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06/06/2023 | FRANCE | N°21/00516

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 06 juin 2023, 21/00516


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 06 JUIN 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023, 2 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00516 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEOPV





NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESP

RETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.





Vu le recours formé par :





La SCI DE L'AIGO

Monsieur [D] [F]

[...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ORDONNANCE DU 06 JUIN 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023, 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00516 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEOPV

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

La SCI DE L'AIGO

Monsieur [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Manon LAGUILLIEZ, avocat au barreau de PARIS

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

La SCP FORESTIER & [V]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Virginie METIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0045

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 11 Mai 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Au cours du mois d'octobre 2006, la SCI de l'Aigo a confié à la SCP Forestier & [V] Avocats la défense de ses intérêts dans le cadre d'une procédure d'expropriation d'un bien immobilier dont elle était propriétaire situé [Adresse 1] initiée par la ville de [Localité 6].

Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties.

Le 27 février 2006, le conseil municipal de [Localité 6] a décidé d'acquérir, par voie d'expropriation, le bien appartenant à la SCI de l'Aigo et a saisi le préfet des Hauts-de-Seine d'une demande d'enquête publique conjointe.

Par arrêté du 19 septembre 2006, le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé l'ouverture d'enquêtes publiques conjointes préalables à la déclaration d'utilité publique et parcellaire.

Au vu du rapport qui s'en est suivi, le préfet des Hauts-de-Seine a, par arrêté du 24 janvier 2007, déclaré d'utilité publique le projet de réalisation d'un programme de logements sociaux et déclaré cessibles les immeubles compris dans cette opération de construction.

Le 03 avril 2007, la SCI de l'Aigo a formé un recours devant le tribunal administratif de Versailles à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 24 janvier 2007.

Par jugement du 22 janvier 2009, la requête de la SCI de l'Aigo a été rejetée.

Le 02 octobre 2009, la ville de [Localité 6] a notifié à l'expropriée sa requête aux fins de saisine du juge de l'expropriation.

Aux termes d'un jugement rendu le 21 juillet 2010 par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Nanterre, le montant total de l'indemnité revenant à la SCI de l'Aigo a été fixé à la somme de 1 952 642 euros.

La ville de [Localité 6] a également été condamnée à payer à la SCI de l'Aigo la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La commune de [Localité 6] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 22 septembre 2015, la cour d'appel de Versailles a fait droit au moyen soulevé par la SCI de l'Aigo et constaté la péremption de l'instance engagée par la ville de [Localité 6], cette dernière devant conserver la charge des dépens.

La commune de [Localité 6] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Aux termes de son arrêt rendu le 19 janvier 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, remis la cause entre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette décision et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris.

A défaut de saisine de cette dernière, le jugement du 21 juillet 2010 est devenu irrévocable le 19 janvier 2019.

L'indemnité de dépossession d'un montant de 1 952 642 euros a été réglée le 24 mai 2019.

La SCI de l'Aigo a souhaité poursuivre le règlement des intérêts légaux.

Elle a réglé les 18 premières factures émises par la SCP Forestier & [V] Avocats pour la période du 26 novembre 2007 au 06 juin 2019, mais n'a pas réglé les deux dernières factures émises le 03 juin 2020 et le 22 janvier 2020 pour un montant total de 3 610 euros HT, soit 4 332 euros TTC.

Par courrier recommandé avec avis de réception reçu le 10 juin 2021, la SCP Forestier & [V] Avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de ses honoraires à hauteur de la somme de 53 598,38 euros HT sur laquelle il restait dû une somme de 3 610 euros HT. Elle sollicitait en outre la condamnation de la SCI de l'Aigo à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision réputée contradictoire du 22 septembre 2021, le bâtonnier de Paris a :

- fixé le montant des honoraires dus à la SCP Forestier & [V] Avocats à la somme de 53 598,38 euros HT ;

- constaté que la SCI de l'Aigo a réglé à la SCP Forestier & [V] Avocats à titre provisionnel la somme de 49 988,38 euros HT ;

- condamné la SCI de l'Aigo à régler le solde à la SCP Forestier & [V] Avocats, soit la somme de 3 610 euros HT assortie de la TVA à 20 %, et des intérêts légaux à compter de la notification de la décision ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou complémentaires.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception en date du 22 septembre 2021 dont l'AR a été signé le 23 septembre 2021 par la SCP Forestier & [V] Avocats et le 24 septembre 2021 par la SCI de l'Aigo.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 07 octobre 2021, le cachet de la poste faisant foi, la SCI de l'Aigo a formé un recours contre la décision précitée.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 mai 2023 par lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 janvier 2023 dont elles ont accusé réception le 16 janvier 2023.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 mai 2023, la SCI de l'Aigo demande à la délégataire du premier président de :

