RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 02 Juin 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09518 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G3P
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00312
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cédric PUTANIER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Natacha PINOY, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
M Raoul CARBONARO, Président de chambre
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) (la caisse) d'un jugement rendu le 8 juin 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la SAS [5] (la société).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [B] [V], salariée de la société [5] en qualité d'agent de médiation, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 21 avril 2017 à 13h15, dans les circonstances suivantes : « en franchissant un dos d'âne, le bus a mal amorti les dos d'ânes, cela lui a provoqué un mal de dos ». La déclaration mentionne que l'accident est « connu » de l'employeur le 21 avril 2017 à 13h15, relève en « siège des lésions » : « Dos, sans précisions », et en « Nature des lésions » : « Douleurs » et mentionne un horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 9h00 à 13h30 et de 14h30 à 17h00.
Le certificat médical initial établi le lendemain de l'accident fait état de : « Cervicalgies et NCB +++ - Dorsalgie, Lombalgie ++ ». Par certificat médical initial rectificatif, le Docteur [J] [S] [D] précise que les lésions concernent les côtés droit et gauche.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 2017, la société [5] a formulé des réserves relatives à la matérialité de l'accident du travail.
Après réception de la déclaration d'accident, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a mis en 'uvre une procédure d'instruction. Elle a adressé à la société, par courrier du 16 juin 2017, un « questionnaire employeur » pour « complément d'information ».
Le 3 août 2017, la société, par un courrier en recommandé avec accusé de réception, ayant pour objet : « réponse au questionnaire employeur ' complément d'information », écrivait à la caisse pour lui apporter des précisions.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 août 2017, la caisse a informé la société de la clôture de l'instruction et l'a invitée à venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à sa prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident du travail survenu le 21 avril 2017, cette prise de décision devant intervenir le 6 septembre 2017.
Par courrier du 6 septembre 2017 et notifié le 8 septembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a informé la société de la prise en charge de l'accident du travail de Mme [B] [V] au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a saisi la commission de recours amiable qui ne lui a pas répondu, mais a accusé réception de son recours par lettre recommandée du 14 novembre 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 12 février 2018 au secrétariat-greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, la société [5] a saisi le tribunal aux fins de contester la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse lui rendant opposable la prise en charge de l'accident du travail de Mme [B] [V] survenu le 21 avril 2017, au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par jugement du 8 juin 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :
- dit l'action de la société [5] recevable ;
- dit bien fondée l'action ;
- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis du 6 septembre 2017, portant sur la prise en charge de l'accident de travail dont a été victime Mme [B] [V] le 21 avril 2017, au titre de la législation sur les risques professionnels ;
- dit inopposables tous les arrêts et soins afférents à l'accident du travail du 21 avril 2017;
- dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens de fond soulevés par les parties.
Le jugement lui ayant été notifié le 25 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) en a interjeté appel le 31 juillet 2018.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 8 juin 2018 en toutes ses dispositions ;
-déclarer opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la caisse de l'accident survenu à Mme [V] ;
En tout état de cause
- condamner la société [5] aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) fait valoir essentiellement que le non-respect par la caisse du délai d'instruction visé à l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale n'est pas de nature à entraîner l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur, la seule conséquence de ce non-respect étant la prise en charge implicite de l'accident au bénéfice de l'assuré ; que c'est à tort que le tribunal a retenu l'inopposabilité de la décision de prise en charge au seul motif que la caisse n'a pas respecté les délais ; qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une inopposabilité sur ce fondement. Elle explique que, s'agissant de l'accident du travail de l'assurée, il existe bien un fait accidentel, la lésion étant survenue alors que la salariée était à bord d'un bus qui a franchi un dos d'âne ; que le mécanisme du fait accidentel est corroboré par le questionnaire rempli par l'assurée aux termes duquel cette dernière décrit précisément les circonstances