RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 02 Juin 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10191 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6KLI
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00169
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Fabrice CHÂTELAIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Natacha PINOY, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
M Raoul CARBONARO, Président de chambre
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) (la caisse) d'un jugement rendu le 14 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la SAS [5] (la société).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Madame [C] [P], salariée de la société [5], a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis le 21 mars 2017 une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un « syndrome du canal carpien gauche », le certificat médical initial en date du 21 mars 2017 faisant également état d'un syndrome du canal carpien gauche.
La date de première constatation médicale est mentionnée à la date du 30 juin 2016 par le colloque médico administratif.
Après instruction par une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 25 septembre 2017, la caisse primaire d'assurance de la Seine-Saint-Denis a notifié à la société [5] sa décision de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la maladie, inscrite au tableau n°57, déclarée par sa salariée le 21 mars 2017.
Le 14 novembre 2017, la société [5] a saisi la commission de recours amiable. Celle-ci a accusé réception de la requête de la société en date du 20 novembre 2017, mais n'a pas répondu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 18 janvier 2018, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.
Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :
- déclaré recevable le recours de la société [5] ;
- dit bien fondé le recours ;
- débouté la société [5] de sa demande de rejet des pièces déposées à l'audience par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;
- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis confirmant la décision de prise en charge de la maladie de Mme [C] [P] du 21 mars 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le jugement lui ayant été notifié le 18 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) en a interjeté appel le 17 août 2018.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 14 mai 2018 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- débouter la société [5] de toutes ses demandes ;
- déclarer opposable à la société [5] la prise en charge de la maladie professionnelle consistant en un syndrome du canal carpien gauche déclarée par Mme [P] ;
- condamner la société [5] à verser la somme de 2.000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société [5] aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) fait valoir pour l'essentiel que si le tribunal a relevé des incohérences résultant du colloque par rapport aux autres pièces du dossier, la caisse avait malencontreusement communiqué le colloque médico-administratif correspondant au canal carpien droit alors que la contestation de l'employeur portait sur le canal carpien gauche ; que toutefois, devant la Cour, elle justifie de la date de première constatation médicale retenue ; que la date de première constatation médicale ne correspond pas à celle de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial datés du 21 mars 2017, mais au 30 juin 2016 tel que retenu par le médecin conseil au regard de l'électromyogramme réalisé par l'assurée à cette date ; que Mme [P] a été exposée au risque jusqu'au 11 juin 2016 dans la mesure où elle a été placée en arrêt maladie le 12 juin 2016 ; que sa pathologie ayant été constatée pour la première fois le 30 juin 2016, le délai de prise en charge de 30 jours était parfaitement respecté, de même que les autres conditions du tableau non contestées par l'employeur. Elle soutient que, s'agissant de la prétendue mauvaise foi de l'assurée invoquée par l'employeur en première instance, rien ne permet de remettre en cause le fait que Mme [P] était bien atteinte d'un syndrome du canal carpien, lequel a été constaté par son médecin traitant dans le certificat médical initial, ainsi que sur l'életromyogramme réalisé le 30 juin 2016 constituant la date de première constatation médicale, et le tout ayant été validé par le médecin conseil de la caisse ; que l'existence de la pathologie est avérée, le respect des conditions du tableau n°57 aussi, de sorte que l'assurée bénéficie de la présomption d'origine professionnelle, laquelle n'est pas renversée par les allégations de l'employeur qui ne rapporte pas la preuve que la pathologie présentée par sa salariée résulterait d'une cause totalement étrangère au travail. En conséquence, elle demande l'infirmation du jugement et de déclarer opposable à la société [5] la maladie professionnelle de Mme [P]. Elle relève que les prétendus motifs pour lesquels Mme [P] aurait régularisé une déclaration de maladie professionnelle, ne sauraient remettre en cause les constatations médicales du dossier, et qu'il convient de débouter la société de sa contestation. S'agissant du défaut d'information de l'employeur invoqué, elle soutient qu'elle a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ; que pour autant, la société n'a pas fait usage de la faculté qui lui était offerte. Elle soutient que les délais d'instruction ont été respectés et que le non-respect par la caisse du délai d'instruction n'est pas un motif d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse à l'égard de l'employeur, la seule conséquence de ce non-respect étant la prise en charge implicite de l'accident au bénéfice de l'assuré ; qu'il convient de rejeter l'inopposabilité demandée par la société [5].
