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31/05/2023 | FRANCE | N°21/05368

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 31 mai 2023, 21/05368


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 31 MAI 2023



(n° 2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05368 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3KC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00066





APPELANT



Monsieur [M] [X]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représenté

par Me Emilie TADEO, avocat au barreau de PARIS, toque : C752





INTIMÉES



S.A. SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR)

[Adresse 2]

[Localité 4]



S.A. ALTICE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 31 MAI 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05368 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3KC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00066

APPELANT

Monsieur [M] [X]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Emilie TADEO, avocat au barreau de PARIS, toque : C752

INTIMÉES

S.A. SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR)

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A. ALTICE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A.S. THEMARKETINGROUP venant aux droits de la société INTELCIA SERVICE CLIENT

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [M] [X] a été engagé le 15 mai 2008 par la société SFR Service Client contrat (SFR SC) selon contrat de travail à durée indéterminée au poste d'ingénieur support - S tech client, statut cadre, de la convention collective des télécommunications.

Au dernier état de la relation de travail, le salaire mensuel brut du salarié s'élevait à 3 239 euros.

Le salarié était affecté sur le site SFR Service client à [Localité 7].

La société SFR service client SA, (devenue Intelcia Service Client), est une filiale de SFR SA en charge du pilotage de la relation client B2C et du support à la distribution B2C de la marque SFR. A ce titre, elle fournit en propre ou via des sous-traitants, les services nécessaires à la relation client dont notamment ceux de centres d'appel, d'éditique des factures et communication clients ou encore des services consommateurs.

La société SFR service client appartient à l'UES SFR Group.

A l'occasion des négociations relatives à la cession des titres de SFR Group à Numéricable Group, un accord a été conclu entre les entreprises de l'UES SFR et des membres titulaires du comité central d'entreprise et quatre organisations syndicales représentatives aux termes duquel les parties ont convenu que l'emploi serait maintenu au sein de l'UES SFR à la suite de la prise de contrôle par Numéricable Group et qu'aucun licenciement collectif économique y compris résiliation amiable pour motif économique ne pourrait être mis en oeuvre pour une durée de 36 mois à compter du 1er juillet 2014.

Le groupe SFR a été cédé par Vivendi au groupe Altice/Numéricable en 2014.

Dans le cadre d'accords de maintien dans l'emploi du 25 juin 2014 et du 28 avril 2014, les sociétés Numericable Group et l'UES SFR GROUP se sont engagées à ne procéder à aucun licenciement pour motif économique jusqu'au 1er juillet 2017.

En mai 2016, un plan de suppression de postes dans le pôle distribution, non couvert par l'interdiction de licencier, a été mis en oeuvre.

Un plan de restructuration a également été annoncé dans l'UES à compter de la fin de l'accord interdisant les licenciements économiques.

Au cours du mois de juillet 2016, un accord de révision des accords de garantie d'emploi du 25 juin 2014 et du 28 avril 2014 a été négocié au niveau du pôle télécom d'Altice en vue d'encadrer les projets de restructuration annoncés par la Direction par une méthode et un calendrier général.

L'accord conclu le 3 août 2016, dit « New Deal », rappelait que l'engagement des sociétés du Pôle Télécom de SFR Group à ce qu'aucun plan de départs volontaires pour motif économique ne soit mis en place avant le 1er juillet 2017 mais n'interdisait pas les départs à l'initiative du salarié dans le cadre de la mobilité volontaire sécurisée dont la mise en place était prévue après la présentation des grandes orientations stratégiques du pôle télécom du groupe et de la GPEC.

L'accord distinguait trois périodes :

- le temps court, avec la restructuration de la distribution du pôle télécom d'Altice avant décembre 2016, uniquement au moyen de départs volontaires ;

- le temps moyen, de septembre 2016 au 30 juin 2017, consacré à la mise en 'uvre d'une phase de mobilité intra groupe appuyée sur un dispositif de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois) signé le 1er février 2017 prévoyant la mise en oeuvre du dispositif légal des mobilités volontaires sécurisées suspendant le contrat de travail,

- le temps long, à compter du 1er juillet 2017, soit à la fin de la garantie d'emploi concédée en 2014 lors de la cession de SFR, date à laquelle un plan de départs volontaires était ouvert en appui d'un projet de restructuration. Ce plan de départs volontaires a fait l'objet d'un accord d'entreprise majoritaire intitulé « accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation des sociétés de l'UES SFR application des articles L.1233-24-1 et suivants du code du travail ».

