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01/06/2023 | FRANCE | N°22/13915

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 01 juin 2023, 22/13915


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 1er JUIN 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13915 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHGI



Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 25 octobre 2016 - Tribunal de grande instance de Paris - RG 14/14158

Arrêt du 28 janvier 2019 - Cour d'appel de Paris - RG 17/06332

Arrêt du 10 février 2

022 - Cour de Cassation - Arrêt n° 185 F-D



SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION



DEMANDEUR A LA SAISINE



Monsieur [D] [X]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Né le [D...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 1er JUIN 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13915 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHGI

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 25 octobre 2016 - Tribunal de grande instance de Paris - RG 14/14158

Arrêt du 28 janvier 2019 - Cour d'appel de Paris - RG 17/06332

Arrêt du 10 février 2022 - Cour de Cassation - Arrêt n° 185 F-D

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

DEMANDEUR A LA SAISINE

Monsieur [D] [X]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 10]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier MERLIN, avocat au barreau d'EPINAL

DEFENDEURS A LA SAISINE

S.A. GAN ASSURANCES

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU PUY DE DOME

[Adresse 4]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

S.A. PRO BTP

Direction régionale GRAND EST

[Adresse 2]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 juillet 2009, M. [D] [X], né le [Date naissance 3] 1949 et alors âgé de 60 ans, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Gan assurances (la société Gan).

M. [X] a fait l'objet d'une expertise amiable contradictoire réalisée par le Docteur [W], désigné par la société Gan, et par le Docteur [V], médecin conseil de la victime, qui ont clos leur rapport le 25 janvier 2013.

Par actes d'huissier de justice en date du 10 septembre 2014, M. [X] a fait assigner la société Gan en indemnisation de ses préjudices en présence de la caisse du régime social des indépendants de Lorraine (le RSI) et de l'association PRO BTP (PRO BTP).

Par jugement du 25 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [X] est entier,

- condamné la société Gan à payer à M. [X] la somme de 159 936,51 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

Par déclaration du 23 mars 2017, M. [X] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 28 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 octobre 2016 en ce qu'il a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [X] est entier,

- déclaré le jugement commun au RSI,

- condamné la société Gan aux dépens et à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- condamné la société Gan à payer à M. [X] les sommes suivantes à titre de réparation du préjudice corporel causé par l'accident du 2 juillet 2009, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :

- assistance par tierce personne 4 644,64 euros

- frais de véhicule adapté 4 000,00 euros

- incidence professionnelle 181 583,48 euros

- déficit fonctionnel temporaire 5 450 euros

- souffrances endurées 17 000 euros

- préjudice esthétique temporaire 2 000 euros

- déficit fonctionnel permanent 28 000 euros

- préjudice esthétique permanent 4 000 euros

- dit qu'en outre, M. [X] a droit à l'indemnisation du surcoût d'équipement d'une boîte de vitesses automatique pour ses véhicules à compter du 1er février 2025, et ce sur justificatif, au fur et à mesure de leur renouvellement au moins tous les 7 ans, dans la limite d'un montant total de 3 063,71 euros,

- constaté que la société Gan offre les sommes suivantes en indemnisation des postes de préjudice ci-après :

- 134 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 3 131,85 euros au titre des frais de vêtements détériorés, photocopie, télévision, repas et frais d'ergothérapeute,

- 801,66 euros au titre des frais de logement adapté,

- condamné la société Gan à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société Gan aux entiers dépens d'appel,

- dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat de M. [X],

- déclaré ledit arrêt commun au RSI et à PRO BTP.

M. [X] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 10 février 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement qui avait apprécié la perte de gains de M. [X] au titre des postes des pertes de gains professionnels avant et après consolidation, et statuant à nouveau, a condamné la société Gan à payer à M. [X] la somme de 181 583,48 euros au titre de l'incidence professionnelle, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, et en ce qu'il a rejeté la demande de doublement des intérêts, l'arrêt rendu le 28 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par acte du 19 juillet 2022, M. [X] a saisi la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Gan, notifiées le 9 janvier 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2022,

- juger M. [X] mal fondé en son appel,

- juger la société Gan recevable et bien-fondée en son appel,

- réformer le jugement du 25 octobre 2016 en ce qu'il a:

- condamné la société Gan à payer à M. [X] la somme de 159 936,51 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Gan aux dépens et à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Et statuant à nouveau,

- allouer à M. [X] la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- débouter M. [X] de toutes autres demandes à l'encontre de la société Gan,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes d'application des dispositions de l'article L.211-13 du code des assurances au profit de M. [X]:

