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01/06/2023 | FRANCE | N°22/10309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 01 juin 2023, 22/10309


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 1er JUIN 2023

(n° , 19 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10309 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4SC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2022 par le tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00217







APPELANTE

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF)

[Adresse 8]

[Localité 10]

représ

enté par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07, substitué à l'audience par Me Cédric BORTOLUSSI, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉES

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 1er JUIN 2023

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10309 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4SC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2022 par le tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00217

APPELANTE

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE (EPFIF)

[Adresse 8]

[Localité 10]

représenté par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07, substitué à l'audience par Me Cédric BORTOLUSSI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

Madame [C] [X] [M]

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée par Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France Domaine

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Madame [W] [V], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par décret n°2015-99 du 28 janvier 2015, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du [Adresse 16], comprenant les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Étoile du Chêne Pointu, a été déclarée d'intérêt national et sa mise en 'uvre a été confiée à l'Établissement Public Foncier d'Île-de-France (EPFIF).

La [Adresse 16] dans laquelle se situent les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Étoile du Chêne Pointu a été créée par arrêté préfectoral n°2018-1913 du 2 août 2018 et publié le 3 août 2018.

Aux termes de l'arrêté préfectoral n°2019-0278 du 29 janvier 2019, une enquête publique préalable à la déclaration publique et une enquête parcellaire ont été menées du 11 mars 2019 au 12 avril 2019.

Par arrêté préfectoral n°2019-2388 du 6 septembre 2019, la [Adresse 16] a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique.

Par arrêté préfectoral n°2021-0701 du 19 mars 2021, les lots situés dans le Bâtiment 10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu ont été déclarés cessibles au profit de l'EPFIF.

Par décret n°2021-1005 du 29 juillet 2021, l'EPFIF a été autorisé à prendre possession immédiate des immeubles concernés par l'opération.

L'ordonnance d'expropriation, emportant transfert de propriété au profit de l'EPFIF, a été rendue le 21 octobre 2021.

La copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu est édifiée sur les parcelles cadastrées section AM n°[Cadastre 2], AM n°[Cadastre 3], AM n°[Cadastre 4], AM n°[Cadastre 5] et AM n°[Cadastre 6].

Est notamment concernée par l'opération Mme [C] [X] [M], en tant que propriétaire des lots 57, 225 et 1.359, ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes générales. Le lot 57 est un appartement de type F3, d'une superficie de 56 m², le lot 225 une cave et le lot 1.329 un emplacement de stationnement.

Faute d'accord sur l'indemnisation, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation de Bobigny par requête reçue par le greffe le 23 juin 2020.

Par un jugement du 8 février 2022, après transport sur les lieux le 28 septembre 2021, le juge de l'expropriation de Bobigny a :

Annexé à la présente décision le procès-verbal de transport du 28 septembre 2021 ;

Fixé la date de référence au 11 mars 2018 ;

Retenu la méthode d'évaluation globale par comparaison ;

Retenu une valeur unitaire de 715 euros/m² ;

Retenu une indemnité complémentaire de 2.100 euros au titre de la dépossession d'une place de stationnement partiellement intégrée ;

Retenu une majoration globale de 10% pour plus-value immobilière générée par la mise en service du tramway T4 ;

Fixé l'indemnité due par l'EPFIF à Mme [C] [X] [M], au titre de la dépossession des lots 57 (appartement), 225 (cave), et 1.329 (emplacement de stationnement) du bâtiment 10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu située [Adresse 12] à la somme de 51.500 euros en valeur occupée ;

Dit que la somme arrondie de 51.500 euros se décompose de la façon suivante :

42.350 euros au titre de l'indemnité principale, (56 m² × 715 euros/m² +2310 euros)

5.235 euros au titre de l'indemnité de remploi,

3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs ;

Débouté Mme [C] [X] [M] de sa demande d'indemnité pour préjudice moral ;

Condamné l'EPFIF à payer à Mme [C] [X] [M] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'EPFIF au paiement des dépens ;

L'EPFIF a interjeté appel du jugement le 13 juin 2022 sur le montant de l'indemnité de dépossession consécutive à la dépossession des lots expropriés ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes du bâtiment 10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu édifiée sur la parcelle cadastrée section AM n°[Cadastre 2], AM n°[Cadastre 3], AM n°[Cadastre 4], AM n°[Cadastre 5] et AM n°[Cadastre 6].

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe le 31 août 2022 par l'EPFIF, notifiées le 16 septembre 2022 (AR intimée le 20 septembre 2022 et AR CG le 20 septembre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer partiellement le jugement du 8 février 2022 en ce qu'il a :

Fixé la date de référence au 11 mars 2018 soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique,

Alloué une indemnité complémentaire de 2.100 euros à 1'expropriée au titre de la perte de l'emplacement de stationnement,

Appliqué une majoration de 10% au motif de l'entrée en exploitation de la nouvelle ligne du tramway T4.

Par suite,

Réformer le jugement du 8 Février 2022 en fixant le montant des indemnités à revenir à l'expropriée pour la dépossession des lots de copropriété 57, 225 et 1.329 ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes générales dépendant du Bâtiment 10 de la copropriété de Chêne Pointu à [Localité 14] comme suit :

Indemnité principale :

Méthode d'évaluation : globale ' caves et parties communes générales intégrées

Valeur unitaire retenue : 715 euros/m², valeur occupée

Superficie retenue : 56 m²

Soit une indemnité principale de 715 euros/m² × 56 m² = 40.040 euros ;

Indemnités accessoires :

Frais de remploi :

20% sur 5.000 euros = 1.000,00 euros

15% sur 10.000 euros = 1.500,00 euros

10% sur 25.040 euros = 2.504 euros

Total frais de remploi : 5.004 euros

Indemnité pour perte de revenus locatifs : 6 mois de loyers soit 3.900 euros

Total de l'indemnité de dépossession : 48.944 euros en valeur occupée, sauf à parfaire.

