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01/06/2023 | FRANCE | N°22/18934

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 juin 2023, 22/18934


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 01 JUIN 2023



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18934 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVLZ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022044267





APPELANTE



S.A.S. LPCR GROUPE, RCS de Bobigny sous le n°528 570

229 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-S...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18934 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVLZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022044267

APPELANTE

S.A.S. LPCR GROUPE, RCS de Bobigny sous le n°528 570 229 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Me Eric BARBRY, substitué à l'audience par Me Charles BOUFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

INTIMEE

S.A.S. SALESFORCE.COM FRANCE, RCS de Paris sous le n°483 993 226, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Olivier DELSUPEXHE de l'AARPI MERIDIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R120

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société SAS LPCR Groupe a confié à la société Salesforce.com France une prestation informatique visant à la mise en place d'une plateforme.

Elle fait état cependant de ce qu'elle a été confrontée à l'échec du projet, avec des coûts financiers démesurés.

Par acte du 6 octobre 2022, la société LPCR Groupe a fait assigner la société Salesforce.com France devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de :

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;

- désigner un expert informatique, inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel de Paris, avec la mission suivante :

- confirmer aux parties son absence de lien avec chacune d'elle,

- convoquer et entendre les parties en leurs dires et explications pour tout ce qui est nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se faire remettre et prendre connaissance de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission (contrats, descriptifs de service, formulaire de commande, compte rendu, mails, courriers ...), et notamment de l'audit réalisé par la société Salesforce UK en juin 2021,

- donner son avis sur la note de cadrage rédigée par la société Salesforce.com France et en tirer les conséquences sur la gestion du projet,

- reconstituer la chronologie des faits ayant conduit à la présente expertise, à l'aide notamment des documents, des explications apportées par les parties et les pièces communiquées par elles,

- indiquer si les modules vendus par la société Salesforce.com France pouvaient couvrir les besoins de la société LPCR Groupe et répondre au projet,

- indiquer si la société Salesforce.com France avait déjà, au moment de la contractualisation, mené des projets similaires avec ces mêmes modules ainsi le projet et les besoins de la société LPCR Groupe,

- dire si le planning défini dans le contrat (DDS002) était réaliste et réalisable dans le contexte d'une absence connue d'expertise sur les modules nécessaires à la réalisation du projet,

- dire si l'absence de compétences de l'équipe de la société Salesforce.com France sur les modules vendus est à l'origine des mauvaises orientations prises par celle-ci lors de la conception de la fonctionnalité de gestion des contrats, mise en oeuvre par Salesforce pour les besoins de la société LPCR Groupe,

- donner son avis sur le taux d'avancement du projet aux dates suivantes :

- au 6 juillet 2020 qui correspond à la première date cible de mise en production du projet,

- au 22 janvier 2021,

- au 2 avril 2021, date cible de mise en production du DDS 003,

- au 31 août 2021, nouvelle date butoir défini dans le DDS 003,

- au 8 avril 2022 date du premier courrier de la société LPCR Groupe,

et déterminer en pourcentage les prestations réalisées par la société Salesforce.com France et la couverture fonctionnelle de mise en production,

- d'une manière générale donner son avis sur l'origine et les causes de l'échec du projet,

- décrire les diligences et les prestations qui ont été effectuées par la société Salesforce.com France pour remédier aux retards constatés dans le projet et donner au tribunal qui sera ultérieurement saisi toutes informations utiles sur les manquements éventuels de la société Salesforce.com France à ses engagements contractuels ainsi qu'aux règles de l'art en la matière,

- préciser tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement au tribunal de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et de chiffrer les préjudices subis par les parties,

- évaluer le coût du projet initial et le coût réel supporté par la société LPCR Groupe,

- évaluer le préjudice de la société LPCR Groupe, aussi bien en coûts qu'en gains manqués,

