RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 02 Juin 2023
(n° 435 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08376 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANCJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00579
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SA [6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS,substituée par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] (la caisse) d'un jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la S.A. [6] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] [T] [P], salarié de la S.A. [6] depuis le 28 juin 2010 en qualité d'ouvrier (l'assuré), a déclaré une maladie professionnelle le 6 septembre 2017 au titre de la « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche constatée le 30 juin 2017 » ; que le certificat médical initial établi le 30 juin 2017 mentionne la lésion suivante : « rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche objectivée par IRM tab 57 » ; que par courrier du 7 décembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] a informé la S.A. [6] du recours à un délai d'instruction complémentaire ; que par courrier du 9 février 2018, la Caisse a invité la société à venir consulter les pièces du dossier de M. [Y] [T] [P] jusqu'au 1er mars 2018 avant transmission pour avis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; que par courrier du 2 mars 2018, la Caisse a notifié à M. [Y] [T] [P] le refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels faute d'avoir reçu l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; que le 18 juillet 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 5] Ile-de-France a rendu un avis favorable au motif que l'analyse du poste de travail des tâches et des mouvements effectués au cours de l'activité professionnelle ainsi que le faible dépassement du délai de prise en charge (2 mois) permettent de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 30 juin 2017 ; que par courrier du 8 août 2018, la Caisse a notifié à la S.A. [6] la prise en charge de la maladie déclarée par M. [Y] [T] [P] au titre de la législation sur les risques professionnels ; que par courrier daté du 9 octobre 2018, la société a saisi la commission de recours amiable de la Caisse, qui ne lui a pas répondu ; que par requête envoyée le 18 décembre 2018 au secrétariat-greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, la société a formé une recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge du 8 août 2018 de la maladie professionnelle déclarée le 6 septembre 2017 par M. [Y] [T] [P] et subsidiairement, de voir désigner un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Bobigny le 1er septembre 2019.
Par jugement en date du 17 juin 2019, le tribunal a :
- déclaré recevable le recours de la S.A. [6] ;
- déclare celui-ci bien fondé ;
- dit inopposable à la S.A. [6] la décision de prise en charge du 8 août 2018 de la maladie professionnelle de M. [Y] [T] [P].
Le tribunal a jugé que la Caisse devait saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avant l'expiration des délais prévus par les articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale et dénoncer à la S.A. [6] le refus conservatoire du 2 mars 2018. Il a ajouté que l'avis était rentré après l'expiration des délais légaux d'instruction et que la décision s'était appuyée sur un tel avis rendu hors délai.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 19 juin 2019 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 18 juillet 2019.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 17 juin 2019 en toutes ses dispositions ;
- ordonner avant dire droit, la saisine d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Elle expose qu'il est de jurisprudence constante que le non-respect des délais d'instruction visés aux articles R.441-10 et R.441-14 du Code de la Sécurité Sociale par la Caisse n'entraîne pas l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur, la seule conséquence de ce non-respect étant la reconnaissance implicite de la maladie au bénéfice de l'Assuré (Cass., Civ. 2 ème 9/07/2020, n° 19-11-400) ; que c'est donc à tort que le Tribunal a retenu que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [Y] [T] [P] qui s'appuie sur un avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile-de-France rendu après l'expiration du délai complémentaire d'instruction était inopposable à la Société [6].
L a S.A. [6], convoquée par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 2 mars 2021, n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu à l'audience.
SUR CE,
En application des articles R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 et R.441-14 du même code, dans sa version issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, l'employeur ne peut pas se prévaloir de l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse, laquelle n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la victime (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.400).
C'est donc à tort que le tribunal a jugé qu'il y avait eu violation de la contradiction lors de l'instruction du dossier du fait que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi était rentré après l'expiration des délais légaux d'instruction et que la décision s'était appuyée sur un tel avis rendu hors délai.
Le jugement déféré sera donc infirmé.
L'article R142-24-2 du code de la sécurité sociale énonce que « Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1. ».
« Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches. »
En l'espèce, l'assuré a déclaré le 6 septembre 2017 une maladie professionnelle, la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche en produisant un certificat médical du 30 juin 2017 du Docteur [X] [D] faisant étant d'une Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche objectivée par IRM.
Le colloque médico-administratif a conclu à l'absence de déclaration dans le délai de prise en charge du tableau n° 57 des maladies professionnelles - légèrement plus de deux mois après la cessation de l'exposition au risque - et à l'absence de respect de la liste limitative des travaux.
Dès lors, la saisine d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est obligatoire.
Les dépens seront réservés dans l'attente de la décision à intervenir au retour du second avis.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] ;
Avant dire-droit ;
DÉSIGNE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle d'[Localité 7] Centre, Direction Régionale du service médical, secrétariat comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, [Adresse 2] pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie dont M. [Y] [T] [P] est atteint a été ou non directement causée par son travail habituel ;
DIT que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] le saisira dans les meilleurs délais;
INVITE les parties à communiquer les documents médicaux en leur possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale ;
DIT que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] ;
RENVOIE l'affaire à l'audience de la chambre 6- 12 en date du :
Vendredi 26 avril 2024 à 13h30
en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,
pour les débats au fond après avis du comité ;
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation d'avoir à comparaître ou s'y faire représenter.
SURSOIT à statuer sur les demandes ;
RÉSERVE les dépens.
La greffière Le président