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01/06/2023 | FRANCE | N°22/18743

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 juin 2023, 22/18743


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 01 JUIN 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18743 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUYW



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/54270





APPELANTE



S.A.R.L. AVA KARAS, RCS de Paris sous l

e n°812 164 549, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18743 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUYW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 22/54270

APPELANTE

S.A.R.L. AVA KARAS, RCS de Paris sous le n°812 164 549, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMEE

S.A.S.U. COLOMBUS SHOP, RCS de Paris sous le n°895 248 458, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard FAVIER de la SCP DIRCKS-DILLY ET FAVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0165

Assisté à l'audience par Me Julien COSTANTINI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 22 avril 2015, la sci Marie a consenti à la société Ava Karas, alors en cours de formation, un bail commercial portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2].

Le 27 octobre 2021, la société Colombus Shop a acquis les locaux loués à la société Ava Karas.

Le 1er février 2022, la société Colombus Shop a fait signifier à la société Ava Karas un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail d'avoir à lui payer la somme de 26.108,60 euros au titre des loyers et charges.

Le 18 février 2022, la société Ava Karas a fait assigner la société Columbus Shop devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir juger le commandement précité nul ou à tout le moins, inopposable.

Le 11 mars 2022, la société Colombus Shop a fait signifier à sa locataire un second commandement de payer la somme de 26.108,60 euros « annulant et remplaçant » le commandement du 1er février 2022.

Le 22 avril 2022, la société Colombus Shop a fait assigner la société Ava Karas devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater de l'acquisition de la clause résolutoire au 11 avril 2022, ordonner l'expulsion de la défenderesse et condamner cette dernière au paiement provisionnel d'un arriéré locatif.

Par ordonnance contradictoire du 4 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la société Ava Karas de sa demande aux fins de voir dire le juge des référés incompétent au profit du juge de la mise en état de la 18ème chambre, 1ère section, du tribunal judiciaire de Paris ;

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 22 avril 2015 portant sur les locaux situés, [Adresse 2], avec effet à la date du 11 avril 2022 à 0h00 ;

- condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme provisionnelle de 32.675,48 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au mois de juillet 2022 inclus, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 26.108,60 euros à compter du 11 mars 2022, puis sur la somme de 32.675,48 euros à compter du 22 avril 2022 ;

- dit que les intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- accordé à la société Ava Karas des délais de paiement ;

- dit que la société Ava Karas pourra s'acquitter du paiement de la provision précitée, en sus du loyer et des charges courants, moyennant onze mensualités successives d'un montant de 1.500 euros chacune et une douzième mensualité soldant la dette, étant précisé que le premier versement devra avoir lieu avant le 10 du mois suivant la signification de la présente ordonnance et que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 10 de chaque mois ;

- dit que les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le cours des délais accordés ;

- dit qu'à défaut de paiement d'un seul loyer et des charges courants ou d'une seule mensualité à échéance, la clause résolutoire reprendra ses effets, et :

' l'expulsion de la société Ava Karas pourra être poursuivie ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 2], avec l'assistance, si besoin, de la force publique et d'un serrurier,

' le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

' la société Ava Karas sera condamnée à payer, à titre provisionnel, à la société Colombus Shop une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer tel qu'il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés,

- condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Ava Karas au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 11 mars 2022 ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 3 novembre 2022, la société Ava Karas a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 mars 2023, la société Ava Karas demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 22 avril 2015 portant sur les locaux situés, [Adresse 2], avec effet à la date du 11 avril 2022 à 24h00,

' condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme provisionnelle de 32.675,48 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au mois de juillet 2022 inclus, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 26.108,60 euros à compter du 11 mars 2022, puis sur la somme de 32.675,48 euros à compter du 22 avril 2022,

' dit que les intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-1 du code civil,

' condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Ava Karas au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 11 mars 2022,

' rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,

En conséquence, et statuant à nouveau,

- déclarer nuls les commandements du fait de la rédaction de la clause résolutoire ou à titre subsidiaire, inopposables, en raison de leur délivrance de mauvaise foi ;