- établir, à l'issue de chaque réunion d'expertise, une note aux parties avec un bilan des actions en cours et à faire, leur planning et un ordre du jour de la prochaine réunion,

- dresser un pré-rapport avant le rapport définitif dans lequel l'expert exprimera le résultat de ses investigations et formulera ses conclusions en invitant les parties à en prendre connaissance et à formuler leurs observations par voie de dires conformément à l'article 276 du code de procédure civile,

- dire que ce rapport au regard de l'urgence devra être rendu au plus tard le 31 décembre 2022,

- fixer le montant de la consignation à avancer par la société LPCR Groupe, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert ;

- condamner la société Salesforce.com France à payer à la société LPCR Groupe la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Salesforce.com France aux entiers dépens.

En réplique, la société Salesforce.com France a demandé que les demandes soient déclarées irrecevables, subsidiairement mal fondées. Très subsidiairement, elle a sollicité une modification de la mission. Elle a enfin demandé la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 12 octobre 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a :

- dit n'y avoir lieu à référé, ni à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société LPCR Groupe aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 18 novembre 2022, la SAS LPCR Groupe a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 3 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société LPCR Groupe demande à la cour, au visa des articles 145, 272, 564, 565, 566 et 872 du code de procédure civile et des articles 1217, 1300 et suivants, 2044 et 2052 du code civil, de :

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance du 12 octobre 2022 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 code de procédure civile,

- condamné la société LPCR Groupe aux entiers dépens ;

- déclarer la société LPCR Groupe recevable et bien fondée en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;

- désigner un expert informatique, inscrit sur la liste des experts judiciaires près de la cour d'appel de Paris, avec la mission suivante :

- convoquer et entendre les parties en leurs dires et explications pour tout ce qui est nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se faire remettre et prendre connaissance de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission (contrats, descriptifs de service, formulaire de commande, compte rendu, mails, courriers, etc), et notamment de l'audit réalisé par la société Salesforce UK en juin 2021 ainsi que tous documents et correspondances y afférents,

- constater que le projet n'est à ce jour toujours pas finalisé ni fonctionnel et que l'engagement souscrit par la société Salesforce.com France aux termes de la transaction de finaliser le projet n'a pas été tenu,

- se faire remettre et donner son avis sur la note de cadrage réalisée en amont du projet rédigée par Salesforce et en tirer les conséquences sur la gestion du projet ,

- reconstituer la chronologie des faits ayant conduit à la présente expertise, à l'aide notamment des documents, des explications apportées par les parties et les pièces communiquées par elles,

- indiquer si les modules vendus par la société Salesforce.com France dans le cadre du Projet pouvaient couvrir les besoins de la société LPCR Groupe et répondre au projet notamment au regard du rapport d'audit réalisé par Salesforce UK en juin 2021,

- indiquer si la société Salesforce.com France avait déjà, au moment de la contractualisation, mené des projets similaires avec ces mêmes modules,

- dire si le planning défini dans le contrat (DDS002) était réaliste et réalisable dans le contexte d'une absence connue de la société Salesforce.com France d'expertise sur les modules nécessaires à la réalisation du projet,

- dire si l'absence de compétences de l'équipe de Salesforce sur les modules vendus est à l'origine des mauvaises orientations prises par celle-ci lors de la conception de la fonctionnalité de gestion des contrats, mise en 'uvre par Salesforce pour les besoins de la société LPCR Groupe dans le cadre du projet,

- dresser un tableau récapitulatif de l'ensemble des composantes du projet tel qu'initialement convenu entre les parties, avec les délais dans lesquels ces composantes devaient être exécutées,

- donner son avis sur l'exécution (degré, perfection et calendrier de l'exécution) par Salesforce de chaque composante du projet tel qu'initialement convenu entre les parties,

- dire si la société Salesforce.com France avait nécessairement connaissance, en amont de la négociation et de la conclusion de la transaction avec la société LPCR Groupe le 22 janvier 2021, de ses erreurs relevées par la société Salesforce UK dans le cadre de son rapport d'audit du 11 juin 2021,

