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07/06/2023 | FRANCE | N°20/01605

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 juin 2023, 20/01605


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 JUIN 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01605 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQCN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/08691



APPELANT



Monsieur [L], [I] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 1]

né le 11 Juin 1955 à Bordeaux (

33000)

Représenté par Me Sylvie BRENNER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0030



INTIMEE



Association LA CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 775 67 2 ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01605 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQCN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/08691

APPELANT

Monsieur [L], [I] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 1]

né le 11 Juin 1955 à Bordeaux (33000)

Représenté par Me Sylvie BRENNER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0030

INTIMEE

Association LA CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 775 67 2 2 72

Représentée par Me Thibaut CAYLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2417

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [W] [Z], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER ,greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 1er février 2011, M. [L] [Y], né en 1955, a été engagé par l'association la Croix-rouge française, en qualité de directeur de l'établissement et service d'aide par le travail (ESAT) et de l'entreprise adaptée (EA), établissements dont l'objet est l'insertion sociale et professionnelle d'adultes handicapés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la Croix-rouge française qui emploie habituellement plus de dix salariés.

Le 18 octobre 2017, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 2 novembre 2017, avec mise à pied conservatoire.

Le 23 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave au motif qu'il aurait dissimulé à sa hiérarchie divers contrôles de la direction départementale de la protection des personnes, ayant révélé d'importantes irrégularités, qu'il aurait poursuivi l'exploitation d'une activité de parfum en violation des instructions formelles qui lui avaient été données, qu'il aurait fait acheter par l'EA des parfums produits par l'ESAT pour gonfler artificiellement les ressources engendrées par cette activité et qu'il aurait engagé sa s'ur comme consultante sans en informer son employeur ce qui caractériserait un conflit d'intérêts.

Le 16 novembre 2018, contestant son licenciement et réclamant le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire et salariale, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 21 janvier 2020, a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, le salarié a fait appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mai 2020, il demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de:

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'association la Croix rouge à lui payer 29.535,10 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'association la Croix rouge à lui payer 3.601,92 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre 360,19 euros de congés payés afférents :

- condamner l'association la Croix rouge à lui payer 12.657,90 euros de rappel d'indemnité de préavis, outre 1.265,79 euros de congés payés afférents ;

- condamner l'association la Croix rouge à lui payer 28.480,30 euros d'indemnité de licenciement ;

- condamner l'association la Croix rouge à lui payer 3.500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle-emploi, des bulletins de paie et du certificat de travail sous astreinte journalière de 50 euros ;

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juin 2020, la Croix-rouge française demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 23 novembre 2017, qui fixe les limites du litige, M. [Y] a été licencié pour faute grave au motif qu'il aurait dissimulé à sa hiérarchie divers contrôles de la direction départementale de la protection des personnes, ayant révélé d'importantes irrégularités, qu'il aurait poursuivi l'exploitation d'une activité de parfum en violation des instructions formelles qui lui avaient été données, qu'il aurait fait acheter par l'EA des parfums produits par l'ESAT pour gonfler artificiellement les ressources générées par cette activité et qu'il aurait engagé sa s'ur comme consultante sans en informer son employeur ce qui caractériserait un conflit d'intérêts.

Concernant le premier grief, sa matérialité n'est pas réellement contestée par M. [Y]. Il ressort, en tout état de cause, suffisamment des courriers de la direction départementale de la protection des populations des 12 juin, 26 juillet et 15 septembre 2017, de la note établie par le directeur territorial le 18 octobre 2017 et de son courriel à M. [Y] du 10 que, le 9 précédent, lors d'une visite de contrôle, le directeur territorial a pris connaissance des courriers de la direction départementale de la protection des personnes du département qui faisaient injonction à l'association de mettre en conformité son activité de production de parfum sous peine de sanctions importantes. Or, le salarié n'a pas répondu à ses courriers ou réagi d'une quelconque manière que ce soit en prenant les mesures qui s'imposaient, ni même en avertissant son employeur, étant précisé que le courrier du 15 septembre susmentionné précise 'à ce jour, aucune observation ne nous a été adressée', que rien ne vient confirmer les contacts oraux que M. [Y] prétend avoir eu avec la direction départementale pour gérer les conséquences de ces rapports et qu'il ne saurait être considéré que le courrier du 26 juillet indiquant uniquement qu'un échantillon de parfum était conforme permet d'établir que M. [Y] a répondu de manière adaptée à ces rapports qui visent de nombreux autres manquements. Enfin, il ne peut être valablement soutenu que l'autonomie du salarié l'autorisait à se dispenser d'apporter une réponse appropriée à ses courriers et d'en informer son employeur. Ce grief est donc établi.

Concernant le second grief, il est insuffisamment démontré qu'il a été enjoint au salarié avant le 14 septembre 2017 de mettre un terme à l'activité parfum et dès lors qu'il aurait maintenu cette activité malgré les instructions claires de sa hiérarchie. Ce grief sera donc écarté.

Concernant le troisième grief, M. [Y] reconnaît que l'EA achetait des parfums produits par l'ESAT. Il soutient que ce mode opératoire aurait été convenu dès le départ avec la direction régionale. Cependant, le compte-rendu du conseil de surveillance qu'il produit au soutien de cette affirmation ne traduit pas cette autorisation. Le seul fait d'avoir adressé mensuellement un compte-rendu de ses activités ne saurait par ailleurs manifester l'accord dont il se prévaut. Or, cet achat par l'EA de parfums, dont il n'avait nullement besoin, ne peut s'expliquer autrement que par une manoeuvre budgétaire visant à gonfler artificiellement les recettes générées par l'activité parfum. Ce grief est donc établi.

Enfin, s'il n'est pas contesté que le salarié a eu recours, les 14 et 15 juin 2017, sans autorisation ni même information de son employeur, au service de sa soeur pour délivrer une formation sur le thème de l'analyse de la pratique professionnelle, celle-ci étant rémunérée sur les fonds de la Croix-rouge, l'employeur, qui en a la charge, ne démontre pas suffisamment par la seule production du rapport du 18 octobre 2017, qu'il a eu connaissance des ces faits uniquement le 9 octobre précédent. Dès lors, en application, de l'article L.1332-4 du code du travail, ces faits sont prescrits.

Cependant, au regard, d'une part, des deux griefs établis qui démontrent de manière convergente un manque de transparence à l'endroit de son employeur voire une forme de dissimulation et, d'autre part, des fonctions de cadre que M. [Y] occupait et de l'autonomie dont il disposait dont la contrepartie nécessaire était la confiance que pouvait lui faire son employeur, la faute grave est caractérisée, le salarié ne pouvant être maintenu dans l'entreprise.

Le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ce qu'il rejette les demandes subséquentes portant sur le rappel de salaire sur mise à pied, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 : Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de la présente décision, les demandes au titre des intérêts et des documents de fin de contrat seront rejetées, le jugement devant être confirmé de ce chef.

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens qui seront également supportés par l'appelant en appel.

Celui-ci sera également tenu aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Confirme le jugement du conseile de prud'hommes de Paris du 21 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- Condamne M. [L] [Y] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01605
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;20.01605 ?
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