- juger qu'il s'agit d'une contestation sérieuse qui impose un débat au fond que la question de la TVA est à défaut de juger que la TVA n'est pas due ;

En conséquence,

- se déclarer incompétent statuer sur cette demande en raison des contestations sérieuses soulevées ;

En tout état de cause,

- confirmer la suspension des effets de la clause résolutoire ;

- octroyer un délai de vingt-quatre mois à la société Ava Karas pour apurer sa dette ;

- condamner la société Colombus Shop à payer à la société Ava Karas la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Ava Karas soutient en substance que :

- le bail régularisé entre les parties prévoit une dérogation au principe de paiement trimestriel des loyers, de sorte que le loyer est payable au mois,

- le premier commandement ne pouvait donc être établi sur une créance trimestrielle payable d'avance, de sorte que le second commandement, annulant et remplaçant le premier, a été pour sa part établi au regard de créances de loyers mensuelles,

- cependant, cette modification n'est qu'un leurre puisque le bailleur persiste à adresser à sa locataire un quittancement trimestriel,

- le bailleur est ainsi de mauvaise foi et souhaite récupérer les locaux loués, l'exigence de paiement trimestriel étant en réalité une pression financière maintenue sur la locataire,

- il ne peut pas non plus lui être réclamé le paiement de la taxe foncière, alors qu'un avenant au bail signé précise que la locataire n'en est pas redevable,

- la clause résolutoire insérée dans le bail est nulle, et le bailleur a trompé sa locataire sur les conséquences du commandement, à savoir la résiliation du bail de plein droit sans former une demande en justice, de sorte que les commandements délivrés sont nuls ou inopposables,

- la clause d'indexation ne prévoit pas d'indexation annuelle et il existe une contestation sur le montant exigible du loyer, ce qui participe aussi de la mauvaise foi du bailleur,

- à titre subsidiaire, les effets de l'acquisition de la clause résolutoire seront suspendus, compte tenu de la dégradation de sa situation économique.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 janvier 2023, la société Colombus Shop demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 4 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

' débouté la société Ava Karas de sa demande aux fins de voir dire le juge des référés incompétent au profit du juge de la mise en état de la 18ème chambre 1ère section du tribunal judiciaire de Paris,

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 22 avril 2015 portant sur les locaux situés [Adresse 2]) avec effet à la date du 11 avril 2022 à 24h00,

' dit que les intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

' condamné la société Ava Karas à payer, à titre provisionnel, à la société Colombus Shop une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges, tel qu'il serait résulté en cas de poursuite du bail, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés,

' condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Ava Karas au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 11 mars 2022,

' rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,

- infirmer l'ordonnance rendue le 4 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

' condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme provisionnelle de 32.678,48 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au mois de juillet 2022 inclus, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 26.108,60 euros à compter du 11 mars 2022, puis sur la somme de 32.678,48 euros à compter du 22 avril 2022,

' accordé à la société Ava Karas des délais de paiement,

' dit que la société Ava Karas pourra s'acquitter du paiement de la provision précitée, en sus du loyer et des charges courants, moyennant onze mensualités successives d'un montant de 1.500 euros chacune et une douzième mensualité soldant la dette,

' dit que les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le cours des délais accordés,

' dit que la société Ava Karas ne pourrait être expulsée et ne serait redevable de l'indemnité d'occupation qu'à défaut de paiement d'un seul loyer et des charges courants ou d'une seule mensualité à l'échéance,

' dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes,

Et statuant à nouveau,

- ordonner sans délai l'expulsion de la société Ava Karas et de tous occupants de son chef des locaux loués, à [Localité 5], [Adresse 2], à défaut de libération volontaire des lieux dans les 48 heures de la signification de la décision à intervenir, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est ;

- autoriser la société Colombus Shop à déplacer les meubles et objets meublants qui seraient laissés sur place en tout lieu à sa convenance, aux frais, risques et périls de la société Ava Karas ;