A l'audience du 20 mars 2023, la société [5] expose oralement qu'elle n'entend plus contester le défaut d'envoi par la caisse de la lettre de clôture de l'instruction du dossier.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 14 mai 2018 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- déclarer inopposable à la société [5] la prise en charge de la maladie professionnelle consistant en un syndrome du canal carpien gauche déclarée par Mme [C] [P] ;
- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de toutes ses demandes ;
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis à verser à la société [5] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En réplique la société [5] fait valoir essentiellement que la caisse ne verse aux débats aucun certificat médical ou pièce établie suite à la « première constatation médicale» établissant que celle-ci aurait eu lieu le 30 juin 2016 ; qu'elle fait seulement référence au colloque médico-administratif en date du 5 septembre 2017 qui mentionne cette date ; que la déclaration de maladie professionnelle en date du 21 mars 2017 ne fait aucunement référence à l'existence d'une « première constatation médicale » qui aurait eu lieu le 30 juin 2016 et que le certificat médical initial du 21 mars 2017 versé aux débats par la caisse mentionne que « la date de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie professionnelle » est le 21 mars 2017 soit à une date à laquelle le délai de prise en charge était largement dépassé ; qu'aucun motif ne justifie de se référer au colloque médico-administratif en date du 5 septembre 2017 plutôt qu'au certificat médical initial du 21 mars 2017 pour déterminer la date de la première constatation médicale. Elle relève par ailleurs qu'aucun élément ne permet de savoir sur quel constat ou élément médical s'est basé le médecin-conseil dans le colloque médico-administratif pour fixer la date de première constatation médicale au 30 juin 2016 ; que la caisse ne prouve pas que la condition tenant au délai de prise en charge est remplie. Il s'ensuit que la présomption d'imputabilité au travail ne s'applique pas. Elle soutient que la caisse ne rapporte pas la preuve de la date du 30 juin 2016 avancée comme date de première constatation médicale et ne rapporte pas la preuve du respect du délai de prise en charge de 30 jours imposé par le tableau 57 C à compter de la date de fin d'exposition au risque du 11 juin 2016 ; qu'en conséquence, il convient de déclarer inopposable à la société [5] la prise en charge de la maladie professionnelle consistant en un syndrome du canal carpien gauche déclarée par Mme [C] [P]. Elle explique également que la caisse n'a pas mis le dossier à la disposition de la société, notamment le certificat retenu par le médecin conseil comme date de première constatation médicale et que c'est une pièce qui fait grief à l'employeur. La société soutient que la caisse n'a pas respecté les délais d'instruction requis. Elle relève qu'un certain nombre d'éléments permettent de remettre en cause la sincérité de la démarche de Mme [P] consistant à faire reconnaitre le caractère professionnel de sa maladie et même sa maladie. Elle demande que la décision de prise en charge de la caisse lui soit déclarée inopposable.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 20 mars 2023, et soutenues oralement par les parties.
SUR CE :
1) Sur la décision de prise en charge par la caisse de la maladie de Mme [C] [P]
Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, « Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L.315-1 [1.315-2].
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ».
La maladie professionnelle suppose le développement d'un processus pathogène plus ou moins long, résultant d'une exposition habituelle à des agents ou à des gestes nocifs. La maladie professionnelle n'existe que lorsqu'elle est reconnue et sa reconnaissance est subordonnée au respect des exigences posées par les tableaux fixés par décret et annexés au code de la sécurité sociale.
Aux termes de l'article L. 461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau ».
Ces tableaux figurent en annexe II du code de la sécurité sociale (art. R. 461-3, al. 2). Ils sont définis par les trois premiers alinéas de l'article L. 461-2 dudit code.
Chaque tableau décrit, selon un schéma identique :
- les caractéristiques de la maladie, soit les symptômes ou lésions que doit présenter la victime, auxquels peuvent s'ajouter, pour certaines pathologies, des critères de diagnostic;
- le délai de prise en charge qui correspond à la période au cours de laquelle, après la cessation de l'exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre de la législation professionnelle, une durée d'exposition minimale à l'agent nocif pouvant être également exigée.
La maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus.
En l'espèce, la maladie professionnelle de l'assurée qui concerne un syndrome du canal carpien, déclarée par la salariée de la société [5] relève du tableau 57 qui recense les postures, angles de mouvements et temps de maintien de ces postures ou de ces angles qui sont préjudiciables à la santé et à la sécurité des salariés. Dans le groupe C du tableau N°57 se trouvent les maladies professionnelles liées au poignet, à la main ou au doigt dont fait partie le syndrome du canal carpien qui concerne Mme [P] :
Désignation des maladies
Délai de prise en charge
Liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies
Syndrome du canal carpien.
30 jours
Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.
a) Sur le délai de prise en charge
La société soutient que le délai de prise en charge par la caisse, de 30 jours, n'aurait pas été respecté par la caisse primaire d'assurance maladie.
En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que la caisse qui verse aux débats le colloque médico-administratif correspondant au canal carpien gauche justifie de la date de première constatation médicale retenue au 30 juin 2016. Il est bien mentionné dans le formulaire en « code syndrôme » « 057 » et en « syndrome » « canal carpien gauche ».
Ainsi, contrairement à ce qui est invoqué par la société, la date de première constatation médicale ne correspond pas à celle de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial tous deux datés du 21 mars 2017, mais au 30 juin 2016 tel que mentionné dans les pièces produites aux débats et tel que retenu par le médecin conseil au regard de l'électromyogramme réalisé par l'assurée à cette date, élément médical extrinsèque à l'avis du médecin conseil .
Il ressort également des pièces versées aux débats que l'assurée a été exposée au risque jusqu'au 11 juin 2016 dans la mesure où elle a été placée en arrêt maladie le 12 juin 2016.
Sa pathologie ayant été constatée pour la première fois le 30 juin 2016, le délai de prise en charge de 30 jours était respecté, de même que les autres conditions du tableau non contestées par l'employeur.
En conséquence, ce moyen sera rejeté.
b) Sur le caractère professionnel de la maladie
La société [5] conteste le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Mme [P].
En l'espèce, le respect de l'ensemble des conditions posées par le tableau n°57 C des maladies professionnelles est établi, de sorte que Mme [P] bénéficie de la présomption d'origine professionnelle.
Il incombe donc à l'employeur qui entend contester la prise en charge de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.
La société [5] conteste la « sincérité de la démarche de Mme [P] consistant à faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie et même de sa maladie ». Elle indique que « avant la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, Mme [P] avait justifié son arrêt de travail par la nécessité de garder sa fille malade en non en raison de problème de santé la concernant ».
A l'appui de ses allégations, la société verse aux débats deux attestations de salariées.
Mais ces attestations, lesquelles relatent que Mme [P] aurait notamment relevé une erreur sur ses jours de congés payés, ne sauraient remettre en cause les constatations médicales du dossier, ainsi que l'existence des conditions fixées par le tableau et qui, à l'exception du délai de prise en charge, ne sont pas contestées par l'employeur.
Rien ne permet dans le litige de retenir une mauvaise foi de l'assurée invoquée par la société, aucun élément ne permettant de remettre en cause le fait que Mme [P] était bien atteinte d'un syndrome du canal carpien, lequel a été constaté par son médecin traitant dans le certificat médical initial, ainsi que sur l'électromyogramme réalisé le 30 juin 2016 constituant la date de première constatation médicale, le tout ayant été validé par le médecin conseil de la caisse.
Ainsi, l'existence de la pathologie est avérée et la société [5] échoue à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail de Mme [P].
En conséquence, il convient de débouter la société [5] de sa contestation à ce titre.
2) Sur le principe du contradictoire
a) Sur la transmission des informations par la caisse à l'employeur
La société [5] soutient ne pas avoir été destinataire d'une invitation à consulter les pièces du dossier et que le dossier de la caisse mis à disposition était incomplet. Elle explique que le certificat retenu par le médecin conseil comme date de première constatation médicale n'a pas été mis à sa disposition par la caisse et que cela lui fait grief.
