Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 01 JUIN 2023
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07080 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFEB
Décision déférée à la Cour : opposition sur arrêt rendu par défaut en date du 12 Mai 2021 - Cour d'Appel de PARIS, Pôle 6 chambre 7 - RG n° 19/07418.
APPELANTE
Société INSTITUT KALLIOPE SARL (ISEK),
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
INTIMES
Monsieur [K] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Isabelle SAMAMA-SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196
Association UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 4],
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES
Selon contrat de travail à durée indéterminée intermittent du 2 octobre 2009, M. [K] [N] a été engagé en qualité de formateur en informatique, gestion du système d'information, technicien hautement qualifié, par la société Institut Kalliope (ci-après désignée l'Isek) spécialisée dans la formation continue d'adultes. Ledit contrat fixait la durée minimale annuelle d'heures de travail à 85 heures et répartissait cette durée à l'intérieur des périodes travaillées.
La durée annuelle de travail et les périodes travaillées ont été modifiées par avenants successifs des 14 octobre 2009, 20 septembre 2010, 1er septembre 2011, 3 septembre 2012, 8 octobre 2013 et 9 septembre 2014.
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des organismes de formation.
La société employait à titre habituel au moins onze salariés.
M.[N] a été absent de l'entreprise pour cause de maladie à compter du 5 janvier 2017.
Par courriers des 14 et 30 janvier 2017, intitulés 'demande de rupture conventionnelle' pour le premier et 'réclamation de pièces légales liées au contrat de travail'pour le second, M.[N] s'est plaint notamment de l'absence d'avenant depuis le mois de juillet 2015 et de ses conditions de travail dégradées.
M. [N] a signifié sa démission à son employeur par lettre du 22 mai 2017 en ces termes « Par la présente, je vous informe de ma démission du poste de formateur que j'occupe depuis le 2 octobre 2009 au sein de l'ISEK. Cette rupture du contrat de travail prend effet à réception de ce courrier. En retour je vous demanderai de bien vouloir me remettre mon solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi ».
Sollicitant la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M.[N] a saisi le conseil de Prud'hommes d'Evry le 31 mai 2017 aux fins d'obtenir la condamnation de la société Institut Kalliope aux paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par courrier du 16 juin 2017, M.[N] a contesté son solde de tout compte, informé son employeur qu'il avait saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester les conditions de la rupture de son contrat de travail, soutenant que sa démission n'était que la conséquence d'une longue dégradation de ses conditions de travail ayant entraîné un syndrôme anxio-dépressif réactionnel et un arrêt de travail de longue maladie.
Par jugement du 21 juin 2018, le conseil de prud'hommes d'Evry a ordonné le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Melun et réservé les dépens.
Par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de l'Isek et désigné Maître [J], ès qualités de mandataire judiciaire.
Par un jugement en date du 5 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Melun a:
- dit que la démission de M. [N] était effective et non équivoque,
- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- mis hors de cause l'AGS,
- condamné M. [N] à payer les sommes suivantes :
- 500 euros à l'Isek au titre du préjudice subi,
- 250 euros à l'Isek au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 250 euros à l'AGS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [N] aux dépens de l'instance.
Pour rejeter la demande du salarié en requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil a retenu que la volonté non équivoque du salarié de quitter la société était démontrée au regard des multiples échanges avec l'employeur, notamment en vue d'une rupture conventionnelle et qu'à aucun moment il n'avait fait connaître à la société sa volonté de revenir sur sa décision.
Le 25 juin 2019, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt rendu par défaut du 12 mai 2021, la cour d'appel de Paris a :
Confirmé le jugement en ce qu'il a débouté M.[N] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale obligatoire et mis hors de cause l'AGS,
Infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamné la société Institut Kalliope à payer à M.[N] les sommes suivantes:
- 5000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 26.987 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein de septembre 2015 à mai 2017,
- 2.698,7 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Débouté M.[N] de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein sur la période de mai 2014 à août 2015,
Dit que la démission est requalifiée en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la société Kalliope à payer à M.[N] les sommes suivantes:
- 3.008,95 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 4.298,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
- 430 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 12. 896 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Débouté M.[N] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
Ordonné à la société Institut Kalliope de remettre à M.[N] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Dit que les sommes de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les sommes de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,
Condamné la société Institut Kalliope à payer à M.[N] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,
Condamné la société Institut Kalliope aux dépens de première instance et d'appel.