- condamner par provision la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges, comme si le bail s'était poursuivi, à compter du 11 avril 2022 et jusqu'à la libération complète des lieux et la restitution des clés ;

- condamné la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop une provision de 53.941,05 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 11 avril 2022, échéance d'avril 2022 incluse, et des indemnités d'occupaton arrêtées au 1er janvier 2023, échéance de janvier 2023 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2022, date du commandement de payer ;

- débouter la société Ava Karas de tous ses chefs de demandes, moyens, fins et conclusions ;

- condamner la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Ava Karas aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bernard Favier, membre de la SCP Bernard Favier avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Colombus Shop soutient en substance que :

- le dispositif des conclusions d'appel de la société Ava Karas ne comporte aucune demande d'infirmation ou de confirmation de l'ordonnance rendue quant à la compétence du juge des référés,

- à titre surabondant, le juge des référés est bien compétent pour statuer sur le litige, le juge de la mise en état ayant été désigné lors de l'audience d'orientation du 17 mai 2022, postérieurement à la saisine du juge des référés,

- le commandement du 11 mars 2022 est valable, et l'appelante n'y a pas déféré,

- de plus, le bail prévoit bien que le loyer est trimestriel et que le preneur peut s'en acquitter en une seule fois au premier jour du trimestre ou en trois fois le premier jour de chaque mois, aucune mauvaise fois ne pouvant lui être reprochée de ce chef,

- elle a sollicité par erreur le remboursement de l'impôt foncier mais celle-ci n'a pas fait l'objet du commandement délivré le 11 avril 2022,

- s'agissant de la nullité de la clause résolutoire, cette contestation est dépourvue de sérieux,

- les délais de paiement accordés et la suspension des effets de l'acquisition de la clause résolutoire feront l'objet d'une infirmation, la société Ava Karas se maintenant de manière illicite dans les lieux,

- le loyer est bien indexé annuellement conformément au bail, et la société intimée a justifié de sa créance,

- les restrictions liées à la crise sanitaire de Covid-19 n'ont pas lieu d'être prises en compte, la société Ava Karas étant un commerce alimentaire, l'arriéré locatif ayant augmenté depuis la première instance,

- le revenu tiré des locaux est affecté en ce qui concerne la société Columbus Shop au remboursement d'un prêt bancaire souscrit pour l'acquisition des locaux, raison pour laquelle elle souhaite les récupérer.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

A titre liminaire, il sera observé que la question de la compétence du juge des référés et de celle du juge de la mise en état en application des dispositions des articles 789 et 776 du code de procédure civile n'est pas reprise dans le dispositif et dans le corps des écritures de l'appelante, tandis que l'intimée en demande la confirmation, de sorte que la cour confirmera l'ordonnance sur ce point.

Sur la nullité des commandements visant la clause résolutoire

La société Ava Karas demande à ce que la nullité des commandements de payer délivrés soit prononcée, en ce qu'ils visent des créances trimestrielles de loyers alors que le bail prévoit un règlement mensuel dudit loyer.

Il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

Sur ce point, c'est à juste titre, tout d'abord, que le premier juge a considéré qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 1er février 2022, la société Columbus Shop n'entendant pas s'en prévaloir.

Ensuite, s'agissant du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 11 mars 2022, il apparaît que la dette locative visée aux termes de cet acte est décomposée dans le décompte qui accompagne ledit commandement avec, pour chaque fraction mensuelle de loyer impayé, la ventilation des sommes dues de loyers, provisions sur charges et TVA.

Le grief ainsi développé, tendant à considérer que la dette locative visée ne pouvait être appelée sur la base d'un paiement trimestriel, est inopérant s'agissant du commandement de payer délivré le 11 mars 2022.

Ce moyen sera rejeté.

Sur la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement

S'agissant de la mauvaise foi du bailleur, dans la mise en oeuvre de cette clause résolutoire, l'appelante soutient qu'elle serait caractérisée par la délivrance postérieure à ce commandement de quittancements à nouveau trimestriels, ce qui contribuerait à maintenir sur elle une pression financière.

