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01/06/2023 | FRANCE | N°19/08456

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 01 juin 2023, 19/08456


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 01 JUIN 2023



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08456 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANOO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F19/00426



APPELANTS

Monsieur [N] [G]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par

Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/025901 du 27/06/2019 accordée par le bureau d'aide j...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 01 JUIN 2023

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08456 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANOO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F19/00426

APPELANTS

Monsieur [N] [G]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/025901 du 27/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Syndicat CNT-SO SYNDICAT DU NETTOYAGE

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMEES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentée par Me Eléonore FAVERO, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701

Société REFLEXES NET

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Guillaume BOULAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN713

SCP BROUARD [W] prise en la personne de Maître [K] [W] es-qualité de mandataire judiciaire de la Société J.P. CLEANING

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Yves BOURGAIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel prenant effet le 11 mai 2014, M. [N] [G] a été engagé par la société Hibiscus en qualité d'agent de service classe I, échelon 1 pour une durée hebdomadaire de travail de 20h.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

M. [G] a été affecté sur le site du Mc Donald de [Localité 15] dans le [Localité 2].

En 2015, la société Hibiscus a perdu le contrat de nettoyage de ce site au profit de la société JP Cleaning.

Par avenant prenant effet le 1er janvier 2015, le contrat de travail de M. [G] a été transféré à la société JP Cleaning en application de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté.

Par avenant prenant effet le 1er août 2016, le volume horaire mensuel de travail de M. [G] a été augmenté à 108,25 heures.

La société JP Cleaning a perdu le contrat de nettoyage du site du Mc Donald de [Localité 15] au profit de la société Reflexes Net qui en a été chargée à compter du 1er mars 2018.

Par courrier du 23 février 2018, la société Reflexes Net a informé la société JP Cleaning qu'elle reprenait le contrat de nettoyage du site du Mc Donald de [Localité 15] à compter du 1er mars 2018 et a sollicité, en application de l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de nettoyage, la liste du personnel intervenant sur ce site.

Par courrier du 27 février 2018, la société JP Cleaning a accusé réception auprès de la société Reflexes Net de sa demande sans toutefois y répondre.

Par courrier du 28 février 2018, la société Reflexes Net a mis en demeure la société JP Cleaning de lui fournir la liste du personnel intervenant sur le site de [Localité 15]. Là encore, aucune réponse n'était apportée à la société Reflexes Net.

Par jugement du 28 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société JP Cleaning et a désigné la SCP Brouard Daudé en qualité de liquidateur.

A la date d'entrée en vigueur du contrat de nettoyage, soit le 1er mars 2018, la société Reflexes Net a trouvé M. [G] sur le site et lui a remis un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à signer afin de l'embaucher en qualité d'agent de service pour la période du 1er mars au 31 mai 2018. Aux termes de ce contrat, M. [G] était affecté sur le site de [Localité 15] pour le mois de mars 2018, puis sur le site de la Porte Dorée à compter du 1er avril 2018.

Bien que ce contrat n'ait jamais été signé par le salarié, M. [G] a néanmoins travaillé pour la société JP Reflexes Net à compter du 1er mars 2018.

Le 13 mars 2018, le liquidateur de la société JP Cleaning a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique.

Par courrier du 6 avril 2018, la société Reflexes Net a reproché au salarié son absence à son poste de travail sur le site du Mc Donald Porte Dorée.

Par courrier du 16 avril 2018, le syndicat 'Confédération Nationale des Travailleurs Solidarité Ouvrière' (ci-après désigné le syndicat CNT-SO) a reproché à la société Reflexes Net d'avoir muté M. [G] sur le site de la Porte Dorée, sans proposition écrite respectant un certain délai de prévenance et alors que M. [G] avait refusé de signer le contrat de travail à durée déterminée qui lui avait été présenté et d'être affecté sur ce site car la charge de travail y était trop importante.

Par courrier du 16 avril 2018, la société Reflexes Net a mis en demeure M. [G] de se présenter sur le site de la Porte Dorée et de lui apporter signé le contrat de travail à durée déterminée.

Par courrier du 23 avril 2018, le syndicat CNT-SO a rappelé à la société Reflexes Net les termes de son courrier du 16 avril.