- juger que la pénalité aura pour assiette le montant de l'indemnité offerte par voie de conclusions signifiées par la société Gan, dans le cadre de la procédure de première instance, par RPVA le 24 mars 2015 et ne saurait porter intérêts au double du taux légal après la date de signification par RPVA,

A titre plus subsidiaire, juger que la pénalité aura pour assiette le montant de l'indemnité offerte par voie de conclusions signifiées dans le cadre de la procédure d'appel par le RPVA le 11 juillet 2017, et plus subsidiairement encore, dans les conclusions signifiées par le RPVA le 22 août 2018,

En tout état de cause,

- débouter M. [X] de toutes autres demandes, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun au RSI et à PRO BTP,

- juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, lesquels seront recouvrés pour ce qui concerne la société Gan par Maître Patrice Gaud, associé de AGMC Avocats, avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de M. [X], notifiées le 16 décembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de:

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2022,

- condamner la société Gan à verser à M. [X] les sommes qui suivent :

- perte de gains professionnels actuels 45 084 euros

- perte de gains professionnels futurs 575 774 euros

- incidence profesionnelle 42 740,22 euros

Avec intérêts et intérêts capitalisés,

- juger que l'offre définitive de la société Gan du 25 juin 2013 est incomplète tout comme ses offres subséquentes des 24 mars 2015, 11 juillet 2017 et 22 août 2018 en ce qu'aucune ne mentionne le poste de préjudice esthétique temporaire,

- juger que si l'offre de la société Gan est inférieure d'au moins 250 % par rapport au montant de la réparation des préjudices de M. [X], ladite offre sera jugée manifestement insuffisante,

- condamner en tout état de cause la société Gan sur le fondement de l'article L 211-13 du code des assurances, la sanction devant démarrer au 2 mars 2010 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir et portera sur la totalité des préjudices de M. [X] comprenant notamment les débours reçus pas les tiers payeurs,

- condamner la société Gan à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Gan aux entiers dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits du RSI, à laquelle la déclaration de saisine a été signifiée le 12 septembre 2022, par acte d'huissier, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

PRO BTP, auquel la déclaration de saisine a été signifiée par acte du 12 septembre 2022 déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par l'effet de la cassation partielle prononcée par l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 février 2022, la juridiction de renvoi n'est saisie que de l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [X] liés à la perte de gains professionnels actuels et futurs et à l'incidence professionnelle, ainsi que de l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances.

Il convient de relever, en outre, que le jugement déféré qui a, dans son dispositif, prononcé une condamnation à une somme globale, sans ventilation des différents postes de préjudice, a d'ores et déjà été infirmé de ce chef par une disposition non censurée de l'arrêt du 28 janvier 2019.

Par ailleurs, le tribunal qui a, dans ses motifs, rejeté la demande de doublement des intérêts au taux légal a omis de statuer sur ce point dans le dispositif de la décision.

Sur les postes de préjudice en litige devant la juridiction de renvoi

Les experts amiables indiquent dans leur rapport en date du 25 janvier 2013 que M. [X] a présenté à la suite de l'accident du 2 juillet 2009, une fracture sternale avec enfoncement xyphoïdien, un traumatisme lombaires avec fractures des apophyses transverses L2, L3, L4, L5 et fracture cunéiforme de L5, un traumatisme de la jambe droite comportant une plaie avec perte de substance cutanée au tiers moyen ainsi qu'une effraction de la crête tibiale, une fracture-luxation tibio-tarsienne gauche avec fracture communitive de la malléole interne et avulsion chondrale complète du dôme astragalien, ainsi qu'une fracture-éclatement du calcanéum gauche.

Les co- experts ont retenu qu'il conservait comme séquelles de l'accident des douleurs sternales et lombaires intermittentes, une arthropathie au niveau de la cheville gauche avec une déformation en varus, un enraidissement important dans la tibio-tarsienne, une quasi-ankylose dans la sous-astragalienne et la médio-tarsienne, un enraidissement dans l'articulation de Lisfranc, une limitation de la mobilité des orteils ainsi qu'une boiterie sans déroulement du pas avec un léger appui sur le bord externe du pied, nécessitant le port d'une orthèse.

Ils ont conclu leur rapport ainsi qu'il suit :

- hospitalisations du 2 juillet 2009 au 24 août 2009

- gêne temporaire totale du 2 juillet 2009 au 24 août 2009

- gêne temporaire partielle de classe III du 25 août 2009 au 1er juillet 2010, précisant dans le corps du rapport que cette période correspondait à celle pendant laquelle M. [X] avait dû utiliser des cannes anglaises,

- gêne temporaire partielle de classe II du 2 janvier 2010 au 1er février 2011,

- une consolidation au 1er février 2011

- souffrances endurées de 4/7

- préjudice esthétique de 2,5/7

- pas de préjudice d'agrément

- retentissement professionnel décrit dans le corps de leur rapport.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à indemniser la perte ou la diminution de revenus causée par l'accident pendant la période antérieure à la consolidation.