Par acte d'huissier du 30 juin 2021, l'arrêt a été signifié à la société Institut Kalliope.
Le 26 juillet 2021, la société Institut Kalliope a formée opposition à l'arrêt du 12 mai 2021.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 9 février 2023, l'Isek demande à la cour de :
Déclarer recevable l'opposition formée par elle,
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Requalifier la prise d'acte de M. [N] en démission,
Constater que la démission de M. [N] est claire et non équivoque,
Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner M. [N] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [N] aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 7 mars 2023, M. [N] demande à la cour de :
Dire et juger que la société Institut Kalliope ne peut avoir la qualité de partie défaillante,
En tout état de cause,
Déclarer irrecevable l'opposition formée par la société Institut Kalliope en date du 26 juillet 2021 pour non-respect des dispositions de l'article 574 du code de procédure civile,
Condamner la société Institut Kalliope au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 5 juin 2019 du conseil de prud'hommes,
En conséquence,
A titre principal,
Dire et juger que la démission de M. [N] du 17 mai 2017 doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de l'employeur,
Par voie de conséquence,
Condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes au profit de M. [N] :
- indemnité conventionnelle de licenciement : 3.650 euros,
- indemnité de préavis : 4.298,50 euros,
- indemnité de congés payés sur préavis : 430 euros,
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16.200 euros,
- indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 2.149,25 euros,
- indemnité pour absence de visites médicales obligatoires auprès de la médecine du travail: 5.000 euros,
Condamner l'employeur aux rappels de salaires pour variation du taux horaire sans annualisation conforme aux dispositions légales, réglementaires et conventionnelles applicables : pas d'accord collectif, pas d'avenants contractuels renouvelés et signés, pas d'annexes annuelles des périodes travaillées et non travaillées entraînant la requalification en contrat à temps plein soit la somme de 92.992 euros, outre 9.299,20 euros de congés payés,
Condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat à hauteur de 20.000 euros,
A titre subsidiaire,
Condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour réparation des heures de cours perdues (classes retirées) à hauteur de 5.085 euros,
Condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour manquement aux obligations de respecter le temps partiel : 5.000 euros,
Ordonner la remise de documents rectifiés : attestation Pôle emploi, certificat de travail, bulletin de paie (période 2014-2015-2016-2017 rectifiés) sous astreinte journalière de 50 euros par jours de retard, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte,
Condamner l'Isek au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonner l'exécution provisoire (sur l'intégralité de la décision à intervenir au sens de l'article 515 du code de procédure civile),
Ordonner le versement des sommes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation avec anatocisme au sens de l'article 1343-2 du code civil.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 9 février 2023, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 4] (ci-après désignée l'AGS) demande à la cour de dire de ce que de droit sur les mérites de l'opposition.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 8 mars 2023.
MOTIFS :
Sur l'irrecevabilité de l'opposition :
* Sur la mauvaise qualification de l'arrêt du 12 mai 2021 :
M. [N] soutient que l'arrêt du 12 mai 2021 est improprement qualifié d'arrêt par défaut puisque :
-d'une part, sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel ont été signifiées à la personne de Me [J], mandataire judiciaire de l'Isek,
- d'autre part, l'Isek ne démontre pas qu'elle n'a pas été informée de l'existence de l'appel et qu'elle était dans l'impossibilité de se constituer.
Il en déduit que l'opposition formée le 26 juillet 2021 par l'Isek est irrecevable.
***
Selon l'article 473 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Il résulte de ce texte rendu applicable devant la cour d'appel par l'article 749 du code de procédure civile, qu'un arrêt rendu par une cour d'appel n'est réputé contradictoire qu'à la seule condition que la déclaration d'appel ait été signifiée à la personne de l'intimé défaillant, les modalités de signification des premières conclusions d'appelant étant sans incidence sur la qualification de la décision.
Selon les articles 476, 571 et 572 du code de procédre civile, le jugement rendu par défaut peut être frappé d'opposition. L'opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. Elle n'est ouverte qu'au défaillant. L'opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. Le jugement frappé d'opposition n'est anéanti que par le jugement qui le rétracte.
