RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 02 Juin 2023
(n° 437, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/11830 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBKC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/04735
APPELANT
Monsieur [K] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Jenny LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2044
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/018167 du 16/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
CAF 75 - [Localité 5]
Contencieux général - lutte contre la fraude
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Mme [V] [C] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Madame Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [K] [S] (l'assuré) d'un jugement rendu le 28 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [K] [S] a sollicité le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés pour la période du 1er avril 2017 au 31 janvier 2018 ; que suite au rejet de la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] et après vaine saisine de la commission de recours amiable, il a formé son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 5].
Le dossier a été transféré la 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 28 octobre 2019, le tribunal a :
- déclaré M. [K] [S] recevable en son recours ;
- débouté M. [K] [S] de son recours ;
- condamné M. [K] [S] aux dépens.
Le tribunal, au visa des articles L.821-1 du code de la sécurité sociale et L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a jugé que M. [K] [S] ne disposait pas de ressources suffisantes sur la période de référence pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale et qu'il ne démontrait pas être couvert par l'assurance maladie. Il ne pouvait donc bénéficier de l'allocation.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 4 novembre 2019 à M. [K] [S] qui en a interjeté appel par lettre simple reçue le 26 novembre 2019.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, M. [K] [S] demande à la cour de :
- faire droit à sa demande et l'y dire bien fondé ;
- infirmer le jugement rendu le 28 octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris ;
- lui accorder lé versement de l'AAH conformément à la décision la MDPH en date du 30 janvier 2018 du 1er avril 2017 au 31 juillet 2017.
Il expose qu'il est polonais et en situation régulière sur le territoire français ; qu'il a perçu des revenus du fait des formations qu'il a effectuées ; que la Cour de Justice des Communautés européennes a sanctionné le caractère automatique et général du refus de l'octroi de prestations en précisant qu'un tel refus doit être fondé sur l'examen de la situation individuelle du citoyen européen en tenant compte de l'importance, la régularité de ses revenus ainsi que de la période considérée ; que c'est donc en toute légalité et conformément aux dispositions légales sus visées que la Commission habilitée à pris une décision lui accordant l'Allocation d'adulte handicapée du 1er avril 2017 au 31 août 2020.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, la Caisse d'Allocations Familiales de Paris demande à la cour de :
- dire l'appel de M. [K] [S] régulier en la forme mais le dire mal fondé ;
- confirmer le jugement prononcé le 28 octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté la demande M. [K] [S] visant à obtenir l'Allocation Aux Adultes Handicapés (AAH) entre le 1er avril 2017 et le 31 janvier 2018.
Elle expose qu'il est bien spécifié sur la notification de décision de la maison départementale des personnes handicapées, que l'AAH ne sera versée que sous réserve de remplir les conditions administratives ; qu'il lui appartenait donc de vérifier les conditions d'attribution de la prestation ; que l'assuré n'ayant exercé aucune activité professionnelle d'avril 2017 à juillet 2018, il n'avait par conséquent aucun revenu ; que s'il justifie d'une assurance maladie, il ne justifie pas de ressources suffisantes, alors que ces deux conditions sont cumulatives ; que, sur la période postérieure, il a justifié de ses revenus, lui permettant de percevoir l'AAH à compter du mois d'octobre 2018.
SUR CE,
Selon l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale qui renvoie à l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel transpose en droit interne les dispositions de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, pour être éligible au bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, le ressortissant d'un autre Etat membre qui séjourne en France durant plus de trois mois doit disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie. Ces deux obligations sont cumulatives (2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.533).
La directive européenne 2004/38 interdit en son article 8§4 aux États membres de fixer le critère des ressources suffisantes. Cependant, la cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'un État membre d'accueil peut subordonner le bénéfice pour un ressortissant d'un autre État membre de prestations sociales aux conditions du droit de séjour prévues par les dispositions de la directive 2004/38/CE, alors même que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l'État membre d'accueil qui se trouvent dans la même situation que ce ressortissant d'un autre État membre : CJUE, 11 novembre 2014, Dano c.Jobcenter Leipzig (aff. no C-333/13), et peut exclure du bénéfice de prestations sociales le ressortissant d'un autre État membre, qui est entré dans l'État membre d'accueil pour y chercher un emploi, alors même que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l'État membre d'accueil qui se trouvent dans la même situation que ce ressortissant d'un autre État membre : CJUE, 15 septembre 2015, Jobcenter Berlin Neukölln c. consorts [Y] (aff. no C-67/14).
Dès lors, l'assuré étant ressortissant de l'Union Européenne, la caisse pouvait donc, à bon droit, après la décision de la maison départementale des personnes handicapées statuant sur le principe de l'octroi de l'AAH opérer le contrôle exigé par application conjointe de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En l'espèce, l'assuré a formé une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées de [Localité 5] le 3 mars 2017 pour l'obtention de l'AAH à compter du 1er avril 2017. Il précise être sans ressources. Les relevés Pôle Emploi indiquent la perception de l'allocation temporaire d'attente, puis de la rémunération formation sur la période du 3 octobre 2015 au 28 juillet 2016 puis de la perception d'une rémunération mensuelle de 401,09 euros pour un mois complet de formation. Toutefois, le 15 avril 2016, Pôle Emploi, constatant que les ressources de l'assuré étaient inférieures au montant du revenu minimum d'insertion a notifié que l'allocation temporaire d'attente ne serait versée que pour 6 mois, soit jusqu'au mois de novembre 2016.
Il résulte donc de ces pièces que l'assuré, ne bénéficiant d'aucun revenu à la date de sa demande, ne disposait donc pas de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale.
En conséquence, la caisse n'a commis aucune erreur de droit, la remise de dette accordée au regard de sa situation sociale n'étant pas créatrice de droit.
Le jugement déféré sera donc confirmé.
M. [K] [S], qui succombe, sera condamné aux dépens qui seront recouvrés en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de M. [K] [S] ;
CONFIRME le jugement rendu le 28 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;
CONDAMNE M. [K] [S] aux dépens ;
DIT qu'ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
La greffière Le président