REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 5 JUIN 2023
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00181 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBGLJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de Meaux RG n° 2019005688
APPELANTE
CARTELYS BENELUX
succursale française d'une société de droit belge dont le siège est situé [Adresse 7], Belgique.
Ayant son siége social
[Adresse 1]
[Localité 4],
N° SIRET : 833 560 840
Prise en la personne de son représentant légal de M. [N] [T] son gérant
Représentée par Me Frédéric HOUSSAIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS FUJIFILM FRANCE S.A.S
Ayant son siége social
[Adresse 3]
[Localité 6]
N° SIRET : 412 838 526
Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
INTERVENANTE
S.E.L.A.R.L. [E] ARAS & ASSOCIES
Ayant son siége social
[Adresse 2]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédéric MASSELIN de la SELARL SELARL SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R142
Représentée par Me Camille DESBOUIS, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
La société Cartonnages du Cambresis exerçait une activité de fabrication de cartonnages et d'imprimerie.
La société Fujifilm France exerce une activité de commerce en gros de produits d'imagerie ou lumino-sensibles.
La société Cartelys Benelux, société de droit belge, a pour objet le négoce et la fabrication de tous matériels et produits d'imprimerie, accessoires et mobiliers.
Les sociétés Cartonnages du Cambresis et Cartelys Benelux ont le même dirigeant de droit, à savoir M. [N] [T]
Les sociétés Fujifilm France et Cartonnages du Cambresis ont noué des relations commerciales à partir de l'année 2011.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cartonnages du Cambresis en 2015, à l'issue de laquelle un plan de continuation a été adopté par le tribunal de commerce de Douai le 1er juin 2016.
Le 13 mars 2017, les sociétés Fujifilm France et Cartonnages du Cambresis ont conclu un contrat de location n°7020234 portant sur une machine Configuration Jet Press 720S d'une valeur totale de 950 000 euros hors taxes, prévoyant le paiement de soixante loyers mensuels de 18 200 euros hors taxes chacun.
Le 3 mai 2017, le tribunal de commerce de Douai a prononcé la résolution du plan de continuation de la société Cartonnages du Cambresis et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, avec une poursuite d'activité jusqu'au 15 juin 2017, renouvelée exceptionnellement jusqu'au 3 juillet 2017, Maître [W] [D] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [R] [E] en qualité de liquidateur. Par un jugement en date du 26 juin 2017, le tribunal de commerce de Douai a mis un terme à la poursuite d'activité exceptionnelle.
Le 27 décembre 2017, la société Cartelys Benelux a procédé à l'immatriculation d'une succursale au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Douai, exerçant son activité dans les locaux industriels de la société Cartonnages du Cambresis.
Suivant contrat de location n°7020234 en date du 22 décembre 2017, les sociétés Fujifilm France et Cartelys Benelux sont convenues de la location de la machine Jet Press 720S précédemment louée à la société Cartonnages du Cambresis moyennant le paiement de soixante loyers mensuels de 18 200 euros hors taxes chacun à compter du 1er janvier 2018.
Le 29 novembre 2018, la société Fujifilm France a mis en demeure la société Cartelys Benelux d'acquitter les sommes impayées au titre du contrat de location pour les mois de mars 2018 à novembre 2018. La lettre de mise en demeure précisait qu'à défaut de règlement dans les 8 jours à compter de sa réception, la société Fujifilm France entendait procéder à la reprise du matériel.
Le 10 décembre 2018, la société Cartelys Benelux a proposé un échéancier pour le paiement des sommes dues de mars 2018 à novembre 2018. La société Fujifilm France a refusé et sollicité le paiement de la somme de 220 272,28 euros.
Le 26 janvier 2019, la société Fujifilm France a assigné en référé la société Cartelys en paiement des sommes exigibles au titre du contrat de location du 22 décembre 2017.
Par ordonnance du 18 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Douai, statuant en référé, a :
- condamné la société Cartelys Benelux à payer à la société Fujifilm France une provision d'un montant de 220 272,28 euros TTC ;
- condamné la société Cartelys Benelux à payer à la société Fujifilm France une indemnité d'un montant de 1 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 15 juillet 2019, la société Cartelys Benelux a interjeté appel de cette ordonnance. Saisi d'une demande de radiation de l'appel par la société Fujifilm France pour cause d'inexécution des condamnations prononcées le 18 juin 2019, le premier président de la cour d'appel de Douai a ordonné la radiation de l'affaire du rôle par ordonnance en date du 30 octobre 2019.