Par courrier du 23 mai 2018, la société Reflexes Net a indiqué à M. [G] que son contrat de travail à durée déterminée arrivait à son terme le 31 mai 2018 et qu'il ne ferait plus partie du personnel de l'entreprise à compter de cette date.

Par courrier du 11 juin 2018, la société Reflexes Net a communiqué à M. [G] ses documents de fin de contrat.

Considérant que la société Reflexe Net avait méconnu les stipulations de l'article 7 de la convention collective en refusant de procéder au transfert conventionnel de son contrat de travail, M. [G] et le syndicat CNT-SO ont saisi le 18 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir des sociétés Reflexes Net et JP Cleaning diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 18 avril 2019, le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté le syndicat CNT-SO de l'ensemble de ses demandes,

Débouté les parties défenderesses de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la partie demanderesse aux dépens.

Le 23 juillet 2019, M. [G] et le syndicat CNT-SO ont interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 octobre 2019, M. [G] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Par suite, statuant à nouveau,

A titre principal,

Condamner la société Reflexes Net à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (violation article 7 CCN de la propreté),

A titre subsidiaire,

Inscrire au passif de la société JP Cleaning la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (violation article 7 CCN de la propreté),

Dire ces créances opposables à l'AGS,

En tout état de cause,

Constater l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée entre la société Reflexes Net et M. [G],

Condamner la société Reflexes Net à lui régler les sommes suivantes :

-rappel de salaire du 1er avril au 31 mai 2018 : 2628,18 euros,

-congés payés afférents : 262,81 euros,

-indemnité compensatrice de préavis : 2629,16 euros,

-indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 262,91 euros,

-indemnité de licenciement : 1314,58 euros,

-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (5 mois) : 6572,90 euros,

Condamner la société Reflexes Net à verser à Me [L] [T] la somme de 2000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que Me [T] renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle,

A titre très infiniment subsidiaire,

Requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 1er mars 2018 en contrat à durée indéterminée,

Condamner la société Reflexes Net à régler à M. [G] les sommes suivantes :

-rappel de salaire du 1er avril au 31 mai 2018 : 2628,18 euros,

-congés payés afférents : 262,81 euros

-indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée : 1314,58 euros,

-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois) : 1341,58 euros,

Condamner la société Reflexes Net à lui verser la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que Me [T] renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle,

Ordonner l'intérêt au taux légal à compter de la saisine,

Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 octobre 2019, le syndicat CNT-SO demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas jugé recevable son intervention volontaire,

Infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession,

Par suite, statuant à nouveau,

Dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son intervention volontaire,

A titre principal,

Condamner la société Reflexes Net à lui régler les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession : 5000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros,

A titre subsidiaire,

Inscrire au passif de la société JP Cleaning les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession : 5000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2000 euros,

Dire ces créances opposables à l'AGS,

Ordonner l'intérêt légal à compter de la saisine,

Condamner également aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 décembre 2019, la société Reflexes Net demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

Constater que le transfert du contrat de travail à durée indéterminée de M. [G] ne s'est pas opéré du fait des manquements de la société JP Cleaning à ses obligations conventionnelles et que cette dernière doit donc supporter seule les conséquences financières de cette absence de transfert,

Rejeter les demandes de rappels de salaires du 1er avril au 31 mai 2018 ainsi que les demandes d'indemnité légale de licenciement, de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée à son encontre,

Constater qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations issues de l'article 7.2 de la convention collective de nettoyage, ni issues de l'article L.1222-1 du code du travail et que M. [G] ne démontre, en tout état de cause, pas l'existence d'un préjudice ;

Rejeter la demande de dommages-intérêts à hauteur de 10.000 euros de M. [G],

Constater la licéité du contrat de travail à durée déterminée du 1er mars 2018,

A titre principal, rejeter la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et les demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail requalifié en contrat de travail à durée indéterminée,

A titre subsidiaire,

- fixer l'ancienneté de M. [G] au 1er mars 2018,

- limiter les demandes indemnitaires dues aux sommes suivantes :

Indemnité de préavis : 328,64 euros,

Congés-payés afférents : 32,87 euros,

Rejeter en tout état de cause, la demande de rappel de salaire du 1er avril au 31 mai 2018,

Constater qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations issues de l'article 7.2 de la convention collective de nettoyage,

Rejeter la demande de dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros du syndicat,