Selon les articles L. 622-1 et L. 622-3 du code de commerce, l'administration de l'entreprise placée sous sauvegarde est assurée par son dirigeant. Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur.
***
En l'espèce, il ressort des pièces produites et des mentions de l'arrêt du 12 mai 2021 de la cour d'appel de Paris que :
- cet arrêt a été rendu par défaut aux motifs que l'Isek n'a pas comparu et n'a pas constitué avocat,
- par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de l'Isek et désigné Maître [J], ès qualités de mandataire judiciaire.
S'il résulte de l'exploit d'huissier produit en pièce 64 par le salarié que sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel ont été signifiée le 19 août 2019 à la personne de Maître [J], il ressort en revanche de cette même pièce que cette déclaration d'appel et ces conclusions n'ont été signifiées à l'Isek que par remise en l'étude de l'huissier le 16 août 2019. Or, il ressort des dispositions du code de commerce précitées que le représentant légal de l'Isek n'est pas le mandataire judiciaire mais le chef d'entreprise.
La déclaration d'appel n'ayant pas été signifiée à la personne de l'Isek (intimée défaillante), l'arrêt rendu le 12 mai 2021 doit être qualifié d'arrêt par défaut. Par suite, contrairement aux allégations du salarié, cet arrêt pouvait être frappé d'opposition.
* Sur le défaut de motivation :
M. [N] soutient que l'opposition formée le 26 juillet 2021 par l'Isek est irrégulière au regard de l'article 574 du code de procédure civile puisqu'elle ne contient aucun moyen à l'appui de l'opposition.
Selon l'article 574 du code de procédure civile, l'opposition doit contenir les moyens du défaillant. Constitue un moyen au soutien d'une opposition le fait pour l'opposante d'invoquer qu'elle n'avait pas été convoquée à l'audience à laquelle elle n'avait pas comparu.
Il ressort des termes de l'opposition formée par l'Isek qu'elle a invoqué au soutien de celle-ci que les conclusions de M. [N] ne lui ont pas été signifiées à personne, qu'elle n'en donc pas eu connaissance et qu'elle n'a pas été destinataire de la convocation pour l'audience de plaidoirie du 1er avril 2021.
Dès lors, contrairement aux allégations du salarié, l'opposition contenait les moyens de l'intimée défaillante et n'est donc pas irrecevable au regard des prescriptions de l'article 574 précité.
***
Il résulte de ce qui précède que l'opposition formée par l'Isek n'est pas irrecevable.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Il résulte des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail que l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l'espèce, il est établi que M.[N] a travaillé durant plusieurs semaines en 2016, comme d'autres salariés de l'institut, dans des conditions de travail dégradées, marquées par le comportement irrespectueux de certains étudiants à son égard et l'absence de soutien de sa hiérarchie.
En effet, quatre de ses anciens élèves, Mme [V], Mme [A], M.[U], Mme [I] témoignent notamment du bruit régnant dans la salle de classe, du manque de respect de certains étudiants à l'égard de M.[N] se manifestant en particulier par des injures, la consommation de denrées alimentaires et des déplacements durant le cours, sans autorisation.
Des anciens salariés de l'institut, Mme [R], responsable pédagogique de septembre 2001 à mars 2016, et M.[B], salarié formateur de 2000 à 2015, témoignent des incivilités, du comportement irrespectueux et parfois agressif des étudiants, du désengagement de la directrice du centre, souvent absente et peu 'au fait des dysfonctionnements et des problèmes du centre', de l'absence de sanction prise par la direction à l'égard des étudiants insultant les enseignants.
Mme [Y], formatrice indépendante ayant travaillé de 2009 jusqu'à fin octobre 2017 pour l'institut Kalioppe, déclare avoir été témoin de l'agression verbale dont M.[N] a été victime de la part d'un étudiant qui l'a menacé de lui taper dessus après une remarque faite en classe et fait état de l'absence de soutien réel de la direction, l'étudiant n'ayant été exclu que deux jours.
Il est également établi que M.[N] s'est plaint de ses conditions de travail par courrier du 14 janvier 2017 adressé en copie à l'inspection du travail, ayant pour objet « demande de rupture conventionnelle du contrat de travail » aux termes duquel il a dénoncé des conditions de travail dégradées depuis plusieurs mois et en particulier des violences verbales régulières d'étudiants envers le personnel, des intimidations et menaces à l'origine de sa souffrance au travail.
