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01/06/2023 | FRANCE | N°22/18613

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 juin 2023, 22/18613


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 01 JUIN 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18613 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUPV



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022038508





APPELANTE



S.A.S. ESPRIT DE FRANCE, RCS de Paris sous le n°306 562 5

88, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18613 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUPV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022038508

APPELANTE

S.A.S. ESPRIT DE FRANCE, RCS de Paris sous le n°306 562 588, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée à l'audience par Maîtres Guillaume BUGE et Lucile PIERMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : L201

INTIMES

M. [X] [I]

[Adresse 4]

[Localité 2] (SUISSE)

S.A.S. MADELEINE PREMIER, RCS de Paris sous le n°814 338 984, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentés par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistés à l'audience par Me Mathieu DELLA VITTORIA, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

S.A. EUCELIA INVESTMENTS société de droit luxembourgeois, RCS de Luxembourg sous le n° B42575, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience par Me Clément PHALIPPOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0436

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Esprit de France et Eucelia Investments détiennent respectivement 49 % et 51 % du capital de la société Madeleine Premier. La société Madeleine Premier, présidée par M. [X] [I], exploite l'hôtel Fauchon, situé [Adresse 1] à [Localité 8].

La société Esprit de France prétend que la société Madeleine Premier demeure structurellement déficitaire en raison du loyer important et des amortissements des travaux réalisés et qu'en réalité elle ne survit qu'à raison des apports de ses associés.

La société Esprit de France expose ainsi que les désaccords persistants entre les associés bloquent certaines décisions qui doivent être prises à l'unanimité, et mènent in fine à des violations du pacte d'associés conclus entre les parties par la société Eucelia Investments et M. [I]. Elle soutient qu'en raison de sa situation financière fragile, il existe un péril imminent menaçant la société Madeleine Premier.

Par acte du 10 août 2022, la société Esprit de France a assigné la société Eucelia Investments, M. [I] et la société Madeleine Premier devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, aux fins de voir :

- désigner tel administrateur provisoire de Madeleine Premier pour une durée d'une année, avec pour mission de :

gérer et administrer Madeleine Premier, conformément à la loi et à ses statuts,

prendre les décisions qui s'imposent dans l'intérêt de Madeleine Premier et dans le respect des pouvoirs dévolus au conseil d'administration,

négocier et conclure tous contrats pour le compte de Madeleine Premier,

entreprendre toutes démarches en vue de la restructuration de Madeleine Premier,

plus généralement, engager toutes démarches et initier toutes actions,

établir un plan de trésorerie à soumettre au conseil d'administration,

analyser la situation de Madeleine Premier et formuler toutes propositions au conseil d'administration en vue d'une restructuration de l'activité,

donner son avis sur la pérennité de la société ;

- juger que l'administrateur provisoire rendra compte de sa mission à Mme ou M. le président du tribunal de commerce de Paris, lui référera de toute difficulté dans l'exercice de la mission et établira un rapport en fin de mission ;

- juger que l'administrateur provisoire pourra se faire assister, si nécessaire, de toute personne de son choix ;

- juger que les frais inhérents à la mission de l'administrateur provisoire seront supportés par la société Eucelia Investments et Esprit de France, au prorata de leurs participations respectives dans Madeleine Premier ;

- fixer la provision à verser à l'administrateur provisoire et autoriser Esprit de France à faire l'avance de la quote-part revenant à la société Eucelia Investments, afin d'éviter tout blocage ;

- condamner in solidum la société Eucelia Investments et M. [I] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En réplique, les défendeurs se sont opposés aux demandes et ont sollicité la condamnation de la demanderesse à les indemniser de leurs frais non répétibles et à supporter les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 6 octobre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Esprit de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Esprit de France à payer à la société Eucelia Investments la somme de 10.000 euros et à M. [I] la somme de 10.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

- condamné la société Esprit de France aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 75,91 euros TTC dont 12,44 euros de TVA ;

- dit que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 2 novembre 2022, la société Esprit de France a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 28 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Esprit de France demande à la cour, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de :

- déclarer bien fondé son appel et y faisant droit ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 6 octobre 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

en conséquence et statuant à nouveau,

- désigner tel administrateur provisoire de Madeleine Premier pour une durée d'une année, avec pour mission de :

gérer et administrer Madeleine Premier, conformément à la loi et à ses statuts,

prendre les décisions qui s'imposent dans l'intérêt de Madeleine Premier et dans le respect des pouvoirs dévolus au conseil d'administration,

négocier et conclure tous contrats pour le compte de Madeleine Premier,

entreprendre toutes démarches en vue de la restructuration de Madeleine Premier,

plus généralement, engager toutes démarches et initier toutes actions,

établir un plan de trésorerie à soumettre au conseil d'administration,

analyser la situation de Madeleine Premier et formuler toutes propositions au conseil d'administration en vue d'une restructuration de l'activité,

donner son avis sur la pérennité de la société ;