En tout état de cause,

Débouter M. [G] et le syndicat de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

A titre d'appel incident, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sollicite en conséquence la condamnation solidaire de M. [G] et du syndicat à lui verser les sommes de :

- 2.000 euros au titre de l'article 700 pour première instance,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 pour l'appel.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 3 janvier 2020, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Île de France Ouest (ci-après désignée l'AGS) demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, statuant de nouveau,

Prononcer sa mise hors de cause pour toute demande formulée à l'encontre de la société Reflexes Net,

Constater qu'il n'est plus formulé de demandes de condamnation solidaire,

Débouter M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale formulée à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société JP Cleaning,

Dire et juger qu'elle s'en rapporte aux explications du salarié concernant la reprise de son contrat

de travail par la société Reflexes Net,

Si le cour venait à prononcer la réintégration de M. [G] au sein de la société Reflexes Net, condamner celui-ci à rembourser à la SCP Brouard Daudé, à charge pour elle de lui reverser, la somme de 6.276,65 euros correspondant au montant du solde de tout compte réglé par elle,

Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou l'article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

Dire et juger qu'aux termes des dispositions de l'article L.3253-17 du code du travail, sa garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois

plafonds définis à D.3253-5 du code du travail,

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 17 janvier 2020, le liquidateur de la société JP Cleaning demande à la cour de :

Dire M. [G] et le syndicat SNT- SO mal fondés en leur appel,

Dire et juger qu'aucune faute ne lui est imputable,

Constater que le transfert d'emploi à la société Reflexes Net est intervenu,

Constater qu'il est totalement étranger aux conditions offertes à M. [G] par la société Reflexe Net,

Dire et juger en conséquence que seule la société Reflexes Net doit éventuellement répondre d'une méconnaissance des stipulations des articles 7 et suivants de la convention collective,

Débouter dés lors tant M. [G] que le syndicat CNT-SO de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société JP Cleaning,

Confi rmer dés lors la décision déférée en toutes ses dispositions,sauf à condamner chacun de M. [G] et du syndicat CNT-SO à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 15 février 2023.

MOTIFS :

Sur le transfert conventionnel du contrat de travail et l'exécution déloyale de ce contrat :

M. [G] soutient qu'il est lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Reflexes Net :

- à titre principal, du fait du transfert de son contrat à cette dernière en application de l'article 7 de convention collective nationale des entreprises de propreté,

- à titre subsidiaire, car il a continué de travailler sur le site repris le 1er mars 2018 par la société Reflexes Net sans avoir signé de contrat de travail avec elle.

M. [G] expose que le refus opposé par la société Reflexes Net au transfert conventionnel de son contrat de travail s'analyse en une exécution déloyale de ce contrat. Il sollicite à ce titre la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Cette demande indemnitaire est dirigée, à titre principal, à l'encontre de la société Reflexes Net et, à titre subsidiaire en cas de débouté, à l'égard de la société JP Cleaning.

En défense, la société Reflexes Net soutient qu'elle n'est pas liée avec M. [G] par un contrat de travail à durée indéterminée puisque :

- d'une part, le transfert conventionnel de son contrat n'a pu avoir lieu du fait de la méconnaissance par la société JP Cleaning de son obligation de communication des éléments mentionnés à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté,

- d'autre part, elle est liée avec M. [G] par les stipulations du contrat de travail à durée déterminée versé aux débats et ce, nonobstant le fait que ce dernier ne l'ait pas signé.

Elle soutient n'avoir commis aucune exécution déloyale du contrat de travail et conclut au débouté de la demande indemnitaire du salarié. Elle sollicite en outre que la société JP Cleaning supporte seule les conséquences financières de l'absence de transfert conventionnel du contrat de travail.

***

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque..

L'annexe VII du 29 mars 1990 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, qui fixe « les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire », a été reprise aux articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté.

L'article 7.2 de la convention stipule : 'L'entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l'entreprise sortante dès qu'elle obtient ses coordonnées (...). Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :

A. Appartenir expressément :

' soit à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation » de la classification nationale des emplois (AS, AQS, ATQS et CE) et passer sur le marché concerné 30 % de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante;

' soit à l'un des 2 premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné.