- donner son avis sur l'exhaustivité des informations, conseils et mises en garde délivrés par la société Salesforce.com France à la société LPCR Groupe dans le cadre de la négociation et la conclusion de la transaction et du DDS 003, notamment au regard des conclusions de l'audit de Salesforce UK du 11 juin 2021,

- dire si les solutions mises en place au sein de la transaction entre la société LPCR Groupe et la société Salesforce le 22 janvier 2021 et du DDS003 étaient de nature à couvrir les besoins de la société LPCR Groupe et répondre au projet,

- donner son avis sur l'exécution de la transaction et du DDS003 par la société Salesforce.com France, en indiquant si cette dernière a exécuté l'intégralité de ses obligations, en particulier celles stipulées à l'article 3.1 de la transaction (« Concessions de SFDC ») et à la section 2 du DDS003 (« Périmètre »), et si cette éventuelle exécution est parfaite ou non, et selon quel calendrier,

- donner son avis sur les circonstances, raisons et légitimité de la demande de Salesforce de confier la prestation d'intégration à la Société Inetum à compter du mois de juillet 2021,

- donner son avis sur le taux d'avancement du projet aux dates suivantes :

* 6 juillet 2020 qui correspond à la première date cible de mise en production du Projet,

* 22 janvier 2021, date de la transaction entre la la société LPCR Groupe et Salesforce,

* 2 avril 2021, date cible de mise en production du DDS 003,

* 31 août 2021, nouvelle date butoir définie dans le DDS 003,

* 8 avril 2022 date du premier courrier de la la société LPCR Groupe,

et déterminer en pourcentage les prestations réalisées par la société Salesforce.com France et la couverture fonctionnelle de mise en production,

- d'une manière générale donner son avis sur l'origine et les causes de l'échec du projet,

- décrire les diligences et les prestations qui ont été effectuées par la société Salesforce.com France pour remédier aux retards constatés dans le projet et donner au tribunal qui sera ultérieurement saisi toutes informations utiles sur les manquements éventuels de Salesforce à ses engagements contractuels ainsi qu'aux règles de l'art en la matière,

- préciser tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement au tribunal de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et de chiffrer les préjudices subis par les parties,

- évaluer le coût du projet initial et le coût réel supporté par la société LPCR Groupe ;

- évaluer le préjudice de la société LPCR Groupe, aussi bien en coûts exposés qu'en gains manqués,

- établir, à l'issue de chaque réunion d'expertise, une note aux parties avec un bilan des actions en cours et à faire, leur planning et un ordre du jour de la prochaine réunion,

- dresser un pré-rapport avant le rapport définitif dans lequel l'expert exprimera le résultat de ses investigations et formulera ses conclusions en invitant les parties à en prendre connaissance et à formuler leurs observations par voie de dires, conformément à l'article 276 du code de procédure civile ;

- fixer le montant de la consignation à avancer par la société LPCR Groupe, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert ;

à titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance du 12 octobre 2022 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 code de procédure civile,

- condamné la société LPCR Groupe aux entiers dépens ;

- déclarer la société LPCR Groupe recevable et bien fondée en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;

- désigner un expert informatique, inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel de Paris, avec la mission suivante :

- convoquer et entendre les parties en leurs dires et explications pour tout ce qui est nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se faire remettre et prendre connaissance de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission et notamment concernant les conditions dans lesquelles la transaction du 22 janvier 2021 a été conclue,

- dire si les solutions négociées et mises en place au sein de la transaction et du DDS003 étaient de nature à couvrir les besoins de la la société LPCR Groupe et répondre au projet,

- dire si le planning défini dans la transaction, à savoir le DDS003, était réaliste et réalisable,

