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01/06/2023 | FRANCE | N°22/09533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 01 juin 2023, 22/09533


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général

N° RG 22/09533 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LQ



Décision déférée à la cour

Jugement du 5 avril 2022-Juge de l'exécution de PARIS-RG n° 21/81210





APPELANTE



S.C.I. S CCC

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SA

LEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Plaidant par Me Eric SERRE, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



FONDS COMMUN DE TITRISATION QUERCIUS, ayant pour société de gestion, la société EQU...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général

N° RG 22/09533 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LQ

Décision déférée à la cour

Jugement du 5 avril 2022-Juge de l'exécution de PARIS-RG n° 21/81210

APPELANTE

S.C.I. S CCC

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Plaidant par Me Eric SERRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

FONDS COMMUN DE TITRISATION QUERCIUS, ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION SAS, société par actions simplifiée, dont le siège social est situé [Adresse 4], France, immatriculée sous le numéro B 431 252 121 RCS Paris, représenté par son recouvreur, la société MCS ET ASSOCIES, Société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 334 537 206, ayant son siège social [Adresse 2], agissantpoursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette

qualité audit siège,

Venant aux droits de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, en vertu d'un acte de cession de créances en date du 28 novembre 2019 conforme aux dispositions du Code monétaire et financier.

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Plaidant par Me Frédéric de la SELLE de la SELARL TAVIEAUX MORO-de la SELLE Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Déclarant agir en vertu d'un acte notarié de prêt en date du 30 novembre 2012, passé entre la Caixa Geral Depositos et la SCI S CCC, et d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles le 23 septembre 2016, le Fonds commun de titrisation Quercius a, le 18 mai 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la SA Banque postale et à l'encontre de la SCI S CCC, pour avoir paiement de la somme de 609 824,58 euros (dont 608 977,07 euros en principal). Cette mesure d'exécution a été dénoncée à la débitrice le 21 mai 2021.

Saisi de contestations portant sur cette saisie-attribution par la SCI S CCC suivant assignation datée du 17 juin 2021, le juge de l'exécution de Paris a selon jugement en date du 5 avril 2022 :

- rejeté les demandes de la SCI S CCC à fin de communication et production de l'acte de cession de créances du 28 novembre 2019 en original et en intégralité sous astreinte, et de réservation de la liquidation ;

- déclaré irrecevable la demande de la SCI S CCC à fin de nullité de l'acte de cession de créances du 28 novembre 2019 ;

- déclaré irrecevable la demande de la SCI S CCC à fin de caducité de l'acte de cession de créances du 28 novembre 2019 ;

- rejeté la demande d'inopposabilité de la SCI S CCC de l'acte de cession de créances du 28 novembre 2019 et de son bordereau ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI S CCC pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

- rejeté la demande de la SCI S CCC à fin de nullité de la saisie-attribution pratiquée le 18 mai 2021 par le fonds commun de titrisation Quercius, entre les mains de la Banque Postale ;

- rejeté la demande de la SCI S CCC à fin de mainlevée de ladite saisie-attribution ;

- débouté la SCI S CCC de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SCI S CCC au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a notamment relevé :

- que la SCI S CCC n'avait nul besoin d'obtenir la production de l'acte de cession de créances en son intégralité ;

- qu'il ne disposait pas du pouvoir de l'annuler ;

- qu'il existait deux titres exécutoires, à savoir le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles le 23 septembre 2016 sur la requête de la Caixa Geral Depositos, et l'acte de prêt notarié ;

- qu'a été régularisé un acte de cession de 2034 créances dont 2 concernaient la SCI S CCC, avec les références correspondantes ;

- que lors de la cession de créances du 28 novembre 2019, il n'existait pas d'instance en cours relativement auxdites créances, si bien que la SCI S CCC ne disposait pas de sa faculté de retrait.

Selon déclaration en date du 13 mai 2022, la SCI S CCC a relevé appel de ce jugement. Ladite déclaration d'appel a été signifiée à la partie adverse le 16 juin 2022.