dans lesquelles le bus a franchi le dos d'âne, et le choc ressenti qu'elle décrit comme « un coup du lapin » ; que la bénignité du geste accidentel ne saurait remettre en cause l'existence même dudit fait, la législation professionnelle n'exigeant, aucun critère de gravité, le simple fait que le choc n'ait pas été violent est sans incidence sur la prise en charge de l'accident. Elle relève que les lésions reportées sur le certificat médical initial à savoir « Cervicalgie, [névralgie cervico brachiale], dorsalgie, lombalgie » sont parfaitement cohérentes avec le mécanisme accidentel et qu'elles ont été constatées dès le lendemain de l'accident, la société [5] ayant été informée de l'accident immédiatement après sa survenance et n'ayant jamais contesté le fait que sa salariée était bien au temps et lieu du travail au moment de sa survenance ; que c'est à bon droit que la caisse a décidé de prendre en charge l'accident du travail dont a été victime Mme [V], le 21 avril 2017 ; que pour renverser la présomption, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les lésions déclarées trouvent leur origine exclusive dans une cause totalement étrangère ou dans un état pathologique antérieur ; que la société [5] a en vain tenté de le faire en énonçant qu'une déclaration d'accident du travail avait été établie pour des lésions similaires le 19 mars 2015 ; que contrairement à ce qu'avance l'employeur, cet accident a bien été pris en charge par la caisse, et Mme [V] en a été déclarée guérie le 27 octobre 2016 ; que quand bien même il existerait un état pathologique antérieur, l'employeur ne démontre aucunement que les lésions déclarées au titre de l'accident du 21 avril 2017 sont en lien exclusif avec cet état. La Caisse relève par ailleurs qu'un état pathologique antérieur révélé ou aggravé par un accident peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'en l'espèce l'employeur échoue à renverser la présomption d'imputabilité au travail ; qu'il convient d'infirmer le jugement déféré.
Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :
- déclarer que la procédure suivie par la caisse primaire d'assurance maladie est irrégulière;
- déclarer que la matérialité d'un accident survenu au temps et sur le lieu de travail n'est pas établie ;
En conséquence,
- confirmer, en toutes ses dispositions et y compris par substitution de motifs, le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en date du 8 juin 2018.
A titre subsidiaire,
- déclarer que l'employeur rapporte la preuve, ou tout du moins un commencement de preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine des arrêts de travail prescrits.
En conséquence,
- ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces, et commettre à cet effet tel expert qu'il plaira à la cour de désigner, avec pour mission de :
· prendre connaissance des documents détenus par la caisse primaire d'assurance maladie concernant le dossier A T de Mme [V],
· dire si les lésions constatées sont imputables aux faits déclarés le 21 avril 2017,
· dire si tous les soins et arrêts de travail sont en lien direct et exclusif, imputables à la pathologie initiale ou s 'ils trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère au travail de la salariée, ou encore dans un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
En réplique, la société [5] fait valoir pour l'essentiel que la procédure suivie par la caisse est irrégulière ; que le délai réglementaire d'instruction, n'a pas été respecté ; que la caisse disposait d'un délai de 30 jours à compter de la réception de la déclaration d'accident du travail (établie le 24 avril 2017) et du certificat médical initial (tamponné par la caisse le 26 avril 2017) pour statuer sur le caractère professionnel de ce dossier, soit jusqu'au 26 mai 2017 ; qu'elle n'a pas eu recours au délai complémentaire d'instruction avant l'expiration du délai réglementaire de 30 jours, de sorte que le caractère professionnel des faits déclarés par Mme [V] a été implicitement reconnu en date du 26 mai 2017. Elle soutient que si la reconnaissance implicite du caractère professionnel d'un accident est opposable uniquement à la salariée et n'entraîne pas, en elle-même, l'inopposabilité de la décision de prise en charge, tel n'est cependant pas le cas lorsque la décision implicite s'accompagne d'un non-respect du principe du contradictoire à l'égard de l'employeur ; elle relève que dans le litige, la caisse n'a adressé un questionnaire à l'employeur qu'à compter du 16 juin 2017 et que la société n'a été informée de la clôture de l'instruction que le 17 août 2017, soit après la prise en charge implicite des faits déclarés par l'assurée. Elle soutient que la société ayant assorti la déclaration d'accident du travail de réserves suffisamment motivées, la caisse ne pouvait donc prendre en charge les faits déclarés au titre de la législation professionnelle sans procéder à l'instruction du dossier. Elle retient que la décision implicite de prise en charge est intervenue alors que la caisse n'avait pas procédé à l'instruction du dossier malgré les réserves motivées formulées par l'employeur et en méconnaissance du principe du contradictoire ; que c'est à bon droit que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a prononcé l'inopposabilité de la décision de prise en charge des faits déclarés par l'assurée.