- infirmer la décision rendue le 22 septembre 2021 par le bâtonnier,

- limiter la facturation des honoraires dus à la SCP Forestier & [V] Avocats aux seules diligences antérieures à mai 2019, date du quittancement de l'indemnité d'expropriation en principal,

- dire que postérieurement à cette date, la SCP Forestier & [V] Avocats a été dessaisie du conflit l'opposant à la ville de Levallois sur le décompte d'intérêts de retard,

- dire que si les avis donnés sans nouvelle convention et échanges entre le nouveau conseil et l'ancien conseil pour assurer le suivi ne sauraient justifier des facturations dont elle n'a pas été informée,

- rejeter toute demande de taxation et toute demande de condamnation à honoraires et reliquat d'honoraires au profit de la SCP Forestier & [V] Avocats pour des factures émises en janvier et juin 2020,

- dire n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 mai 2023, la SCP Forestier & [V] Avocats demande à la délégataire du premier président de :

- la recevoir en l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

À titre principal,

- constater que l'appel de la SCI de l'Aigo n'est pas soutenu,

À titre subsidiaire,

- confirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris du 22 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

En tout état de cause, y ajoutant,

- condamner la SCI de l'Aigo à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la SCI de l'Aigo aux dépens.

A l'audience, la SCP Forestier & [V] Avocats a indiqué qu'elle renonçait à voir constater que le recours de la SCI de l'Aigo n'était pas soutenu, dans la mesure où celle-ci soutenait son recours.

SUR CE

Sur les honoraires :

A l'appui de ses prétentions, la SCI de l'Aigo soutient avoir dessaisi la SCP Forestier & [V] Avocats de son dossier et avoir confié le conflit qui l'opposait à la commune de [Localité 6] sur le seul décompte d'intérêts à un autre conseil, Me Hermet-Lartigue. Elle conteste les prestations facturées par la société d'avocats au seul motif que Me [V] aurait tenu informé son nouveau conseil des recours mis en place et en particulier d'une assignation devant le juge de l'exécution.

En réplique, la SCP Forestier & [V] Avocats sollicite la confirmation de la décision déférée.

Elle soutient qu'elle justifie de l'intégralité des diligences effectuées ayant donné lieu aux factures émises les 22 janvier 2020 et 03 juin 2020 correspondant à des prestations effectuées à compter du mois de septembre 2019 jusqu'au mois d'avril 2020 relatives à la problématique des intérêts sur la partie de l'indemnité d'éviction réglée tardivement à sa cliente par la mairie de [Localité 6]. Elle allègue que ses diligences ont été accomplies à la demande de la SCI de l'Aigo.

Il est de jurisprudence constante, en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, que le défaut de signature d'une convention d'honoraires ne prive pas l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

En l'espèce, aucune convention d'honoraires n'a été conclue entre les parties.

Il est constant que la SCI de l'Aigo a réglé les 18 premières factures émises par la SCP Forestier & [V] Avocats pour la somme totale de 49 988,38 euros HT au titre des diligences effectuées pour la période du 18 septembre 2007 au 28 mai 2019 (pièces de l'intimée n° 1 à 18), mais n'a pas réglé les deux dernières notes d'honoraires émises par la société d'avocats les 22 janvier 2020 et 03 juin 2020 pour un montant total de 3 610 euros HT, se décomposant comme suit :

- facture n° 26845 du 22 janvier 2020 d'un montant de 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC au titre des diligences accomplies du 12 septembre 2019 au 06 novembre 2019 correspondant à 10 heures de travail,

- facture n° 000637 du 03 juin 2020 d'un montant de 1 110 euros HT, soit 1 332 euros TTC au titre des diligences accomplies du 20 janvier 2020 au 20 avril 2020 correspondant à 3 heures de travail.

La contestation des honoraires de la SCP Forestier & [V] Avocats par la SCI de l'Aigo porte sur l'étendue du mandat confié à la société d'avocats (dès lors que cette dernière soutient ne pas lui avoir confié le litige relatif au seul décompte d'intérêts dus par la ville de [Localité 6]), et non sur l'existence de ce mandat, de sorte que le juge de l'honoraire est compétent pour statuer sur cette contestation.