Le plan de départs volontaires comprenait un dispositif de mesures de « mobilité interne » et un autre, « externe », de départs volontaires organisés en deux temps :

- une première vague réservée aux collaborateurs « éligibles » en raison de l'impact du projet sur leur catégorie d'emploi ;

- une seconde vague, pour les collaborateurs « éligibles par substitution », c'est-à-dire à ceux dont la mobilité externe permettrait le reclassement effectif et direct, en interne, d'un salarié de SFR en contrat de travail à durée indéterminée appartenant à une catégorie d'emploi éligible pour laquelle le nombre de suppressions de postes envisagé n'aurait pas encore été atteint.

Consulté les 1er et 2 juin 2017 sur le traitement des conséquences sociales du projet de réorganisation de l'UES SFR (Livre I) et les 7 et 8 juin 2017 sur le projet de réorganisation de l'UES, le comité central d'entreprise a émis deux avis négatifs.

L'accord collectif majoritaire fixant le contenu du plan de départs volontaires a été validé par la Direccte par décision du 28 juin 2017.

M. [X] a bénéficié du dispositif de mobilité volontaire sécurisée dans le cadre du GPEC à compter du 1er juillet 2017.

Par courrier du 6 juillet 2017, M. [X] a été informé de son éligibilité, en tant que salarié éligible prioritaire, au plan de mobilité professionnelle volontaire.

Il a adressé sa candidature à la commission de validation des projets en indiquant qu'il souhaitait mettre en 'uvre son projet de création d'entreprise.

Le 17 juillet 2017, la commission de validation des projets a validé son projet.

Le 18 juillet 2017, il a confirmé sa candidature au départ volontaire et sollicité la rupture amiable de son contrat de travail.

Le 20 juillet 2017, il a conclu avec la société SFR service client un protocole de rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique et a accepté le congé de reclassement.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux par requête en date du 12 juillet 2018.

Par jugement en date du 15 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Meaux :

- s'est déclaré compétent,

- a déclaré irrecevables les demandes de M. [X],

- a débouté le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné M. [X] aux entiers dépens.

M. [X] a interjeté appel de la décision le 15 juin 2021.

Selon ses dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 4 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [X] demande de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour trancher le litige sur le fondement de l'article L. 1411-1 du code du travail et en ce qu'il a débouté les sociétés de leurs demandes d'irrecevabilité et exception;

- L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau : voulant leur donner l'apparence de licéité dans le seul but d'obtenir des effets juridiques en fraude des droits des salariés, alors que la fraude corrompt tout,

- Juger que la responsabilité délictuelle des sociétés intimées en raison de ces agissements fautifs et frauduleux est engagée,

- Reconnaître un préjudice pour le salarié distinct de celui consécutif à la rupture du contrat de travail et, celui de la perte de chance d'être maintenu dans son emploi et d'être adapté à l'évolution de son emploi,

Par conséquent:

- Condamner solidairement les sociétés intimées à verser à M. [M] [X] la somme de 39 151,00 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'être maintenu dans son emploi et d'être adapté à l'évolution de son emploi;

- Assortir l'exécution de la décision à intervenir des intérêts au taux légal et d'une astreinte de 80 € par jour de retard ;

- Ordonner qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées solidairement par les intimées en sus de l'indemnité mise à leur charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner également au versement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux entiers dépens.

Selon leurs dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, les sociétés Altice France, SFR et Themarketingroup venant aux droits de la société Intelcia Service Client, demandent de :

Au titre des exceptions de procédure

- Juger irrecevable l'action du demandeur, sa contestation de la rupture de son contrat de travail se heurtant à la décision de validation du plan de départs volontaires par la Dirrecte,

- Juger irrecevable la demande celle-ci confondant et cumulant l'engagement de la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 avril 2021 en ce qu'il a débouté les société SAS The Marketingroup (TMG), SFR SA et Altice France de leurs demandes ;

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 avril 2021 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence ;

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 avril 2021 en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par M. [X]

Et statuant à nouveau,

- Déclarer recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la SAS The Marketingroup (TMG), la société SFR SA et par la société Altice France

- Juger le conseil de prud'hommes de Meaux incompétent pour statuer sur le litige ;

En conséquence, renvoyer M. [X] à mieux se pouvoir

Au plus fort, déclarer M. [X] irrecevable en son action en vertu principe de non-cumul des actions en responsabilité contractuelles et délictuelles,