Par acte du 31 mai 2019, la société Cartelys Benelux a fait assigner la société Fujifilm France devant le tribunal de commerce de Meaux en annulation du contrat conclu le 22 décembre 2017.
Par jugement rendu le 10 décembre 2019, rectifié le 13 janvier 2020 pour ordonner l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Meaux a statué comme suit:
'- Reçoit la société Fujifilm France en son exception d'incompétence territoriale, la dit mal fondée et l'en déboute,
En conséquence,
- Se déclare compétent territorialement,
- Reçoit la société Cartelys Benelux en ses demandes, au fond les dit mal fondées, et l'en déboute,
- Reçoit la société Fujifilm France en ses demandes, au fond les dit en partie bien fondées,
- Condamne la société Cartelys Benelux à payer à la société Fujifilm France la somme de
220 272,28 euros TTC (deux cent vint mille deux cent soixante-douze euros et vingt huit centimes ttc) à titre principal, assortie des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points, à compter de la date d'échéance de chaque facture,
- Déboute la société Fujifilm France de ses demandes à titre de dommages et intérêts,
- Constate la résiliation du contrat de location n°7020234 de la machine Jet Press 720,
- Ordonne la restitution de la machine Jet Press 720 S par la société Cartelys Benelux,
- Condamne la société Cartelys Benelux à payer à la société Fujifilm France la somme de : 3 000 euros (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- Dit que tous les dépens, qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 69,40 euros TTC, ainsi que les frais de greffe liquidés à 73,24 euros TTC, en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement, resteront à la charge de la société Cartelys Benelux.'
Par déclaration du 17 décembre 2019, la société Cartelys Benelux a interjeté appel du jugement.
Suivant procès-verbal d'appréhension des 24 et 25 février 2020, la société Fujifilm France a pris possession de la machine Jet Press 720 S dans les locaux de la société Cartelys Benelux.
Par jugement du 2 septembre 2020, le tribunal de commerce de Douai a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la succursale française de la société Cartelys Benelux, désignant la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte du 12 octobre 2020, la société Fujifilm a fait assigner en intervention forcée la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire de la société Cartelys Benelux.
Par jugement du 7 septembre 2021, le tribunal de commerce de Douai a arrêté le plan de redressement de la société Cartelys Benelux, nommant la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Dans l'intervalle, par acte du 15 juin 2021, la Selarl [E] Aras & Associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis a fait assigner la société Fujifilm France devant le tribunal de commerce de Douai afin de voir dire que le droit de propriété de la société Fujifilm sur la machine Configuration Jet Press 720 S qui avait été louée à la société Cartonnages du Cambresis, est inopposable à la procédure collective de cette dernière à défaut d'exercice d'une action en revendication dans le délai légal et de voir condamner la société Fujifilm à payer au liquidateur judiciaire la somme de 950 000 euros hors taxe correspondant à la valeur commerciale de la machine à défaut de restitution possible. Il a été fait droit à ces demandes par jugement du tribunal de commerce de Douai du 13 juillet 2022.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, la société Cartelys Benelux demande à la cour de :
'Vu les dispositions de l'article 1103, 1128, 1162, 1163, 1178 et 1604 du code civil, les dispositions des articles L.313-1 et L.511-5 du code monétaire et financier, l'article L.641-14-1, L.624-9 et suivants et R.624-9 et suivants du code de commerce,
A titre principal,
- Juger que le contrat conclu le 22 décembre 2017 entre les sociétés Cartelys Benelux et Fujifilm France est un contrat de crédit-bail,
- Juger que la société Fujifilm France ne dispose pas de l'agrément bancaire lui permettant de conclure de tels contrats,
- Juger que le contrat en date 22 décembre 2017 entre les sociétés Cartelys Benelux et Fujifilm France, conclu en violation de l'ordre public, est illicite,
En tout état de cause,
- Juger que la société Cartelys Benelux n'a pas réceptionné techniquement la presse objet du contrat litigieux,
- Juger que le matériel objet du contrat litigieux n'a pas été utilement revendiqué par Fujifilm France dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cartonnage du Cambresis, rendant son objet illicite,
- Juger que le contrat litigieux est, de ce fait, dépourvu de cause et d'objet,
En conséquence,
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux en date du 10 décembre 2019,
Statuant à nouveau,
- Débouter Fujifilm France de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
- Ordonner l'annulation du contrat conclu le 22 décembre 2017 entre les sociétés Cartelys Benelux et Fujifilm France,
- Condamner la société Fujifilm France à rembourser à la société Cartelys Benelux l'ensemble des sommes perçues à titre de loyers relatifs au contrat litigieux, soit un montant de 252 359,65 euros portant intérêt au taux légal ;
- Condamner la société Fujifilm France à payer à la société Cartelys Benelux une somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ce comprenant les dépens de première instance.'