En défense, l'employeur soutient qu'il a toujours mis en oeuvre les mesures nécessaires pour protéger M. [N] et se borne à :
- indiquer qu'il a appelé les pompiers le 6 octobre 2016 alors que le salarié se trouvait mal suite à un vif échange avec un élève,
- justifier que suite aux menaces proférées par un élève à l'encontre de M. [N] le 29 novembre 2016, cet élève a fait l'objet d'une exclusion d'une journée et a été contraint de rédiger une lettre d'excuse à son formateur.
Toutefois, il ne ressort pas de ces seuls éléments que l'employeur ait pris des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de M.[N] du fait des conditions de travail dégradées dans lesquelles il devait travailler et que l'employeur ne pouvait méconnaître comme le révélent les attestations versées aux débats et le fait qu'il admet avoir dû appeler les pompiers pour faire soigner le salarié suite à une altercation avec un élève.
Il se déduit de ce qui précède que l'Isek a manqué à son obligation de sécurité.
S'agissant du préjudice, M.[N] justifie avoir été absent de l'entreprise pour cause de maladie en avril et mai 2016, du 1er juin jusqu'au 21 septembre 2016 puis à compter du 5 janvier 2017 sans interruption jusqu'à la rupture du contrat de travail. Deux avis de prolongation des 14 janvier et 6 février 2017 mentionnent à la rubrique « élément d'ordre médical » : « souffrance au travail » et « anxiété réactionnelle ».
M. [N] produit en outre une attestation de son médecin généraliste qui déclare l'avoir suivi régulièrement à compter du mois de mars 2016 en raison d'une souffrance au travail et d'un état dépressif nécessitant des arrêts de travail prolongés avec un traitement anxiolytique et anti-dépresseur ainsi qu'un suivi psychiatrique.
M.[N] produit également des attestations de Mmes [Y] et [X], anciennes élèves qui témoignent de la dégradation de son état de santé, Mme [X] précisant avoir vu l'état général de ce dernier se dégrader en ces termes : « cela a commencé par une grosse perte de poids, parfois il était à deux doigts du malaise alors il s'asseyait, se reposait 5 minutes puis reprenait le cours ».
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice subi par M.[N] du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité doit être réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein:
M. [N] sollicite dans le dispositif de ses écritures un rappel de salaire de 92.992 euros, outre 9.299,20 euros de congés payés afférents liés à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein. Selon le salarié, une partie de cette somme (47.961 euros) est due au titre de la période de septembre 2014 à août 2015 et le reste au titre de la période de septembre 2015 à mai 2017.
En défense, l'Isek s'oppose à ces demandes.
* Sur la requalification au titre de la période de septembre 2014 à août 2015 :
Pour prétendre à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, M. [N] soutient qu'au titre de la période de septembre 2014 à août 2015, il a travaillé au-delà de 25% de la durée minimale fixée par l'avenant au contrat de travail couvrant cette période. Il en déduit qu'en application de l'article L.3123-6 du code du travail et de l'article 3-1 de l'accord d'entreprise relatif au travail intermittent, son contrat de travail devait être requalifié à temps plein et sollicite un rappel de salaire au titre de cette période de 47.961 euros, outre les congés payés afférents.
En défense, l'employeur soutient qu'il a toujours rémunéré le salarié des heures effectuées et que ce dernier n'a jamais contesté ses bulletins de paye portant mention de ses heures. Il sollicite ainsi le débouté des demandes de M. [N].
En l'espèce, il ressort des stipulations de l'avenant du 9 septembre 2014 qu'au titre de la période de septembre 2014 à août 2015, la durée annuelle minimale de travail de M. [N] était fixée à 515 heures. Or, comme l'affirme ce dernier, il ressort des bulletins de paye qu'il a travaillé 778 heures sur cette période soit au-delà de 25% de la durée minimale fixée par l'avenant.
Toutefois, contrairement aux allégations de M. [N], il ne ressort ni des dispositions de l'article L. 3123-6 du code du travail ni des stipulations de l'article 3-1 de l'accord d'entreprise que la réalisation d'heures au-delà de 25% de la durée minimale fixée par le contrat de travail entraîne la requalification du contrat en temps complet.