2/ adressées au greffe le 21 février 2023 par l'EPFIF, notifiées le 23 février 2023 (AR intimée le 27 février 2023 et AR CG le 24 février 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

À titre principal,

Prononcer l'irrecevabilité du mémoire d'intimée valant appel incident notifié par Mme [M] au titre de l'article R.311-25 du code de l'expropriation ;

Prononcer la caducité de l'appel incident formé par Mme [M] ;

Par suite,

Débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

À titre subsidiaire,

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par Mme [M] ;

Infirmer partiellement le jugement du 8 février 2022 en ce qu'il a :

Fixé la date de référence au 11 mars 2018 soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique,

Appliqué une majoration de 10% au motif de l'entrée en exploitation de la nouvelle ligne du tramway T4.

Par suite,

Réformer le jugement du 8 février 2022 en fixant le montant des indemnités à revenir à l'expropriée pour la dépossession des lots de copropriété 57, 225 et 1.329 ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes générales dépendant du bâtiment 10 de la copropriété de Chêne Pointu à [Localité 14] comme suit :

Indemnité principale :

Méthode d'évaluation : globale ' caves et parties communes générales intégrées

Valeur unitaire retenue : 715 euros/m², valeur occupée

Superficie retenue : 56 m²

Indemnité complémentaire au titre de la perte de l'emplacement de stationnement : 2.310 euros

Soit une indemnité principale de 715 euros/m² × 56 m² + 2.310 euros = 42.350 euros ;

Indemnités accessoires :

Frais de remploi :

20% sur 5.000 euros = 1.000,00 euros

15% sur 10.000 euros = 1.500,00 euros

10% sur 27.350 euros = 2.735,00 euros

Total frais de remploi : 5.235,00 euros

Indemnité pour perte de revenus locatifs : 6 mois de loyers soit 3.900 euros

Total de l'indemnité de dépossession : 51.485 euros en valeur occupée arrondi à 51.500 euros.

3/ adressées par RPVA le 22 novembre 2022 par Mme [C] [X] [M], intitulées conclusions d'incident radiation d'appel, à Mme. M. les conseillers de la mise en état près de la cour d'appel de Paris dossier RG 22/10309 , aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Déclarer Mme [C] [X] [M] recevable et bien fondée en son incident et en ses demandes ;

Constater que l'EPFIF n'a pas procédé à l'exécution du jugement du 08 février 2022 ;

En conséquence,

Ordonner la radiation de la déclaration d'appel et de l'affaire n°22/10309 du rôle de la Cour ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 3.000 euros au titre des provisions à valoir sur son préjudice moral et la résistance abusive ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Assortir ces condamnations d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

4/ adressées par RPVA le 22 novembre 2022 par Mme [C] [X] [M], intitulées conclusions d'intimée, à Mme ; M. les conseillers de la mise en état prés de la cour d'appel de Paris dossier RG N°22/10309 aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Condamner l'EPFIF à la somme de 75.264 euros au titre de l'indemnité principale ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 8.526,40 euros au titre des indemnités accessoires ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 21.600 euros au titre du préjudice pour perte de loyer ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 10.000 euros au titre du préjudice d'urgence ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêt pour résistance abusive et procédure moral ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'urgence ;

Condamner l'EPFIF à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

5/ adressées au greffe le 19 décembre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 22 décembre 2022 (AR appelant le 23 décembre 2022 et AR intimée le 23 décembre 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 48.944 euros l'indemnité d'expropriation due à Mme [C] [X] [M] pour la dépossession des lots 57, 225, et 1.329 ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes dépendant du bâtiment 10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu située [Adresse 12], décomposée comme suit :

40.040 euros au titre de l'indemnité principale,

5.004 euros au titre de l'indemnité de remploi,

3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs.

6/ adressées au greffe le 22 décembre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 9 janvier 2022 (AR appelant le 11 janvier 2022 et AR intimée le 11 janvier 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 48.944 euros l'indemnité d'expropriation due à Mme [C] [X] [M] pour la dépossession des lots 57, 225, et 1.329 ainsi que des 1.459/1.000.000èmes des parties communes dépendant du bâtiment 10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu située [Adresse 12], décomposée comme suit :

40.040 euros au titre de l'indemnité principale,

5.004 euros au titre de l'indemnité de remploi,

3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

L'EPFIF fait valoir que :

Concernant la description des lots expropriés, le lot 57 est un logement d'une surface de 56 m², le lot 225 est une cave et le lot 1.325 est un emplacement de stationnement. Les parties communes du bâtiment 10 sont vétustes et les équipements ont fait l'objet d'un arrêté municipal (Pièce 6A). Le lot 57 est en mauvais état d'entretien.

Concernant la situation locative, les lots expropriés sont évalués en valeur occupée.

Concernant la date de référence, lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation, la date de référence à retenir est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. En l'espèce, un droit de préemption a été instauré à [Localité 14] (Pièce 1A). Ce droit de préemption a été délégué à l'EPFIF sur le périmètre de l'opération de requalification des copropriétés dégradées du [Adresse 16] suivant délibération du 27 janvier 2015. Les lots expropriés sont situés dans le périmètre de ladite opération. En application des dispositions des articles L.213-4 et L.213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence à retenir est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont il s'agit, à savoir la modification du 8 avril 2016.