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 août 2022, la société [E] Aras et Associés, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Cartelys Benelux demande à la cour de :
'Vu les articles L 624-9 et suivants, et R 624-9 et suivants du code de commerce, les articles 1128, 1163, 1169 et 1240 du code civil, l'article 32-1 du code de procédure civile,
- Juger recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions de Maître [E] ès qualités, y faire droit.
- Infirmer le jugement rendu le 10/12/2019 par le tribunal de commerce de Meaux.
Et, statuant à nouveau,
De chef principal :
- Constater que la société Fujifilm France n'a pas revendiqué utilement la machine Jet Press 720S dans le cadre de la procédure collective de la société Cartonnage du Cambresis.
- Juger qu'en l'absence de revendication utile, le droit de propriété de la société Fujifilm France sur cette machine est inopposable à la procédure collective de la société Cartonnage du Cambresis.
- Juger que cette inopposabilité interdit à la société Fujifilm France tout acte découlant de l'exercice de son droit de propriété.
- Constater que le contrat de location conclu entre la société Fujifilm France et la société Cartelys Benelux porte sur la même machine que celle qui était précédemment louée à la société Cartonnage du Cambresis.
Juger que, faute pour la société Fujifilm France, de pouvoir faire valoir son droit de propriété sur la machine, elle ne pouvait valablement consentir un nouveau contrat de location pourtant sur la même machine à la société Cartelys Benelux.
- Juger en conséquence que le contrat est dépourvu d'objet.
- Prononcer la nullité du contrat conclu entre la société Fujifilm France et la société Cartelys Benelux en date du 28/11/2017 et de son avenant daté du 29/11/2017.
- Condamner la société Fujifilm France à payer à Maître [E] ès qualités la somme de 78 840 euros au titre des loyers reçus par la société Fujifilm France en exécution du contrat annulé.
- Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des paiements, avec capitalisation par année entière.
- Débouter la société Fujifilm France de sa demande d'inscription au passif de la somme de 220 272,28 euros en principal au titre de l'exécution du contrat du 28/11/2017.
De chef subsidiaire :
- Débouter la société Fujifilm France de sa demande de restitution de la machine Jet Press 720S.
En tout état de cause :
- Condamner la société Fujifilm France à payer à Maître [E] es qualité une somme de 5 000 euros pour procédure abusive en application des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile.
- Débouter la société Fujifilm France de ses demandes.
- Condamner la société Fujifilm France à payer à Maître [E] ès qualités une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil régulièrement constitué.'
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la société Fujifilm France demande à la cour de :
'- Déclarer la société Fujifilm France recevable et bien fondée en sa demande d'intervention de la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux,
Y faisant droit,
- Constater la reprise de l'instance,
- Déclarer mal fondée la société Cartelys Benelux en son appel, l'en débouter, ainsi que de toutes ses demandes,
- Recevoir la société Fujifilm France en ses présentes conclusions,
Y faisant droit,
- Fixer la créance de la société Fujifilm France au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux à la somme de 220 272,28 euros à titre principal, assortie des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de financement la plus récente, majoré de 10 points, à compter de la date d'échéance de chaque facture.
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Constaté la résiliation du contrat de location n°7020234 de la machine Jet Press 720 S.
Ordonné la restitution de la machine Jet Press 720 S par la Société Cartelys Benelux,
Condamné la société Cartelys Benelux à payer à la société Fujifilm France la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société Fujifilm France de :
' sa demande de règlement de la somme de 10 000 euros au titre d'indemnisation de son préjudice,
' sa demande de règlement de la somme de 5 000 euros pour procédure abusive.
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- Fixer la créance de la société Fujifilm France au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, outre 5 000 euros pour procédure abusive.