B. Être titulaire :

a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et,

' justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;

' ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. À cette date, seul(e)s les salarié(e)s en congé maternité ou en activité partielle seront repris(es) sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité ou période d'activité partielle compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la/le salarié(e) ne serait pas en congé de maternité ou en activité partielle à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.

b) Soit d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui satisfait aux conditions visées ci-dessus en a.

C. Être en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers

D. Ne pas avoir été reconnu médicalement inapte définitif sur le poste de travail attaché au marché.

E. Ne pas être en situation de préavis, exécuté ou non.

(...)

Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté.

Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante'; le contrat à durée indéterminée se poursuivant sans limitation de durée'; le contrat à durée déterminée se poursuivant jusqu'au terme prévu par celui-ci.

L'entreprise entrante établira un avenant au contrat de travail, pour mentionner le changement d'employeur, dans lequel elle reprendra l'ensemble des clauses attachées à celui-ci. (...). Il est précisé que l'entreprise sortante doit adresser lesdits renseignements au plus tard dans les 8 jours ouvrables après que l'entreprise entrante se soit fait connaître conformément aux dispositions de l'article 7.2 par l'envoi d'un document écrit. La carence de l'entreprise sortante dans la transmission des renseignements prévus par les présentes dispositions ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché (...)'.

L'article 7.3 de la convention stipule : 'L'entreprise sortante établira une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article 7.2.I. Elle la communiquera obligatoirement à l'entreprise entrante, dès connaissance de ses coordonnées. Cette liste contiendra, pour chaque personne bénéficiant de la garantie d'emploi, le détail de sa situation individuelle, conformément au modèle figurant en annexe I du présent article 7. Elle sera accompagnée de la copie des documents suivants :

' les 6 derniers bulletins de paie ;

' la dernière attestation de suivi médical ou avis d'aptitude à jour ;

' le passeport professionnel ;

' la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants ;

' l'autorisation de travail des travailleurs étrangers ;

' l'autorisation de transfert du salarié protégé émise par l'inspecteur du travail.

L'entreprise sortante qui souhaiterait conserver à son service tout ou partie du personnel affecté à ce marché, avec l'accord de celui-ci, devra en avertir son successeur, au moment de la transmission de la liste'.

Il ressort ainsi de ces stipulations qu'un manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante les documents prévus par l'accord ne peut empêcher un changement d'employeur qu'à la condition qu'il mette l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché. Il appartient dans ce cas au juge d'apprécier si l'éventuelle insuffisance des éléments fournis rendait impossible la reprise effective du marché.

***

En l'espèce, il est constant que le 1er mars 2018, la société Reflexes Net a repris le marché de nettoyage du site du Mc Donald de [Localité 15] sur lequel était affecté depuis le 11 mai 2014 M. [G], salarié de la société JP Cleaning alors titulaire dudit marché.

Il ressort des écritures des parties et des éléments produits que la société JP Cleaning, entreprise sortante du marché de nettoyage du site du Mc Donald de [Localité 15] n'a pas communiqué les documents mentionnés à l'article 7.3 de la convention collective nationale des entreprises de propreté que lui avait pourtant été demandés à deux reprises par la société Reflexes Net (entreprise entrante) par courrier du 23 février 2018 auquel la société JP Cleaning a accusé réception le 27 février et par lettre de mise en demeure du 28 novembre 2018.

Dès lors, comme le soutient la société Reflexes Net, la société JP Cleaning a manqué à son obligation de lui communiquer les documents prévus par l'article 7 de la convention collective applicable.

Toutefois, comme il a été dit précédemment, ce manquement n'est de nature à faire échec au transfert conventionnel du contrat de travail de M. [G] à la société Reflexes Net que si celle-ci établit l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché.

Or, il n'est nullement contesté par les parties que la société Reflexes Net a effectivement repris le 1er mars 2018 le marché sur lequel était affecté le salarié. De même, dès le jour de cette reprise, la société Reflexes Net reconnaît avoir continué à faire travailler M. [G] sur le site du Mc Donald de [Localité 15]. De plus, la société Reflexes Net ne produit aucun argumentaire contestant le fait que M. [G] remplissait les critères posés par la convention collective au titre du transfert conventionnel de plein droit du contrat, se bornant à dire qu'elle n'a pas été en mesure de vérifier ces points du fait du manquement de la société JP Cleaning à son obligation d'information, alors qu'elle ne justifie par ailleurs d'aucun obstacle l'empêchant d'apprécier les conditions du transfert posées par la convention collective au moment où elle a présenté à l'appelant un projet de contrat de travail à durée déterminée que ce dernier refusait de signer et qui, par conséquent, n'a pu servir de base juridique à la relation de travail entre l'entreprise entrante et M. [G]. Au surplus, M. [G] produit dans ses écritures un argumentaire justifiant du respect des critères conventionnels conditionnant le transfert de plein droit du contrat, cet argumentaire n'étant pas formellement contesté par la société Reflexes Net dans ses conclusions d'appel.