- juger que l'administrateur provisoire rendra compte de sa mission à Mme ou M. le président du tribunal de commerce de Paris, lui référera de toute difficulté dans l'exercice de la mission et établira un rapport en fin de mission ;

- juger que l'administrateur provisoire pourra se faire assister, si nécessaire, de toute personne de son choix ;

- juger que les frais inhérents à la mission de l'administrateur provisoire seront supportés par la société Eucelia Investments et par elle, au prorata de leurs participations respectives dans Madeleine Premier ;

- fixer la provision à verser à l'administrateur provisoire et autoriser celle-ci à faire l'avance de la quote-part revenant à la société Eucelia Investments, afin d'éviter tout blocage ;

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- exonérer celle-ci de toute condamnation ;

- condamner in solidum la société Eucelia Investments et M. [I] au paiement de la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Esprit de France soutient en substance :

- que la jurisprudence reconnaît au juge des référés la possibilité de désigner un administrateur provisoire lorsque le fonctionnement normal de la société n'est plus assuré, qu'elle est menacée de ruine ou que sa gestion est manifestement empêchée ;

- que les associés de Madeleine Premier sont en mésentente absolue sur la gestion de la société, étant relevé que faute de restructuration profonde, la position des autres parties ne permet pas d'envisager la réalisation de bénéfices ; qu'Eucelia viole le pacte d'associés ; que M. [I] ne peut être maintenu, étant à la fois sujet à un grave conflit d'intérêts et incompétent ;

- qu'une société commerciale, dont l'objectif est de générer des bénéfices, est dans une situation de péril imminent lorsqu'elle ne peut pas survivre sans des apports très importants et réguliers de la part de ses associés, ce d'autant lorsqu'elle est structurellement déficitaire.

Dans leurs conclusions remises le 3 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Madeleine Premier et M. [I] demandent à la cour, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 6 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Esprit de France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Esprit de France à leur payer la somme de 40.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Madeleine Premier et M. [I] soutiennent en substance :

- que les organes sociaux de Madeleine Premier fonctionnent normalement et qu'il n'existe aucune situation de blocage, les organes se réunissant dans le respect de la loi, sans blocage établi ; qu'un administrateur provisoire ne saurait être désigné en se fondant sur la critique de la politique menée par la société et son dirigeant ;

- que les griefs envers M. [I] sont infondés, ne justifiant pas la désignation d'un administrateur provisoire, étant relevé que celui-ci sert bien les intérêts de la société Madeleine Premier et que le plan de trésorerie présenté est conforme à la pratique de la société depuis sa création ;

- qu'aucun péril imminent n'est établi ; qu'en particulier, les éventuelles difficultés financières ne suffisent pas à l'établir, le caractère structurellement déficitaire n'étant pas caractérisé.

Dans ses conclusions remises le 4 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Eucelia Investments demande à la cour, au visa de l'article 872 et 873 du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 6 octobre 2022 ;

- débouter la société Esprit de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Esprit de France à lui verser la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Eucelia Investments soutient en substance :

- que la nomination d'un administrateur provisoire suppose, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, que soient réunies deux conditions cumulatives : l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menace d'un péril imminent ;

- que les organes sociaux de Madeleine Premier sont pourvus et exercent leurs fonctions conformément aux statuts et à l'objet social, nonobstant les divergences entre associés ; qu'aucun blocage n'est caractérisé et qu'aucune décision n'a été prise en violation des statuts et du pacte d'associés du 29 janvier 2016 ;

- que le management de Madeleine Premier a su démontrer sa capacité à surmonter les

difficultés conjoncturelles, nonobstant le contexte et la volonté farouche d'Esprit de France de sortir du partenariat mis en place en 2016.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La désignation judiciaire d'un administrateur provisoire, dès lors qu'elle porte atteinte aux droits fondamentaux des sociétés, est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

En l'espèce, il sera relevé :

- que, s'agissant du fonctionnement de la société, comme l'a à juste titre relevé le premier juge, le conseil d'administration de la société Madeleine Premier se réunit régulièrement (pièce 58 Madeleine Premier), en présence d'Esprit de France mise en mesure de faire valoir son point de vue, les décisions étant prises conformément aux statuts de la société et au pacte d'associés du 29 janvier 2016, la circonstance que l'actionnaire majoritaire puisse in fine imposer ses vues ne caractérisant pas un fonctionnement anormal, pas plus que ne peut être retenu le caractère formel de ces réunions sur ce seul fondement ;

- que, de même, n'est pas contesté qu'ont été réunis conformément aux statuts et au pacte d'associés le comité consultatif et l'assemblée générale des associés ;

- qu'ont pu être ainsi régulièrement adoptés le budget de Madeleine Premier ou encore la nomination d'un nouveau directeur général pour l'hôtel au mois de décembre 2022 ;

- que, s'il est aussi établi que M. [I], comme l'a soulevé Esprit de France, a accepté une avance en compte courant d'Eucelia Investments en mars 2022, sans approbation de l'actionnaire minoritaire, il n'en résulte pas pour autant une illicéité ;