M. [X] expose qu'avant l'accident et depuis de très nombreuses années, il exerçait à titre individuel une activité artisanale d'entretien de voiries et de terrassement, que s'agissant d'une très petite entité économique, il réalisait lui-même, en sus de la gestion et de la direction de l'entreprise, des travaux de terrassement et de voirie.

Il explique que s'il percevait depuis le 1er juillet 2009 une pension de retraite à taux plein servie par le RSI, il avait décidé de poursuivre son activité artisanale dans le cadre d'un cumul emploi-retraite pendant dix ans, jusqu'en juillet 2019, qu'il remplissait les conditions d'un tel cumul et a effectivement poursuivi son activité artisanale jusqu'en 2015.

Il précise que n'étant plus en mesure de réaliser lui-même les travaux de terrassement en raison de la nature et du siège de ses lésions et séquelles, sa capacité de gains a diminué, ce qui explique que ses revenus industriels et commerciaux aient été moindres qu'avant la date de l'accident, ainsi qu'il résulte de ses avis d'imposition.

Il ajoute qu'il a subi entre la date de l'accident et celle de la consolidation une perte de gains professionnels entièrement consommée et non une simple perte de chance comme l'ont retenu à tort les premiers juges dans le jugement du 25 octobre 2016.

M. [X] évalue cette perte à la somme de 45 084 euros, calculée sur la base d'un revenu de référence de 64 816 euros en 2009, actualisé à 66 112 euros en 2010 et à 67 434 euros en 2011, dont il déduit les bénéfices industriels et commerciaux effectivement perçus et les indemnités journalières servies par le RSI.

La société Gan fait valoir qu'à la date de l'accident le placement en retraite de M. [X] était effectif depuis le 27 juin 2009 et qu'il percevait depuis le 1er juillet 2009 une pension de retraite à taux plein, qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'à la date de l'accident il continuait même partiellement à travailler, que selon ses propres déclarations lors des opérations d'expertises, il n'a repris une activité rémunérée en sus de sa retraite qu'en mars-avril 2010, que cette reprise d'activité partielle, intervenue plus d'un an après l'accident, procède uniquement de la décision de M. [X] de profiter du cumul emploi-retraite introduit dans le régime des retraites à cette époque.

Elle en déduit que la demande d'indemnisation par M. [X] d'une perte de gains professionnels actuels est injustifiée puisque l'accident n'a pas entraîné la cessation de son activité professionnelle, laquelle prééxistait.

Elle fait valoir, par ailleurs, que M. [X] ne justifie pas remplir les conditions d'un cumul intégral entre sa pension de retraite et les revenus générés par son activité artisanale, telles qu'elles résultent du document d'information versé aux débats, et soutient qu'il a normalement pris sa retraite à l'âge de 60 ans et maintenu une activité professionnelle partielle pendant six ans afin de permettre la reprise de l'entreprise artisanale par son fils, de sorte que l'accident n'a entraîné aucune conséquence préjudiciable sur le plan de ses revenus.

Sur ce, M. [X], qui a atteint le 27 juin 2009 l'âge de 60 ans, correspondant compte tenu de son année de naissance à l'âge légal de départ à la retraite, a sollicité la liquidation de ses droits à la retraite et, selon l'attestation établie le 26 février 2016 par le directeur de la caisse RSI de Lorraine, perçu à compter du 1er juillet 2009, soit la veille de l'accident, une retraite personnelle à taux plein.

Il ressort des pièces versées aux débats (pièce n° 1-10 et 1-11) que M. [X] qui exerçait une activité artisanale de terrassement et travaux publics a été immatriculé au répertoire des métiers de manière continue et sans interruption entre le 4 mai 1977 et le 12 mai 2015, qu'il a sollicité sa radiation par déclaration du 22 avril 2015 avec une cessation d'activité au 31 mai 2015 et qu'un certificat de radiation du répertoire des métiers a été établi le 12 mai 2015 par le président de la chambre des métiers et de l'artisanat mentionnant une radiation prononcée à compter du 12 mai 2015 et une date de fin d'activité au 31 mai 2015.

Il en résulte que le 2 juillet 2009, date de l'accident, M. [X] n'avait pas cessé son activité artisanale qu'il avait décidé de poursuivre dans le cadre d'un cumul emploi-retraite ce qu'il a effectivement fait dès que son état de santé le lui a permis, comme en attestent les avis d'imposition au titre des années 2010 et 2011 versés aux débats.