M. [N] doit en conséquence être débouté de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents.
* Sur la requalification au titre de la période de septembre 2015 à mai 2017 :
Pour prétendre à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, M. [N] soutient qu'au titre de la période de septembre 2015 à mai 2017, aucun avenant n'a été conclu postérieurement au mois de septembre 2015 de sorte qu'il était soumis au régime de l'annualisation sans aucun écrit de l'employeur et ce faisant à la disposition pleine et entière de ce dernier puisqu'il ne pouvait prévoir à l'avance à quel moment il travaillerait. Il en déduit qu'en application de l'article L.3123-6 du code du travail et de l'article 3-1 de l'accord d'entreprise relatif au travail intermittent, son contrat de travail devait être requalifié à temps plein et sollicite un rappel de salaire au titre de cette période de 45.031 euros, outre les congés payés afférents.
En défense, l'employeur soutient qu'il a toujours rémunéré le salarié des heures effectuées et que ce dernier n'a jamais contesté ses bulletins de paye portant mention de ses heures. Il produit en outre un tableau mentionnant le nombre d'heures effectuées par le salarié sur la période considérée. Il sollicite le débouté des demandes de M. [N].
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Le contrat de travail intermittent, qui a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées, doit être conclu par écrit, définir lesdites périodes, contenir des mentions obligatoires telles que la durée minimale du travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail du salarié à l'intérieur des périodes travaillées . L'exigence d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi aux avenants qui modifient la durée du travail ou sa répartition.
Dès lors qu'aucune définition des périodes travaillées et non travaillées n'apparait sur le contrat de travail, il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein.
En l'absence des mentions obligatoires telles que la durée minimale du travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail du salarié à l'intérieur des périodes travaillées, le contrat est présumé à temps plein. Il appartient à l'employeur d'établir la preuve contraire.
***
Contrairement aux allégations de l'employeur, il n'est produit aucun avenant signé par le salarié produisant des effets au titre de la période concernée et ce, alors que M. [N] les a réclamés par courriers successifs adressés à l'employeur les 14 et 30 janvier 2017. En l'absence de définition des périodes travaillées et non travaillées de septembre 2015 à mai 2017, le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein sur cette période. Le production par l'employeur d'un tableau récapitulant les heures effectuées par le salarié sur la période et le fait que ce dernier n'a pas contesté ses bulletins de paye ne sont pas de nature à renverser la présomption de temps plein.
Cette requalification ouvre droit pour le salarié à un rappel de rémunération, exception faite des périodes de maladie durant lesquelles le contrat était suspendu, le salarié n'ayant fourni aucune prestation de travail.
Sur la base du décompte produit par le salarié, après déduction des périodes de maladie, il y a lieu d'accueillir sa demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 26.987 euros bruts, outre 2.698,70 euros bruts de congés payés afférents.
***
Il ressort des conclusions de M. [N] que ses demandes pécuniaires pour réparation des heures de cours perdues (classes retirées) et pour manquement à l'obligation de respecter le temps partiel sont formées à titre subsidiaire en cas de rejet de la demande salariale sollicitée au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein. La cour ayant partiellement fait droit à cette demande salariale principale, il ne sera pas examiné les demandes pécuniaires formées à titre subsidiaire.
Sur la rupture :
Lorsque le salarié, comme c'est le cas en l'espèce, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci, en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.
En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse quelques jours après avoir démissionné et ce faisant a remis en cause celle-ci dans un délai raisonnable.
Il est également établi qu'un différend antérieur à la rupture opposait les parties, M.[N] ayant saisi son employeur par courriers successifs des 14 et 30 janvier 2017 puis des 10 février et 17 mai 2017, de réclamations portant notamment sur ses conditions de travail dégradées, l'absence d'avenants pour l'année 2015-2016 et 2016-2017 et l'absence de communication de ses bulletins de salaire de janvier à avril 2017.
La démission de M.[N] est équivoque et doit donc être analysée en une prise d'acte.
Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité invoqué par le salarié caractérise un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture de celui-ci.
Celle-ci doit être requalifiée en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture :
En premier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la cause dispose : 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9".
