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07/06/2023 | FRANCE | N°21/02129

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 juin 2023, 21/02129


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02129 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIS5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/07935



APPELANTE



Madame [C] [P]

[Adresse 2]

[Localité 6]

ReprésentÃ

©e par Me Virginie LE ROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C230



INTIMEE



S.A. ORANGE

Représentée par le Président de son Conseil d'administration exerçant également le m...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02129 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIS5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/07935

APPELANTE

Madame [C] [P]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Virginie LE ROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C230

INTIMEE

S.A. ORANGE

Représentée par le Président de son Conseil d'administration exerçant également le mandat de Directeur Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric-guillaume LAPREVOTE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER,greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 mai 2000, Mme [C] [P] a été engagée, en qualité de conseillère de vente, par la société Générale de Téléphone dans une boutique PhotoStation.

La société Générale de Téléphone a intégré le Groupe Orange en juillet 2011.

Dans le cadre d'une mobilité sollicitée par la salariée et suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 septembre 2015 à effet du 1er octobre 2015, Mme [C] [P] a été engagée par la société Orange en qualité de conseiller commercial, groupe C, avec reprise d'ancienneté au 29 mai 2000.

Elle a été affectée aux boutiques de [Localité 5] et [Localité 4] ( Direction Orange Caraïbes)

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des télécommunications (IDCC 2148). La société emploie plus de 11 salariés.

Le 23 décembre 2015, la salariée a déclaré un accident du travail survenu le 22 décembre 2015. La Caisse générale de sécurité sociale de Guyane a refusé de prendre cet accident en charge au titre de la législation des risques professionnels le 18 mars 2016, décision confirmée par la commission des recours amiables, le 5 juillet 2016, puis par le TASS, le 19 juillet 2018.

Le 1er juin 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [C] [P] "inapte au poste , apte à un poste : en back office en tenant compte de ses compétences et de la reconnaissance de sa qualité de travailleuse handicapée. A débuter en temps partiel thérapeutique".

La société Orange a proposé à Mme [C] [P], le 26 décembre 2017, un poste de conseiller clients facturation et recouvrement, qu'elle a accepté le 20 février 2018, avec une entrée en fonction à compter du 1er mars 2018.

Mme [C] [P] a sollicité, le 5 mars 2018 une mutation à [Localité 6] à effet de septembre 2018 afin de suivre son époux de retour en métropole.

A compter du 8 mars 2018, la salariée a été régulièrement absente, sans justifier de toutes ses absences .

Le 4 juin 2018, le chef de Département a envoyé un courriel à Madame [P] afin de lui rappeler ses obligations sur la transmission des justificatifs d'absence.

Madame [P] a transmis une déclaration d'accident du travail à la sécurité sociale datée du 11 juin 2018, sans arrêt de travail et a, dès le lendemain, cessé de paraître à son poste de travail.

Le 4 juillet 2018, la SA Orange a adressé un premier courrier à Mme [P] lui demandant de justifier ses absences ou de reprendre son poste de travail.

Le 4 juillet 2018, Mme [P] a informé son employeur qu'elle exerçait son droit de retrait pour "danger grave et imminent sur [sa] personne et [sa] santé".

Le même jour, elle a déposé plainte "contre le comportement de [sa] hiérarchie et les méthodes de harcèlement moral qu'[elle] subi[rait] au sein d'Orange Caraibes depuis [son] arrivée en Guyane en 2015".

Le 6 août 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 14 aôut 2018 et auquel, elle ne s'est pas rendue.

La Commission Consultative Paritaire a rendu un avis défavorable sur le licenciement pour faute grave de Mme [C] [P], préconisant une mise à pied disciplinaire de 3 mois, le 10 décembre 2018.

Mme [C] [P] a finalement fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 25 janvier 2019.