A titre subsidiaire,
- Constater l'enrichissement injustifié de la Société Cartelys Benelux,
- Fixer la créance de la société Fujifilm France au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux à la somme de 220 272,28 euros à ce titre.
En tout état de cause,
- Débouter la société Cartelys Benelux et Me [E] es qualité de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner la société Cartelys Benelux au paiement de la somme supplémentaire en cause d'appel de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.- Sur les sollicitations de constat
La cour rappelle qu'une sollicitation de constatation ne saisit pas la cour d'une prétention au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur de telles sollicitations présentées en l'espèce par la Selarl [E] Aras & Associés et la société Fujifilm France.
2.- Sur la recevabilité de la mise en cause devant la cour de la Selarl [E] Aras & Associés
L'ouverture, postérieure au jugement déféré du tribunal de commerce de Meaux du 10 décembre 2019, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Cartelys Benelux, constitue pour la société Fujufilm France une évolution du litige qui rend recevable la mise en cause du mandataire judiciaire en application de l'article 555 du code de procédure civile.
La recevabilité de l'intervention forcée en cause d'appel de la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux, n'est au demeurant pas contestée par cette dernière qui, aux termes de ses dernières conclusions, intervient au surplus volontairement en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Cartelys Benelux.
Par suite, la société Fujifilm France sera déclarée recevable en son intervention forcée diligentée à l'égard de la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux.
3.- Sur la nullité du contrat conclu le 22 décembre 2017 entre les sociétés Fujifilm France et Cartelys Benelux pour cause de violation du monopole bancaire
Enoncé des moyens
La société Cartelys Benelux soutient, au visa des articles L.313-1, L.313-7, L.511-5 et L.571-3 du code monétaire et financier, que le contrat est nul pour cause d'illicéité dès lors que, contrairement à la dénomination qui lui a été donnée par la société Fujifilm France, il s'agit d'un contrat de crédit, plus spécifiquement d'un contrat de crédit-bail avec un taux annuel déterminé puisqu'il est constitué d'un contrat de location assorti d'une option d'achat d'un euro, prévue par avenant signé le jour même de sa conclusion, dont l'ensemble permet le paiement intégral du prix d'acquisition du bien. La société Cartelys Benelux fait valoir que ce contrat est illicite car la société Fujifilm France n'a pas l'agrément d'un établissement de crédit ou d'une société de financement pour être un crédit-bailleur et qu'il est établi au surplus qu'elle commercialise ce type de contrat à titre habituel.
En réponse, la société Fujifilm France fait valoir, au visa des articles L.313-1 et L.313-7 du code monétaire et financier, que la nullité invoquée par la société Cartelys Benelux n'est pas encourue dès lors que le contrat conclu le 22 décembre 2017 est un contrat de location et non un contrat de crédit-bail puisqu'elle n'est aucunement bénéficiaire de fonds au titre de la valeur du bien, l'option d'achat, prévue par avenant, n'étant pas mesurée sur la base de la valeur résiduelle du bien d'équipement. Elle fait également valoir que la société Cartelys Benelux ne démontre pas que la société Fujifilm France effectue des opérations de crédit à titre habituel
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, les opérations de crédit-bail et, plus généralement, toutes opérations de location assortie d'une option d'achat, sont assimilées à des opérations de crédit.
L'article L. 313-7 paragraphe 1 du code monétaire et financier dispose que :
'Les opérations de crédit-bail mentionnées par la présente sous-section sont :
1. Les opérations de location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ;
(...)'.
En l'espèce, le contrat conclu entre les sociétés Fujfilm France et Cartelys Benelux le 22 décembre 2017, intitulé 'contrat de location n°7020234", précise qu'il a 'pour objet la location du matériel Configuration Jet Press 720S' pendant une durée de soixante mois moyennant un loyer mensuel de 18 200 euros hors taxe et qu'au terme de la location, le matériel doit être immédiatement restitué 'en bon état d'entretien et de fonctionnement, compte tenu de l'usure consécutive à une utilisation normale.'
Ce contrat ne contient aucune promesse de vente du matériel au profit de la société Cartelys Benelux au terme de la location, de sorte que la condition déterminante d'une opération de crédit-bail mobilier ou de location avec option d'achat fait défaut.