Au vu du document d'information produit par la société Gan concernant les conditions de cumul intégral par un artisan de sa pension de retraite et des revenus générés par la poursuite de son activité artisanale, M. [X] remplissait les conditions pour bénéficier d'un tel cumul dès lors qu'il avait atteint l'âge légal de la retraite le 26 juin 2009, avait validé le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et avait liquidé ses droits à la retraite.

Il convient d'observer que l'entreprise artisanale de terrassement et travaux publics exploitée par M. [X] en son nom personnel employait deux conducteurs d'engin, dont le fils de M. [X], ainsi qu'une comptable et une secrétaire travaillant à temps partiel ( Cf déclaration annuelle des données sociales 2010), de sorte qu'il est suffisamment établi, au regard de la taille réduite de cette entreprise artisanale, que M. [X] devait exercer avant l'accident, en sus des tâches de gestion et de direction, des travaux de terrassement et d'entretien de la voirie , ce que confirme l'attestation établie le 20 mai 2015 par M. [O] qui indique que M. [X] accomplissait toujours les travaux les plus durs ou risqués.

Il ressort du rapport d'expertise amiable, que M. [X], à la suite de l'accident dont il a été victime, a été hospitalisé entre le 2 juillet 2009 et le 24 août 2009, qu'il a présenté une gêne temporaire partielle de classe III, soit 50 %, entre le 25 août 2009 et le 1er janvier 2010, période pendant laquelle il se déplaçait avec des béquilles, puis une gêne temporaire partielle de classe II, soit 25%, entre le 2 janvier 2010 et le 1er février 2011, date de la consolidation, ce dont il résulte qu'il a été contraint de cesser totalement l'activité qu'il déployait au sein de son entreprise pendant la durée de son hospitalisation et n'a pu ensuite la reprendre que partiellement, les co-experts ayant retenu qu'en raison de ses lésions au niveau de la cheville et du pied gauche, M. [X] ne pouvait plus conduire d'engins de chantier de type tractopelles ou bulldozers.

L'examen des avis d'imposition de M. [X] au titre des revenus des années 2007 et 2008 permet d'établir que ce dernier a déclaré des bénéfices industriels et commerciaux (BNC) d'un montant de 63 822 euros en 2007 et de 63 268 euros en 2008, soit une moyenne de 63 545 euros.

L'examen comparatif de ces deux avis d'imposition avec ceux des années 2009, 2010 et 2011 permet de constater l'existence d'une diminution des bénéfices industriels et commerciaux de M. [X] qui se sont élevés à 52 095 euros en 2009, à 21 337 euros en 2010 et à 33 473 euros en 2011.

Cette baisse de revenus est imputable à l'accident qui a empêché M. [X] de travailler pendant sa période d'hospitalisation puis a limité son activité à des tâches administratives et à certaines visites de chantier, son état de santé ne lui permettant plus d'effectuer les travaux de terrassement et de voirie qu'il réalisait lui-même avant l'accident.

M. [X] justifie ainsi, pour la période du 2 janvier 2009 au 11 février 2011, date de la consolidation, d'une perte de gains professionnels entièrement consommée et non d'une simple perte de chance de gains.

Il convient de rappeler que si la perte éprouvée ne peut être fixée qu'en fonction des pertes de gains professionnels perçus à l'époque de l'incapacité totale temporaire ou partielle de travail, les juges du fond doivent procéder si elle est demandée, ce qui est le cas en l'espèce, à l'actualisation au jour de leur décision de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire.

En l'absence de précision par M. [X] concernant l'indice qu'il a utilisé pour actualiser le revenu de référence, il sera fait application du convertisseur INSEE qui permet de mesurer les effets de l'érosion monétaire.

La perte de gains professionnels subie par M. [X] pendant la période antérieure à la consolidation sera fixée en fonction de ses bénéfices industriels et commerciaux antérieurs à l'accident, soit un revenu moyen de 63 545 euros, actualisé à ce jour à la somme de 76 296,23 euros.

La perte de gains professionnels actuels de M. [X] s'établit ainsi de la manière suivante :

- pour la période du 2 juillet 2009 au 31 décembre 2009 (183 jours)

* (76 296,23 / 365 jours x 183 jours) - ( 52 095 euros / 365 jours x 183 jours) = 26 118,86 euros) = 12 133,77 euros

- pour l'année 2010

* (76 296,23 euros - 21 337 euros ) = 54 959,23 euros

- pour la période du 1er janvier 2011 au 1er février 2011(32 jours)

* (76 296,23 / 365 jours x 32 jours) - (33 473 euros / 365 jours x 32) = 3 754,37 euros

Soit une somme totale de 70 847,37 euros (12 133,77 euros +54 959,23 euros + 3 754,37 euros)

Il ressort du décompte de créance définitif du RSI (pièce n° 5), que cet organisme a servi à M. [X] consécutivement à l'accident, entre le 2 juillet 2009 et le 1er février 2011, des indemnités journalières d'un montant de 13 612,45 euros qu'il convient d'imputer en application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 sur le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels que ces prestations ont vocation à indemniser.