A titre subsidiaire, sur le fond des demandes

- Dire qu'en présence d'un plan de départ volontaire autonome, conclu par accord majoritaire,

excluant tout licenciement économique, toute rupture contrainte et toute modification contrainte du contrat de travail, la société n'avait pas lieu de justifier la cause économique de la rupture du contrat de travail dans les conditions de l'article L.1233-3 du code du travail, ni de présenter un plan de reclassement interne ;

- Dire qu'en présence d'un plan de départ volontaire autonome, excluant tout licenciement et toute modification contrainte du contrat de travail, qui plus est validé par la Dirrecte et dont la décision de validation n'a pas été contestée par l'appelant, la contestation de la rupture de son contrat de travail doit nécessairement être rejetée ;

- Constater qu'en tout état de cause, bien que la société ne soit pas tenue d'en rapporter la preuve, la situation dans laquelle elle se trouvait au moment de la rupture du contrat de travail litigieux, caractérisait la nécessité de sauvegarder la compétitivité du Pôle télécom d'Altice auquel elle appartenait ;

- Constater que le corpus d'accords contesté ne contient aucune garantie d'emploi, ni aucune interdiction de suppression de poste, mais au contraire qu'il a organisé, par anticipation, un processus de restructuration soumis à trois temps, visant à permettre au Pôle télécom de SFR Group la réduction de ses effectifs dans la limite de 5.000 suppressions de postes, en plafonnant les effectifs du groupe à 10.000 postes alors qu'il était de 15.000 à la date de conclusion des dits accords ;

- Constater que l'accord GPEC, qui ne contient aucune garantie d'emploi, a permis la mobilité de plus de 2000 salariés les préservant ainsi d'un départ non choisi, ce dont l'appelant pouvait bénéficier dès lors qu'il en exprimait le souhait, ce qu'il n'a pas fait ni ne rapporte la preuve de l'avoir fait ;

- Constater que la rupture du contrat de travail du demandeur résulte de sa candidature fondée sur un projet professionnel réel dont le sérieux a été validé par une commission paritaire de validation des projets et par un cabinet professionnel extérieur, garantissant le sérieux du projet sur lequel la candidature du demandeur à un départ volontaire a été présentée ;

- Constater que la décision du demandeur de rompre son contrat de travail est intervenue dans le cadre d'un processus de nature à garantir la liberté de sa décision, qu'il pouvait à tout moment interrompre et que, s'il le souhaitait, le corpus d'accords ayant organisé la mise en place du PDV lui garantissait la réalité de cette possibilité, il pouvait le faire, la société ayant même prévu d'adapter son plan de réorganisation selon la réalité effective des départs à l'issue de la période des départs, dans le cadre d'un plan de réorganisation adapté dit « livre 2 bis », lequel a effectivement été mis en 'uvre ;

- Constater que l'appelant n'invoque ni ne rapporte la preuve d'aucun acte ayant vicié son consentement ni d'aucune man'uvre dolosive de la part de la société, ce dont il résulte que son consentement n'ayant pu être vicié, l'accord de rupture amiable de son contrat de travail est nécessairement valide ;

- Dire que l'appelant ne justifiant d'aucune garantie d'emploi ni d'aucune man'uvre dolosive, il n'a pu subir aucun préjudice de perte de chance de conserver son emploi au sein de la société;

- Dire en tout été de cause que la demande de réparation et le chiffrage présenté par l'appelant ne repose que sur aucun élément sérieux de préjudice de nature à permettre un chiffrage concordant avec celui que l'appelant allègue ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- Débouter l'appelant de l'ensemble de ses prétentions,

- Condamner l'appelant à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, Selarl Lexavoue Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.

MOTIFS :

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale au profit de la juridiction administrative:

La rupture d'un contrat de travail pour motif économique peut résulter d'un départ volontaire dans le cadre d'un accord collectif mis en 'uvre après consultation du comité d'entreprise. Cette rupture constitue une résiliation amiable du contrat de travail. La cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.

L'accord de départ volontaire nécessite le respect de la procédure de licenciement collectif.

Il en résulte qu'en application des articles L1233-24-1 et suivants du code du travail, l'accord majoritaire prévoyant un plan de départs volontaires est soumis à la validation par la Direccte.

