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07/06/2023 | FRANCE | N°20/01536

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 juin 2023, 20/01536


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 JUIN 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01536 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPVE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/07968



APPELANTE



Madame [S] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

née le 25 Mars 1966 à [Localité 5]>
Représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109



INTIMEE



FONDATION OPHTALMOLOGIQUE [4]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01536 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPVE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/07968

APPELANTE

Madame [S] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

née le 25 Mars 1966 à [Localité 5]

Représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109

INTIMEE

FONDATION OPHTALMOLOGIQUE [4]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume BREDON de la SAS BREDON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1532

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Jean-François de CHANVILLE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Fondation ophtalmologique [4] est un établissement de soins à but non lucratif qui participe au service public hospitalier, spécialisé dans le diagnostic et le traitement des maladies de la tête et du cou - ophtalmologie, ORL, neurochirurgie, neuroradiologie interventionnelle et neurologie.

Mme [S] [V], née en 1966, a été engagée par cette fondation selon contrat de travail à durée déterminée à compter du 4 mars 1986 en qualité d'employée administrative, afin de remplacer une autre salariée.

Après le retour de cette salariée, Mme [V] a été embauchée sous contrat à durée indéterminée du 1er septembre 1986 en qualité d'employée administrative à temps partiel.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

Par avenant du 29 juillet 1994, la relation contractuelle s'est poursuivie à temps plein à compter du 1er septembre 1994.

Par un nouvel avenant du 26 mai 2015, à effet au 1er juin 2015, Mme [S] [V] a été affectée au secrétariat en ophtalmo-pédiatrique du Docteur [W] [J].

Par avenant du 23 novembre 2015, elle a été promue secrétaire médicale.

Dans le cadre d'une évolution statutaire appliquée à l'ensemble des secrétaires, Mme [S] [V] a été soumise au statut d'assistante médico-administrative à compter du 4 décembre 2017.

Le 11 octobre 2018, elle a été placée en arrêt de travail.

Par courrier du 20 février 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

A cette date, elle avait une ancienneté de 32 ans et 11 mois, et la Fondation ophtalmologique [4] occupait à titre habituel au moins onze salariés.

Mme [S] [V] a saisi le 5 septembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir requalifier sa prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour modification du contrat de travail, harcèlement et discrimination et condamner la Fondation ophtalmologique [4] à lui payer les sommes suivantes :

- 76.926 euros d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 26.069,36 euros d'indemnité de licenciement légale ;

- 7.692,60 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 769,26 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle a fait l'objet et du manquement de l'employeur à son obligation de santé-sécurité de résultat ;

- 15.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination ;

A titre subsidiaire, pour le cas où la discrimination et le harcèlement moral ne seraient pas retenus :

- 51.284 euros d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 26.069,36 euros d'indemnité de licenciement légale ;

- 7.692,60 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 769,26 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

- intérêts au taux légal,

- et mise des dépens à la charge de la défenderesse.

La fondation s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de la demanderesse à lui verser 2.564,20 euros au titre du préavis non exécuté et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, a débouté les parties de leurs demandes respectives et a laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

Par déclaration du 20 février 2020, celle-ci a interjeté appel de cette décision, notifiée le 28 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 novembre 2020, Mme [S] [V], appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et prie la cour de condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes :

- 5.467,62 euros brut d'indemnité de préavis ainsi que 546,76 euros bruts d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 27.800,11 euros d'indemnité de licenciement,

- 82.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et y ajoutant, la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- la condamner aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 août 2020, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement sur le rejet des prétentions adverses, à titre subsidiaire de débouter Mme [S] [V] de sa demande au titre de dommages et intérêt pour licenciement nul, et à titre infiniment subsidiaire de condamner la Fondation ophtalmologique [4] à payer une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse égale au minimum légal de 3 mois de salaire, soit 7 692,60 euros (3 x 2 564,20 euros),

En tout état de cause, la fondation demande la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de mettre les dépens à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur l'exécution du contrat de travail