La société relève également l'absence de preuves de l'accident du travail. Elle soutient qu'aucun élément ne permet d'établir la matérialité d'une lésion survenue au temps et sur le lieu de travail soutenant que la salariée a terminé normalement son service et attendu le lendemain avant de consulter un médecin, qu'il n'existe aucun témoin susceptible de corroborer ses déclarations et que la caisse n'établit pas, dans ses rapports avec l'employeur, la matérialité de l'accident aux temps et lieu de travail, de sorte que la présomption d'imputabilité ne trouve pas à s'appliquer. Elle explique que la salariée a indiqué au sein de son questionnaire, qu'elle souffrait de problèmes au dos depuis plus de deux ans et qu' elle subissait les secousses du bus toute l'année, ce qui affectait son dos ; qu'ainsi, les lésions constatées ne sont pas imputables aux faits déclarés le 21 avril 2017 mais préexistaient et la caisse ne pouvait faire application de la présomption d'imputabilité, les éléments en sa possession ne permettant pas d'établir la matérialité d'un accident survenu aux temps ct lieu du travail ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 20 mars 2023, et soutenues oralement par les parties.
SUR CE :
- Sur le délai d'instruction de la caisse :
Aux termes de l'article R 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, « La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration de maladie professionnelle pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ».
Aux termes de l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale, « Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ».
En l'espèce, la société a transmis à la caisse le 25 avril 2017 la déclaration d'accident du travail de sa salariée, ainsi que le certificat médical initial correspondant le 26 avril 2017. Ainsi, le délai de trente jours visé par l'article R 441-10 susvisé expirait le 26 mai 2017.
Il résulte des éléments de la procédure que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a mis en 'uvre une procédure d'instruction et a adressé à la société, par courrier du 16 juin 2017, un « questionnaire employeur » pour « complément d'information », la société lui ayant répondu par un courrier du 3 août 2017 pour lui apporter des précisions.Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a déclaré la décision de prise en charge de l'accident inopposable à l'employeur au motif que la caisse n'avait pas respecté les délais d'instruction. Il a considéré que la caisse, ne justifiant pas de l'envoi à l'employeur de l'assurée d'un courrier portant recours au délai complémentaire d'instruction, l'accident de Mme [V] avait fait l'objet d'une prise en charge implicite, et que l'absence de notification à la société de ce recours au délai complémentaire d'instruction entraînait l'inopposabilité de la prise en charge à son égard.
Mais, si au visa de l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale, il appartient à la caisse de prendre une décision de refus de prise en charge ou de notifier le recours à un délai complémentaire d'instruction dans le délai de trente jours à compter de la réception de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial, il convient de relever que c'est l'absence de notification du recours au délai complémentaire d'instruction à la victime qui entraîne une éventuelle prise en charge implicite, mais pas le non-respect des délais d'instruction à l'égard de l'employeur.
En effet, en vertu des dispositions des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, le caractère implicite de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, faute de décision expresse dans le délai de trente jours, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur, alors que l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n'est sanctionnée, faute de notification de la prolongation du délai d'instruction, que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont seule la victime peut se prévaloir.
Ainsi, c'est à tort que le tribunal a décidé qu'une prise en charge implicite était intervenue.
En outre, il convient de rappeler que le non-respect par la caisse du délai d'instruction visé à l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale n'est pas de nature à entraîner l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur, la seule conséquence ce non-respect étant la prise en charge implicite de l'accident au bénéfice de l'assuré.
Ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident de l'assurée au seul motif que la caisse n'avait pas respecté les délais susmentionnés.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du travail :
La société [5] conteste la matérialité de l'accident du travail survenu à sa salariée.
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».
Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Le salarié doit établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il importe que les déclarations du salarié soient corroborées par d'autres éléments, qui résultent le cas échéant d'un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes afin d'établir la matérialité du fait accidentel.
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 24 avril 2017, qui a émis des réserves, mentionne que le 21 avril 2017 à 13h15, Mme [V], alors dans un bus, a ressenti « une douleur », la déclaration mentionnant « en franchissant un dos d'âne, le bus a mal amorti les dos d'ânes, cela lui a provoqué un mal de dos » et que cet accident a été porté à sa connaissance le jour même de l'accident à 13h15, les horaires de travail de la victime le jour de l'accident étant par ailleurs de 9h à 13h30 et de 14h30 à 17h00.
