son contrat, son employeur sait qu'il a un autre emploi, que chaque mois, il lui envoyait ses disponibilités afin que l'employeur établisse son planning en fonction de celles-ci et qu'à compter du moment ou il a demandé la tenue des élection, son employeur a planifié ses heures de travail précisément les jours où il était indisponible. Il ne dit rien à propos de l'initiative qui lui est reproché d'avoir organisé son remplacement le 12 avril 2018.

L'employeur répond que le salarié a expliqué pour la première fois devant le CPH qu'il cumulait un second emploi et qu'il lui envoyait ses disponibilités. Il a expliqué que s'il a toujours été le plus souple possible, il n'avait pas à établir les plannings en fonction des impératifs personnels de ses salariés. Il souligne par ailleurs que M. [N] [D] a été en absence injustifiée également certains jours ou il annonçait être disponible.

La cour constate que la société ne nie pas vraiment qu'un arrangement avait cours selon lequel le salarié faisait part de ses disponiblités qui étaient ensuite prises en compte pour l'établissement du planning. D'ailleurs, M. [N] [D] verse aux débats des sms de son employeur de février, mars et mai 2017 sur lesquels l'employeur demande à son salarié ses disponibilités pour le mois suivant. Il apparaît ainsi que l'employeur et son salarié avaient un accord, peut être tacite, afin que le planning de M. [D] soit établi en fonction de ses disponibilités.

Les absences reprochées à M. [D] correspondent effectivement à des jours pour lesquels il avait fait valoir son indisponibilité ( pièce 6 de la société).

En revanche aucune pièce ne permet de le vérifier en ce qui concerne les absences reprochées pour mars 2018.

Il doit être souligné que le salarié ne s'est pas manifesté auprès de son employeur pour contester ses plannings de février et/ou de mars 2018, le laissant devant le constat de ses absences, il n'a pas répondu aux mises en demeure d'avoir à justifier de ses absences, sauf en ce qui concerne le 15 mars 2018.

Ce comportement est fautif.

Pour autant, l'arrangement dont il est question minore et finalement retire au comportement fautif du salarié son caractère de faute grave, son maintien dans l'entreprise n'étant pas impossible durant le temps du préavis.

Le licenciement est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2- Sur les conséquences financières du licenciement pour cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 1691,53 euros.

2-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à deux mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 3383,06 euros, ramenée à 3383 euros, comte tenu de la demande, outre la somme de 338,30 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige M. [N] [D] peut prétendre à une somme de 2593,68 euros de ce chef.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3-Sur la demande de rappel de salaireLe salarié demande le paiement de ses pauses sur les trois dernières années, indiquant qu'il n'a jamais pu les prendre et devait constamment être à la disposition du client.

L'employeur affirme que son salarié a pu bénéficier de ses pauses et souligne qu'il ne s'est jamais manifesté avant la procédure prud'homale.

En cas de constestation, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect des temps de pause.

Au cas d'spèce, la société qui se contente d'affirmer que son salarié a bien bénéficié de ses temps de pause, échoue à rapporter cette preuve.

Il est fait droit à la demande de M. [N] [D] de ce chef. La société Intersécurité est condamnée à lui payer la somme de 720 euros, outre celle de 72 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4- Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'une attreinte ne soit prononcée.

5-Sur les intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, en principe les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 29 janvier 2019 pour celles qui étaient exigibles au moment de sa saisine.

Il en va de même des créances d'indemnités de préavis et de licenciement qui ne sont pas laissées à l'appréciation des juges mais résultent de l'application du contrat de travail, du code du travail et de la convention collective.

Toutefois, le cours des intérêts est arrêté définitivement par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Il ne reprend pas avec le jugement arrêtant le plan de cession quand bien même le débiteur serait redevenu in bonis. Il s'ensuit que les créances de nature salariale litigieuse ne portent pas intérêts puisqu'elles sont nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective et avant le jugement d'adoption d'un plan de cession.

En application de l'article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté l'EURL Intersecurité de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, l'EURL Intersecurité est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de SALARIE ainsi qu'il sera dit au dispositif.

L'EURL Intersecurité est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Met hors de cause l'AGS CGEA de Marseille et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [L] [I] ès qualité de commissaire au plan de l'EURL Intersécurité,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [D] de sa demande de nullité du licenciement, de sa demande de réintégration et de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne l'EURL Intersecurité à payer à M. [N] [D] les sommes suivantes :

- 3383 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 338,30 euros pour les congés payés afférents,

- 2593,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-720 euros au titre du rappel de salaire, outre celle de 72 euros au titre des congés payés afférents,

- étant précisé que ces trois dernières sommes ne portent pas intérêts ;

-800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- avec intérêts au taux légal sur cette dernière somme à compter du présent arrêt ;

Ordonne à l'EURL Intersecurité de remettre à M. [N] [D] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un solde de tout compte conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans ls conditions de l'article 1343-2 du code civil

Condamne l'EURL Intersecurité à payer à M. [N] [D] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute l'EURL Intersecurité de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne l'EURL Intersecurité aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02131
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;21.02131 ?
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