Il se déduit de ce qui précède que, contrairement aux allégations de la société Reflexes Net, le contrat de travail de M. [G] a été transféré à cette dernière dès le 1er mars 2018 et ce, en application des stipulations de l'article 7 de la convention collective applicable.

De même, il résulte de ce qui précède que la société Reflexes Net s'est opposée au transfert conventionnel de plein droit, commettant ainsi une exécution déloyale du contrat de travail causant un préjudice à M. [G] dont la société doit réparation à hauteur de 1.000 euros. La demande indemnitaire de M. [G] à l'encontre de la société JP Cleaning étant formulée à titre subsidiaire, elle ne sera pas examinée par la cour. Il en est de même de la demande de garantie financière de la société Reflexes Net formée à l'encontre de la société JP Cleaning puisque, selon le dispositif de ses dernières écritures, elle a seulement pour objet de lui transférer la charge des 'conséquences financières de l'absence de transfert conventionnel du contrat de travail'. Or, comme il vient d'être dit, le transfert conventionnel du contrat est bien intervenu.

Si les parties mentionnent dans leurs écritures, sans toutefois en tirer de conséquences juridiques, le fait que le 13 mars 2018, le liquidateur de la société JP Cleaning a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique, la cour constate qu'à cette date le transfert conventionnel avait déjà produit ses effets et qu'ainsi seule la société Reflexes Net, devenu le nouvel employeur de M. [G] à compter du 1er mars, pouvait mettre fin au contrat de travail qui lui avait été tranféré. Par suite, le licenciement notifié par le liquidateur de la société JP Cleaning n'a pas eu pour effet de mettre fin au contrat de travail de M. [G].

Sur l'intervention du syndicat :

Le syndicat CNT-SO sollicite la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession en raison de la volonté de la société Reflexes Net de faire obstacle aux stipulations de l'article 7 de la convention collective applicable. Cette demande indemnitaire est portée, à titre principal, à l'encontre de la société Reflexes Net et, à titre subsidiaire en cas de débouté, à l'égard de la société JP Cleaning.

Selon l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

L'intervention volontaire du syndicat fondée sur l'inapplication par l'employeur des stipulations de l'article 7 de la convention collective applicable est recevable.

Compte tenu des développements précédents, la société Reflexes Net sera condamnée à verser au syndicat CNT-SO la somme de 200 euros en réparation du préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente. Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la rupture du contrat de travail :

Comme il a été dit précédemment, le contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 11 mai 2014 a été transféré à la société Reflexes Net en application des stipulations de l'article 7 de la convention collective applicable.

Il est constant que les relations de travail entre la société Reflexes Net et M. [G] ont cessé le 31 mai 2018 lorsque la société a adressé au salarié :

- d'une part, un courrier du 23 mai 2018 ainsi rédigé : 'La société Reflexes Net vous a engagé pour une durée déterminée dont le terme est prévu le 31 mai 2018. Votre contrat arrivant à expiration, nous vous confirmons son terme le 31 mai 2018, date à laquelle vous ne ferez plus partie du personnel Reflexes Net. Nous vous ferons parvenir les documents usuels de fin de contrat',

- d'autre part, un courrier du 11 juin 2018 par lequel elle a communiqué à M. [G] ses documents de fin de contrat.

Par ces deux courriers, la société Reflexes Net a manifesté de manière irrévocable sa volonté de mettre fin à la relation de travail sans mettre en oeuvre une procédure de licenciement et sans invoquer une cause réelle et sérieuse.