En ses conclusions notifiées le 23 mars 2023, la SCI S CCC soutient :

- que la prescription de cinq ans est acquise, étant rappelé que dès le 18 novembre 2015, un commandement valant saisie immobilière avait été délivré à la caution ;

- que le juge de l'exécution a rejeté à tort sa demande de condamnation de la partie adverse à produire le contrat de cession de créance non caviardé ; que l'article 1379 du code civil fonde sa demande y relative ;

- qu'à la lecture de l'acte de cession, il n'est pas possible de savoir si c'est le contrat de crédit ou l'acte notarié du 30 novembre 2012 qui est cédé ;

- qu'en effet, cet acte de cession du 28 novembre 2019 reste taisant quant au titre exécutoire cédé, et ne vise ni l'acte notarié du 30 novembre 2012, ni le jugement du Tribunal de commerce de Versailles ; que ledit acte du 30 novembre 2012 ne constitue pas un contrat de crédit mais une vente passée entre la SCI [K] et la SCI S CCC ;

- que le prêt du 26 juillet 2012 était un simple acte sous seing privé et était en outre stipulé intransmissible ;

- qu'il est nécessaire, en outre, que le bordereau de cession de créances comporte les mentions de l'article D 214-227 du code monétaire et financier ;

- que le juge de l'exécution a le pouvoir d'annuler un titre exécutoire autre qu'une décision de justice ;

- qu'une confusion a été commise par lui quant aux actes ;

- qu'elle peut invoquer un droit de retrait comme prévu aux articles 1699 et 1700 du code civil ; que pour qu'il soit exercé, il suffit que la créance soit litigieuse au moment où la cession est opérée ; qu'une action au fond est présentement intentée devant le Tribunal judiciaire de Paris pour dol, dans une instance opposant la Caixa Geral Depositos, le Fonds commun de titrisation Quercius et elle-même ;

- que le seul titre exécutoire détenu par le créancier est le jugement du Tribunal de commerce de Versailles prononçant sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens (81,12 euros) ;

- que le moyen tiré du secret des affaires est irrecevable faute d'avoir été soulevé selon la procédure de l'article R153-3 du code de commerce.

La SCI S CCC demande en conséquence à la Cour de :

- infirmer le jugement ;

- faire injonction au Fonds commun de titrisation Quercius de produire l'acte de cession de créances en original, et ce sous astreinte journalière de 500 euros, la Cour devant se réserver la compétence pour la liquider ;

- constater la prescription ;

- annuler ou déclarer inopposable l'acte de cession de créance du 28 novembre 2019 ;

- annuler la saisie-attribution du 18 mai 2021 ; en ordonner la mainlevée ;

- juger qu'elle exerce son droit de retrait contre paiement de la somme de 13 028,51 euros (soit 26 500 000 euros divisé par 2 034), et constater en conséquence l'extinction de la créance du Fonds commun de titrisation Quercius ;

- condamner ce dernier au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- le condamner à lui régler la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître Serre.

Dans ses conclusions notifiées le 12 avril 2023, le Fonds commun de titrisation Quercius réplique :

- qu'un contrat de prêt notarié a été conclu entre la Caixa Geral Depositos et la SCI S CCC le 30 novembre 2012, d'un montant en capital de 450 000 euros, faisant suite à une offre préalable acceptée le 28 juillet 2022 ; qu'il détient donc bien un titre exécutoire ;

- que la déchéance du terme a été prononcée le 8 janvier 2016 ;

- qu'un acte de cession de créances a été régularisé entre lui-même et la Caixa Geral Depositos le 28 novembre 2019 ;

- que les créances cédées y sont identifiables, à l'aide du nom du débiteur cédé (la SCI S CCC), des références du dossier, et de celles de la créance, sans qu'il soit besoin de préciser la valeur de chacune d'elles prises isolément ;

- que les mentions de l'extrait du bordereau déposé au rang des minutes du notaire font foi jusqu'à inscription de faux ;

- que cet acte de cession est régulier, l'article D 214-227 du code monétaire et financier n'édictant pas de règles formelles impératives, la preuve de l'identité des créances cédées pouvant se faire par tout moyen ;

- que par application de l'article L 214-169 IV alinéa 2 du même code, la simple remise du bordereau rend la cession des créances opposable aux tiers ;

- que si le prêt était stipulé intransmissible, c'était uniquement vis-à-vis de l'emprunteur et non pas du prêteur ; que ce denier pouvait donc céder la créance née du prêt ;

- que les conditions d'exercice du droit de retrait de l'article 1699 du code civil ne sont pas réunies, faute de contestation en justice antérieure au jour de la cession des créances, étant rappelé que si la SCI S CCC avait contesté le TEG du prêt devant le Tribunal de commerce de Versailles, elle a été déboutée de ses prétentions par un jugement en date du 23 septembre 2016 ;

- qu'en outre, l'exercice de ce droit de retrait est impossible car la valeur de la créance litigieuse n'est pas connue, la cession ayant été opérée pour une somme globale de 26 500 000 euros ;

- que par ailleurs, la prescription ne saurait être acquise car des événements interruptifs sont survenus, à savoir des courriers émanant de M. [G], gérant de la SCI S CCC, dans lesquels il reconnaissait devoir la dette, en date des 16 mars, 1er avril, 28 juillet et 16 octobre 2017.

