RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 02 Juin 2023
(n° 434 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07923 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAK3T
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/04002
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 4] / FRANCE
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SOCIÉTÉ [5], venant aux droits de la SAS [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substituée par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la CPAM de la Seine Saint Denis à l'encontre d'un jugement rendu le 9 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Paris, dans un litige l'opposant à la société [5], venant aux droits de la société [6].
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que, le 15 juin 2015, Mme [U] [R] [W] (l'assurée), salariée de la société [6] en qualité d'agent de maîtrise en nettoyage industriel, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle auprès de la CPAM de la Seine Saint Denis (la caisse) pour une "maladie coiffe rotateur droit atteinte long biceps insertion supraépineux épanchement" ; que le certificat médical initial établi le 18 mai 2015 mentionne : "ATCD Mal professionnelle : Canal carpien x 2/épicondylite dte. Maladie coiffe rotateurs dte, atteinte long biceps, insertion supraépineux/épanchement" ; qu'après instruction, par décision du 5 octobre 2015, la caisse a pris en charge la maladie : rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite inscrite dans le tableau n°57 au titre de la législation professionnelle ; que la société [6] a contesté la décision de prise en charge devant la commission de recours amiable de la caisse le 26 novembre 2015 ; que, lors de sa séance du 6 janvier 2016, la commission de recours amiable a confirmé la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection déclarée par l'assurée et l'opposabilité de la décision de la caisse à la société [6] qui a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que, par jugement du 9 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par l'assurée le 18 juin 2015 menée par la caisse et prise en charge le 8 octobre 2015 inopposable à la société [6] en application de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale, rejetant toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; qu'au soutien de cette décision, le tribunal a retenu que si la caisse justifiait que les conditions de désignation de la maladie étaient réunies, elle ne rapportait pas la preuve qu'elle avait informé l'employeur de l'existence d'une IRM avant de rendre sa décision, aucune indication pertinente ne figurant dans les pièces du dossier à cet égard, tandis qu'il est constant que l'élément d'information a été apporté tardivement par le médecin conseil de la caisse le 17 janvier 2019, soit 44 mois après la première constatation médicale et 39 mois après la décision de prise en charge de la maladie par la caisse et qu'il ne pouvait donc figurer dans le dossier soumis à consultation, indépendamment du fait que celle-ci eut lieu ou non.
Le jugement a été notifié à la caisse le 25 juin 2019, laquelle en a interjeté appel par déclaration du 11 juillet 2019.
Aux termes de ses conclusions visées et soutenues oralement par son avocat, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 9 avril 2019 en toutes ses dispositions,
- en conséquence, déclarer opposable à la société [6] la décision du 5 octobre 2015 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie déclarée par l'assurée,
- condamner la société [6] aux entiers dépens.
La caisse fait valoir que le colloque médico-administratif établi par le docteur [K], médecin conseil de la caisse, est clair et précis, et permet d'identifier que les conditions tenant à la désignation de la pathologie visée au tableau n°57 des maladies professionnelles sont parfaitement remplies ; qu'en renseignant le code syndrome et en cochant la case relative à l'existence des conditions médicales réglementaires, le médecin conseil a confirmé que l'IRM visée par le tableau avait bien été portée à sa connaissance, ce que le docteur [K] confirme dans une attestation, indiquant que son diagnostic a été établi sur la base d'une IRM réalisée le 13 août 2015 ; qu'ainsi, le médecin conseil a fondé son avis sur la base d'un élément médical extrinsèque; que les examens d'imagerie médicale sont couverts par le secret médical de sorte que la caisse n'aurait pu, en toute hypothèse, les communiquer à la société [6] ; que ces pièces ne peuvent donc figurer dans le dossier consultable par l'employeur ; que la condition médicale étant parfaitement remplie, la décision de prise en charge de la maladie déclarée par l'assurée au titre de la législation professionnelle est opposable à la société [6].
Aux termes de ses conclusions visées et soutenues oralement par son avocat, la société [5], venant aux droits de la société [6], demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2019 en toutes ses dispositions,
- condamner la caisse aux dépens.