Les sociétés intimées soutiennent que les demandes de M. [X] se heurtent à une exception d'incompétence de l'article L. 1235-7-1 du code du travail confiant au juge administratif la compétence pour statuer sur le contenu et la régularité de la procédure d'homologation d'un PSE et soulignent que le plan de départ volontaire a fait l'objet d'une décision le 28 juin 2017 de validation par l'administration, aujourd'hui devenue définitive.

Elles considèrent que le moyen selon lequel la fraude alléguée aurait consisté à mettre en 'uvre un plan de départs volontaires en « violation du droit à l'information consultation des institutions représentatives du personnel, comité d'entreprise, comité de groupe, comité de l'UES suppose l'examen par la cour de la validité du plan de départs volontaires mis en place par SFR, lequel relève de l'administration et des juridictions administratives.

Le salarié fait valoir au soutien de la compétence du juge prud'homal qu'il ne conteste pas en soi le contenu du plan de départs volontaires et soutient que celui-ci procède d'un montage juridique frauduleux constitué de plusieurs accords collectifs successifs ayant pour finalité d'organiser par anticipation le départ massif de salariés en dehors de toute difficulté économique.

Il considère que l'homologation par la Direccte du plan de départs volontaires ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la fraude.

Le contrôle opéré par le juge administratif sur un plan de départs volontaires non compris dans un plan de sauvegarde de l'emploi concerne la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, les mesures d'accompagnement et le respect des accords collectifs antérieurs. La compétence de l'administration et du juge administratif, s'agissant de la validation de l'accord, ne fait pas obstacle à l'appréciation par le juge judiciaire de l'existence d'une fraude aux droits du salarié lors de la mise en oeuvre de ce plan de départs volontaires.

C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la fin de non recevoir tiré du principe de non cumul des responsabilité contractuelle et délictuelle :

Les sociétés intimées invoquent le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle et considèrent que l'appelant ne peut chercher à engager la responsabilité de son cocontractant, la société SFR SC, que sur le terrain de la relation contractuelle en application du principe de non-cumul des responsabilités et non sur celui de la responsabilité délictuelle invocable uniquement à l'égard des autres sociétés à la cause.

Le salarié fait valoir qu'il n'agit pas sur le fondement contractuel car il ne conteste pas le protocole de rupture d'un commun accord et qu'agissant sur le seul fondement délictuel, il ne peut lui être opposée l'interdiction du cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle.

La demande de M. [X] tend à voir réparer un préjudice né d'une perte de chance de conserver son emploi en raison d'un comportement frauduleux de son employeur. Il invoque donc uniquement un fondement délictuel à son action en responsabilité. La fin de non recevoir soulevée ne saurait dès lors prospérer et doit être rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la fraude :

La charge de la preuve de la fraude incombe à celui qui l'invoque.

Le salarié expose avoir saisi le conseil de prud'hommes, puis la cour d'appel, aux fins de faire reconnaître la perte de chance d'avoir été maintenu dans son emploi et de bénéficier d'une adaptation à l'évolution de son poste et solliciter des dommages et intérêts pour perte de chance distincts du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail.

Il souligne que ses demandes ne doivent pas être confondues avec une contestation de la rupture amiable pour motif économique pour fraude ou vice du consentement, non invoquée.

Il soutient que la perte de chance subie résulte d'agissements frauduleux des sociétés intimées engageant leur responsabilité délictuelle pour avoir mobilisé différents dispositifs à savoir les accords de maintien dans l'emploi du 14 avril et du 25 juin 2014, l'accord New Deal du 3 août 2016, l'accord GPEC du 1er février 2017, et la mise en oeuvre de suppression d'emplois, par externalisation dès le début 2017 avant même la signature de l'accord portant plan de départs volontaires de mai 2017.

Le salarié considère que la fraude résulte de la combinaison de ces actes en apparence licite, mais dont la finalité est illicite, dès lors que les sociétés ont sciemment éludé les obligations de maintien et d'adaptation à l'évolution des salariés dans leur emploi.

Les sociétés intimées répondent que les accords conclus visaient à programmer la restructuration du Pôle Télécom d'Altice selon une méthode et un séquencement précis via des départs volontaires et que la seule garantie d'emploi qui ait existé est celle accordée par Altice lors du rachat de SFR en 2014 qui a cessé au 30 juin 2017.