La SCI de l'Aigo ne justifie pas, contrairement à ce qu'elle soutient, avoir dessaisi la société d'avocats, dans le cadre du litige relatif au paiement des intérêts de retard par la ville de [Localité 6]. Aucun courrier de dessaisissement n'est versé aux débats.

Bien au contraire, il ressort des échanges de courriels produits par la société intimée que la SCI de l'Aigo a sollicité des diligences de sa part pendant la période contestée :

- par courriels, notamment des 3, 4 et 9 octobre 2019, la SCI de l'Aigo a sollicité auprès de Me [V] la tenue d'un rendez-vous qui a été fixé au 17 octobre 2019 (pièces n° 36 à 38),

- par courriel du 30 octobre 2019, la SCI de l'Aigo a indiqué à Me [V] qu'elle était toujours en attente de son projet 'de LRAR à adresser à la ville de Levallois, pour les intérêts de retard' (pièce n° 39), puis lui a lui a adressé plusieurs relances par courriels des 05 novembre 2019 et 14 novembre 2019 (pièces n° 40 et 41),

- par courriel du 17 décembre 2019, la SCP Forestier & [V] Avocats a adressé à la SCI de l'Aigo le projet de mise en demeure à adresser à la commune de [Localité 6] (pièce n° 42),

- par courriel du 15 janvier 2020, la SCI de l'Aigo a de nouveau sollicité Me [V] pour qu'il lui communique ses observations sur la réponse de la commune de [Localité 6] (pièce n° 43),

- par courrier du 21 janvier 2020, la SCP Forestier & [V] Avocats lui a adressé ses observations sur ce courrier (pièce n° 44),

- par courriel du 23 janvier 2020, la SCI de l'Aigo a sollicité un nouveau rendez-vous (pièce n° 45).

Il résulte de l'ensemble de ces échanges de courriers et courriels que la SCP Forestier & [V] Avocats a effectué postérieurement au 28 mai 2019 de nouvelles diligences à la demande de la SCI de l'Aigo.

Comme l'a considéré à juste titre le bâtonnier de Paris, le taux horaire revendiqué par Me [V] de 370 euros HT n'apparaît pas excessif au regard de son ancienneté au barreau de Paris de 31 années et de sa spécialisation dans le domaine objet du litige entre sa cliente et la ville de [Localité 6], et n'est d'ailleurs pas contesté par la requérante. Il sera par conséquent retenu.

En revanche, le nombre total d'heures facturées, soit 13 heures pour la période du 12 septembre 2019 au 20 avril 2020, apparaît excessif au regard des diligences justifiées limitées qui ont consisté, principalement, dans la tenue d'un rendez-vous le 17 octobre 2019, des échanges de courriers et courriels entre les parties, un projet de mise en demeure à la commune de [Localité 6] et quelques amendements portés sur le projet d'assignation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre rédigé par Me Hermet-Lartigue.

Les recherches de jurisprudence alléguées par l'intimée n'ont donné lieu à aucune véritable consultation juridique au profit de la SCI de l'Aigo.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le temps de travail consacré par la SCP Forestier & [V] Avocats au dossier de la SCI de l'Aigo sera ramené à 5 heures pour la période litigieuse, soit un honoraire d'un montant de 1 850 euros HT sur la base du taux horaire de 370 euros HT qui a été retenu.

Au total, le montant des honoraires de la SCP Forestier & [V] Avocats sera donc fixé à la somme de 51 838,38 euros HT (49 988,38 euros HT + 1 850 euros HT).

Eu égard au paiement à la SCP Forestier & [V] Avocats de la somme de 49 988,38 euros HT par la SCI de l'Aigo, cette dernière sera condamnée à lui payer la somme de 1 850 euros HT, outre la TVA au taux de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La décision déférée est donc infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

La SCI de l'Aigo, partie perdante, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP Forestier & [V] Avocats.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme la décision déférée rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris le 22 septembre 2021 ;

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmée et y ajoutant,

Fixe le montant des honoraires dus à la SCP Forestier & [V] Avocats par la SCI de l'Aigo à la somme de 51 838,38 euros HT ;

Constatant le paiement à la SCP Forestier & [V] Avocats par la SCI de l'Aigo de la somme de 49 988,38 euros HT ;

Condamne la SCI de l'Aigo à payer à la SCP Forestier & [V] Avocats la somme de 1 850 euros HT, outre la TVA au taux de 20 %, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne la SCI de l'Aigo aux dépens de la présente instance ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/00516
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.00516 ?
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