La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°23/03774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 juin 2023, 23/03774


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 01 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03774 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFXY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Janvier 2023 -Président du TJ de Paris - RG n°22/58399





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la

Maire de [Localité 6], Mme [D] [O], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, av...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03774 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFXY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Janvier 2023 -Président du TJ de Paris - RG n°22/58399

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [D] [O], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

Assistée à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. COMPAGNIE PARISIENNE DE SERVICES, RCS de Nanterre sous le n°712 002 583, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Katia BONEVA-DESMICHT, substituée à l'audience par Me Michaël PERCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P445

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La Ville de [Localité 6] a consenti deux conventions de concession, le 3 décembre 1969, portant sur la construction et l'exploitation d'une part d'un parc de stationnement [8] et d'autre part, d'une station-service, se situant sous l'[Adresse 2] à [Localité 7], les deux conventions ayant pris fin le 6 mars 2001.

La société Elf Antar, concessionnaire de la partie station-service, a mis à disposition de la Compagnie Parisienne de Services, par convention du 25 octobre 1993, un emplacement au sein de son espace, en vue de l'exploitation d'une station de lavage.

Par avenant du 1er octobre 1997, la Compagnie Parisienne de Services a repris l'exploitation de la totalité des locaux concédés à la société Elf Antar.

Se prévalant de l'occupation des lieux sans droit ni titre depuis la fin du contrat de concession et de nécessaires travaux d'accessibilité aux personnes handicapées au droit de l'emplacement de station de lavage, la Ville de [Localité 6], représentée par son maire en exercice, a fait assigner, par acte d'huissier de justice du 31 octobre 2022, la Compagnie Parisienne de Services devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, au visa de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 544 du code civil, aux fins de voir :

ordonner l'expulsion de la Compagnie Parisienne de Services et de tous occupants de son chef de la station de lavage du parc de stationnement [8], sis [Adresse 2] à [Localité 7], avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique,

rappeler que le sort du mobilier garnissant les lieux est prévu par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

condamner le défendeur à lui payer la somme de 3.000 euros, actualisé à 5.000 euros à l'audience, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En réplique, la Compagnie Parisienne de Services a soulevé in limine litis l'incompétence des tribunaux judiciaires, sollicitant au fond le rejet des demandes, subsidiairement un délai de six mois pour quitter les lieux, outre 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 19 janvier 2023, le juge des référés du tribunal de judiciaire de Paris a :

- fait droit à l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative ;

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction administrative ;

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 6] aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 17 février 2023, la Ville de [Localité 6] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 11 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 6] demande à la cour, au visa de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 544 du code civil, de :

- rejeter le moyen d'irrecevabilité de l'appel et d'irrecevabilité des demandes de la Ville de [Localité 6] ;

- infirmer l'ordonnance de référé du 19 janvier 2023 en tant qu'elle a fait droit à l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative, renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction administrative, rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci aux dépens ;

statuant à nouveau après avoir évoqué l'affaire,

- rejeter l'exception d'incompétence soulevée en défense ;

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai, si besoin est avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique, de la Compagnie Parisienne de Services et de tous occupants de son chef, occupants sans droit ni titre de la station de lavage du parc de stationnement [8], [Adresse 2] à [Localité 7] ;

- rejeter toute demande de délai ;

- rappeler que le sort du mobilier garnissant les lieux est prévu par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamner la Compagnie Parisienne de Services à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- condamner la Compagnie Parisienne de Services aux entiers dépens de première instance ;

- condamner la Compagnie Parisienne de Services à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner la Compagnie Parisienne de Services aux entiers dépens d'appel.

La Ville de [Localité 6] soutient en substance :

- qu'elle a déposé sur le réseau privé virtuel des avocats une requête afin d'être autorisée à assigner à jour fixe le 2 mars 2023 et qu'il ne saurait lui être fait grief de n'avoir pas joint une ordonnance du premier président datée et signée qu'elle n'a pas en sa possession ;

- que la procédure a été conduite, dès la première instance et sans changement en appel, au nom de la Ville de [Localité 6] représentée par son maire en exercice ;

- que le contentieux de l'occupation sans droit ni titre du domaine public routier relève de la compétence exclusive du juge judicaire sur le fondement de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière et selon une jurisprudence constante ;

- que le domaine public routier comprend à titre principal - hors accessoires - l'ensemble des biens des personnes publiques qui concourent à satisfaire les besoins de la circulation terrestre et par conséquent ne se réduit pas aux seules voies ouvertes à la circulation ; que les biens qui permettent le stationnement des véhicules concourent à satisfaire les besoins de la circulation terrestre ;

- que, par évocation, la cour constatera que l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite, seule l'expulsion sans délai permettant d'y mettre fin.