Si les parties ont conclu le jour même de sa signature un avenant prévoyant une option d'achat au profit de la société Cartelys Benelux à la fin de la location, le prix d'achat est fixé à un euro symbolique, de sorte qu'il n'en résulte aucun paiement à la société Fujifilm France d'un prix correspondant à la valeur résiduelle du bien d'équipement loué, tenant compte, au moins pour partie, du montant total des loyers préalablement versés.
Il en découle que le simple ajout par avenant de l'option d'achat au prix d'un euro ne modifie pas la nature de location pure et simple du contrat conclu le 22 décembre 2017.
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de location formée par la société Cartelys Benelux sur le fondement de ce premier moyen.
4.- Sur l'absence de délivrance conforme
Enoncé des moyens
La société Cartelys Benelux soutient, au visa de l'article 1604 du code civil, que le contrat du 22 décembre 2017 n'a pas connu un commencement d'exécution en l'absence d'une réception technique de la machine Configuration Jet Press 720S, qui est un équipement nouveau et complexe dont la délivrance n'est réalisée que par la mise au point effective chez l'acheteur.
En réponse, la société Fujifilm France fait valoir que la machine Jet Press 720 S a bien été livrée à la société Cartelys Benelux et qu'il est établi que cette dernière l'a utilisée pour les besoins de son activité commerciale.
Réponse de la cour
Le contrat conclu entre les sociétés Fujifilm France et Cartelys Benelux est un contrat de location d'un bien d'équipement et non un contrat de vente.
La société Cartelys Benelux n'est donc pas fondée à agir sur le fondement de l'article 1604 du code civil en imputant à la société Fujifilm France un manquement du vendeur à son obligation de livraison conforme.
Au demeurant, le défaut de livraison conforme qu'invoque la société Cartelys Benelux n'est pas une cause de nullité du contrat mais, lorsqu'il est prouvé, une inexécution des obligations contractuelles du vendeur ou du bailleur pouvant justifier la résolution du contrat ou l'allocation de dommages et intérêts. Ce moyen soulevé par la société Cartelys Benelux ne peut donc fonder l'action en annulation du contrat du 22 décembre 2017 qu'elle exerce.
En tout état de cause, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu qu'il est établi que la machine Jet Press 720S a bien été livrée et qu'elle a été effectivement utilisée par la société Cartelys Benelux.
Il convient seulement d'ajouter que la société Cartelys Benelux a expressément reconnu utiliser la machine Configuration Jet Press 720S pour les besoins de son activité commerciale d'imprimerie numérique.
Ainsi, dans sa lettre de réponse à la mise en demeure de payer les loyers de mars à novembre 2018 que lui a adressée la société Fujfilm France le 29 novembre 2018, le dirigeant de la société Cartelys Benelux a indiqué : 'Comme vous le savez, la société Cartelys Benelux SAS a été créée en novembre 2017 ; son activité repose quasiment intégralement sur l'exploitation de votre presse numérique, première de ce type en France sur le business model que je développe et qui présente une porte d'avenir pour la profession.' (Pièce n°6 de la société Fujifilm)
En outre, dans une communication effectuée par M. [T], dirigeant de la société Cartonnages du Cambresis et de la société Cartelys Benelux, dans le magazine des professionnels de l'imprimé 'Caractère' n°750 du mois de mars 2018, ce dernier a précisé, actant une continuité des activités des deux sociétés qu'il dirigeait, que : ' Nous avons abandonné l'offset pour passer à une presse Jet Press 720S de Fujifilm, qui assure l'intégralité de notre production depuis septembre 2017.' (Pièce n°45 de la société Fujifilm)
Il en résulte une reconnaissance expresse de l'utilisation commerciale de la machine louée à la société Fujifilm France, que confirme encore la commande régulière de consommables nécessaires à son fonctionnement, dont la société Fujifilm justifie pour un montant total de commandes de 36888,00 euros pour la période allant du 1er janvier au 23 septembre 2019.(Pièces n°17 et 18 de la société Fujifilm)
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de location formée par la société Cartelys Benelux sur le fondement de ce deuxième moyen.