Mme [C] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 4 septembre 2019, aux fins de voir juger son licenciement nul à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 20 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- requalifié le licenciement de Mme [P] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Orange à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

* 17.370,53 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 4.595,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 459,53 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.893,06 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Orange aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 23 février 2021, Mme [C] [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 février 2023, Mme [C] [P] demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- dire et juger que licenciement de Mme [P] est nul et à défaut, confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence et infirmant le jugement sur le principe et/ou le montant des condamnations prononcées par le Conseil de prud'hommes de Paris :

- condamner la société Orange à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

* 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse,

* 19.289,55 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.871,10 euros à titre d'indemnité de préavis outre 487,11 euros au titre des congés payés y afférents,

* 24 105.92 euros en paiement des salaires dus outre 2 410.59 euros au titre des congés payés y afférents,

* 7500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Orange à remettre à Mme [P] les bulletins de salaire rectifiés de juin 2018 à avril 2019 ainsi que l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation POLE EMPLOI) sous astreinte de 100 euros par jour et document de retard passé un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et mentionnant une ancienneté au 29 mai 2000,

- débouter la société Orange de sa demande reconventionnelle, irrecevable et en tout état de cause infondée,

- condamner la société Orange aux dépens dont ceux éventuels d'exécution,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais avancés de la société Orange dans deux journaux, aux choix de Mme [P].

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 janvier 2022, la société Orange demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions, c'est-à-dire en ce qu'il a :

* rejeté la demande d'annulation du licenciement formulée par Mme [P],

* fixé le salaire mensuel moyen brut de Mme [P] à 2.297,69 euros bruts,

* réduit le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 17.370,53 euros,

* réduit le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4.595,38 euros bruts outre 459,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* réduit le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6.893,07 euros,

* rejeté la demande de paiement de salaires et de congés payés afférents formulée par Mme [P],

* rejeté la demande de Mme [P] de se voir remettre par Orange les bulletins de salaire rectifiés de juin 2018 à avril 2019 ainsi que l'ensemble des documents de fins de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation POLE EMPLOI) sous astreinte de 100 euros par jour et document de retard passé un délai de 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir,

* rejeté la demande de Mme [P] tendant à voir ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais avancés d'Orange dans deux journaux au choix de Mme[P],

* condamné Orange au dépens de première instance et à verser à Mme [P] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté Mme [P] de ses autres demandes,

Et, y ajoutant :

- débouter Mme [P] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner Mme [P] à verser à Orange la somme de 2.483,61 euros, par compensation judiciaire avec les condamnations relatives à la rupture du contrat de travail, au titre de la répétition de l'indu,

A titre subsidiaire :

- réduire le montant de l'indemnité légale de licenciement accordée à Mme [P] à plus justes proportions,

- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et le montant des congés payés y afférents accordés à Mme [P] à de plus justes proportions,

- réduire le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordés à Mme [P] à de bien plus justes proportions,

- réduire le montant du rappel de salaires et le montant des congés payés y afférents accordés à Mme [P] à de plus justes proportions,

- réduire le montant du rappel de salaire accordé à Mme [P] au titre du mois d'avril 2019 à la somme de 2.969,42 euros bruts,

- réduire le montant de l'indemnité accordée à Mme [P] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- réduire le montant de l'astreinte accordée à Mme [P] à de plus justes proportions,

- dire et juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

En tout état de cause :

- condamner Mme [P] à verser la somme de 1.000 euros à Orange au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [P] aux entiers dépens d'appel

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal, Mme [C] [P] soutient que son licenciement est nul car elle a été victime d'un harcèlement moral et que son lienciement est en lien avec celui-ci.

Elle soutient par ailleurs qu'ayant fait usage de son droit de retrait, son licenciement est nul.

1-1-Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur caractérisés par :

1-une dégradation de ses conditions de travail manifestée notamment par des remarques désobligeantes de sa hiérarchie, le 22 décembre 2015.

2-la multiplication des obstacles fait à sa demande de mutation et de rapprochement familial alors que la société était informée de sa situation de santé et de celle de son fils.

3-la privation de son accès à sa messagerie professionnelle et aux plates-formes ouvertes aux salariés,

La salariée soutient que ces élements manifestent un profond mépris pour la dignité du salarié et un mépris systématique de son employeur. Elle indique que sa santé a été très dégradée par ce comportement.

En ce qui concerne le grief n° 1, la salariée produit aux débats un rapport établi par un cabinet extérieur à la demande du CHSCT suite à sa délibération du 2 février 2016, avec restitution le 11 juillet 2016.

