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01/06/2023 | FRANCE | N°21/04869

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 01 juin 2023, 21/04869


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 01 JUIN 2023



(n°2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04869 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY5P



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00278



APPELANTE



S.A.S. EURO DISNEY ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représen

tée par Me Marion PIPARD, avocat au barreau de MEAUX



INTIME



Monsieur [B] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 17 Février 1969 à [Localité 5] (ALGÉRIE)



Représenté par Me Jean-luc GUETTA...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 01 JUIN 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04869 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY5P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00278

APPELANTE

S.A.S. EURO DISNEY ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marion PIPARD, avocat au barreau de MEAUX

INTIME

Monsieur [B] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

né le 17 Février 1969 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

Représenté par Me Jean-luc GUETTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1184

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2023 à 9h00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [X] a été engagé par la société Euro Disney associés, ci-après la société, par contrat de travail à durée déterminée du 4 mars 2014 au 22 juin 2014 en qualité d'habilleur, puis par un deuxième contrat à durée déterminée du 6 août 2014 au 7 janvier 2015 pour la même fonction et par un troisième contrat à durée déterminée du 8 janvier 2015 au 30 juin 2015 en qualité de technicien opérations logistiques. La relation de travail s'est poursuivie par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute de M. [X] s'élevait à 1 558,94 euros pour 151,67 heures.

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 16 mars 2016, M. [X] a été contrôlé à la guérite de sécurité située à la sortie de l'entreprise par la société Fox, chargée de la sécurité de celle-ci, alors qu'il quittait les lieux avec Mme [T], également salariée de la société, au volant d'un véhicule de l'entreprise contenant du matériel. La société a déposé plainte pour tentative de vol contre les deux salariés.

M. [X] a été placé en arrêt de travail du 20 mars 2016 au 17 avril 2017.

Le 22 mars 2016, une déclaration d'accident du travail a été établie en raison d'un choc psychologique subi le 16 mars 2016 par M. [X] à la suite du contrôle opéré par la société Fox, avec réserves de l'employeur.

Le 18 avril 2016, l'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident.

Le 2 mai 2016, la société a notifié à M. [X] une mise à pied disciplinaire de deux jours pour avoir le 16 mars 2016 tenté d'utiliser un véhicule de service à des fins personnelles sans avoir demandé l'autorisation et de sortir des biens du site sans accord préalable.

Le 11 janvier 2017, la commission de recours amiable de l'assurance maladie, saisie par la société, a infirmé la décision de prise en charge du 18 avril 2016 pour non-respect du principe du contradictoire.

A la suite de visites des 25 avril et 3 mai 2017, le médecin du travail a de nouveau examiné M. [X] le 7 juin 2017, le déclarant inapte et précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi 'au sein des entreprises de l'UES, EDLI et TWDC.'.

Dans l'intervalle, M. [X] a été placé en dispense d'activité rémunérée du 28 avril 2017 au 13 mai 2017 puis de nouveau à compter du 7 juin 2017.

La société a, le 12 juin 2017, informé M. [X] de son impossibilité de le reclasser, l'a convoqué par lettre du 16 juin 2017 à un entretien préalable fixé au 30 juin suivant et l'a licencié par lettre du 7 juillet 2017 pour inaptitude et au motif que son état faisait obstacle à tout reclassement.

Le 19 octobre 2017, la sécurité sociale a notifié à M. [X] sa décision de fixer son taux d'incapacité permanente à 5% et de lui allouer une indemnité de 1 958,18 euros à la suite de l'accident du travail du 16 mars 2016.

Estimant que son inaptitude résultait d'un manquement de l'employeur et contestant son licenciement, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 12 avril 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- dit le licenciement dont a fait l'objet M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse;

en conséquence,

- condamné la société à payer à M. [X] les sommes suivantes :

* 6 235,76 euros à titre d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de celles prévues par les dispositions législatives ;

- condamné la société aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d'exécution du jugement par voie d'huissier de justice.

Par déclaration transmise par voie électronique le 2 juin 2021, la société a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 19 mai 2021.

Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 26 juillet 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

- juger que le licenciement pour inaptitude de M. [X] est valablement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- le condamner à verser à la société la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 27 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [X] demande à la cour de :

- débouter la société de ses demandes ;

- prononcer la confirmation du jugement en ce qu'il a dit le licenciement dont a fait l'objet M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- constater que licenciement pour inaptitude prononcé par la société en date du 7 juillet 2017 prononcé à l'encontre de M. [X] est provoqué par un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité auquel il est tenu vis à vis de ses salariés ;

- dire que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, l'inaptitude ayant pour seule cause les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ;

réformant sur le quantum,

- prononcer la condamnation de la société à verser à M. [X] la somme de 37 320 euros correspondant à deux années de salaires à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à verser à M. [X] une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'[...] Nous faisons suite à l'entretien préalable à un éventuel licenciement du 30 juin 2017, auquel vous ne vous êtes pas présenté et au cours duquel nous souhaitions vous exposer les motifs de la mesure envisagée.