- reconstituer la chronologie des faits postérieurement à l'entrée en vigueur de la transaction en date du 22 janvier 2021 ayant conduit à la présente expertise, à l'aide notamment des documents, des explications apportées par les parties et les pièces communiquées par elles,

- donner son avis sur le taux d'avancement du projet aux dates suivantes :

* au 22 janvier 2021, date d'entrée en vigueur de la transaction,

* au 2 avril 2021, date cible de mise en production du DDS 003,

* au 11 juin 2021, date de l'audit réalisée par la société Salesforce UK,

* au 31 août 2021, nouvelle date butoir définie dans le DDS 003,

* au 8 avril 2022 date du premier courrier de la société LPCR Groupe,

et déterminer si la société Salesforce.com France a mis en 'uvre les mesures définies dans la transaction,

- préciser tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre ultérieurement au tribunal de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et de chiffrer les préjudices subis par les parties,

- établir, à l'issue de chaque réunion d'expertise, une note aux parties avec un bilan des actions en cours et à faire, leur planning et un ordre du jour de la prochaine réunion,

- dresser un pré-rapport avant le rapport définitif dans lequel l'expert exprimera le résultat de ses investigations et formulera ses conclusions en invitant les parties à en prendre connaissance et à formuler leurs observations par voie de dires, conformément à l'article 276 du code de procédure civile ;

en tout état de cause,

- condamner la société Salesforce.com France à payer à la société LPCR Groupe la somme de 55.200 euros TTC, à parfaire, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Salesforce.com France aux entiers dépens.

La société LPCR Groupe fait en substance valoir :

- que les prétentions de la Société LPCR Groupe que Salesforce considère comme 'nouvelles' en appel tendent uniquement à faire écarter l'exception de transaction invoquée par Salesforce depuis la première instance ; qu'elles tendent toutes au demeurant aux mêmes fins que les demandes de première instance ;

- que la désignation d'un expert ne nécessite aucun accord des parties, l'existence d'une contestation sérieuse étant inopérante ;

- qu'une transaction qui ne remplit par une partie de ses droits ne la prive pas de son droit de demander une mesure d'instruction ; qu'une transaction ne prive pas non plus une partie du droit d'agir en nullité de celle-ci pour vices du consentement, et donc de s'en ménager la preuve sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- que l'existence d'un motif légitime, l'absence de tout litige au fond et la démonstration du caractère légalement admissible de la mesure sont établies ;

- que, si par extraordinaire, il était estimé que la transaction était de nature à empêcher la conduite d'une expertise portant sur la période antérieure à sa date de signature (soit au 22 janvier 2021), il sera alors demandé de désigner un expert avec pour mission de se prononcer sur les conditions dans lesquelles cette transaction a été négociée puis mise en 'uvre et sur le point de savoir si les engagements pris par Salesforce au sein du DDS 003 annexé à la transaction ont bien été tenus.

Dans ses conclusions remises le 10 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Salesforce.com France demande à la cour, au visa des articles 2044 et suivants du code civil et des articles 122, 145, 237, 238, 265, 564 et 565 du code de procédure civile, de :

à titre liminaire,

- juger que la demande d'expertise formée en cause d'appel est nouvelle ;

- la déclarer irrecevable ;

à titre principal,

- juger que les demandes de la société LPCR Groupe sont mal fondées ;

- débouter la société LPCR Groupe de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance attaquée, au besoin par substitution de motifs ;

à titre subsidiaire, si par impossible la cour devait ordonner une expertise,

- rejeter la mission d'expertise proposée à titre subsidiaire par la société LPCR Groupe ;

- confier à l'expert judiciaire qui lui plaira la mission ci-après :

- convoquer et entendre les parties en leurs dires et explications pour tout ce qui est nécessaire à l'exécution de sa mission, entendre tout sachant qu'il estimera utile et s'adjoindre, s'il l'estime nécessaire, tout sapiteur de son choix pris sur la liste des experts près la cour d'appel de Paris après validation d'un commun accord des parties,