Le Fonds commun de titrisation Quercius demande en conséquence à la Cour de :

- confirmer le jugement ;

- débouter la SCI S CCC de ses prétentions ;

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Vignes.

MOTIFS

La SCI S CCC soulève la prescription. En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En matière de prêt, le délai court, s'agissant du capital restant dû, à la date de déchéance du terme, et s'agissant des mensualités impayées, à compter de leur date d'exigibilité.

Le prêt a été résilié le 8 janvier 2016, alors que la première échéance impayée remonte au mois d'octobre 2015.

L'interruption de la prescription pourra être utilement invoquée par le créancier, si ont été délivrés des actes visés aux articles 2240, 2241, 2244 du code civil (reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, demande en justice, acte d'exécution forcée, mesure conservatoire).

En l'espèce, il s'avère que par email du 16 mars 2017, M. [G], gérant de la SCI, faisait état de démarches pour trouver une solution afin de payer les dettes ; des mandats de vente de l'immeuble étaient évoqués ; il ajoutait qu'il comprenait très bien l'impatience de la Caixa Geral Depositos, mais qu'il avait entrepris des démarches qui nécessitaient du temps. Le 1er avril 2017, il annonçait faire le maximum pour les accélérer et ainsi proposer une solution fiable et acceptable pour la Caixa Geral Depositos.

L'intéressé a ainsi reconnu devoir le principe de la dette née du prêt. Et la saisie-attribution querellée a été régularisée le 18 mai 2021 soit moins de cinq ans plus tard. Il s'ensuit que la prescription n'est pas acquise.

La SCI S CCC sollicite la production forcée de l'acte de cession de créances non caviardé. En vertu de l'article 1379 du code civil, la copie fiable a la même force probante que l'original. La fiabilité est laissée à l'appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d'un écrit authentique. Est présumée fiable jusqu'à preuve du contraire toute copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte, et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Si l'original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée.

La production de l'acte de cession en original ne doit toutefois être ordonnée que si elle est utile à la solution du litige. L'acte en date du 28 novembre 2019 comporte en annexe 1 une liste des créances cédées, lesquelles sont toutes effacées à l'exception de deux d'entre elles, portant la mention 'SCI SCCC'. L'un des numéros inscrits est le 24PME00419103001, l'autre étant illisible. Le premier numéro est celui de l'offre préalable de prêt proposée par la Caixa Geral Depositos et signée de la SCI S CCC. Il s'ensuit nécessairement que c'est la créance née dudit prêt, objet de l'acte notarié du 30 novembre 2012, qui a ainsi été cédée. S'agissant de l'autre numéro, il résulte de ce qui va suivre que le Fonds commun de titrisation Quercius détient deux titres exécutoires dont le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles ; ledit numéro correspond de toute évidence à la créance née dudit jugement car il n'est soutenu par aucune des parties que d'autres obligations existeraient entre elles. C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé qu'aucun doute n'était permis quant aux créances ainsi cédées si bien que la production de l'acte de cession en original, non caviardé, a été rejetée à juste titre.

En vertu de l'article D 214-227 du code monétaire et financier, le bordereau prévu au premier alinéa du V de l'article L 214-169 comporte les énonciations suivantes :

1° La dénomination " acte de cession de créances " ;

2° La mention du fait que la cession est soumise aux dispositions des articles L. 214-169 à L. 214-175 ;

3° La désignation du cessionnaire ;

4° La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir, par exemple l'indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d'actes dont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance. La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir peuvent figurer sur un ou des fichiers pouvant le cas échéant prendre la forme électronique, dès lors que ce ou ces fichiers sont remis ou transmis par le cédant au cessionnaire au plus tard le jour de la remise du bordereau et que le bordereau fait référence à ce ou ces fichiers. Ce ou ces fichiers sont alors réputés faire partie intégrante du bordereau.

Lorsque la transmission des créances cédées est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions prévues aux 1°, 2° et 3°, le moyen par lequel elles sont transmises, désignées ou individualisées ainsi que l'évaluation de leur nombre global.

(...)

Le bordereau peut être établi, signé, conservé et transmis sous forme électronique.