Dès lors, comme le soutient le salarié, la rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminée par la société Reflexes Net s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture sans cause réelle et sérieuse :

Au préalable, la cour constate que les parties produisent seulement afin d'établir la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [G] le bulletin de paye émis par la société JP Cleaning au titre du mois de février 2018 pour un montant brut de 1.344,68 euros et le bulletin de paye émis par la société Reflexes Net au titre du mois de mars 2018 pour un montant de 1.313,08 euros. Faute d'autres éléments, la rémunération mensuelle brute du salarié sera déterminée par la moyenne de ces deux sommes et sera ainsi fixée à 1.328,88 euros. De même, il ressort qu'au moment de la rupture, le salarié bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans et 20 jours. De plus, il n'est nullement contesté le fait que la société Reflexes Net employait à titre habituel au moins onze salariés. Enfin, il est précisé que l'ensemble des demandes pécuniaires relatives à la rupture du contrat de travail est formé exclusivement par M. [G] à l'encontre de la société Reflexes Net.

En premier lieu, M. [G] sollicite la somme de 2.629,16 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 262,91 euros de congés payés afférents. Compte tenu de l'ancienneté de M. [G] devant être déterminée à compter du 11 mai 2014 (date de prise d'effet du contrat de travail à durée indéterminée), il peut utilement solliciter une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail et aux stipulations concordantes de la convention collective applicable. Statuant dans les limites de l'appel, il sera intégralement fait droit aux demandes pécuniaires de M. [G], précision faite que les sommes sont allouées en brut.

En deuxième lieu, M. [G] sollicite la somme de 1.314,58 euros à titre d'indemnité légale de licenciement. Selon les articles R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure, d'une part, à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines et, d'autre part, à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans. Statuant dans les limites de l'appel, il sera intégralement fait droit à la demande pécuniaire de M. [G].

En troisième lieu, M. [G] sollicite la somme de 6.572,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la cause dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.

Pour une ancienneté de 4 ans, l'indemnité minimale s'élève à 3 mois de salaire brut et l'indemnité maximale est de 5 mois.

Eu égard à l'âge du salarié au moment de la rupture du contrat de travail (48 ans), à son salaire, à son ancienneté et en l'absence d'éléments produits sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, il convient de lui allouer la somme de 4.100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En quatrième et dernier lieu, selon l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Par suite, il sera ordonné à la société Reflexes Net de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [G] dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur le rappel de salaire :

M. [G] reproche à la société Reflexes Net de ne pas lui avoir payé sa rémunération pour la période du 1er avril au 31 mai et sollicite à ce titre un rappel de salaires de 2.628,18 euros, outre 262,81 euros de congés payés afférents. Il soutient que l'employeur ne pouvait l'affecter sans son accord sur le site de Porte Dorée à compter du 1er avril 2018 alors qu'au titre de son contrat de travail il était affecté sur le site de [Localité 15] et qu'en ne lui versant pas son salaire, la société Reflexes Net a voulu le sanctionner pour ne pas avoir signé le contrat de travail à durée déterminée qu'elle lui a présenté le 1er mars. Il indique également que le poste qui lui était proposé sur le site de la Porte Dorée mettait sa santé en danger compte tenu du manque d'effectif sur ce site et de la surcharge de travail en découlant.

En défense, la société Reflexes Net se fonde sur les termes du contrat de travail à durée déterminée qui stipule, d'une part, une clause de mobilité et, d'autre part, qu'à compter du 1er avril 2018, le salarié était affecté sur le site de Porte Dorée, distant de 2 km du site de [Localité 15], soit 9 mn de trajet en voiture ou en transport en commun. Elle en déduit qu'en ne se présentant pas sur ce nouveau lieu de travail à compter du 1er avril 2018, malgré ses mises en demeure de le faire, le salarié s'est placé en absence injustifiée ce qui justifiait le non-versement de son salaire pour la période concernée. Elle conteste le fait que l'affectation du salarié sur le site de la Porte dorée était de nature à le mettre en danger.

En l'espèce et en premier lieu, comme il a été dit précédemment, la loi des parties est définie non pas par le contrat de travail à durée déterminée présenté le 1er mars 2018 à M. [G] par la société Reflexes Net, mais par le contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 11 mai 2014 et transféré à cette société en application des stipulations de l'article 7 de la convention collective applicable. Or, il résulte des stipulations de ce contrat, non modifié sur ce point par les avenants versés aux débats, que le lieu de travail est fixé à [Localité 14] sans autre précision et non, comme l'affirme M. [G], sur le site de [Localité 15].