Le 7 juin 2017, le médecin du travail vous a déclaré définitivement inapte à votre poste de Technicien Opération Logistique Spectacle et a émis l'avis suivant : 'L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein des entreprises de l'UES, EDLI et TWDC.'

Cette inaptitude fait suite à un accident du travail du 16 mars 2016.

Par courrier du 08 juin 2017, vous avez été placé en situation de dispense d'activité rémunérée.

Le 12 juin 2017 nous vous avons envoyé un courrier vous indiquant les motifs qui s'opposaient à votre reclassement.

Au vu de cet avis émis par le médecin du travail précisant que 'L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein des entreprises de l'UES, EDLI et TWDC.', nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail sans avoir à rechercher un poste de reclassement en application de l'article L. 1226-12 du code du travail.

Nous vous confirmons que la dispense d'activité observée depuis le 07 juin 2017 vous sera rémunérée jusqu'à la date d'envoi de cette lettre.

En effet, n'étant pas en mesure d'effectuer votre préavis, la date d'envoi de cette lettre marquera la fin de votre contrat de travail et vous percevrez une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun, ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement calculée conformément à l'article L1226-14 du Code du travail. [...]'.

La société soutient que les pièces produites reprenant les déclarations du salarié faites trois jours et deux mois après le 16 mars 2016 ne permettent pas d'établir la matérialité d'un fait accidentel à l'origine de l'inaptitude. Elle avance que les pièces communiquées lors du présent litige ne l'étayent pas plus, arguant de l'absence de force probante des attestations versées aux débats. Elle relève qu'aucune pièce ne justifie d'un contrôle du salarié opéré en raison de sa nationalité algérienne mais que celui-ci s'explique par le fait qu'il sortait en dehors de ses horaires de travail dans un véhicule de la société sans justifier d'un motif professionnel, en violation du règlement intérieur, que M. [X] n'a d'ailleurs pas contesté sa mise à pied et qu'il n'étaye pas le moindre fait laissant supposer un acte discriminatoire. De même elle affirme qu'aucune pièce ne prouve un manquement de sa part à l'obligation de sécurité, invoquant qu'aucune disposition du code du travail ne met à sa charge une obligation de soutien au salarié qui plus est lorsqu'il a commis une faute et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir déposé plainte, la matérialité des tentatives d'utilisation frauduleuse du véhicule et du vol étant établie.

Au visa des articles L. 1132-1 et L. 4121-1 du code du travail, M. [X] se plaint que la société a fait pratiquer à son encontre un contrôle musclé lors duquel a été réalisée une fouille personnelle et de son véhicule et qu'à cette occasion, il a fait l'objet de propos discriminatoires et été soupçonné de vol et terrorisme, qu'il a été conduit auprès des services de police qui ont classé l'affaire sans suite mais qu'il en a subi un profond traumatisme. Il reproche aussi à la société d'avoir déposé plainte pour vol en l'absence d'intention frauduleuse de sa part, de lui avoir infligé une mise à pied qu'elle n'a cependant pas exécutée et bien qu'il ait alerté sa hiérarchie, de n'avoir sanctionné que lui alors qu'il se trouvait avec sa supérieure hiérarchique, d'avoir contesté la réalité de l'accident du travail et le lien avec les faits du 16 mars 2016 alors qu'un médecin expert a reconnu ses troubles et ce lien. Il indique solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Il estime que les manquements de ce dernier, notamment à son obligation de sécurité, sont la cause de la dégradation de son état psychique, laquelle est à l'origine de son inaptitude, ce qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer le cas échéant une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour statuant comme juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de se prononcer sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur mais de rechercher si l'inaptitude de M. [X] trouve sa cause dans des agissements fautifs de la société.

Par ailleurs, les règles particulières relatives à la protection des accidentés du travail reçoivent application dès lors que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Au cas présent, la société ne saurait sérieusement contester l'existence d'un fait accidentel s'étant produit sur le lieu de travail à l'origine de l'inaptitude de M. [X] puisque la lettre de licenciement énonce que l' 'inaptitude fait suite à un accident du travail du 16 mars 2016" et qu'elle lui a versé, comme l'indique cette lettre, une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité légale de préavis et une indemnité spéciale de licenciement calculée conformément à l'article L.1226-14 du code du travail, soit les indemnités de rupture prévues en cas d'inaptitude d'origine professionnelle.