Or, il apparaît que :

- le bail signé le 22 avril 2015 stipule que le preneur s'oblige à payer le loyer d'avance "en quatre termes égaux les 1er janvier, avril, juillet et octobre" et que le preneur est autorisé "à verser les échéances trimestrielles en trois fois le 1er jour de chaque mois",

- de la sorte, le règlement mensuel est bien une modalité à la faveur du locataire de payer mensuellement l'échéance trimestrielle du loyer et des charges.

Il en ressort que la seule délivrance de quittancements trimestriels postérieurement à celle du commandement de payer, dans ces conditions, ne peut suffire à caractériser la mauvaise foi du bailleur, alors que ce dernier s'est conformé au bail.

Ce moyen sera rejeté et l'ordonnance rendue confirmée sur ce point.

Sur la nullité de la clause résolutoire

Il n'entre pas non plus dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité de la clause résolutoire qui est incluse dans bail et qui sert de fondement à la demande de l'intimée dans le cadre de la présente instance, mais de déterminer si le moyen de nullité invoqué est susceptible de constituer un moyen de contestation sérieuse s'opposant aux pouvoirs du juge des référés.

A cet égard, la clause résolutoire insérée dans le bail prévoit que "le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice".

Toutefois, conformément à l'article L.145-15 du code de commerce, ne sont réputée non écrites que les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54 du code de commerce.

La clause insérée au contrat de bail est en tout état de cause conforme à l'article L.145-41 du code de commerce en ce qu'elle précise sans ambiguïté qu'elle ne prendra effet qu'en cas de défaut de paiement un mois après un commandement resté sans effet, que le délai d'un mois pourra être mis à profit par le locataire pour demander au juge l'octroi de délais et la suspension des effets de la clause résolutoire.

Par conséquent, dans ces conditions précises, le fait qu'il soit spécifié au bail qu'il peut être résilié de plein droit "si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice"ne contrevient à aucune disposition, étant précisé que la société Ava Karas n'invoque au surplus aucun fondement à sa demande.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l'espèce, s'agissant de l'acquisition de la clause résolutoire, il y a lieu d'indiquer qu'un commandement de payer a été délivré par acte d'huissier de justice le 11 mars 2022 visant la clause résolutoire insérée au contrat, et réclamant la somme de 26.108, 60 euros au titre de l'arriéré arrêté au 1er trimestre 2022.

Il est constant que cette somme n'a pas été réglée dans le délai d'un mois à compter de la signification, ce qui n'est pas contesté in fine par la société appelante.

Il y a donc lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit, notamment s'agissant de l'indemnité d'occupation provisionnelle au montant équivalent du dernier loyer contractuel augmenté des charges.

Sur la demande provisionnelle

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

La société Ava Karas indique que la clause d'indexation ne prévoit pas d'indexation annuelle, de sorte qu'il existe une contestation sur le montant du loyer et qu'il conviendra de retenir un montant avant augmentation, étant précisé que l'ancien bailleur n'a jamais augmenté le loyer de la TVA.

Il apparaît, en l'espèce, que :

- la clause d'indexation insérée dans le bail est rédigée comme suit : "le loyer afférent aux locaux ci-dessus désignés sera susceptible de varier proportionnellement à l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE. Le réajustement du loyer se fera automatiquement à la fin de la première année à compter de la date de départ du bail, le loyer devant varier du même pourcentage que l'indice choisi. L'indexation jouera de plein droit sans qu'il soit besoin d'une notification préalable. L'indice de base retenu comme correspondant à la fixation du loyer initial stipulée ci-dessus et de l'accord des parties celui du 4ème trimestre 2014 qui est le dernier publié et s'établit à 625. Pour la révision à intervenir au 22 avril 2016, cet indice sera comparé à celui du 4ème trimestre de l'année 2015 et ainsi de suite",