1.1 : Sur la modification unilatérale de son contrat de travail

Mme [S] [V] se plaint d'une modification unilatérale de son contrat de travail, sans la rattacher expressément au harcèlement moral, ni à la discrimination. Elle rappelle que lors d'un entretien entre elle et trois supérieurs hiérarchiques le 10 octobre 2018, il lui a été proposé une mutation à un poste d'employé administratif correspondant à un travail de standardiste avec une baisse mensuelle de salaire de 430 euros brut, ce qui revenait à la rétrograder au niveau qu'elle avait avant le 1er décembre 2015, date depuis laquelle elle a été promue successivement secrétaire médicale, puis assistante médico administrative. Dès lors que la Fondation ophtalmologique [4] se fonde sur des fautes de la salariée pour justifier dans ses écritures cette rétrogradation, celle-ci revêtait, selon la salariée, un caractère disciplinaire et n'était qu'une réponse au refus de l'intéressée de subir un licenciement et des propos à connotation raciste.

La Fondation répond qu'elle n'a pas imposé une telle mutation qui ne tendait qu'à satisfaire les desiderata de l'intéressée.

Sur ce

Il est constant que la mutation envisagée n'a pas eu de suite devant le refus de Mme [S] [V], de sorte qu'il ne peut être considéré que celle-ci s'est vu imposer une modification du contrat de travail, que ce fût à titre disciplinaire ou pas, puisque précisément cette modification n'a pas eu lieu.

En outre, il ressort de l'entretien d'évaluation de 2018 et des messages et courriers adressés au sujet de cette proposition de mutation, que celle-ci était notifiée en réponse à la demande de l'intéressée de changer de poste.

Celui qui lui était ainsi proposé consistait, selon la fiche de poste, dans la prise de rendez-vous complexe par téléphone, la gestion de remontées de terrain, la gestion des listes de remplissage de vacation envoyées par le DOP, la gestion des listes de conformité envoyées par la DOP, le traitement du "back office" et les renforts sur appel simple.

Par suite, aucune modification du contrat de travail ne lui a été opposée et cette démarche ne peut s'analyser comme une mesure discriminatoire ou entrant dans les caractéristiques du harcèlement moral, tel qu'il est défini ci-dessous.

1.2 : Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [S] [V] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de Mme [K], secrétaire du médecin chef au service duquel elles travaillaient toutes deux, par l'intermédiaire de courriels, d'un mode de relation oppressant, par une attitude raciste, une rétrogradation, attitude qui avait provoqué une déstabilisation psychologique de la salariée et un état dépressif. Subsidiairement elle invoque laconiquement le manquement à l'obligation de sécurité.

La Fondation ophtalmologique [4] conteste ces faits en relevant que jamais la salariée ne s'est plainte et qu'en réalité c'est celle-ci qui avait un comportement inadapté à l'égard de ses collègues.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de ses dires, la salariée produit deux attestations. L'une de Mme [R], doit être écartée comme émanant d'une collègue du service de Mme [S] [V] qui entretenait également un conflit avec Mme [K]. L'autre témoignage émanant d'une autre collègue, Mme [R] évoque les mauvaises relations au sein du service dont Mme [S] [V] souffrait, mais ne rapporte pas de fait précis que le témoin aurait pu constater directement et dont la salariée puisse se plaindre au titre du harcèlement moral.

Sont produits par Mme [S] [V] des documents médicaux et un certificat du centre de prévention du suicide à [Localité 6] vers lequel la Fondation ophtalmologique [4] l'avait orientée, précisant que la salariée n'a pas donné suite. Il ressort de ces pièces un suivi psychologique de la salariée, mais nullement que ceci soit imputable à un harcèlement moral d'autant plus que l'employeur verse aux débats une attestation indiquant que la salariée était responsable de la mauvaise ambiance régnant dans le service. Si le centre de suivi psychologique évoque un lien avec des problèmes de travail, il ne fait que rependre les allégations de Mme [S] [V].

Il est également produit un courriel de Mme [K] à la salariée manifestant sa vive insatisfaction et lui reprochant de "remuer la boue" et de l'avoir mise en copie d'un précédent message.