Après imputation à due concurrence de ces indemnités journalières, il revient à M. [X] la somme de 57 234, 92 euros (70 847,37 euros - 13 612,45 euros), ramenée à celle de 45 084 euros pour rester dans les limites de la demande.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [X] fait valoir qu'il a subi, consécutivement à l'accident, entre le 1er février 2011, date de la consolidation, et le 22 avril 2015, date à laquelle il a sollicité sa radiation du répertoire des métiers, une perte de gains professionnels entièrement consommée dont il évalue le montant à la somme de 199 495 euros, correspondant à la différence entre le revenu qu'il percevait avant l'accident, actualisé année par année, et le montant des bénéfices industriels et commerciaux effectivement perçus pendant la période considérée.

Il précise que pendant cette période il a effectivement travaillé mais perçu des revenus inférieurs à ceux dont il aurait bénéficié sans la survenance de l'accident.

Exposant qu'il avait l'intention, ainsi qu'il résulte des attestations produites, de continuer de travailler au moins dix ans après son départ en retraite, il se prévaut pour la période du 22 avril 2015 au 31 décembre 2019, d'une perte de chance, évaluée à 90 %; de poursuivre son activité artisanale et ainsi de cumuler jusqu'à cette date sa pension de retraite et les revenus générés par cette activité ; il réclame en réparation de cette perte de chance une indemnité d'un montant de 331 395 euros.

La société Gan, pour s'opposer à la demande, reprend les mêmes arguments que ceux invoqués, s'agissant de la perte de gains professionnels actuels.

Elle ajoute que M. [X] ne saurait sérieusement soutenir qu'il aurait, sans l'accident, travaillé au même rythme et à la même fréquence pendant dix ans, jusqu'à l'âge de 70 ans, alors que son domaine d'activité nécessitait des aptitudes physiques s'amenuisant au fil des années et que son activité se serait nécessairement recentrée sur des fonctions administratives et de supervision, indépendamment des conséquences dommageables de l'accident.

Elle relève, en outre, que M. [X] a cessé toute activité à compter de son 65ème anniversaire et sollicité sa radiation du registre de la chambre des métiers, que cette circonstance ne peut être imputée à l'accident survenu en 2009 et que rien n'est produit au plan médical qui expliquerait que M. [X] ait été contraint de cesser l'activité qu'il exerçait dans le cadre du cumul emploi-retraite.

Elle conclut que M. [X] a normalement pris sa retraite à 60 ans avant la survenance de l'accident, maintenu une activité professionnelle partielle pendant six ans afin de permettre la reprise de l'activité par son fils, de sorte que l'accident n'a entraîné aucune perte de revenu.

Sur ce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, il est établi que le 2 juillet 2009, date de l'accident, M. [X] n'avait pas cessé son activité artisanale qu'il avait décidé de poursuivre dans le cadre d'un cumul emploi-retraite ce qu'il a effectivement fait dès que son état de santé le lui a permis, comme en attestent les avis d'imposition au titre des années 2010 et 2011versés aux débats.

Au vu du document d'information produit par la société Gan concernant les conditions de cumul intégral par un artisan de sa pension de retraite et des revenus générés par la poursuite de son activité artisanale, M. [X] remplissait les conditions pour bénéficier d'un tel cumul dès lors qu'il avait atteint l'âge légal de la retraite le 26 juin 2009, avait validé le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein et avait liquidé ses droits à la retraite.

Comme relevé précédemment, il est suffisamment établi, au regard de la taille réduite de l'entreprise artisanale de M. [X] que ce dernier devait exercer avant l'accident, en sus des tâches de gestion et de direction, des travaux de terrassement et d'entretien de la voirie, ce que confirme l'attestation établie le 20 mai 2015 par M. [O] qui indique que M. [X] accomplissait toujours les travaux les plus durs ou risqués.

Les experts amiables ont retenu dans leur rapport d'expertise que les séquelles conservées par M. [X] au niveau de la cheville et du pied gauche ne lui permettaient plus de conduire des engins de chantier de type tractopelles ou bulldozers et qu'il existait un retentissement professionnel concernant les activités de l'entreprise incluant l'entretien des accotements avec fauchage, le curage des fossés avec pelleteuse, et les terrassements de maisons.