5.- Sur la nullité du contrat de location pour absence de cause et d'objet
Enoncé des moyens
La société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & Associés soutiennent que le contrat de location du 22 décembre 2017 est nul pour défaut d'objet et de cause au motif que la société Fujifilm France ne pouvait donner en location un bien sur lequel elle ne pouvait exercer son droit de propriété dès lors que ce bien était détenu par la société Cartonnages du Cambresis au jour de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son égard et n'avait pas été utilement revendiqué par la société Fujifilm dans le cadre de cette procédure collective. Ils font valoir que la preuve d'une action en revendication du bien n'étant pas rapportée, et en tout état de cause une requête en revendication n'ayant pas été présentée au juge-commissaire de la procédure de la société Cartonnages du Cambresis, la machine Jet Press 720S est devenue le gage commun des créanciers de la société Cartonnages du Cambresis, le droit de propriété de la société Fujifilm France sur cette machine étant inopposable à la procédure collective, et doit pouvoir être cédée par le liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis. Soulignant que les délais pour agir en revendication étaient expirés à la date de conclusion du contrat de location de la machine Jet Press 720S, la société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & associés en concluent que le contrat de location était dépourvu d'objet et de cause, la chose louée étant indisponible et les obligations mise à la charge de la société Cartelys Benelux étant dépourvues de contrepartie de la part de la société Fujifilm France.
En réponse, la société Fujifilm France soutient que le contrat n'est pas nul pour défaut d'objet licite au motif que la revendication du bien qui ferait défaut ne concerne pas la procédure collective de la société Cartelys Benelux. Elle fait valoir que le liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis, qui est également le mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux, est demeuré inactif alors qu'il avait une parfaite connaissance des conditions d'utilisation de la machine Jet Press 720S par une nouvelle société dirigée par l'ancien dirigeant de la société Cartonnages du Cambresis, opérant dans les locaux industriels de cette dernière. La société Fujifilm fait également valoir que, si aucune requête en revendication du bien n'a été adressée au juge-commissaire en charge de la liquidation judiciaire du premier locataire, c'est en raison de la confusion des locaux d'exploitation des deux locataires du bien et de l'économie générale des contrats qui en résulte. Toutefois, elle précise qu'une demande en revendication du bien a été effectivement adressée au liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis et qu'elle a été reçue par ce dernier le 18 juin 2017.
Réponse de la cour
L'article L. 624-9 du code de commerce, applicable aux procédures de liquidation judiciaire par renvoi opéré par l'article L. 641-14 du code de commerce, dispose que : 'La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.'
Ce délai de trois mois est un délai de forclusion, comme le délai d'un mois prévu à l'article R.624-13 du code de commerce pour la saisine du juge-commissaire par le demandeur en revendication d'un bien meuble à défaut d'acquiescement à sa demande par le liquidateur judiciaire dans le mois suivant sa réception.
La forclusion ne constitue pas un mode d'acquisition du droit de propriété. Il en résulte que, lorsque le demandeur en revendication est forclos en sa demande, son droit de propriété sur le bien meuble se trouvant en la possession d'un débiteur soumis à une procédure collective n'est ni éteint ni transféré de plein droit à ce dernier. Le créancier revendiquant dont l'action en revendication est forclose perd seulement le droit d'agir en revendication dans le cadre d'une procédure collective lorsque son droit de propriété sur le bien est contesté.
Il faut encore préciser qu'en matière de liquidation judiciaire, en application des articles L.641-14-1 et R.641-31 du code de commerce, la finalité de la procédure collective n'étant pas alors la poursuite de l'activité du débiteur mais la réalisation de ses actifs, en cas de contestation de la revendication d'un bien meuble la demande peut être portée devant le juge-commissaire par le créancier revendiquant comme par le liquidateur judiciaire.
En l'espèce, la société Fujifilm France justifie avoir adressé une demande en revendication de la machine Configuration Jet Press 720S à Maître [E] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis par lettre recommandée non datée mais dont l'avis de réception atteste d'une remise à Maître [E] le 18 mai 2017. (Pièce n°48 de la société Fujifilm).
Il est constant que le liquidateur judiciaire n'a pas acquiescé expressément à cette demande dans le délai d'un mois à compter de cette date de réception et que la société Fujifilm n'a pas saisi le juge-commissaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société Cartonnage du Cambresis d'une requête en revendication.