S'il n'est pas contesté que les départs volontaires ont été prévus par un accord majoritaire signé le 24 mai 2017 lequel était encadré par l'accord New Deal du 3 août 2016, négociés l'un et l'autre, avant l'expiration de la clause de garantie de maintien dans l'emploi, ces différents accords ont été mis en oeuvre postérieurement au 1er juillet 2017, date d'expiration de la garantie d'emploi.

M. [X] n'a pas été contraint de rompre son contrat de travail mais a au contraire choisi de quitter volontairement la société dans le cadre de l'accompagnement prévu par les accords afin de développer une entreprise de services informatiques qu'il a créée en 2013 et dont il menait l'activité parallèlement à son emploi chez SFR.

Ces accords qui s'inscrivaient dans la réorganisation du groupe rendue nécessaire par son rachat par Numéricable/Altice ont été soumis aux institutions représentatives du personnel aux fins d'information consultation comme cela résulte de la décision de la Direccte.

M. [X] n'a pas été concerné par l'externalisation de l'activité Distribution de sorte qu'il ne peut prétendre avoir été privé de droit à raison d'un transfert de contrat de travail.

Si le préambule de l'accord New Deal mentionne que 'les parties ont souhaité définir, pour le pôle télécom du groupe les termes d'un 'new deal' permettant une 'adéquation entre le plan stratégique de l'entreprise impliquant des schémas de réorganisation qui lui permettrait d'être plus efficient' et 'la volonté des salariés et de leurs représentants de mettre en oeuvre des garanties fortes en matière d'emploi', il ne s'agit pas, contrairement à ce que soutient le salarié, d'une clause léonine en ce qu'elle libérerait une partie à savoir l'employeur de ses obligations et ferait porter sur l'autre l'entièreté des charges dès lors que la société SFR s'engageait jusqu'au 30 juin 2019 à ce que les ruptures pour motif économique s'effectuent uniquement sur la base du volontariat.

Il ne démontre pas plus le caractère déséquilibré ou disproportionné de l'accord, celui-ci étant au contraire la manifestation d'une volonté de concilier la liberté d'entreprendre et le droit à l'emploi des salariés.

Par ailleurs, ces accords, qui s'inscrivaient dans la cadre d'une gestion prévisionnelle des emplois, et ne prévoyaient que des mobilités internes ou des mobilités externes volontaires, ne violaient pas les obligations de l'employeur en matière de préservation des emplois et d'adaptation à l'évolution de l'emploi.

Le contexte économique invoqué par l'employeur, tel que décrit dans la note d'information soumise au comité central d'entreprise, est révélateur de ce que les accords négociés répondaient à la nécessité de réorganiser l'entreprise dans un contexte de concentration du marché des télécommunications et de forte concurrence entre les acteurs du marché.

L'accord New Deal mentionne dans son préambule que 'les institutions représentatives du personnel compétentes ont été saisies le 26 mai 2016 d'un projet de réorganisation de la distribution impactant les sociétés SFD, 5sur5, SFR et NC numéricable' et que 'concomitamment, la direction du Pôle télécom a annoncé être en réflexion sur ses grandes orientations stratégiques de nature à affecter la structure et le volume des effectifs', le comité d'entreprise a en outre été consulté les 1er et 2 juin sur le Livre I relatif aux conséquences sociales du projet de restructuration et les 7 et 8 juin 2017 sur le Livre II relatif au projet de restructuration de sorte que c'est vainement que l'appelant soutient que la consultation du comité d'entreprise n'a pas été respectée, d'autant plus que la Direccte a procédé à un contrôle de ladite consultation et de la prise en compte des différents accords antérieurs.

M. [X] ne peut pas plus invoquer le transfert des contrats de travail attachés à l'activité du service client SFR à Intelcia en fraude à leurs droits dans la mesure où son contrat de travail n'a pas été transféré à cette filiale, son contrat de travail ayant été rompu le 20 juillet 2017.

Enfin, le droit des salariés à une adaptation à l'évolution de l'emploi a été respecté dans la mesure où l'accord GPEC visait à anticiper la transformation de l'entreprise annoncée par l'accord New Deal et l'évolution des métiers et des compétences et, dans ce cadre, à favoriser l'adaptation des salariés aux changements annoncés.

Aucun des éléments invoqués, pris séparément ou dans leur ensemble, n'établit l'existence d'une fraude qui aurait privé le salarié d'une chance de conserver son emploi ou d'adapter son emploi.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée par M. [X].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [X] est condamné aux dépens.

La situation économique respective des parties justifie de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [M] [X] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/05368
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;21.05368 ?
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