Concernant l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement, les termes de comparaison produits portaient sur des appartements intégrant le plus souvent des caves et des places de stationnement extérieurs, dont aucune ne faisait l'objet d'une valorisation distincte. De plus, le premier juge a lui-même estimé à 20 euros/m² la majoration entre un appartement avec emplacement de stationnement et un appartement en étant dépourvu, ce qui confine à l'absence de différence notable de valorisation. Enfin, la cour d'appel de Paris a refusé d'allouer une telle indemnité (CA Paris 21/08150).

Concernant le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4, le premier juge a méconnu les dispositions du dernier alinéa de l'article L.322-2 du code de l'expropriation qui dispose qu' « il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués ['] par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publiques dans l'agglomération où est situé l'immeuble ». La date de référence étant celle du 8 avril 2016, l'enquête préalable s'étant tenue du 11 mars 2019 au 12 avril 2019, et la mise en service de la ligne de tramway T4 étant intervenue fin 2019 après plus de trois ans de travaux par nature publics, cette ligne de tramway ne peut pas être prise en compte comme un facteur de plus-value. En tout état de cause, il ne ressort pas des termes de comparaison une quelconque évolution du marché ou évolution foncière. Enfin, la cour d'appel de Paris a refusé le principe d'une telle majoration (CA Paris 21/09860).

L'indemnité totale d'expropriation s'établit donc à 48.944 euros, soit 40.040 euros au titre de l'indemnité principale, 5.004 euros au titre de l'indemnité de remploi, et 3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs.

L'EPFIF fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée et la caducité de son appel incident, la Cour de cassation considère de manière constante qu'en application des articles R.311-26 et R.311-30 du code de l'expropriation, faute de notification des conclusions par dépôt au greffe ou par lettre recommandée avec accusé de réception, celles-ci sont irrecevables (19-16.092 ; 13-28.017). La solution a perduré depuis l'entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 rendant obligatoire la représentation par avocat, le RPVA n'étant pas accessible par le commissaire du gouvernement (CA Poitiers 21/00004 ; CA Versailles 22/05518 ; CA Aix-en-Provence 19/00064). En l'espèce, les conclusions d'intimée communiquées par le RPVA sont irrecevables et l'appel incident est donc caduc.

Concernant la demande de radiation du rôle, celle-ci est inopérante car l'article R.311-29 du code de l'expropriation ne renvoie pas au titre dans lequel se situe l'article 524 du code de procédure civile (CA Versailles 13/03215). En outre, seul le premier président de la cour d'appel est compétent pour statuer sur une demande de radiation du rôle, à l'exclusion du conseiller de la mise en état (CA Aix-en-Provence 18/10843) et de la cour statuant au fond (CA Fort-de-France 15/00024 ; CA Nîmes 12/00022).

Concernant les prétentions indemnitaires de l'intimée, les estimations dont elle se prévaut ne constituent pas des mutations définitives ou des décisions judiciaires, de sorte qu'elles ne peuvent pas être prises en compte (09-70.367 ; CA Paris 19/00300 ; TGI Évry 17/00007). Sur l'indemnité pour perte de revenus locatifs, les trois dernières quittances de loyer font état d'un loyer mensuel hors charge de 650 euros. De plus, l'intimée ne justifie pas qu'un délai supérieur à six mois lui soit nécessaire pour acquérir un nouveau bien similaire. Le jugement doit donc être confirmé. Sur l'indemnité pour préjudice moral, il ne s'agit pas d'un préjudice matériel au sens de l'article L.321-1 du code de l'expropriation de sorte qu'il ne peut pas être indemnisé (71-70.206 ; 2010-87 QPC). Sur l'indemnité liée à la procédure d'extrême urgence, l'article L.521-5 du code de l'expropriation ne peut pas jouer car la procédure a suivi le cheminement classique d'une procédure d'expropriation, sans particulière rapidité, malgré le recours à la procédure d'extrême urgence.

L'indemnité totale d'expropriation s'établit donc à 51.500 euros arrondis, soit 42.350 euros au titre de l'indemnité principale, 5.235 euros au titre de l'indemnité de remploi, et 3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs.

Mme [C] [X] [M] rétorque  :

dans ses conclusions intitulées conclusions d'incident radiation d'appel, concernant les incidents de mise en état, l'EPFIF n'a pas procédé à l'exécution du jugement dont appel malgré les relances amiables. Il convient d'ordonner la radiation de la déclaration d'appel et de l'affaire du rôle de la Cour en application de l'article 524 du code de procédure civile.

Mme [C] [X] [M] rétorque dans un second jeu de conclusions intitulées conclusions d'intimée que :

Concernant l'indemnité principale, il ressort d'estimations d'agences immobilières que la valeur locative des lots expropriés est de 1.344 euros/m². L'indemnité principale s'élève donc à 75.264 euros.

Concernant les frais de remploi, ils s'élèvent à 8.526,40 euros.

Concernant l'indemnité pour perte de loyers, il convient d'allouer une indemnité de 21.600 euros, correspondant au montant du loyer sur une période de seize mois.

Concernant le préjudice moral, il s'élève à 10.000 euros.

Concernant les frais irrépétibles, ils s'élèvent à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description physique des lots expropriés, leur consistance, leur description intérieure et extérieure, leurs éléments de plus-value ou de moins-value, le bâtiment B10 de la copropriété de l'Étoile du Chêne Pointu comporte un rez-de-chaussée et dix étages à usage d'habitation, ainsi qu'un sous-sol à usage de caves. Le bâtiment comprend, au total en ses quatre entrées, 167 appartements dont 122 appartements de type F3 et 45 appartements de type F4 ainsi que divers locaux communs (un logement de gardien, un local à bicyclettes et un local à voitures d'enfants, un local commun et un local de transformateur). Le lot 57 est un appartement de type F3 de 56 m² situé au quatrième étage. Le lot 225 correspond à une cave. Le lot 1.329 correspond à une place de stationnement.