Eu égard à l'ancienneté du salarié (7 ans, 7 mois et 20 jours) dans son emploi, à son âge (35 ans), à son salaire mensuel brut de 2149.25 euros correspondant à un temps plein et en l'absence d'éléments produits sur sa situation postérieure à la rupture, il y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige et compte tenu du préjudice subi, de lui allouer la somme réclamée à savoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 16.200 euros.
En deuxième lieu, il convient d'accueillir la demande de M. [N] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois (4.298,50 euros bruts). Par contre, il lui sera alloué la somme de 429,85 euros bruts de congés payés afférents et non celle réclamée de 430 euros.
En troisième lieu, selon l'article R. 1234-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. L'article 9.2 de la convention collective applicable et l'article R. 1234-2 dans sa rédaction applicable à la cause prévoient de manière concordante que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté. Le montant de cette indemnité est déterminée préavis inclus.
Par suite, l'indemnité de licenciement doit être fixée à la somme de 3.331,33 euros selon la formule suivante :
((2149,25/5)x7)+(((2.149,25/5)/12)x9)
En quatrième et dernier lieu, M.[N] doit être débouté de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, celle-ci n'étant pas due dans le cas d'une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages intérêts pour défaut de visite de reprise :
En premier lieu, L'article R.4624-22 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose : 'Le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : (...) 3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel'.
Il résulte des bulletins de paie et avis d'arrêt de travail versés aux débats que M.[N] a été absent pour cause de maladie notamment du 1er juin au 21 septembre 2016 , soit plus de 30 jours consécutifs.
Par suite, l'employeur devait organiser une visite de reprise au profit du salarié en application du texte réglementaire précité
En second lieu, M. [N] reproche à l'employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise suite à sa période d'arrêt maladie en 2016. Il sollicite ainsi la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
En défense, l'employeur s'oppose à cette demande indemnitaire, soutenant avoir organisé une telle visite fixée le 3 octobre 2016 mais que le salarié ne s'y était pas rendu.
A l'appui de ses allégations, il produit seulement :
- un courrier du 21 septembre 2016 par lequel le médecin du travail a confirmé à l'employeur l'organisation d'un rendez vous médical au profit du salarié le 3 octobre 2016,
- un courrier du 3 octobre 2016 par lequel le médecin du travail a indiqué à l'employeur que M. [N] ne s'était pas présenté au rendez-vous médical du 3 octobre.
Toutefois, M. [N] soutient que l'employeur ne lui a pas remis la convocation au rendez-vous médical et produit une attestation de la directrice par laquelle celle-ci a confirmé ne pas avoir remis la convocation au salarié.
L'employeur ne produit aucun élément de nature à établir qu'il avait convoqué le salarié à la visite médicale de reprise.
Dès lors, l'Isek a méconnu les prescriptions de l'article R. 4624-22 du code du travail.
Compte tenu de la longue période d'arrêt maladie subie par le salarié pour état dépressif et de ses conditions de travail dégradées, le fait pour l'employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise a fait subir à M. [N] un préjudice qui doit être fixé à 1.000 euros.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande du salarié tendant à la remise de documents de fin de contrat conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
L'Isek qui succombe partiellement est condamnée à verser au salarié la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.
L'Isek sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif d'exécution conformément à l'article 579 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire du présent arrêt comme le demande le salarié dans le dispositif de ses conclusions.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
DIT que l'opposition formée le 26 juillet 2021 par la société Institut Kalliope est recevable,
DIT que l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la 7ème chambre du pôle 6 de la cour d'appel de Paris dans l'affaire enrôlée sous le numéro RG 19/07418 concernant M. [K] [N] est retracté par l'effet de l'opposition,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
- mis hors de cause l'AGS,
- débouté M. [K] [N] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la démission de M. [K] [N] est requalifiée en prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Institut Kalliope à payer à M. [K] [N] les sommes suivantes:
- 5000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 26.987 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein de septembre 2015 à mai 2017,
- 2.698,7 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 3.331,33 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 4.298,50 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
- 429,85 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 16.200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.000 euros à titre d'indemnité pour absence de visite médicale obligatoire auprès de la médecine du travail,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE à la société Institut Kalliope de remettre à M. [K] [N] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt,
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
ORDONNE à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités,
DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Institut Kalliope aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière, La présidente.