En vertu de l'article L.1132-1 du code du travail dont se prévaut M. [X], toute discrimination en raison de l'origine est prohibée. En application de l'article L.1134-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné entant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'occurrence, M. [X] sollicite la confirmation du jugement qui a retenu qu'il n'aurait probablement pas subi le contrôle dont il a été victime s'il n'avait pas les origines qui sont les siennes. M. [X] prétend aussi avoir fait l'objet à cette occasion de propos discriminatoires.

Il invoque encore avoir été seul sanctionné.

M. [X] produit son titre de séjour établissant qu'il est de nationalité algérienne.

La réalité du contrôle dont il a fait l'objet est notamment avérée par le rapport d'accident du travail qu'il verse aux débats.

S'agissant des propos discriminatoires dont il aurait été victime, M. [X] communique le rapport d'accident du travail précité daté du 19 mars 2016 reprenant ses déclarations suivant lesquelles alors qu'il partait en lunch accompagné de sa team leader, le 16 mars précédent, 'suite à un contrôle des fox, certaines insinuations ont pu heurter ma sensibilité' et un mail qu'il a adressé le 13 avril 2016 à la société dans lequel il a affirmé que le 16 mars 2016, il avait subi un contrôle très musclé, que la police lui avait appris qu'il était soupçonné par la Fox de vol et de terrorisme, dénonçant une situation de discrimination en ce que ces accusations avaient été portées à cause de ces origines et qu'il en était très affecté. Il produit aussi trois attestations se rapportant aux faits du 16 mars 2016 :

- celle de M. [Z] n'est pas accompagnée de la pièce d'identité de son auteur et n'est donc pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile. Cette irrégularité qui empêche de s'assurer de l'identité de celui-ci ne permet pas de retenir l'attestation comme probante;

- celle de M. [E] qui indique seulement que des radios se trouvant dans le coffre de la voiture y avaient été oubliées ;

- celle de Mme [T], sa cheffe, relatant que le 16 mars 2016, M. [X], qui sortait avec elle en voiture, a subi une fouille sans ménagement de la Fox, s'est fait traiter de voleur et soupçonné de terrorisme à cause d'un talkie walkie laissé dans la voiture depuis plus d'un an par un de ses collègues. Mais comme le fait valoir la société, cette attestation ne peut être retenue comme probante dans la mesure où elle démontre avoir également sanctionné cette salariée d'une mise à pied pour les mêmes faits du 16 mars 2016 de sorte que les dires de Mme [T], outre qu'ils sont très imprécis, ne présentent pas de garanties d'objectivité.

Dès lors, les déclarations de M. [X] faites le 19 mars 2016 et le 13 avril suivant, qui ne précisent pas la teneur et l'auteur des 'insinuations' dont il aurait été l'objet, ni les faits, gestes ou propos qui auraient eu lieu lors du contrôle ne sont pas corroborées. La matérialité de propos discriminatoires et d'un contrôle musclé n'est pas établie.

M. [X] produit enfin la mise à pied qui lui a été notifiée le 2 mai 2016 pour avoir le 16 mars 2016 tenté d'utiliser un véhicule de service à des fins personnelles sans avoir demandé l'autorisation et de sortir des biens du site sans accord préalable.

Les éléments établis, à savoir le contrôle et la mise à pied dont M. [X] de nationalité algérienne a fait l'objet, pris dans leur ensemble, laissent supposer une discrimination.

Cependant, ainsi qu'elle le fait valoir, l'appelante prouve que l'article 4 du règlement intérieur de la société Euro Disney associés prévoit la possibilité de contrôles dans le cas de circonstances graves le justifiant telles que notamment des disparitions renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériel appartenant à l'entreprise ou à son personnel. A cet égard, la lettre de mise à pied fait état d'un contexte de renforcement des contrôles au titre du plan Vigipirate renforcé et la société précise que le contrôle s'explique par le fait que M. [X] sortait de l'enceinte de la société, en dehors de ses horaires de travail, dans un véhicule de la société sans justifier d'un motif professionnel, en violation de l'article 5 du même règlement intérieur. Il résulte en effet de cet article que les biens de la société ne peuvent être employés qu'au bénéfice de celle-ci et qu'aucun bien appartenant à l'entreprise ne peut être sorti de celle-ci sans autorisation écrite. Or, M. [X] indique lui-même que le contrôle a eu lieu le 16 mars 2016, à 12 heures, alors qu'il allait déjeuner avec son team leader à l'extérieur du parc d'attractions, soit pour un motif non professionnel. En outre, la société justifie par la mise à pied notifiée à celle-ci que Mme [T], supérieure hiérarchique de M. [X] avec laquelle il se trouvait, a aussi fait l'objet de ce contrôle.