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission,

- se faire remettre et prendre connaissance de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

- reconstituer la chronologie des faits postérieurs au 22 janvier 2021 ayant conduit à la présente expertise, à l'aide notamment des documents, des explications apportées par les parties et des pièces communiquées par elles,

- donner son avis technique, au regard de l'organisation mise en place et des règles de l'art, sur les allégations des parties quant à l'exécution du DDS 003,

- donner son avis technique sur les circonstances et raisons de la prise en charge du projet par la société Inetum à compter du mois de septembre 2021,

- décrire en particulier les diligences et les prestations techniques qui ont été effectuées par les parties dans le cadre du DDS 003 et donner au tribunal qui sera ultérieurement saisi toutes informations utiles sur les origines et causes des manquements éventuels des parties à leurs engagements contractuels ainsi qu'aux règles de l'art en la matière ; donner ensuite son avis sur l'origine et la cause d'éventuels retards, surcoûts et préjudices éventuels,

- mener de façon strictement contradictoire ses opérations d'expertise, en particulier en faisant connaître aux parties, oralement ou par écrit, l'état de ses avis et opinions à chaque étape de l'accomplissement de sa mission,

- communiquer un document de synthèse pour recueillir les dernières observations des parties jusqu'à une date ultime, préalable à celle du dépôt de son rapport, qu'il fixera,

- notifier aux parties, à l'occasion de la communication de ce document de synthèse, la date à laquelle il déposera son rapport en leur rappelant qu'il n'est pas tenu de prendre en compte leurs observations faites après la date ultime qu'il aura fixée ;

- proscrire toutes investigations, descriptions, avis ou conclusions sur des faits, griefs, difficultés, événements, prétentions ou positions des parties, ainsi que leurs conséquences financières ou autres, qui auraient le même objet que celui du protocole transactionnel du 22 janvier 2021 ;

- fixer le montant de la consignation à avancer par la société LPCR Groupe, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert ;

en tout état de cause,

- condamner la société LPCR Groupe à payer à la société Salesforce.com France la somme de 50.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société LPCR Groupe aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Salesforce.com France fait en substance valoir :

- que la transaction fait obstacle à toute demande d'expertise in futurum, celle-ci emportant renonciation à toute action, empêchant la caractérisation d'un motif légitime, un expert ne pouvant non plus se prononcer sur une question de droit ;

- que Salesforce a parfaitement exécuté ses engagements stipulés dans la transaction du 22 janvier 2021, contrairement à LPCR, qui agit seule par la présente instance en violation du protocole transactionnel ;

- que le litige in futurum est invraisemblable, les conclusions techniques étant inopérantes pour un futur litige ;

- que les chefs de mission proposés par LPCR sont aussi inopérants puisqu'ils impliquent pour l'expert d'interpréter le protocole transactionnel lui-même en donnant donc un avis juridique et de prendre connaissance de faits antérieurs à la transaction ;

- qu'il est proposé, à titre subsidiaire, une mission portant uniquement sur l'exécution du DDS 003.

SUR CE LA COUR

Sur la recevabilité des demandes formées à hauteur d'appel

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, en application de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la société intimée fait valoir que l'appelante serait irrecevable en ses nouvelles prétentions, les demandes ayant été modifiées par rapport à celles présentées devant le premier juge, dans la mesure où l'expertise viserait désormais d'autres fins, les chefs de mission ayant été largement remaniés.

Il sera toutefois observé que, d'une part, la modification de la mission sollicitée tend aux mêmes fins que la demande soumise au premier juge au sens de l'article 565 du code de procédure civile, à savoir l'établissement des causes et des responsabilités dans l'échec allégué d'un projet informatique, peu important dès lors les changements opérés visant désormais à inclure dans la mission expertale les circonstances de la transaction entre les parties, et que, d'autre part et en toute hypothèse, les demandes en appel sont bien complémentaires à celles formées en première instance, les chefs de mission relatifs à la transaction venant compléter la demande initiale de désigner un expert pour établir le préjudice subi à la suite de l'échec allégué.