Dans ses conclusions remisesle 31 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Compagnie Parisienne de Services demande à la cour, au visa de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière et des articles 32, 74, 75, 122, 835 et 920 du code de procédure civile et de l'article 544 du code civil, de :

à titre principal,

- déclarer irrecevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé du 19 janvier 2023 ;

à titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la Maire de la Ville de [Localité 6] et la débouter de l'ensemble de ses demandes en raison du défaut de qualité à agir ;

à titre très subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance du 19 janvier 2023 du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris dans toutes ses dispositions ;

à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la Maire de la Ville de [Localité 6] et la Ville de [Localité 6] de l'ensemble de leurs demandes ;

à titre très infiniment subsidiaire,

- octroyer un délai de six mois à la société Compagnie Parisienne de Services à compter de la signification de l'ordonnance pour quitter les lieux ;

en tout état de cause,

- condamner solidairement Mme la Maire de la Ville de [Localité 6] et la Ville de [Localité 6] à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme la Maire de la Ville de [Localité 6] et la Ville de [Localité 6] aux entiers dépens.

La société Compagnie Parisienne de Services soutient en substance :

- que l'ordonnance aux termes de laquelle le premier président de la cour aurait autorisé Mme la Maire de la Ville de [Localité 6] d'assigner à jour fixe la société CPS n'est ni datée, ni signée ; que cette ordonnance ne comporte pas davantage la date à laquelle l'assignation devait être délivrée, ni la date à laquelle la société CPS devait conclure ;

- que si la déclaration d'appel a bien été faite au nom de la Ville de [Localité 6], les conclusions, la requête et l'assignation à jour fixe ont été faites au nom de 'Mme la Maire de la Ville de Paris', soit un changement de partie rendant les demandes irrecevables ;

- que le premier juge a pu valablement retenir l'absence d'évidence sur l'appartenance des lieux au domaine public routier ;

- qu'un parc de stationnement n'est jamais considéré comme étant une dépendance du domaine public routier en tant que tel ; qu'il ne l'est qu'au regard des éléments qui l'entourent, tels des voies de circulation ou une place ouverte à la circulation, et qui lui permettent de rentrer dans la définition posée à l'article L.111-1 du code de la voirie routière, car il devient alors affecté aux besoins de la circulation terrestre ; que le souterrain ne participe pas de la voirie terrestre en surface ; que le parc de stationnement Victor Hugo appartient ici au domaine public communal de la Ville de [Localité 6] et que, partant, les litiges portant sur son occupation relèvent de la compétence exclusive du juge administratif ;

- que le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé, la situation commandant subsidiairement l'octroi de délais.

SUR CE LA COUR

L'article 83 du code de procédure civile dispose que, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.

L'article 84 deuxième alinéa du même code précise qu'en cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.

Selon l'article 920 du même code, l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé. Copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel sont joints à l'assignation.

Il résulte de ces dispositions que l'appel contre un jugement d'incompétence, formé selon la procédure à jour fixe, est irrecevable, dès lors que la copie de l'ordonnance du premier président n'est pas jointe à l'assignation.

En l'espèce, il est constant que la Ville de [Localité 6] n'a pas joint à l'assignation délivrée copie de l'ordonnance du premier président, ce qu'elle ne conteste pas, l'appelante estimant que les délais ne lui permettaient pas d'attendre la réception de cette ordonnance, ordonnance qu'elle indique ne pas avoir eu en sa possession au moment de la délivrance de l'assignation.

La société intimée, qui produit l'assignation délivrée (sa pièce 8), précise à cet égard que n'était joint à l'assignation qu'un projet d'ordonnance du premier président, non daté et non signé.

Il incombe pourtant à la partie appelante d'un jugement d'incompétence de joindre à l'assignation la copie de l'ordonnance du premier président, en application des dispositions précitées.

Une telle obligation est dénuée d'ambiguïté pour un avocat, professionnel avisé. Sa sanction, par une irrecevabilité de l'appel, est proportionnée au but légitime que poursuit cette disposition, qui est, dans un souci d'une bonne administration de la justice, d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel contre un jugement d'incompétence et le respect du principe de la contradiction, en permettant aux autres parties de prendre connaissance en temps utile des prétentions de l'appelant ainsi que de l'ensemble des pièces de cette procédure accélérée et de vérifier sa régularité. Cette formalité, nécessaire, ne procède d'aucun formalisme excessif.

Dès lors, la Ville de [Localité 6], qui n'a pas respecté les dispositions de l'article 920 du code de procédure civile, ne peut être que déclarée irrecevable en son appel.

Les circonstances de l'espèce et l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Ville de [Localité 6] sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel formé par la Ville de [Localité 6] irrecevable ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Ville de [Localité 6] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/03774
Date de la décision : 01/06/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;23.03774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award