- l'article 21 du bail relatif au dépôt de garantie précise "ce montant de un (1) trimestre de loyer variera dans les mêmes conditions que le loyer principal par application de la clause d'indexation susvisée de manière à être en permanence à un (1) terme trimestriel de loyer. Le bailleur demandera tous les ans au preneur le versement de la somme complémentaire permettant de maintenir ce dépôt de garantie à un (1) terme trimestriel de loyer",

- force est de constater que la stipulation de l'article 20 du bail ("ainsi de suite") comporte une disposition contractuelle qui induit déjà une répétition annuelle mais surtout qui est susceptible d'être analysée à la lumière de l'article 21 dudit bail lequel prévoit un alignement annuel du dépôt de garantie au montant indexé du loyer,

- de la sorte, il se déduit de la lecture combinée de ces deux articles, et avec l'évidence requise en référé, que le bail régularisé entre les parties comporte bien une clause d'indexation annuelle du loyer, de sorte que la demande de provision issue de l'indexation du loyer ne se heurte à aucune contestation sérieuse, l'ordonnance rendue étant infirmée sur ce point,

- s'agissant de l'assujettissement à la TVA, la contestation élevée par la société Ava Karas n'est pas plus sérieuse, le simple fait que le précédent bailleur n'ait jamais appliqué la TVA étant inopérant, alors que le bail prévoit en son article 19, une faculté pour le bailleur d'assujettir le loyer à la TVA, de sorte que le premier juge a à juste titre écarté cette contestation comme n'étant pas sérieuse,

- le décompte produit par le bailleur établit que la société Ava Karas est débitrice de la somme de 53.941, 05 euros TTC euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, arrêtés au 1er janvier 2023, compte étant tenu de règlements, entre le 10 janvier et le 1er janvier 2023.

Dans ces conditions, l'appelante sera condamnée à titre provisionnel à verser la somme de 53.941, 05 euros TTC à l'intimée, l'ordonnance rendue étant infirmée sur le quantum de cette provision.

Sur les délais de grâce

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Or, il convient de relever que :

- au soutien de sa demande, la société Ava Karas indique que ses difficultés de trésorerie sont issues de la crise sanitaire et qu'elle a fait des efforts de règlement,

- elle a certes effectué des règlements réguliers entre le 10 janvier et janvier 2023, respectant à cet égard l'échéancier accordé par le premier juge, et allant au-delà par des versements de 5.000 euros, 7.000 euros ou 4.000 euros,

- mais toutefois, outre qu'elle ne produit aucun bilan pour les exercices 2021 et 2022, de sorte que ses capacités de remboursement ne sont pas établies, la dette locative a augmenté depuis la première instance, passant de 36.675, 48 euros au jour de l'ordonnance querellée à 53.941, 05 euros TTC au jour du présent arrêt, aucun lien sur cette période ne pouvant être fait avec les difficultés issues de la crise sanitaire.

Dans ces circonstances, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé des délais de paiement, ce, avec toutes conséquences de droit.

Sur les autres demandes

Le sort des dépens et des frais irrépétibles en première instance a été exactement tranché par le premier juge.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de condamner l'appelante à indemniser la société Colombus Shop de ses frais non répétibles à hauteur d'appel, la société Prodecco étant également condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé des délais de paiement, et en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur l'application de la clause d'indexation insérée dans le bail, sauf à actualiser le montant de la dette locative de la société Prodecco,

Confirme cette ordonnance pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne l'expulsion de la société Ava Karas et de tous occupants de son chef des locaux loués, à [Localité 5], [Adresse 2], à défaut de libération volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est,

Dit qu'en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoit le code des procédures civiles d'exécution,

Condamne par provision la société Ava Karas à payer à la société Colombus Shop une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges, comme si le bail s'était poursuivi, à compter du 11 avril 2022 et jusqu'à la libération complète des lieux et la restitution des clés,

Condamne par provision la société Ava Karas à payer à la société Columbus Shop la somme de 53.941, 05 euros TTC au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation au 1er janvier 2023,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la société Ava Karas à payer à la société Columbus Shop la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Condamne la société Ava Karas aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18743
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.18743 ?
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