L'examen des avis d'imposition de M. [X] au titre des années 2011 à 2015 permet de constater l'existence d'une diminution de ses bénéfices industriels et commerciaux par rapport à ceux qu'il percevait avant l'accident.

Cette baisse de revenus est imputable au fait dommageable qui a limité son activité à des tâches administratives et à certaines visites de chantier, son état de santé ne lui permettant plus d'effectuer les travaux de terrassement et de voirie qu'il réalisait lui-même avant l'accident.

M. [X] justifie ainsi, pour la période du 2 février 2011 (lendemain de la date de consolidation) au 22 avril 2015, date de sa demande de radiation du répertoire des métiers, d'une perte de gains professionnels entièrement consommée et non d'une simple perte de chance de gains, étant observé que la victime arrête elle-même sa période d'activité effective au 22 avril 2015.

La perte de gains professionnels subie par M. [X] pendant la période considérée sera fixée en fonction de ses bénéfices industriels et commerciaux antérieurs à l'accident, soit un revenu moyen de 63 545 euros, actualisé à ce jour à la somme de 76 296,23 euros, sous déduction des bénéfices industriels et commerciaux perçus, soit 33 773 euros en 2011 prorata temporis, 8 272 euros en 2012, 34 154 euros en 2013, 36 327 euros en 2014 et 0 euro en 2015.

Cette perte de gains professionnels s'établit ainsi pour la période considérée de la manière suivante :

- entre le 2 février 2011 au 31 décembre 2011 (333 jours)

* (76 296,23 euros / 365 jours x 333 jours) - ( 33 473 euros / 365 jours x 333 jours) = 26 118,86 euros) = 39 068,86 euros

- pour l'année 2012

* 76 296,23 euros- 8 272 euros = 68 024,23 euros

- pour l'année 2013

* 76 296,23 euros - 34 154 euros = 42 142,23 euros

- pour l'année 2014

* 76 296,23 euros - 36 327 euros = 39 969,23 euros

- du 1er janvier 2015 au 22 avril 2015 (112 jours)

* 76 296,23 euros / 365 jours x 112 jours =23 411,45 euros

Soit un total de 212 616 euros, ramené à la somme de 199 495 euros pour rester dans les limites de la demande.

S'agissant de la période postérieure au 22 avril 2015, il ressort des constatations des experts amiables que les séquelles de M. [X] l'empêchent seulement d'effectuer lui-même des travaux de terrassement ou de voirie, mais non de réaliser les tâches administratives et de direction liées au fonctionnement de son entreprise artisanale, tâches qu'il a d'ailleurs continué d'accomplir pendant plus de 4 ans après la date de consolidation.

Si M. [X] produit un certificat médical de son médecin traitant en date du 7 avril 2015 selon lequel son état de santé lui imposerait d'arrêter son activité, cet avis qui ne comporte aucune précision sur la nature des problèmes de santé constatés, ne permet pas d'établir que M. [X] a été contraint d'interrompre son activité artisanale en raison des séquelles de l'accident.

La décision de M. [X] de mettre fin à son activité à l'âge de 65 ans, 4 ans après la date consolidation résulte en réalité d'un choix personnel sans lien avec l'accident s'expliquant par la volonté de transmettre l'entreprise familiale à son fils qui était salarié de l'entreprise à la date de l'accident et qui, selon les déclarations de la victime lors des opérations d'expertise, l'a substitué dans la direction de l'entreprise pendant sa période d'indisponibilité consécutive à l'accident.

Dans ces conditions, il n'est justifié d'aucun lien de causalité entre le fait dommageable et la perte de chance de gains allée, de sorte que la demande d'indemnisation formée de ce chef sera rejetée.

****

Au vu de ces éléments le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs s'établit à la somme de 199 495 euros qui revient intégralement à M. [X], en l'absence de prestations versées par le RSI indemnisant ce poste de préjudice.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [X] avance qu'il a subi une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession, mais également une dévalorisation sur le marché du travail.

Il soutient que le poste de préjudice de l'incidence professionnelle ne peut faire l'objet d'une indemnisation forfaitaire et sollicite une indemnité d'un montant de 42 740,22 euros calculée sur la base de 30 % de la rémunération effectivement perçue entre 2010 et 2014 et, pour l'année 2015, prorata temporis de sa période d'activité, sur la base de 30 % de son revenu annuel moyen de 2010 à 2014.

La société Gan, qui conteste ce mode d'évaluation de l'incidence professionnelle propose d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 10 000 euros.