L'éventuel défaut de l'une de ces mentions ne suffit pas à entraîner la nullité ou l'inopposabilité de la cession de créance au cessionnaire ; il importe uniquement de vérifier, en cas de litige, si la créance cédée a bien été individualisée dans l'acte, avec toutes conséquences de droit vis-à-vis du débiteur cédé.

Il résulte de ce qui précède que les deux seules créances détenues par la Caixa Geral Depositos à l'encontre de la SCI S CCC ont bien été cédées sans aucune équivoque ; il s'ensuit que le Fonds commun de titrisation Quercius vient bien aux droits de la Caixa Geral Depositos, précision étant faite que par application de l'article L 214-169 IV alinéa 2 du code monétaire et financier, lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. La demande d'annulation ou d'inopposabilité de l'acte de cession a été à bon droit rejetée par le juge de l'exécution.

La SCI S CCC soutient que le Fonds commun de titrisation Quercius n'est pas pourvu d'un titre exécutoire. Il résulte des pièces produites que :

- une offre préalable de prêt a été émise par la Caixa Geral Depositos, relativement à un prêt de 450 000 euros devant être accordé à la SCI S CCC, et a été acceptée par elle le 28 juillet 2012 ;

- selon acte notarié en date du 30 novembre 2012, la société [K] a vendu à la SCI S CCC un bien sis à [Localité 3] (Yvelines), le prêteur intervenant à l'acte, la Caixa Geral Depositos, accordant à l'acquéreur un prêt de 450 000 euros en capital ;

- suivant jugement daté du 23 septembre 2016, le Tribunal de commerce de Versailles a condamné la SCI S CCC à payer à la Caixa Geral Depositos la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de greffe (81,12 euros) ;

- le contrat de cession de créance notarié a été conclu le 28 novembre 2019 et portait, ainsi qu'il a été démontré supra, sur ces deux créances.

En dépit des contestations que la SCI S CCC oppose, le Fonds commun de titrisation Quercius détient bien deux titres exécutoires.

La SCI S CCC fait plaider également que le prêt était stipulé intransmissible. L'article X de la convention de prêt notarié prévoyait que le crédit était strictement personnel à son bénéficiaire et ne pouvait pas être transféré à une autre personne. Or le bénéficiaire du crédit est l'emprunteur et non pas le prêteur, si bien que même si la SCI S CCC se voyait interdire de le transmettre, il n'en était pas de même de la Caixa Geral Depositos.

Par ailleurs, l'acte de saisie-attribution litigieux est régulier en ce qu'il vise un principal de 608 977,07 euros en ce compris d'une part le capital restant dû, les échéances impayées et l'indemnité de résiliation dus au titre du prêt, d'autre part l'indemnité de procédure et les dépens dus en vertu du jugement susvisé du Tribunal de commerce de Versailles.

La SCI S CCC invoque le droit de retrait. L'article 1699 du code civil dispose :  Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. L'article 1700 du même code précise que la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.

Le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

Les deux conditions de l'article 1700 du code civil (procès en cours et contestation sur le fond du droit) sont cumulatives et la contestation doit mettre en question le droit lui-même et non pas seulement les modalités de son exercice, son exécution ou des difficultés procédurales.

Le retrait litigieux tend à mettre un terme au litige portant sur les droits cédés, par le remboursement par le débiteur cédé au cessionnaire du prix que celui-ci a payé au cédant. Ainsi, la faculté de retrait prévue par l'article 1699 du code civil ne peut être exercée qu'autant que les droits cédés soient déjà litigieux à la date de l'exercice de cette faculté, c'est à dire lors de la cession (28 novembre 2019). Or ce n'est que le 10 mai 2021, soit postérieurement, que la SCI S CCC et son gérant, M. [G], ont assigné la Caixa Geral Depositos, Mme [K] et le Fonds commun de titrisation Quercius devant le Tribunal judiciaire de Paris en vue d'obtenir notamment l'annulation du prêt pour dol. Il en résulte que les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, et le premier juge a, à juste titre ,écarté ce moyen.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI S CCC de sa demande à fin d'annulation ou de mainlevée de la saisie-attribution et de sa demande de dommages et intérêts.

La SCI S CCC, qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- CONFIRME le jugement en date du 5 avril 2022 ;

- CONDAMNE la SCI S CCC à payer au Fonds commun de titrisation Quercius, ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion et pour recouvreur la SAS MCS &Associés, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SCI S CCC aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Vignes conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 22/09533
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.09533 ?
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