Il y a donc lieu de considérer que les demandes formées par LPCR Groupe, à hauteur d'appel, sont recevables.

Sur le fond du référé

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, il y a lieu de relever :

- que la transaction signée entre les parties le 22 janvier 2021 (pièce 9 appelante, pièce 12 intimée) a pour objet, aux termes de son article premier, les faits, griefs, difficultés, événements, prétentions ou positions des parties, trouvant ou non leur origine dans les différents contrats, ainsi que leurs conséquences financières ou autres ; qu'il a aussi pour objet de mettre 'irrévocablement et définitivement un terme à tout différend, né ou à naître, qui trouverait directement ou indirectement son origine dans le litige ou serait directement ou indirectement en relation avec celui-ci' (article 1er) ;

- que l'article 3.2 de la transaction précise encore que LPCR Groupe reconnaît et accepte les concessions de Salesforce.com France décrites 'à titre d'indemnisation forfaitaire, globale et définitive devant compenser les préjudices qu'elle estime avoir subis dans le présent litige' et que LPCR Groupe accepte de 'renoncer à présenter toute réclamation et à engager ou poursuivre quelques actions ou instances que ce soit, en France ou à l'étranger, à l'encontre de [Salesforce.com France]', et notamment 'de demander réparation ou indemnité à ce titre, sur quelque fondement que ce soit, contractuel ou extracontractuel' ;

- que le protocole transactionnel stipule aussi que 'la nullité, la caducité, la résiliation, la résolution, la fin et plus généralement la disparition du nouveau DDS ou de l'un des nouveaux formulaires de commandes ne remettra pas en cause les effets et la validité du présent protocole' (article 5) ;

- que, s'agissant du 'DDS 003' (Descriptif de services), signé dans le cadre du protocole, son objet est, selon la transaction signée (rappel dans le préambule), de 'régulariser les prestations additionnelles réalisées' par Salesforce.com France, notamment 'la résolution hors contrat [...] de tickets d'anomalies', de 'corriger les dernières anomalies' et de 'réaliser certaines demandes d'évolutions connues' ;

- que le DDS 003, signé par les deux parties le 22 janvier 2021, précise viser le règlement de prestations additionnelles par rapport à celles prévues par les DDS 001 et DDS 002 (pièce 10 appelante, pièce 13 intimée), étant précisé dans ce document que 'sont hors périmètres toutes les activités de mise en production de l'application et de support post-mise en production' (p. 11), le DDS 003 étant conclu expressément (p. 17) sous la 'condition suspensive de la signature par chacune des parties du protocole' ;

- que le DDS 003 prévoit que Salesforce.com France devait régler deux dysfonctionnements, appelés 'tickets d'anomalie' n°IS-1500 et IS-1734, la clause 2.1 prévoyant que la société prestataire 'mettra en oeuvre tous les moyens nécessaires à la réalisation des services professionnels conformément aux normes, aux meilleurs règles de l'art en vigueur' ;

- que le protocole contient en outre des concessions réciproques de chacune des parties, notamment financières (règlement par l'appelante de certaines factures impayées, renonciation de l'intimée à facturer la somme de 320.000 euros HT au titre de prestations effectuées au-delà du DDS 002) ;

- que, dès lors, en premier lieu, comme l'observe à juste titre la SAS Salesforce.com France, l'action in futurum envisagée, en ce qu'elle vise à analyser les responsabilités dans l'exécution des contrats, notamment pour les DDS 001 et 002 antérieurs à la transaction, est manifestement vouée à l'échec, la transaction, de par son objet, étant de nature à interdire à la SAS LPCR Groupe d'agir au fond sur les faits liés aux contrats, comme il résulte clairement des stipulations rappelées ci-avant ;