Concernant l'origine de propriété, les lots expropriés ont été acquis le 7 mai 2010 au prix de 73.000 euros.

Concernant la situation locative, les lots sont considérés occupés.

Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 8 avril 2016, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme délimitant la zone dans laquelle est située l'ensemble immobilier.

Concernant la situation d'urbanisme, l'ensemble immobilier est situé en zone UR1. La zone UR1 correspond au renouvellement urbain du centre-ville.

Concernant l'indemnité complémentaire de 2.100 euros au titre de la perte d'un emplacement de stationnement, les termes de comparaison produits sont issus d'étude de marché relatives à des cessions d'appartements avec cave et parking intégrés. L'octroi d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'un emplacement de stationnement aboutirait à une double indemnisation de la place de stationnement, de sorte que le jugement doit être infirmé (CA Paris 21/08150).

Concernant l'application d'une majoration de 10% pour tenir compte de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4, l'article L.322-2 du code de l'expropriation dispose que « les biens doivent être évalués la date de la décision de première instance » et qu'il « ne peut être tenu compte ['] des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués ['] par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publiques dans l'agglomération où est situé l'immeuble ».

Or, la mise en service du tramway T4 est intervenue fin 2019, soit quelques mois après

le déroulement des enquêtes préalable et parcellaire. La réalisation de ces travaux ne peut être prise en compte pour la détermination de la valeur unitaire du bien objet de l'expropriation (CA, Paris 21/09860).

Concernant l'indemnité pour perte de revenus locatifs, celle-ci équivaut à six mois de loyers et n'est pas contestée par l'appelant.

L'indemnité totale d'expropriation s'établit donc à 48.944 euros, soit 40.040 euros au titre de l'indemnité principale, 5.004 euros au titre de l'indemnité de remploi, et 3.900 euros au titre de l'indemnité pour perte de revenus locatifs.

SUR CE, LA COUR

1- sur la recevabilité des conclusions et la caducité de l'appel incident de M. [M].

L'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1 septembre 2017 dispose, l'appel étant du 13 juin 2022, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur  réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de l'EPFIF du 31 août 2022, et du commissaire du gouvernement du 19 décembre 2022 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de l'EPFIF du 21 février 2023 adressées au greffe sont recevables puisqu'elles soulèvent l'irrecevabilité des conclusions de Mme [M] sur le fondement de l'article R 311-26 du code de l'expropriation et ne formulent pas de demandes au fond.

L'EPFIF indique en effet que la cour doit prononcer l'irrecevabilité des conclusions de Mme [M] adressées par RPVA et la caducité de son appel incident, faute de les avoir adressées dans les formes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

Il indique que la cour de cassation (Civile, 3°, 23 septembre 2020, N°19-16092 publié au bulletin) a déja précisé que l'irrespect des formes de notification requises par l'article R311-26 précité, c'est à dire la notification par voie électronique, devait être interprété, non pas comme un vice de forme, mais comme un défaut de production des conclusions (3°, 23 septembre 2020, N°19-16092 publié au bulletin).

Il ajoute que la formulation des dispositions de l'article R311-26 susvisée est demeurée inchangée depuis l'entrée en vigueur du décret N°2019-1333 du 11 décembre 2019 rendant obligatoire la représentation par avocat en matière d'expropriation et que plusieurs cours d'appel ont déjà statué en ce sens.

Mme [M] n'a pas déposé ou adressé au greffe de conclusions en réplique.

M. [M] a adressé par RPVA au greffe le 22 novembre 2022 des conclusions d'incident radiation d'appel et des conclusions d'intimé à Mme ; M. Les conseillers de la mise en état de la cour d'appel de Paris dossier RG N°22/10309 et des conclusions d'intimé avec 8 pièces listées dans le bordereau de pièces.

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation alinéa 2, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2015, puis dans celle modifiée par décret N°2017-1255 du 8 août 2017, en vigueur au 1er septembre 2017, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les éléments qu'il entend produire dans un délai de 3 mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

Selon son 6e alinéa, le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

Ces textes impliquent que l'intimé, comme l'appelant et le commissaire du gouvernement, doit déposer ou adresser matériellement au greffe ses conclusions et les documents qu'il entend produire, en tirage sur papier, afin que ces conclusions et documents puissent être notifiées par le greffe, l'exemplaire surnuméraire étant destiné à la cour.

La dématérialisation qui découle de l'utilisation de la voie électronique empêche en effet le greffe de disposer des conclusions et des documents en autant d'exemplaires qu'il y a de parties et de les notifier à chaque intéréssé ; il n'appartient pas au greffe d'imprimer les conclusions et pièces à partir d'un fichier envoyé par l'intimé.

Les termes de cet article R311-26 susvisées sont demeurés inchangés depuis l'entrée en vigueur du décret numéro 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui a modifié l'article R311-27 du code de l'expropriation pour rendre désormais obligatoire la représentation par avocat devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation, l'exigence qu'il édicte d'adresser au greffe de la cour d'appel, afin que celui-ci les notifie, les conclusions et les documents, reste donc requise.

Les textes généraux de l'article 930-1 du code de procédure civile, ne dérogent pas à ce texte spécial.

En outre, ce texte est applicable seulement dans le cadre de la procédure de droit commun avec représentation obligatoire, alors qu'en matière d'expropriation, procédure exhorbitante du droit commun, l'État, les régions, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, qui n'ont pas accès au RPVA .