De plus, comme déjà indiqué, contrairement à ce qu'il prétend, M. [X] n'a pas été le seul sanctionné puisque la société établit avoir notifié le 2 mai 2016 à Mme [T], sa cheffe qui n'a pas les mêmes origines, une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour les mêmes faits du 16 mars 2023 que ceux reprochés à M. [X]. Par ailleurs, la mise à pied, dont ce dernier n'a pas sollicité l'annulation, apparaît justifiée dès lors qu'il s'apprêtait à quitter l'entreprise avec un véhicule de la société pour un motif non professionnel et que selon ses conclusions, il ne conteste pas que ce véhicule contenait divers matériels de la société sans qu'il ait obtenu préalablement l'autorisation écrite de les sortir.

La société prouve ainsi que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En application de l'article L. 4121-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Au soutien de l'allégation d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, M. [X] invoque les éléments suivants :

- le contrôle musclé dont il a fait l'objet assorti de propos discriminatoires et de soupçons de vol et terrorisme ;

- sa conduite auprès des services de police et la plainte déposée contre lui par son employeur ;

- la mise à pied dont il a fait l'objet non exécutée par la société, laquelle a été alertée par lui et n'a pas sanctionné sa supérieure hiérarchique ;

- la contestation de la réalité de son accident du travail et du lien entre ses lésions et ce fait.

- sur le contrôle et ses circonstances :

Il résulte des énonciations précédentes que la réalité d'un contrôle musclé assorti de propos discriminatoires et de soupçons de terrorisme n'est pas établie.

- sur la conduite de M. [X] auprès des services de police et la plainte déposée contre lui par son employeur :

La conduite de M. [X] auprès des services de police n'est documentée par aucun élément objectif probant mais il est exact que la société a déposé plainte contre lui, et contre Mme [T], pour tentative de vol. Cependant, le dépôt d'une plainte correspond à l'exercice d'un droit et en l'espèce, il n'est caractérisé aucun abus dès lors que comme il a été vu ci-dessus, M. [X] s'apprêtait à quitter l'entreprise avec un véhicule de la société pour un motif non professionnel et que ce véhicule contenait divers matériels de la société sans qu'il ait obtenu préalablement l'autorisation écrite de les sortir.

- sur la mise à pied :

La société a notifié une mise à pied à M. [X] mais le prononcé d'une sanction disciplinaire ne suffit pas à caractériser un manquement à l'obligation de sécurité. En l'occurrence, comme il a été vu ci-dessus, M. [X] n'a pas sollicité l'annulation de cette mise à pied qui apparaît justifiée. Le fait qu'elle n'ait pas été exécutée est inopérant puisque M. [X] était alors en arrêt de travail. Comme indiqué supra, sa supérieure hiérarchique a aussi été sanctionnée. Enfin, M. [X] ne saurait se plaindre qu'alertée par lui, sa hiérarchie, au lieu de le réconforter, lui ait notifié une mise à pied puisque les faits dénoncés par lui dans son mail du 13 avril 2016 ne sont pas avérés et que l'employeur est en droit de sanctionner un salarié qui a commis une faute.

- sur la contestation de l'accident du travail :

La cour observe que la société a bien déclaré l'accident du travail invoqué par son salarié. Si elle a dans le même temps émis des réserves quant à cet accident, il ne s'agit là que de l'exercice de droit pour tout employeur qui ne caractérise aucun abus dès lors que les réserves faites étaient motivées. S'agissant du recours que la société a ensuite formé, il ne traduit à nouveau que l'exercice d'un droit pour l'employeur qui ne saurait être qualifié d'abusif puisqu'il a été couronné de succès selon la décision de la commission de recours amiable du 11 janvier 2017.

Il n'est ainsi établi aucun manquement de la société à son obligation de sécurité à l'égard de M. [X].

Par voie de conséquence, il n'est pas démontré que son inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur. Il en résulte que le licenciement de M. [X] prononcé pour inaptitude et au motif que son état faisait obstacle à tout reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce qu'il a statué en sens contraire.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il convient de débouter M. [X] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant sur ce point aussi infirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [X] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y pas lieu de le condamner en application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

DIT que le licenciement de M. [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE M. [X] de toutes ses demandes ;

DÉBOUTE la société Euro Disney associés de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04869
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.04869 ?
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