Sur ce, compte tenu des séquelles objectivées par les experts, incluant des douleurs sternales et lombaires intermittentes, une arthropathie au niveau de la cheville gauche avec une déformation en varus, un enraidissement important dans la tibio-tarsienne, une quasi-ankylose dans la sous-astragalienne et la médio-tarsienne, un enraidissement dans l'articulation de Lisfranc, une limitation de la mobilité des orteils ainsi qu'une boiterie sans déroulement du pas avec un léger appui sur le bord externe du pied, nécessitant le port d'une orthèse, il est établi que M. [X] a subi près la date de consolidation et jusqu'à la date de cessation de son activité artisanale une pénibilité accrue dans l'exercice de sa profession.

En revanche, il n'est pas justifié d'une dévalorisation sur le marché du travail alors que M. [X] a lui-même admis que son seul projet à la suite de son départ à la retraite était de poursuivre son activité artisanale.

Il n'est pas pertinent, contrairement à ce que soutient M. [X] d'opérer une corrélation entre le montant des revenus de la victime et l'évaluation de composante de l'incidence professionnelle liée à la pénibilité accrue dont l'importance n'est pas fonction du niveau de rémunération.

Compte tenu des éléments qui précèdent, de l'âge de M. [X] à la date de la consolidation, soit 61 ans, et de la durée pendant laquelle cette pénibilité accrue a été subie, il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 10 000 euros qui tient compte des données concrètes de l'espèce et ne revêt aucun caractère forfaitaire.

Cette indemnité revient intégralement à M. [X], en l'absence de prestations versées par le RSI indemnisant ce poste de préjudice.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

M. [X] fait valoir que la première offre d'indemnisation définitive faite le 25 juin 2013 par la société Gan dans le délai de cinq mois qui lui était imparti est incomplète pour ne comporter aucune proposition d'indemnisation au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne et du préjudice esthétique temporaire et que les offres subséquentes effectuées par voies de conclusions les 24 mars 2015, 11 juillet 2018 et 22 août 2018 sont également incomplètes puisqu'elles ne mentionnent pas le préjudice esthétique temporaire.

Il ajoute qu'une offre deux fois et demi inférieure au montant de l'indemnisation fixée par le juge est manifestement insuffisante.

M. [X] en déduit que la société Gan encourt la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances et demande à la cour de la condamner à lui payer les intérêts au double du taux légal sur la totalité de ses préjudices comprenant notamment les débours des tiers payeurs, à compter du 2 mars 2010 et jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir.

La société Gan répond qu'elle a satisfait à ses obligations légales en formulant une offre d'indemnisation provisionnelle détaillée d'un montant de 20 000 euros le 8 septembre 2010 et une offre d'indemnisation définitive par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 juin 2013, dans le délai de cinq mois à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance du rapport d'expertise fixant la date de consolidation.

Elle expose qu'aux termes de cette offre, elle proposait d'indemniser M. [X] à hauteur de la somme de 38 480,51 euros, provision non déduite, et précise que certains postes de préjudice ne pouvaient être évalués dans l'attente de la production par M. [X] des éléments justificatifs permettant d'en apprécier l'existence et, éventuellement le montant.

Elle ajoute que la demande de communication de pièces formulée dans sa lettre du 25 juin 2013 n'a donné lieu à aucune réponse de la part de M. [X], cette absence de réponse ayant entraîné la suspension du délai d'offre ainsi que le prévoit l'article R. 211-32 du code des assurances.

Elle soutient que l'offre formulée le 25 juin 2013 était complète et suffisante, que le poste de la tierce personne temporaire était bien visé et que, s'agissant du préjudice esthétique temporaire, le rapport d'expertise n'en mentionnait aucun, les experts n'ayant retenu qu'un préjudice esthétique permanent, de sorte que l'offre litigieuse portait bien sur tous les éléments connus du préjudice définitif.

Elle conclut ainsi à titre principal au rejet de la demande de M. [X].

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire que la pénalité aura pour assiette le montant de l'indemnité offerte par voies de conclusions notifiées le 24 mars 2015 lors de la procédure de première instance et pour terme la date de notification par le RPVA.

A titre plus subsidiaire, elle se prévaut des offres faites par voie de conclusions notifiées le 11 juillet 2017 devant la cour et encore plus subsidiairement de celles du 22 août 2008.

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

La société Gan avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter à M. [X] dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

L'accident s'étant produit le 2 juillet 2009, la société Gan devait faire une offre provisionnelle portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 2 mars 2010, ce qu'elle n'a pas, puisque sa première offre provisionnelle détaillée date du 8 septembre 2010.

La société Gan encourt ainsi la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 3 mars 2010.