Enfin, le RPVA n'est accessible qu'aux avocats et ne peut donc être consulté par le commissaire de gouvernement, qui en l'espèce n'a pas été destinataire des conclusions de Madame [M] et de ses pièces.

Il convient donc de prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'incident et de radiation d'appel du 9 mars 2023 et des conclusions d'intimé du 9 mars 2023, étant précisé qu'elles sont en outre adressées aux conseillers de la mise en état, alors qu'il n'y a pas de mise en état en matière d'expropriation, et en conséquence de prononcer la caducité de l'appel incident formé par Madame [M], puisque ces conclusions et pièces n'ont pas été adressées ou déposées au greffe en autant d'exemplaires que de parties, plus un dans les trois mois de la notification des conclusions de l'EPFIF du 31 août 2022 notifiées le 16 septembre 2022 (AR signé par Me [J] le 20 septembre 2022).

Il n'y a pas lieu de chercher si cette irrégularité a causé un grief à l'intimée, dès lors qu'il s'agit non d'un vice de forme de la notification des conclusions faite par la voie électronique à l'égard des avocats constitués par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'égard du commissaire du gouvernement et les intimés non constitués , mais de l'absence de conclusions remises au greffe dans les délais requis ; l' irrecevabilité des conclusions et la caducité de l'appel incident formé par Madame [M] ne constituent pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la sécurité et l'efficacité de la procédure d'appel, elle n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cette règle de l'article R311-26 du code de l'expropriation est dépourvue d'ambiguité pour un professionnel averti comme un auxiliaire de justice.

AU FOND

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France , toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de l'EPFIF concerne :

- la date de référence ;

- le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4 .

L'EPFIF indique qu'il n'entend pas remettre en cause en appel les éléments suivants :

-la méthode d'évaluation par comparaison ;

-la superficie du bien de 56m² ;

-la situation locative, à savoir occupée ;

-la valeur unitaire retenue ;

-l'état d'entretien tel qu'il a été constaté par la juridiction de première instance ;

-l'indemnité complémentaire au titre d'une place de stationnement ;

-l'indemnité allouée pour perte de revenus locatifs ;

-le montant de l'indemnité de remploi.

Le commissaire du gouvernement a formé appel incident sur la date de référence, sur l'indemnité complémentaire de 2100 euros au titre de la perte d'un emplacement de stationnement et sur l'application d'une majoration de 10% pour tenir compte de l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4.

1° sur la date de référence

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application de l'article L 322-2 du code de l'expropriation, la création de la [Adresse 16] étant antérieure de moins d'un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la DUP, la date du 11 mars 2018, soit un an avant l'ouverture de l'enquête

L'EPFIF et le commissaire du gouvernement demandent l'infirmation, le bien étant soumis au droit de préemption et demandent de retenir en application des articles L213-4 et L 213-6 du code de l'urbanisme, la date de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification N°1 du 8 avril 2016.

L'article L 322-2 du code de l'expropriation dispose que :

Les biens sont estimés à la date de la décision première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L322-3 à L322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou, dans le cas prévu à l'article L 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi numéro 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou , lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionné à l'article L311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.

Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au 2e alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention de loisirs.

Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé le bien.

En outre, les articles L 213-4 et suivants du code de l'urbanisme prévoient des règles particulières, notamment dans le cas où le bien est grevé du de droit préemption urbain.

L'article L 213-6 du code urbanisme dispose que lorsqu'un bien soumis au droit préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L213-4.

L'article L 213-4 a) du code de l'urbanisme prévoit que pour les biens non compris dans une zone d'aménagement différé, la date de référence devant être pris en compte est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

Par arrêt du 1er mars 2023 N°22-467 la 3ème chambre de la cour de cassation a indiqué qu'en application des articles L 213-4 a) et L213-6 du code de l'urbanisme, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est située le bien, cette daté de référence dérogatoire à celle prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation s'appliquant également pour les qualifications de terrains à bâtir.

En l'espèce, par délibération numéro 2015. 01. 27. 07 du conseil municipal de la commune de [Localité 14] du 27 janvier 2015, un droit de préemption urbain renforcé a été instauré sur le territoire de la commune (pièce numéro 1.)

Ce droit de préemption a ensuite été délégué à l'EPFIF sur le périmètre de l'ORCOD-IN par la commune suivant délibération du 26 mai 2015, délégation ensuite confirmée par délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Grand Est du 28 février 2017.

Il est établi que les biens expropriés sont situés dans le périmètre de l'ORCOD-IN et qu'ils sont donc soumis au droit de préemption urbain.

En conséquence, en application des dispositions susvisées des articles L 213-4 et L213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification N° 1 du 8 avril 2016.

En conséquence le jugement sera infirmé en ce sens.

2° sur la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance :

A- sur les copropriétés du Chêne pointu et de l'Etoile du Chêne pointu

La commune de [Localité 14] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles présentant de nombreux handicaps dus à l'urbanisme développé dans les années 1960, le plan de composition reposant en effet sur la réalisation de l'autoroute A 87 qui n'a jamais vu le jour. Le quartier souffre donc de l'absence de voies expresses et de transports structurants, le seul transport en commun étant des bus et la gare RER la plus proche «[Localité 13] » étant située à 5,5 km.

La réalisation de la prolongation de la ligne du tramway T4 par le STIF est en cours de réalisation et la création d'une gare de la future ligne 16, métro express, par Grand Paris Aménagement est à l' état de projet.

La copropriété de l'Étoile du chêne pointu a été édifiée en 1966 sur un terrain de 34 214 m², plat, situé près de la mairie de [Localité 14].