L'expertise a notamment portée sur le 'diagnostique précis de la situation de mal être au travail dans l'ensemble des boutiques Orange de Guyane" .

La cour constate que si le rapport de la société met en exergue des dysfonctionnements conduisant les salariés à ne plus "travailler dans des conditions sociales et psychologiques qui garantissent la santé au travail" , la salariée n'explique pas les éléments concrêts permettant d'établir une dégradation personnelle de ses conditions de travail. Il est d'ailleurs souligné que la salariée a été en arrêt de travail du 23 décembre 2015 au 17 janvier 2016, puis du 1er février 2016 au 30 septembre 2016, qu'elle a ensuite été en "phase de récupération" au mois en octobre 2016 voire en novembre 2016 et qu'à compter du 1 er juin 2017, suite à sa déclaration d'inaptitude, elle n'a plus été en agence. Cela signifie qu'elle n'a pas eu à subir ces conditions dégradées de travail au moins jusqu'à novembre 2016 inclus, sans qu'il ne soit établi qu'elles ont perdurées lorsqu'elle a repris son poste .

L'incident unique du 22 décembre 2015 ( réflexion de son responsable sur sa tenue non réglementaire ayant entraîné pour la salariée un état de choc) n'a pas été reconnu comme ayant une origine professionnelle par la CPAM et les instances de recours saisies. Il est d'ailleurs probable que l'état dans lequel cet incident a plongé la salariée était en relation directe avec des difficultés psychiques étrangères au travail.

Il ne peut être retenu comme manifestant un acte de harcèlement.

En ce qui concerne le grief n° 2, l'ensemble des pièces versées aux débats démontrent que Mme [C] [P], pour une raison qui lui appartient, n'a pas souhaité se plier aux modalités de la procédure de mobilité solidaire, notamment aux exigences spécifiques en matière de justifications médicales, considérant que seul fait de faire valoir son état de santé et celle de son fils (affirmation accompagnée de certificats médicaux ne correspondant pas aux justificatifs demandés) et d'affirmer que ce denier ne pouvait être pris en charge qu'en métropole (voire qu'à [Localité 6] ou en Bretagne) étaient suffisants. Ce faisant, la salariée a ralenti le traitement de sa demande par son employeur et ne peut lui en faire grief.

En ce qui concerne le grief n° 3, la salariée produit aux débats un mail en date du 23 novembre 2018 par lequel elle alerte son employeur sur le fait qu'elle n'a pas accès à sa messagerie professionnelle depuis son départ de Guyane, c'est à dire à une période où elle a quitté son poste sans avoir obtenu sa mutation. Cet argument ne peut être retenu.

Ainsi, la salariée n'établit d'aucune façon des faits permettant de supposer l'existence d'un harcèlement moral.

La salariée est ainsi déboutée de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul de ce chef.

Le jugement est confirmé.

1-2 Sur l'exercice du droit de retrait

Aux termes de l'article L 4131-1 du code du travail " Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection."

Au cas d'espèce, la salariée a exercé son droit de retrait, le 4 juillet 2018, au motif que sa demande de mutation en métropole n'était pas prise en considération ni traitée dans les temps, malgré son état de santé et celle de son fils dont elle avait justifié.

La salariée reprend ici l'argumentation développée au titre de son grief n°2 au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral. Or, il a été dit que la salariée a largement participé au retard pris dans l'examen de sa demande.

Il n'est pas indifférent de souligner que la salariée était absente de son poste depuis le 12 juin 2018, lorsqu'elle a envoyé son courriel du 4 juillet 2018 faisant écho à la demande d'avoir à justifier de son absence de la part de son employeur, ce qui n'est guère compatible avec la notion de "danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ".

Surtout il n'est pas expliqué, ni démontré, en quoi la situation de travail de la salariée en Guyane présentait une danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Il en résulte que Mme [C] [P] ne pouvait valablement faire usage de son droit de retrait.

La salariée est ainsi déboutée de sa demande tendant à voir juger son liciement nul de ce chef.

Le jugement est confirmé.

2-Sur le licenciement pour faute grave

La salariée demande subsidairement que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en confirmation de la décision déférée.