Toutefois, son droit de propriété sur la machine Configuration Jet Press 720S, qui résulte du contrat de location qui avait été conclu pour une durée de soixante mois avec la société Cartonnages du Cambresis le 16 mars 2017 (pièce n°46 de la société Fujifilm), n'a pas été contesté par l'administrateur ou le liquidateur judiciaire de cette dernière. La société Fujifilm France rappelle exactement que ce dernier, bien qu'informé (pièce n° 9 de la société Cartelys Benelux : courriel de M. [T] à Maître [E] du 13 novembre 2017), n'a au contraire pas réagi alors que la société Cartelys Benelux a démarré son activité d'imprimerie numérique dans les locaux de la société Cartonnages du Cambresis en reprenant la possession et la jouissance de la machine Configuration Jet Press 720S précédemment louée à la société Cartonnages du Cambresis et qui se trouvait encore dans ses locaux.
Il en résulte que, la société Fujifilm France étant titulaire d'un droit de propriété non contesté sur la machine Configuration Jet Press 720S à la date de conclusion du second contrat de location n° 7020234 le 22 décembre 2017, l'absence de requête en revendication de ce bien d'équipement dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis est sans incidence dans la relation entre la société Fujifilm France et un tiers locataire, en l'occurrence la société Cartelys Benelux.
Le contrat de location conclu entre ces deux sociétés le 22 décembre 2022 a donc une cause et un objet licite.
Par suite, la demande en annulation de ce contrat de location pour ce troisième moyen, soulevé pour la première fois devant la cour, sera rejetée. La société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & Associés seront donc déboutées de leur demande en restitution de loyers.
6.- Sur la résiliation du contrat de location du 22 décembre 2017
C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges, faisant application de la clause résolutoire de plein droit stipulée dans le contrat de location du 22 décembre 2017, ont constaté la résiliation du contrat, ordonné la restitution de la machine Configuration Jet Press 720S; déclaré certaine, liquide et exigible la créance de loyers échus et impayés de la société Fujifilm France à concurrence de la somme totale de 220 272,28 euros et déterminé le taux des pénalités de retard conformément aux dispositions de l'article L.441-10 du code de commerce.
Il sera ajouté qu'en appel, la résiliation du contrat de location et le montant de la créance de loyers impayés de la société Fujifilm France ne sont pas contestés par la société Cartelys Benelux et son mandataire judiciaire.
Les moyens de la société Cartelys Benelux et de la Selarl [E] Aras & Associés soulevés en contestation de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Meaux de restituer la machine Jet Press 720S sont inopérants dès lors que la restitution est intervenue en exécution d'un titre exécutoire avant que la procédure de redressement judiciaire ne soit ouverte à l'égard de la société Cartelys Benelux, de sorte que la société Fujifilm n'avait à former aucune demande en revendication dans le cadre de cette procédure.
Le débat introduit par Maître [E] portant sur une éventuelle atteinte aux droits des créanciers de la procédure de liquidation judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis est indifférent en l'espèce, dès lors que les conséquences d'une telle atteinte doivent faire l'objet d'une action distincte à l'encontre de la société Fujufilm France introduite à l'initiative du liquidateur judiciaire de la société Cartonnages du Cambresis. Maître [E] a au demeurant mis en oeuvre cette action par acte du 15 juin 2021. Elle a fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Douai du 13 juillet 2022, d'un appel en cours de la part de la société Fujifilm France et d'une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai aménageant l'exécution provisoire du 20 octobre 2022.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ces dispositions.
En considération de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Cartelys Benelux et de l'adoption d'un plan de redressement par jugement du tribunal de commerce de Douai du 7 septembre 2021, il convient cependant d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé une condamnation à paiement à l'encontre de la société Cartelys Benelux et, statuant à nouveau, de fixer la créance de loyers de la société Fujifilm France à la somme de 220272,28 euros en principal, de rappeler qu'elle sera inscrite sur l'état des créances de la société Cartelys Benelux par le greffier du tribunal de commerce de Douai à la demande de la société Fujifilm France en application des articles R. 624-11 et R.631-30 du code de commerce et enfin de rappeler que les intérêts de retard échus à compter de la date d'échéance de chaque facture impayée courent jusqu'à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 2 septembre 2020, conformément aux dispositions des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce.
7.- Sur les demandes d'infirmation du jugement déféré de la société Fujifilm France
7.1.- Sur la demande d'indemnisation d'un préjudice à concurrence de la somme de 10 000 euros
Enoncé des moyens
La société Fujifilm France soutient, au visa de l'article 1231-1 du code civil, qu'elle subit un préjudice spécifique du fait du manquement de la société Cartelys Benelux à fournir des éléments sur sa situation financière.