L'EPFIF et le commissaire de gouvernement exposent les conclusions d'une étude concernant les copropriétés contiguës du Chêne pointu et de l'Étoile du Chêne pointu réalisée par la commune de [Localité 14] en 2014 mettant en évidence que :

'près de 60 % des ménages ont un niveau inférieur au seuil de pauvreté,

'85 % des ménages présentent des revenus inférieurs au plafond PLAI,

'un taux de chômage de 29 %, encore plus marqué chez les jeunes

'un quart des familles sont monoparentales

'près de 20 % des logements sont occupés par plus d'un ménage

'l'occupation moyenne est de plus de 4 personnes par logement

'une rotation importance des propriétaires comme chez les locataires.

Le commissaire du gouvernement précise qu'il résulte de cette situation une progression continue des impayés des charges et en conséquence un déficit d'entretien du bâti, produisant une dégradation importante du bâtiment et le développement des situations d'insalubrité et de péril ; ces difficultés ont entraîné la mise sous administration judiciaire de la copropriété ; les pouvoirs publics sont également intervenus dans le cadre d'un plan de sauvegarde signé entre l'État, le département et la commune de [Localité 14] le 19 janvier 2010 qui a fixé différents objectifs afin de parvenir à la requalification de la copropriété :

'résorption des impayés,

'réalisation des travaux urgents et mise aux normes,

'lutte contre les marchands de sommeil,

'individualisation des réseaux de fluides des bâtiments afin de réaliser leur scission,

'réalisation des travaux de rénovation énergétique.

La conclusion du plan de sauvegarde achevé fin 2014 a relaté les limites ou impasses concernant les objectifs, notamment le redressement de la gestion, l'assainissement des finances, ou encore la réhabilitation du bâti.

En conséquence, l'ampleur des dégradations ont justifié la définition d'un périmètre pour une Opération de Requalification des Copropriétés dégradées d'intérêt National (ORCODIN).

Par décret numéro 2015-99 du 28 janvier 2015 a été déclarée d'intérêt national, l'opération de requalification des copropriétés dégradées du [Adresse 16] et la mise en 'uvre a été confiée à l'EPFIF.

B- sur le bâtiment 10 de la copropriété de l'Etoile du Chêne pointu

Par arrêté préfectoral N°2021-0701 du 19 mars 2021, les lots situés dans le batiment 10 de la copropriété ont été déclarés cessibles au profit de l'EPFIF.

L'ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété a été rendue le 21 octobre 2021.

Un décret N°2021-1005 du 29 juillet 2021 a autorisé l'EPFIF à prendre possession immédiate d'immeubles dégradés situés dans le périmètre défini par le décret N°2015-99 du 28 janvier 2015 déclarant d'intérêt national l'opération de requalification de copropriétés dégradées du quartier [Adresse 16].

Le bâtiment 10 correspond à un immeuble à usage d'habitation, composé de onze niveaux, soit un rez de chaussée et 10 étages, comprenant 167 logements, dont 122 F3 et 45 F4, accessibles par quatre entrées et cages d'escaliers nommées A, B, C et D.

Le bâtiment est également composé de locaux communs, d'un toit-terrasse à usage de séchoir commun et d'un sous sol comprenant des caves, étant précisé que ces élements ne sont plus utilisables en ce qui concerne les deux premiers, l'est difficilement en ce qui concerne le troisième.

C- sur le bien exproprié

Il s'agit :

' Du lot numéro 57 : 1 appartement de type F3, situé au 4e étage de l'escalier B, d'une superficie de 56 m².

Il est composé d'une entrée et d'un couloir qui desservent une cuisine, WC et une salle de bains ainsi qu'une pièce de vie et de deux chambres, l'une d'entre elle étant accessible à partir de la pièce de vie.

' Du lot numéro225: une cave qui n'a pas été visitée en raison d'un accès peu aisé et de la présence de nombreux nuisibles ;

' Du lot N°1329, un emplacement de stationnement extérieur, associé au bâtiment 10, à l'état d'usage et sans aménagement.

Le premier juge indique que pour l'appartement, il est qualifié de mauvais par l'EPFIF, de bon par Mme [M] et de moyen par le commissaire du gouvernement ; il a retenu un état d'usage à mauvais, un état d'usage (moyen) ne pouvant être retenu en raison en particulier du mauvais état général des huisseries, non étanches pour certaines, comme il ressort des constatations mentionnées au procès verbal de transport sur les lieux.

3° sur la date d'estimation

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé , il s'agit de celle du  jugement de première instance, soit le 8 février 2022 .

4° sur la fixation de l'indemnité principale

A- sur les surfaces

La surfaces pour l'appartements de 56 m² n'est pas contestée.

Le jugement sera confirme en ce sens.

B- sur la situation locative

Les biens sont évalués selon leur consistance à la date de l'ordonnance expropriation, soit en l'espèce le 21 octobre 2021.

Aux termes de l'article L322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ; en conséquence en l'espèce, la consistance des biens doit être fixée à la date de l'expropriation du 21 octobre 2021.

Il n'est pas contesté par l'EPFIF et le commissaire du gouvernement que le lot numéro 57 doit être évalué en valeur occupée.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

C- sur la méthode d'évaluation

La méthode par comparaison retenue par le premier juge n'est pas contestée par l'EPFIF et le commissaire du gouvernement, ni le fait le fait que le premier juge a dit n'y avoir pas

lieu d'évaluer la cave en sus de l'appartement, la valeur de celle-ci étant intégrée à celle de l'appartement.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

En ce qui concerne l'indemnisation pour les places de stationnement extérieur, objet de l'appel incident du commissaire du gouvernement, celle-ci sera examinée après examen des termes de référence des parties.