En deuxième lieu, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Comme il vient d'être dit, le contrat de travail stipule seulement que le salarié sera affecté à [Localité 14]. Or, il ressort des éléments produits que le site de [Localité 15] était situé [Adresse 1] et que le site de Porte Dorée était basé [Adresse 5]. Par suite les deux lieux d'affectation étaient situés dans le même arrondissement de [Localité 14] et distant de 2 km l'un de l'autre. De même, il ne se déduit nullement des éléments produits que les conditions de travail de M. [G] auraient changé sur ce nouveau site d'affectation puisque ses fonctions et ses horaires de travail demeuraient inchangés et qu'il était toujours affecté à des tâches de nettoyage dans un restaurant Mc Donald. Par suite, le changement de site ne s'analyse pas comme une modification du contrat de travail mais comme un simple changement des conditions de travail qui peut être décidé unilatéralement par l'employeur. Dès lors, M. [G] ne pouvait s'opposer à son changement de lieu d'affectation au motif qu'il n'aurait pas donné son accord à celui-ci.

En troisième et dernier lieu, il n'est pas contesté que M. [G] avait conscience dès le 1er mars 2018 qu'il était affecté à compter du 1er avril 2018 sur le site de la Porte Dorée, cette information étant mentionnée sur le contrat de travail à durée déterminée qui lui a été présenté le 1er mars par la société Reflexes Net. De même, il ressort des courriers des 6 et 16 avril 2018 que l'employeur a mis en demeure M. [G] de se présenter sur le site de la Porte Dorée. Malgré ces mises en demeure, il est constant que M. [G] a refusé d'exécuter l'ordre qui lui était donné par l'employeur. Il s'en déduit qu'à compter du 1er avril 2018, M. [G] avait abandonné son poste et qu'ainsi l'employeur pouvait ne pas lui verser son salaire sur la période du 1er avril au 31 mai 2018, date de la rupture du contrat de travail.

Il se déduit de ce qui précède que la demande salariale de M. [G] sera rejetée et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la demande reconventionnelle de l'AGS :

Dans ses dernières écritures, l'AGS formule une demande reconventionnelle de la manière suivante et sans autre précision : 'Si la cour venait à juger que le contrat de travail devait être repris par la société Reflexes Net en application de l'annexe 7 et donc faisait droit à la demande de réintégration de Monsieur [G], celui-ci serait condamné à rembourser à la SCP BROUARD [W], à charge pour elle de reverser à l'AGS, la somme de 6.276,65 € correspondant au montant du solde de tout compte réglé par l'AGS'.

Toutefois, d'une part, la demande indemnitaire formulée par l'AGS est conditionnée à la réintégration du salarié au sein de la société Reflexes, ce qui n'a nullement été jugé par la cour. D'autre part, il n'est nullement justifié par l'AGS du versement à M. [G] de la somme dont le remboursement est sollicité.

Par suite, l'AGS sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur les demandes accessoires :

En premier lieu, la cour n'a inscrit aucune créance au passif de la société JP Cleaning. Il n'y a donc pas lieu à garantie de l'AGS au titre du présent arrêt.

En second lieu, la société Reflexes Net qui succombe partiellement doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel, la société Reflexes Net sera condamnée à verser :

- 1.000 euros à M. [G],

- 500 euros au syndicat.

La société Reflexes Net sera déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il en sera de même des demandes à ce titre du liquidateur de la société JP Cleaning.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a

- débouté la société Reflexes Net et la société JP Cleaning représentée par son liquidateur (SCP Brouard [W]) de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [N] [G] de ses demandes au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la rupture du contrat de travail survenue le 31 mai 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Reflexes Net à payer à M. [N] [G] les sommes suivantes :

- 1.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- 2.629,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 262,91 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 1.314,58 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel et dit qu'il sera procédé conformément aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle dont M. [G] est bénéficiaire,

CONDAMNE la société Reflexes Net à payer au syndicat CNT-SO les sommes suivantes:

- 200 euros en réparation du préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne,

ORDONNE à la société Reflexes Net de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [N] [G] dans la limite de 6 mois d'indemnités,

DIT n'y avoir lieu à garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Île de France Ouest,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Reflexes Net aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/08456
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.08456 ?
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