- que la signature d'un DDS 003, dans le cadre de la transaction, vise les dernières prestations additionnelles, sans toutefois viser dans ce dernier cadre 'la mise en production de l'application', et donc sans viser la livraison d'une solution informatique avec mise en production au titre du règlement du litige ;

- que le DDS 003 se limite ainsi à une obligation de moyens portant sur une correction d'anomalies, sans mise en production, LPCR Groupe ne justifiant d'ailleurs pas non plus avoir respecté le délai de dix jours (prévu à l'article 5.2) suivant 'la soumission du livrable' par la société intimée pour faire connaître ses griefs ;

- qu'il faut rappeler qu'en application de l'article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet, rendant irrecevables toutes les demandes de dommages et intérêts ou d'exécution forcée des divers contrats informatiques en cause, les actions sur ce point étant donc manifestement vouées à l'échec, de sorte que le motif légitime de l'expertise au sens de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas établi ;

- que c'est aussi en vain, en deuxième lieu, que l'appelante prétend que l'expertise sollicitée lui permettrait d'agir dans le cadre d'un futur litige au fond portant sur un manquement à l'obligation de conseil ou sur la nullité du protocole pour vice du consentement ;

- que l'éventuel manquement à l'obligation de conseil du prestataire informatique est couvert par les termes de la transaction, fondée justement sur les griefs réciproques des parties, la société LPCR Groupe, qui certes n'est pas une société informatique, ayant par ailleurs elle-même été assistée par la société Inetum, spécialiste informatique ;

- que l'action envisagée en nullité de la transaction, pour vice du consentement, supposerait qu'elle puisse faire l'objet d'une action non manifestement vouée à l'échec et soit fondée sur des faits suffisamment crédibles ;

- que, pourtant, les pièces versées à ce titre, une note technique du cabinet LCA-ICSI (pièce 11), concluant au fait que Salesforce ne pouvait ignorer la rareté de l'expertise sur les modules vendus et détaillant les causes de l'échec, ou encore le document de Salesforce UK (pièce 12), même s'il est postérieur à la transaction et critique le projet tel que mené, ne permettent pas de caractériser un dol ou une erreur dans la conclusion de la transaction, ces deux pièces n'établissant pas que le consentement de LPCR Groupe à la transaction aurait été, d'une quelconque manière, vicié ;

- qu'enfin, en troisième et dernier lieu, LPCR Groupe prétend subsidiairement qu'elle pourrait agir pour la période postérieure au protocole transactionnel, en sollicitant une expertise aux fins d'établir les conditions dans lesquelles la transaction a été négociée puis mise en oeuvre et si les engagements pris au sein du DDS 003 ont été tenus ;

- que, d'une part, concernant le DDS 003, la société appelante se fonde à nouveau sur la circonstance que la transaction commandait la mise en production de l'application par la société intimée et que la société intimée aurait été, sur deux anomalies, soumise à une obligation de résultat, ce qui ne résulte pas des termes de la transaction ;

- que, d'autre part, à supposer que, pour la partie postérieure à la transaction, la société appelante serait en capacité d'agir contre l'intimée et justifierait ainsi d'un motif légitime à agir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la société LPCR Groupe n'établit pas le caractère utile de la mesure qui serait de nature à améliorer sa situation probatoire, alors que les conditions dans lesquelles la transaction a été négociée et mise en oeuvre ne relève pas d'une mesure confiée à un technicien mais d'une appréciation juridictionnelle des faits, objet du possible litige, de même que la portée des engagements des parties pris dans le cadre du DDS 003.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, exactement réglé par le premier juge, et de rejeter toutes les autres demandes des parties.

Sur les demandes accessoires

A hauteur d'appel, l'appelante devra indemniser l'intimée pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes formées à hauteur d'appel par la SAS LPCR Groupe ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne la SAS LPCR Groupe à verser à la SAS Salesforce.com France la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la SAS LPCR Groupe aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18934
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.18934 ?
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