La société [5] fait valoir que le tableau n°57A des maladies professionnelles, dans sa version applicable au litige, prévoit que la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs doit être objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM ; que l'objectivation par IRM est donc une condition essentielle prévue par le tableau ; que la caisse doit démontrer s'être assurée de la réunion des conditions de prise en charge visées par le tableau et mettre l'employeur en mesure de le vérifier avant de prendre une décision sur le caractère professionnel de la maladie ; que le dossier offert à la consultation de l'employeur doit donc comprendre l'ensemble des pièces sur lesquelles la caisse fonde sa décision, sous peine de voir celle-ci déclarée inopposable à l'égard de l'employeur; que la caisse doit faire figurer au dossier consultable les éléments permettant à l'employeur de vérifier le respect des conditions de prise en charge de la maladie ; que, s'agissant des examens complémentaires requis par les tableaux des maladies professionnelles, la caisse doit démontrer qu'ils ont été réalisés et ont permis de caractériser l'affection, cette preuve devant ressortir du colloque médico-administratif consultable par l'employeur dans le cadre de la clôture de l'instruction ; que l'avis du médecin conseil doit être corroboré par un élément médical extrinsèque ; que les éléments du dossier consultable dans le cadre de la clôture de l'instruction doivent faire état de la réalisation de l'examen exigé par le tableau pour permettre à l'employeur de s'assurer du respect de la condition tenant à la désignation de la maladie ; qu'en l'espèce, ni la déclaration de maladie professionnelle ni le certificat médical initial ne mentionnent l'existence d'une IRM ; que le colloque médico-administratif n'y fait pas plus référence ; qu'il ne résulte pas plus de l'utilisation du code syndrome 057AAM96E ni de l'apposition par le médecin conseil de la caisse du "oui" à la question "conditions médicales réglementaires du tableau remplies'" que l'IRM exigée par le tableau aurait été réalisée ; que l'attestation du médecin conseil postérieure à la décision de prise en charge est sans valeur probante ; que la caisse n'a pas mis la société [5] en mesure de vérifier que la condition de désignation de la maladie était remplie, préalablement à sa décision de prise en charge, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire.
SUR CE,
Aux termes de l'article L.461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée par un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.
Dans sa rédaction applicable au litige, le tableau n°57 des maladies professionnelles désigne plusieurs pathologies concernant l'épaule (57 A) dont la "rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM ".
En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme social qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau au moment de sa prise de décision. Il appartient au juge de vérifier que la maladie désignée par le certificat médical initial coïncide avec celle mentionnée par le tableau, sans s'arrêter à une analyse littérale de ce certificat.
A défaut d'avoir été objectivée dans les conditions prévues au tableau qui désigne la maladie professionnelle, la prise en charge de celle-ci au titre de la législation professionnelle est inopposable à l'employeur.
En l'espèce, le certificat médical initial établi le 18 mai 2015 mentionne notamment une "Maladie coiffe rotateurs dte, atteinte long biceps, insertion supraépineux/épanchement".
Le colloque médico-administratif du 28 août 2015 reproduit l'avis du docteur [K], médecin conseil de la caisse, qui a rempli le code syndrome 057AAM96E pour une "rupture tendineuse épaule droite", le médecin conseil précisant que les conditions médicales réglementaires du tableau étaient remplies dès lors qu'il a coché la case "oui" à la question "conditions médicales réglementaires du tableau remplies '".
Sur la case "si conditions remplies, préciser le cas échéant, la nature et la date de réalisation de l'examen complémentaire exigé par le tableau", le docteur [K] a porté la seule mention : "24/8/2015".
Aussi, il ne résulte d'aucune mention du colloque médico-administratif qu'une IRM, examen obligatoire exigé par le tableau n°57 A, aurait été réalisée au moment où le médecin conseil a examiné la demande de maladie professionnelle de l'assurée, afin de caractériser la pathologie visée par le tableau, celle-ci n'ayant pas été réalisée au moment de l'établissement du certificat médical initial.
L'existence d'un tel examen ne peut se déduire du seul fait que le médecin conseil aurait rempli le code syndrome 057AAM96E et répondu par l'affirmative à la question sur la réunion des conditions médicales réglementaires du tableau, alors qu'il n'a porté aucune précision, bien que les mentions du colloque médico-administratif l'y invitait, sur la nature de l'examen pratiqué, s'étant borné à mentionner une date.
Par conséquent, la société [5], venant aux droits de la société [6], est fondée à soutenir que la caisse ne justifiait pas que l'ensemble des conditions exigées par le tableau 57 A était rempli lorsqu'elle a pris sa décision de prise en charge de l'affection déclarée au titre de la législation professionnelle, aucune mention du colloque médico-administratif ne permettant d'établir qu'une IRM aurait été réalisée, la caisse ne pouvant se prévaloir d'une attestation ultérieure de son médecin conseil.
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [6] la décision de prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée.
Partie succombante, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
CONDAMNE la CPAM de la Seine Saint Denis aux dépens d'appel.
La greffière Le président