Le rapport d'expertise des Docteurs [W] et [V] fixant la consolidation au 1er février 2011 a été établi le 25 janvier 2013 et, selon les mentions de la première page, envoyé aux parties le 5 février 2013, de sorte que la société Gan qui ne conteste pas l'avoir reçu à cette date, devait formuler une offre d'indemnisation définitive portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 5 juillet 2013.

La première offre d'indemnisation définitive dont la société Gan justifie a été adressée à M. [X] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 juin 2013, soit dans le délai requis par la loi.

S'il ne peut être reproché à l'assureur de ne pas avoir fait de proposition d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire dont les experts n'avaient pas retenu l'existence, l'offre du 25 juin 2013 d'un montant de 36 480,51 euros ne porte pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice, dans la mesure où la somme offerte n'inclut aucune indemnité au titre des frais d'assistance par d'une tierce personne.

En effet, s'il est fait état dans la rubrique des frais divers d'une évaluation de la tierce personne temporaire à la somme de 650 euros, ce poste de préjudice est ensuite mentionné pour mémoire et la somme de 650 euros qui est visée n'est pas intégrée dans l'offre chiffrée de l'assureur, de sorte qu'il ne peut être retenu qu'une offre a effectivement été faite au titre de ce poste de préjudice qui avait pourtant été retenu et quantifié par les experts.

Cette offre incomplète qui équivaut à une absence d'offre n'a pu interrompre le cours des intérêts au taux doublé, étant observé que la suspension du délai d'offre prévue l'article R. 211-32 du code des assurances n'autorise pas l'assureur à formuler une offre incomplète mais seulement à différer son offre.

Les offres subséquentes faites par voie de conclusions notifiées les 24 mars 2015, 11 juillet 2017 et 22 août 2018 sont quant-à elles manifestement insuffisantes, au regard des informations dont disposait l'assureur, pour ne représenter que 15 % du montant des indemnités allouées, de sorte qu'elles équivalent également à une absence d'offre.

Il résulte des motifs qui précèdent que la société Gan doit être condamnée à verser à M. [X] les intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités définitivement fixées par l'arrêt du 28 janvier 2019 et de celles allouées par la juridiction de renvoi, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 3 mars 2010 et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif.

Sur l'application de l'article L. 211-14 du code des assurances

M. [X] fait valoir que si le montant de l'offre est manifestement insuffisant, la sanction de l'article L. 211-13 du code des assurances doit s'appliquer, à laquelle s'ajoute celle de l'article L. 211-14 du même code.

La société Gan objecte que les dispositions de l'article L. 211-14 du code des assurances qui ne concernent que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Sur ce, aux termes de l'article L. 211-14 du code des assurances « Si le juge qui fixe l'indemnité estime que l'offre proposée par l'assureur était manifestement insuffisante, il condamne l'assureur d'office à verser au fonds de garantie prévu par l'article L. 421-1 une somme au plus égale à 15 p. 100 de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime ».

Il résulte de ce texte que la pénalité légale qu'il prévoit au bénéfice du FGAO est prononcée d'office par le juge en cas d'offre manifestement insuffisante, étant observé que l'absence d'offre constitue une offre manifestement insuffisante au sens de l'article L 211-14 du code des assurances.

L'offre d'indemnisation du 25 juin 2013 équivalant à une absence d'offre et les offres subséquentes étant manifestement insuffisantes, il convient de condamner la société Gan à payer au FGAO une somme correspondant à 1 % du montant des indemnités allouées.

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun au RSI et à PRO BTP qui sont en la cause.

La société Gan qui succombe partiellement en ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel exposés devant la juridiction de renvoi.

L'équité commande enfin d'allouer à M. [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la devant la juridiction de renvoi.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 10 février 2022,

- Condamne la société Gan assurances à payer à M. [D] [X], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, les indemnités suivantes en réparation des préjudices ci-après :

- perte de gains professionnels actuels : 45 084 euros

- perte de gains professionnels futurs : 199 495 euros

- incidence professionnelle : 10 000 euros

- Condamne la société Gan assurances à payer à M. [D] [X] les intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités définitivement fixées par l'arrêt du 28 janvier 2019 et de celles allouées par la juridiction de renvoi, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 3 mars 2010 et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif,

- Condamne la société Gan assurances à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, en application de l'article L. 211-14 du code des assurances, une somme correspondant à 1 % du montant des indemnités ci-dessus mentionnées,

- Condamne la société Gan assurances à payer à M. [D] [X], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la juridiction de renvoi,

- Condamne la société Gan assurances aux dépens d'appel exposés devant la juridiction de renvoi.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/13915
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.13915 ?
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