Ce seul fait qui consiste dans des reproches sévères d'une supérieure hiérarchique constitue un agissement unique insuffisant pour laisser présumer un harcèlement moral.

Par suite, le harcèlement moral est écarté et la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral sera rejetée.

S'agissant de l'obligation de sécurité, en vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l'organisation de moyens adaptés et l'amélioration des situations existantes. Il doit assurer l'effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

L'article L.4121-2 prévoit que l'employeur met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1, rendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'analyse qui précède ne permet pas de caractériser un préjudice lié à un manquement à l'obligation de sécurité, puisque l'employeur a pris la précaution d'orienter la salariée vers un centre de prévention du suicide, quand celle-ci a fait part de son état, cette initiative ayant d'ailleurs été inutile, puisque la plaignante n'a pas décidé d'être suivie par cet organisme.

En outre il existait au sein de l'entreprise de mesures de prévention attestées par un document interne intitulé "conduite à tenir face à une situation de souffrance au travail".

Au demeurant, l'utilité des mesures qu'aurait dû prendre l'employeur selon la salariée est douteuse, puisqu'elle se borne à se plaindre d'un harcèlement moral qui n'est pas reconnu par la cour.

Rien ne permet de déceler une véritable souffrance au travail, puisque Mme [S] [V] n'en a pas fait état dans son dernier entretien professionnel du 5 octobre 2018 et surtout qu'il n'est pas démontré que les troubles psychologiques rencontrés par l'intéressée soient expliqués parle travail en cause.

Il s'ensuit que Mme [S] [V] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

1.3 : Sur la discrimination

Se plaignant d'une discrimination à raison de ses origines caractérisée selon elle par des agissements invoqués dans le cadre du harcèlement moral et en particulier des réflexions à connotation raciste, la salariée sollicite la condamnation de la Fondation ophtalmologique [4] à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination.

La Fondation ophtalmologique [4] s'oppose à cette allégation en relevant qu'elle ne repose que sur des attestations mensongères, que l'intéressée n'a été mutée qu'à sa demande et que la salariée a progressé au sein de la fondation tout au long de sa carrière en son sein.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucune salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualiste, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L 1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La discrimination revendiquée s'appuie sur les faits de modification unilatérale et vexatoire du contrat de travail et sur les agissements invoqués à l'appui du harcèlement moral.

Aucun des ces points n'étant retenu par la cour, les éléments du dossier ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination et la demande de dommages-intérêts formée de ce chef sera rejetée.

2 : Sur la prise d'acte de rupture

Mme [S] [V] demande que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul, ou subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle invoque le harcèlement moral, la discrimination et la modification unilatérale du contrat de travail et sollicite les indemnités subséquentes.

La Fondation ophtalmologique [4] répond qu'il n'y a ni harcèlement moral ni discrimination, ni aucun fait suffisamment grave invoqué par la salariée pour justifier la requalification demandée. Elle ajoute que la salariée se prévaut de faits anciens de plusieurs mois, puisqu'elle a pris acte au cours d'un arrêt maladie qui avait commencé 5 mois plus tôt, ce qui signifie que les agissements reprochés étaient trop anciens pour justifier une rupture aux torts de l'employeur.

Sur ce

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. Il incombe au salarié, qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail. Le juge n'est pas tenu par les motifs invoqués dans le courrier valant prise d'acte mais doit apprécier l'intégralité des manquements invoqués par le salarié.

Au vu des motifs qui précèdent, il apparaît qu'aucun des griefs invoqués par la salariée n'est établi.

Par suite, la prise d'acte produira les effets d'une démission et l'intéressée sera déboutée de ses demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Certes, Mme [S] [V] doit indemniser l'employeur du préjudice né de l'absence d'exécution du préavis qu'elle devait à la suite de sa démission.

Eu égard à l'état de santé de la salariée qui était en arrêt maladie au moment de la rupture, la Fondation ophtalmologique [4] n'a pas subi de préjudice et sera déboutée de ce chef.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles et de mettre les entiers dépens à la charge de la salariée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [S] [V] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01536
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;20.01536 ?
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