- qu'en effet, le budget 2022 présenté lors de la réunion du conseil d'administration du 31 janvier 2022 faisait bien apparaître le besoin de trésorerie et un premier appel de fonds pour mars 2022, budget approuvé par les membres du conseil d'administration ;

- que le pacte d'associés prévoit bien en outre un engagement de financement par les associés pouvant être mis en oeuvre par voie d'avances en compte courant (article 9.2 (d) 'Les associés consentiront des prêts d'associés à la société. Les prêts seront accordés sous forme de comptes courants d'associés'), l'autorisation du conseil d'administration étant prévue pour d'autres opérations décrites à l'article 13.3 des statuts et 2.5 du pacte, en toute hypothèse pour 'tout mode de financement non prévu au budget' (le soulignement est rajouté par la cour) ;

- qu'en toute hypothèse, à supposer que les statuts et le pacte d'associés n'auraient pas été respectés pour une opération, une telle circonstance ne saurait justifier la désignation d'un administration provisoire dans la mesure elle ne peut être considérée comme établissant une impossibilité de fonctionnement de la société ;

- que, de plus, les seuls désaccords entre associés, notamment sur la stratégie à adopter par rapport à la marque Fauchon ou sur certaines décisions de gestion, ne suffisent pas à établir la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société, étant inopérant le fait qu'Esprit de France qualifie ces désaccords d'absolus ;

- que la circonstance que M. [I], qualifié d'incompétent par l'appelante, ne servirait que les intérêts de Fauchon et non ceux de Madeleine Premier, à supposer qu'elle puisse d'une quelconque manière établir un péril imminent, n'est pas établie ;

- qu'en effet, la société Esprit de France se limite en réalité à critiquer certaines décisions de gestion prises (sous-traitance ou non du restaurant, travaux d'amélioration du restaurant, valeur des cadeaux Fauchon donnés aux clients) ou fait valoir un désaccord sur la valeur locative de l'espace commercial de la boutique de l'hôtel loué par Fauchon, les contestations élevées par Esprit de France par la production de plusieurs rapports ayant d'ailleurs conduit M. [I], lors du conseil d'administration du 21 décembre 2022, à solliciter un cabinet pour une étude actualisée de la valeur locative, pièce 57 des intimés ; que M. [I] a pu aussi présenter différents plans de trésorerie, ce seul élément ne traduisant pas que l'avenir de la société soit compromis ou une incompétence telle qu'elle pourrait être de nature à bloquer le fonctionnement de Madeleine Premier ;

- que le critère du péril imminent n'est pas plus caractérisé ;

- qu'à cet égard, les développements relatifs à la supposée fragilité financière de la société Madeleine Premier ne démontrent pas que la société soit dans un état de péril imminent, la survie de la société n'apparaissant en rien menacé, ni le maintien de son activité ;

- que même le fait, contesté en défense, que la société Madeleine Premier serait 'structurellement déficitaire' ne saurait établir un péril imminent, une telle affirmation étant également relative à des difficultés financières et non à un danger pour la survie de la société, ce d'autant que le secteur de l'hôtellerie a été à l'évidence touché par les conséquences de la crise sanitaire du covid-19 et que le rapport produit par Esprit de France sur les conditions financières du bail (pièce 66) est critiqué par Madeleine Premier et M. [I], qui font état des bénéfices 2022 ayant permis d'absorber l'intégralité de son loyer commercial (pièce 56), de sorte que, là encore, sont établis des désaccords sur la gestion voire des difficultés financières mais non un péril immiment ;

- qu'Esprit de France indique encore que le soutien de l'actionnaire majoritaire ne peut pallier une situation structurellement déficitaire ;

- que cependant, c'est à tort que l'appelante fait état sur ce point d'une analyse simpliste, alors que, justement, la circonstance que la société Madeleine Premier puisse continuer à avoir une activité et ne soit pas exposée à un risque de disparition à raison des choix d'Eucelia Investments traduit bien l'absence de péril imminent, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire envisagée en juillet 2021 (pièce 46, courriel du conciliateur) n'étant plus d'actualité, ce qui n'apparaît pas non plus contesté.

Dans ces conditions, l'appelante, sur laquelle repose la charge de la preuve, n'établit ni que le fonctionnement normal de Madeleine Premier soit devenu impossible, ni que cette société soit menacée d'un péril imminent, nonobstant ses développements sur les divergences entre associés ou sur la situation financière de l'entreprise.

Il n'existe donc aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent justifiant la mesure de désignation d'un administrateur provisoire, une telle désignation se heurtant, au demeurant, à des contestations sérieuses.

Aussi, la décision entreprise sera confirmée en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d'appel, la société appelante devra indemniser les intimés pour leurs frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la société Esprit de France à verser à la société Madeleine Premier et à M. [X] [I] la somme de 3.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Esprit de France à verser à la société Eucelia Investments la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Esprit de France aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18613
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.18613 ?
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