Les articles R 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale organisent le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance d'une maladie professionnelle. A cet égard, l'article R 441-11 alinéa 1er, dans sa version applicable au litige précise l'obligation pour la caisse, hors cas de décision implicite, d'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief. En application de ce texte, il a été précisé que la caisse devait informer l'employeur de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision. Le délai imparti doit être au moins de 10 jours francs pour permettre la consultation du dossier et la présentation d'observation sur les éléments faisant grief.
Ainsi, le dossier doit inclure toutes les pièces permettant à l'employeur de vérifier les éléments nécessaires à la réunion des conditions du tableau visé des maladies professionnelles et qui échappent dès lors au secret médical. L'exercice effectif du droit de consultation est sans incidence sur la solution dégagée.
Toutefois, la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à disposition de la victime ou de ses ayants-droits ou de l'employeur en application de l'article R. 441-13.
En application de ces principes, il a été jugé que la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil peut correspondre à une date indiquée dans une pièce non communiquée à l'employeur car couverte par le secret médical, mais que les colloques médico-administratifs qui ont été communiqués à ce dernier mentionnent avec la nature de l'événement ayant permis de la retenir.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que l'employeur a bien été informé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier par un courrier de la caisse en date du 5 septembre 2017, dont la société a accusé réception le 7 septembre 2017.
Pour autant, la société [5] ne justifie pas avoir fait usage de la faculté qui lui était offerte, ni avoir sollicité la communication par voie postale des pièces du dossier.
Par ailleurs, le certificat retenu par le médecin conseil comme date de première constatation médicale n'avait pas être communiqué à l'employeur, ce document étant couvert par le secret médical.
Ainsi, l'employeur est mal fondé à invoquer le caractère incomplet du dossier.
En conséquence, ce moyen sera rejeté.
b) Sur les délais d'instruction
Pour contester l'opposabilité, à son égard de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [P], la société [5] soutient que la caisse n'a pas respecté les délais d'instruction prévus au visa de l'article R. 461-9 I du code de la sécurité sociale.
Il convient de relever que les dispositions applicables au litige à l'époque des faits étaient celles prévues aux articles R. 441-10, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, s'agissant d'une maladie professionnelle déclarée avant le 1er décembre 2019.
Aux termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable avant le 1er décembre 2019, « La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ».
Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment du litige, « (') La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail (') ».
Aux termes de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, également applicable, « Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.
Le médecin traitant est informé de cette décision ».
En l'espèce, la caisse a été destinataire de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial, le 3 avril 2017. Ainsi, à compter de cette date, la caisse avait jusqu'au 3 juillet 2017 pour rendre sa décision ou notifier son recours au délai complémentaire d'instruction.
Ce délai a été interrompu par l'envoi à la société [5], d'un courrier en date du 28 juin 2017, l'informant d'un délai complémentaire d'instruction. La caisse avait alors jusqu'au 28 septembre 2017 pour rendre sa décision.
Or, c'est par un courrier du 25 septembre 2017, que la caisse a informé l'employeur de sa décision de prendre en charge l'affection déclarée par Mme [P].
Ainsi, les délais d'instruction ont été respectés par la caisse.
Il convient en outre de rappeler que le non-respect par la caisse du délai d'instruction n'est pas un motif d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse à l'égard de l'employeur, la seule conséquence de ce non-respect étant la prise en charge implicite de la maladie au bénéfice de l'assuré.
Ainsi, ce moyen sera rejeté.
En conséquence, le jugement de première instance sera infirmé en toutes ses dispositions et la maladie professionnelle de Mme [C] [P] consistant en un « syndrôme du canal carpien gauche » sera déclarée opposable à la société [5].
La société [5], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens d'appel.
La société [5] sera par ailleurs condamnée à payer à la caisse la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DECLARE l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) recevable ;
INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 14 mai 2018 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DECLARE opposable à la société [5] la maladie professionnelle de Mme [C] [P] consistant en un « syndrôme du canal carpien gauche » ;
DEBOUTE la société [5] de ses demandes ;
CONDAMNE la société [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.
La greffière La présidente