Les circonstances de fait portées à la connaissance de l'employeur le 21 avril 2017 à 13h15, et retranscrites à la déclaration d'accident du travail par l'employeur sont cohérentes, quant au fait générateur douloureux (survenance d'une douleur lorsque le bus a franchi un dos d'âne) survenu précisément à l'occasion du travail, aux temps et lieu du travail de l'assurée, générant la lésion constatée. Elles sont corroborées par le certificat médical initial établi le 22 avril 2017.
Il convient de relever qu'il ressort également de la déclaration d'accident du travail effectuée par l'employeur que la société a été informée de l'accident immédiatement après sa survenance et n'a jamais contesté le fait que sa salariée était bien au temps et lieu du travail lorsque l'accident s'est produit.
Contrairement aux allégations de l'employeur, il existe bien un fait accidentel : la lésion étant survenue alors que la salariée était à bord d'un bus qui a franchi un dos d'âne, étant observé que le simple fait que le choc n'ait pas été violent est sans incidence sur la prise en charge de l'accident.
Le mécanisme du fait accidentel est également corroboré par le questionnaire renseigné par l'assurée aux termes duquel cette dernière décrit précisément les circonstances dans lesquelles le bus a franchi le dos d'âne, et le choc ressenti qu'elle décrit comme « un coup du lapin ».
Les lésions mentionnées sur le certificat médical initial du 22 avril 2017 établi par le docteur [J] [S] [D] constatant des « Cervicalgies et NCB +++ - Dorsalgie, Lombalgie ++ » et prescrivant alors un arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2017, sont en adéquation avec le mécanisme accidentel et ont été constatées dès le lendemain de l'accident.
Par ailleurs si l'employeur souligne qu'il n'y a pas de témoins pour corroborer les dires de la victime, il ne démontre toutefois pas que l'assurée se trouvait, au moment de l'accident, à proximité immédiate d'autres salariés.
La bénignité du geste accidentel ne saurait remettre en cause l'existence même dudit fait, la législation professionnelle n'exigeant aucun critère de gravité.
Par suite la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique.
Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les lésions déclarées trouvent leur origine exclusive dans une cause totalement étrangère ou dans un état pathologique antérieur.
La société soutient qu'une déclaration d'accident du travail avait été établie pour des lésions similaires le 19 mars 2015. Dans le questionnaire adressé à la caisse, la société prétend que cet accident n'a pas été pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Or, il résulte des éléments du dossier que cet accident a bien été pris en charge par la caisse, et que l'assurée en avait été déclarée guérie le 27 octobre 2016.
Quand bien même il existerait un état pathologique antérieur, l'employeur ne démontre pas que les lésions déclarées au titre de l'accident du 21 avril 2017 sont en lien exclusif avec cet état et n'établit pas l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, étant au surplus précisé que constitue un accident du travail la dolorisation ou l'aggravation d'une pathologie antérieure suite à un mouvement douloureux au travail daté et précis qui a abouti à une lésion médicalement constatée.
Ainsi, l'employeur échoue à renverser la présomption d'imputabilité au travail ne démontrant pas que les lésions déclarées trouvent leur origine exclusive dans une cause totalement étrangère ou dans un état pathologique antérieur sans lien avec le mécanisme accidentel. La société n'apporte par ailleurs aucun commencement de preuve qui pourrait justifier le prononcé d'une expertise.
Il en résulte que c'est à bon droit que la caisse a décidé de prendre en charge l'accident du travail dont a été victime Mme [V], le 21 avril 2017.
Le certificat médical intial prescrivant un arrêt de travail, la présomption d'imputabilité des arrêts et soins consécutifs à cet accident est opposable à la société jusqu'à la date de consolidation fixée par la caisse.En conséquence, la décision de prise en charge de l'accident du travail de Mme [B] [V] survenu le 21 avril 2017 sera déclarée opposable à la société [5] et le jugement déféré sera infirmé de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise.
La société [5] succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) recevable ;
INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 8 juin 2018 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE opposable à la société [5], la décision de prise en charge de l'accident du travail de Mme [B] [V] survenu le 21 avril 2017 ;
DEBOUTE la société [5] de ses demandes ;
CONDAMNE la société la société [5] aux dépens d'appel.
La greffière La présidente