D- sur la fixation de l'indemnité principale

1° sur la valeur des appartements et de la cave

Après examen des références des parties, le premier juge a retenu pour le lot numéro 57, en valeur occupée, valeur de la cave et des tantièmes des parties communes intégrées, valeur de la place de stationnement partiellement intégrée, une valeur de 715 euros/m² cave intégrée et emplacement de stationnement partiellement intégré et une indemnité complémentaire au titre de la dépossession d'une place de stationnement de 2310 euros.

L'EPFIF et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation des valeurs retenues par le premier juge pour l'appartement.

2° sur l'appel incident de l'EPFIF et du commissaire du gouvernement sur le principe de la majoration de 10% appliquée en raison de l'entré en exploitation de la ligne de tramway T4

L'article L322-2 du code de l'expropriation alinéa 4 dispose que quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

En outre, le Conseil Constitutionnel a été saisi de deux QPC relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, pour la première, des deuxième et quatrième alinéas de l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et, pour la seconde, de ce même article.

Par décision N°2021-915/916 du 11 juin 2021, il a notamment indiqué :

' sur le fond :

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789:' la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité';

Afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée. La prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité. Pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. En cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée.

En application des articles L311-5 et L311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsqu'ils ne parviennent pas à un accord amiable sur le montant de l'indemnité, l'expropriant et l'exproprié peuvent saisir le juge de l'expropriation. Il lui appartient alors de fixer le montant de cette indemnité selon les modalités prévues aux articles L322-1 à L 322-13. Le premier alinéa de l'article L322-2 prévoit à cet égard qu'il apprécie la valeur des biens expropriés à la date de la décision de première instance. Le deuxième alinéa de ce même article impose néanmoins au juge de prendre en considération, sous réserve de certains cas, l'usage effectif du bien à une date de référence antérieure à cette date. Son dernier alinéa exclut par ailleurs la prise en compte par le juge de l'expropriation des changements de valeur subis par le bien depuis la date de référence, lorsqu'ils résultent de certaines circonstances.

Parmi ces circonstances, les dispositions contestées interdisent au juge de tenir compte de changements de valeur du bien exproprié lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant.

Il en résulte que la hausse de la valeur vénale du bien exproprié résultant le cas échéant, d'une telle circonstance n'a pas vocation à être prise en compte dans le calcul de l'indemnité due à l'exproprié, alors même que l'expropriant entend céder le bien à un prix déjà déterminé et incluant cette hausse.

En premier lieu, d'une part, l'expropriation ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée sous le contrôle du juge administratif.

D'autre part, en interdisant au juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe le montant de l'indemnité due à l'exproprié, de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations.

Le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un but d'intérêt général.

En second lieu, pour assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances autres que celles prévues au dernier alinéa de l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. A ce titre, il peut notamment prendre en compte l'évolution du marché de l'immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié à la date de sa décision.

Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portant pas atteinte à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la conditions d'une juste et préalable indemnité . Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration de 1789 doit être écarté'.

Le premier juge a retenu la date de référence du 11 mars 2018, qui a été infirmée par la  cour.

Il indique : « dans l'espèce qui nous occupe, l'EPFIF ne précise pas :

' d'une part, la période au cours de laquelle les travaux de prolongation du tramway T4 à [Localité 14] ont eu lieu ;

s'il n'est pas contestable que les travaux publics d'extension de la ligne T4 ont duré plus de 9 mois (période du 11 mars 2019 fin décembre 2019), il n'est pas établi que les travaux publics réalisés dans l'agglomération où est situé l'immeuble, selon les dispositions de l'article L 322-2 in fine du code de l'expropriation, ne l'ont pas été entre la mi-mars et la fin décembre 2019 ;

' d'autre part, que l'extension de la ligne T4 ait un lien quelconque avec l'opération d'aménagement de la [Adresse 16] ; le périmètre de ladite zone disposait, avant sa création, de voies de desserte, des réseaux de fluides nécessaires à une habitation dense et même des équipements publics indispensables à la vie du quartier (école, crèche') ; la volonté exprimée par le législateur dans le dernier alinéa de l'article L322-2 d'éviter un effet d'aubaine provoqué par l'annonce d'un projet public sur la valeur des immeubles concernés n'est dès lors pas contredite par la prise en compte de la plus-value que représente nécessairement l'arrivée d'un nouveau transport en commun dans chacune des communes qu'il traverse, situées à l'extrémité du département de la Seine-Saint-Denis ([Localité 14], [Localité 15]).

Ainsi, au vu des éléments versés aux débats par l'EPFIF, la double condition du texte n'est pas rapportée de manière certaine. Les dispositions de l'article L 322-2 du code de l'expropriation ne font pas obstacle à la prise en compte d'une hausse normale des prix du marché immobilier dans un environnement évolutif, tel que celui de la couronne parisienne.

La desserte de la commune de l'immeuble par un nouveau moyen de transport est un facteur de plus-value dans le cadre d'une négociation immobilière. Elle ne peut, comme exposé par l'EPFIF, être constatée au vu de la comparaison :

' d'une part, des termes DEM numéro 1 à 40 dans le tableau annexé (vente entre 2016 et juillet 2019) et

' d'autre part, des termes DEM numéro 41 à 69 cités dans tableau annexé (postérieurs au mois de juillet 2019) ;

' la comparaison des deuxièmes et troisièmes colonnes de l'avant-dernier tableau montrant des valeurs identiques.

Cependant, l'EPFIF ne peut se prévaloir des offres qu'il a lui-même faite à des valeurs invariantes depuis le début de l'opération pour conclure à une absence d'évolution des valeurs sur le marché immobilier. La stagnation des valeurs immobilières exposées par l'EPFIF témoigne davantage d'une inertie du marché résultant de l'existence d'un acquéreur unique.