La société Orange reconnaît que suite au dépassement du délai de notification du licenciement à la salariée après l'avis donné par la commissiopn consultative paritaire, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et sollicite la confirmation du jugement déféré de ce chef.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute de Mme [P] [C] en licenciement sans cause réelle sérieuse.

3- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 2297,69 euros.

3-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à 2 mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 4595,38 euros, outre la somme de 459,53 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-2-Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application de l'article 4.4.1.2 de la convention collective applicable, la salariée peut prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 17370,53 euros.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, la salariée peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 14,5 mois de salaire.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C] [P], de son âge au jour de son licenciement (43 ans), de son ancienneté à cette même date ( 18 années et 10 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 6893,06 euros euros ( 3 mois de salaires) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef.

4-Sur la demande de rappel de salaire

Mme [C] [P] demande un rappel de salaire pour la période du 12 juin 2018 jusqu'à la notification de son licenciement , soit la somme de 19200 euros , outre les congé payés afférents.

Elle sollicite également le remboursement des retenues apparaissant sur son bulletin de paie d'avril 2019 pour une somme de 3922,04 euros, ainsi que la somme cumulée de 983,88 euros correspondant, selon la société Orange à un trop perçu prélevé d'office chaque mois.

La société Orange s'oppose à ces demandes, rappelant que la salariée a été en absence injustifiée depuis le 12 juin 2018, que la somme prélevée en avril 2019 s'élève à la somme de 2969,42 euros et est justifiée par l'imputation des cotisations et contributions sociales, la déduction d'un acompte et du remboursement d'un trop-perçu. La société indique enfin que la somme de 983,88 euros a déja été remboursée à la salariée.

Il a été dit plus haut que la salariée, qui a mis en oeuvre son droit de retrait de manière illégitime, a cessé de paraître sur son lieu de travail et de se tenir à la disposition (étant retournée en métropole), de son employeur, alors toujours Orange Caraïbes à compter du 12 juin 2018 jusqu'à son licenciement le 29 janvier 2019 ne peut valablement solliciter aucun salaire sur cette période.

La SA Orange justifie les retenues effectuées par des trop-perçus. Par ailleurs, la somme de 983,88 euros a effectivement été remboursée à Mme [P] sur la paie de juillet 2016 ( pièce 30 de la société).

La salariée est déboutée de ce chef.

Le jugement est confirmé.

5-Sur la demande de la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux au choix de Mme [P]

Cette demande, totalement infondée, est rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

6-Sur la demande de compensation formulée par la SA Orange

6-1 sur la recevabilité de la demande

Mme [C] [P] soutient que la demande est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la révélation d'un fait.

Il ne peut qu'être constaté que la demande de compensation formée en cause d'appel par la société Orange entre dans les prévisions de l'article 564 du code de procédure civile. Elle est recevable.

6-2 sur le bien-fondé de la demande

La société Orange justifie pleinement qu'elle a opéré une avance de rémunération en juillet et août 2018 et également de septembre 2018 à mars 2019 ( cotisations d'un avantage en nature), pour un montant global, après régularisation opérée en juillet 2019, de 2483,61 euros.

Il y a lieu de condamner Mme [P] à payer cette somme à la SA Orange, et d'ordonner la compensation avec les sommes dues à la salariée dans le cadre de la rupture du contrat de travail, en application de l'article 1348 du code civil.

7- Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, la salariée ayant reçu ses documents de fin de contrat, la présente décision n'étant pas de nature à modifier les montants indiqués .

Le jugement est confirmé.

8 sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnisation.

Le jugement déféré est infirmé sur le quantum.

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SA Orange est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum des indemnités de chômage à rembourser à Pôle Emploi,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne d'office à la SA Orange le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [C] [P] dans la limite de un mois d'indemnisation,

Dit que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée,

Dit la demande de compensation de la SA Orange recevable,

Condamne Mme [C] [P] à payer à la SA Orange la somme de 2483,61 euros en remboursement de sommes indûment perçues,

Ordonne la compensation de cette somme à due concurrence de 2483,61euros avec celles dues par la SA Orange à Mme [P] dans le cadre de la rupture du contrat de travail,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SA Orange aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02129
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;21.02129 ?
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