En réponse, la société Cartelys Benelux fait valoir que la société Fujifilm France n'a subi aucun préjudice résultant de l'absence de production de certaines pièces financières et comptables au motif que celles-ci sont produites dans le cadre de la procédure collective ouverte à son initiative.
Réponse de la cour
La société Fujifilm France ne verse aux débats aucune pièce afin de démontrer le préjudice qu'elle invoque. Elle ne qualifie et ne caractérise pas au demeurant le dommage que lui aurait causé les faits contestés étant précisé qu'elle a pu engager à l'encontre de la société Cartelys Benelux une procédure en référé provision et des mesures d'exécution et qu'elle a disposé de suffisamment d'éléments d'information comptables pour pouvoir caractériser l'état de cessation des paiements de la société Cartelys Benelux et l'assigner en ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Fujifilm France de sa demande de dommages et intérêts.
7.2.- Sur la demande de dommages et intérêts pour cause de procédure abusive
En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que lorsqu'il est rapporté la preuve qu'il a été exercé avec malice, mauvaise foi ou par erreur équipollente au dol. L'erreur commise par le requérant sur l'étendue de ses droits ne permet pas de caractériser un abus dans l'exercice du droit d'agir en justice en l'absence de preuve d'une intention de nuire au défendeur par la mise en oeuvre de l'action.
En l'espèce, si la société Cartelys Benelux a pu se méprendre sur l'étendue des droits et actions qu'elle pouvait engager à l'encontre de la société Fujifilm France, cette dernière n'apporte la preuve ni de l'intention de lui nuire qui aurait animé la société Cartelys Benelux en engageant l'action en annulation du contrat du 22 décembre 2017, étant précisé que la situation singulière de formation de ce contrat était apparente et connue des deux parties au jour de sa conclusion, ni du dommage spécifique qu'elle aurait subi du fait de l'exercice de cette action.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Fujifilm France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
8.- Sur la demande de dommages et intérêts de la Selarl [E] Aras & Associés pour cause de procédure abusive
Dès lors que la Selarl [E] Ara s & Associés, prise en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Cartelys Benelux, échoue en toutes ses demandes, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à l'encontre de la société Fujifilm France est sans objet et sera rejetée.
9. Sur les frais du procès
Partie perdante au procès, la société Cartelys Benelux sera condamnée aux dépens exposés par la société Fujifilm France en appel, en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile, étant rappelé que, s'agissant d'une créance née après l'adoption du plan de redressement, celle-ci n'est pas soumise aux dispositions de l'article R.622-20 du code de commerce et n'a pas à être portée sur l'état de créance de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux car elle n'est pas soumise aux délais de paiement du plan.
La société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & Associés, prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, qui échouent en toutes leurs prétentions, seront déboutées de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et la société Cartelys Benelux sera condamnée, pour les motifs exposés pour les dépens, à payer à la société Fujifilm France la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DÉCLARE la société par actions simplifiée Fujifilm France recevable en son intervention forcée diligentée à l'égard de la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur les sollicitations de constat présentées par la Selarl [E] Aras & Associés et la société Fujifilm France,
DÉBOUTE la société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Cartelys Benelux, de leur demande d'annulation du contrat de location de la machine Configuration Jet Press 720 S du 22 décembre 2017 pour cause de défaut de cause et défaut d'objet licite et de leur demande de restitution de loyers payés en exécution de ce contrat,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé une condamnation à paiement à l'encontre de la société Cartelys Benelux,
Statuant à nouveau du chef infirmé :
- FIXE la créance de loyers de la société par action simplifiée Fujifilm France à l'égard de la société Cartelys Benelux à la somme 220 272,28 euros TTC à titre principal, assortie des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points, à compter de la date d'échéance de chaque facture et jusqu'au 2 septembre 2020,
- RAPPELLE que cette créance sera inscrite sur l'état des créances de la procédure de redressement judiciaire de la société Cartelys Benelux selon les modalités prévues à l'article R. 624-11 du code de commerce,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Cartelys Benelux de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la société Cartelys Benelux aux dépens d'appel,
DÉBOUTE la société Cartelys Benelux et la Selarl [E] Aras & Associés, prise en la personne de Maître [R] [E], en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Cartelys Benelux, de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Cartelys Benelux à payer la somme de 3 000 euros à la société par actions simplifiée Fujifilm France en application de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT
S.MOLLÉ E.LOOS