Par ailleurs, il convient de préciser que l'EPFIF :

' n'a pas contesté la majoration par la juridiction des valeurs immobilières dans le cadre de la fixation des indemnités de dépossession du bâtiment 8 à hauteur de 10 % pour tenir compte d'une meilleure desserte de la commune et des deux copropriétés du Chêne Pointu et de l'Étoile du Chêne Pointu ;

' offre, dans ses derniers écritures concernant le bâtiment 10, des valeurs majorées de 10 %, semblables à celles fixées par le tribunal, et cite les jugements précédemment rendus en 2011 ;

' ne contestant ainsi par l'effectivité d'une plus-value et l'intégrant dans ses offres, même s'il précise avoir fait appel incident sur ce point lorsque les expropriés du bâtiment 8 ont interjeté appel des jugements en fixation des indemnités.

Il sera également rappelé que la cohérence des décisions rendues est un élément essentiel dans le cadre d'opérations d'expropriation de grande ampleur.

Pour l'évaluation des présents biens et au regard de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, il n'y a pas lieu d'écarter les valeurs présentées et privilégiées par la juridiction, intégrant une plus-value de 10 % au regard d'une desserte par le T4.

Quant aux travaux de la future ligne 16 de métro dans le cadre du Grand Paris express, s'agissant de l'aménagement futur, il n'y a pas lieu d'en tenir compte au regard des dates de référence retenues. ».

À l'appui de son appel, l'EPFIF indique si elle ne conteste pas qu'elle a revu les valeurs unitaires retenues à la hausse, elle a expressément précisé dans ses écritures de première instance que cette hausse ne saurait être justifiée par l'entrée en exploitation de la ligne de tramway T4 et que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L 322-2 du code de l'expropriation.

L'EPFIF a formé un appel de principe, puisqu'il ne conteste pas les valeurs retenues par le premier juge pour l'appartement; le commissaire du gouvernement a également formé un appel incident sur ce point.

La date de référence retenue par la cour est celle du 8 avril 2016 ;

L' enquête préalable à la DUP la [Adresse 16] s'est tenue du 11 mars 2019 au 12 avril 2019 inclus et la mise en service de la ligne de tramway T4 est intervenue fin 2019 après 3 ans de travaux (pièce numéro 5).

En conséquence, ces travaux étant de par leur nature des travaux publics, leur réalisation dans les 3 années ayant précédé l'enquête publique préalable à la DUP de la [Adresse 16] et leur impact éventuel ne peuvent être pris en compte comme facteur de plus-value ; en tout état de cause, les termes de l'autorité expropriante de septembre 2016 à juillet 2021 ne démontrent pas une évolution du marché, ce qui démontre que la mise en service de la ligne du tramway T4 est sans incidence sur la valeur vénale du bien exproprié.

Il convient en conséquence, d'exclure la prise en compte de la mise en service de la ligne du tramway T4, et de confirmer le jugement par substitution de motifs, pour les valeurs retenues de :

lot numéro 57 (avec cave intégrée) : 56 m² X 715 euros/m²= 40040 euros en valeur occupée.

3° sur l'appel incident du commissaire du gouvernement sur l'allocation d'une indemnité complémentaire au titre de la perte d'emplacements de stationnement majorés de 10 %.

Le commissaire du gouvernement indique que les termes de comparaison produits sont issus d'étude de marché relatives à ces cessions d'appartements, cave et parking intégrés, au sein de la corpropriété de l'Etoile du Chêne pointu et que l'octroi d'une indemnité complementaire par le premier juge de 2100 euros( en fait 2310 euros)au titre de la perte d'un emplacement de stationnement aboutirait à une double indemnisation de la place de stationnement et que la cour d'appel a statué dans ce sens par arrêt du 23 juin 2022 RG21/08150.

Cependant, en l'espèce, l'EPFIF, l'autorité expropriante ne conteste pas l'indemnité complémentaire au titre de la perte d'une place de staionnement.

La cour ne rendant pas d'arrêt de règlement, et statuant pour chaque cas d'espèce, il convient en conséquence, en l'absence de contestation de l'autorité expropriante, de confirmer le jugement qui a octroyé une indemnité complémentaire de 2310 euros pour la place de stationnement.

5° sur les indemnités accessoires

A sur l'indemnité de remploi

En l'absence de contestation par l'EPFIF et du commissaire du gouvernement, sur les taux habituels de l'indemnité de remploi, il convient de confirmer le jugement pour un montant de 5235 euros.

B sur l'indemnité pour perte de revenus locatifs

L'EPFIF et le commissaire du gouvernement ne contestent pas l'indemnité accesoire pour perte de revenis locatifs d'un montant de 3900 euros.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a fixé l' indemnité totale de dépossession à :

42350 euros (indemnité principale) : (715 euros/m² X56 m²) +2310 euros)+ 5235 euros (indemnité de remploi)+ 3900 euros (indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs)= 51500 euros arrondis en valeur occupée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de confirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à verser à Mme [M] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.

Au regard de la solution du litige , chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans la limite de l'appel de l'EPFIF et de l'appel incident du commissaire du gouvernement,

Déclare irrecevables les conclusions de Mme [M] d'incident radiation d'appel et d'intimé adressées par RPVA le 22 novembre 2022 à Mme; M. Le conseiller de la mise en état près de la cour d'appel de Paris dossier RGN°:22/10309 valant appel incident et les 8 pièces jointes et prononce la caducité de l'appel incident formé par Mme [M] ;

Confirme le jugement entrepris sauf à fixer la date de référence au 8 avril 2016 ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/10309
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.10309 ?
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