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31/05/2023 | FRANCE | N°19/09167

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 mai 2023, 19/09167


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09167 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARLA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Encadrement chambre 4 - RG n° F18/03551





APPELANTE



Madame [P] [K]

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Représentée par Me Claire LAVERGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0161







INTIMÉE



EPIC CAMPUS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au...

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09167 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARLA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Encadrement chambre 4 - RG n° F18/03551

APPELANTE

Madame [P] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Claire LAVERGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0161

INTIMÉE

EPIC CAMPUS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport, et Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat du 12 avril 2013, à durée indéterminée, Mme [K], agent contractuel en mobilité, a été engagée, sous statut de droit privé, à compter du 3 juin 2013 par l'établissement Campus France, en qualité d'attachée de presse, statut cadre, C2. La salariée était attachée au service 'Presse, Etudes et Communication'.

L'établissement Campus France est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Il a pour mission la valorisation et la promotion du système d'enseignement supérieur français, l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, la gestion des bourses et des programmes de la mobilité internationale des étudiants.

Cet établissement est né en 2012 de la fusion du GIP Campus France, de l'association Egide et des activités du CNOUS international.

Il compte environ 220 salariés et applique un accord d'entreprise du 15 octobre 2013.

Le 10 novembre 2017, trois membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont exercé leur droit d'alerte pour danger grave et imminent au sein du service 'Presse, Etudes et Communication' auprès de la directrice générale qui a diligenté une enquête conjointe avec le comité.

Le 2 mars 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable le 14 mars 2018 et a été licenciée le 21 mars 2018 'pour négligence fautive', l'employeur lui reprochant de 'nombreuses erreurs et oublis dans votre travail qui résultent, selon nous de négligences, d'un manque d'attention et d'un désintérêt pour le travail. Régulièrement, votre hiérarchie vous relance sur des tâches qu'elle vous a confié. De plus, le travail réalisé est très rarement conforme aux exigences attendues pour le poste par votre hiérarchie'.

Contestant le bien fondé de son licenciement et soutenant avoir été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, Mme [K] a saisi le 14 mai 2018 la juridiction prud'homale.

Le 4 juin 2018, elle a sollicité sa réintégration au sein du ministère de l'éducation nationale et a été réintégrée par décision du 21 juin 2018 à compter du 1er septembre 2018.

Par jugement du 26 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [K] de ses demandes, l'établissement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la salariée aux dépens.

Par déclaration du 2 septembre 2019, Mme [K] a interjeté appel du jugement notifié le 31 août 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 mars 2021, Mme [K] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement, de condamner l'employeur à lui verser les sommes de 149 760 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juin 2022, l'employeur demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la salariée de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'instruction a été clôturée le 30 août 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 7 septembre 2022.

Lors de l'audience de plaidoirie du 7 septembre 2022, le président a proposé aux parties une information à la médiation, et les a invitées à faire connaître, en cours de délibéré, si elles souhaitaient y recourir. Par messages RPVA des 15 et 16 septembre 2022, les parties ont accepté le principe du recours à la médiation. Suite à l'échec de la médiation, l'affaire a été à nouveau examinée à l'audience de plaidoirie du 22 Mars 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

'Nous constatons de nombreuses erreurs et oublis dans votre travail qui résultent, selon nous de négligences, d'un manque d'attention et d'un désintérêt pour le travail. Régulièrement, votre hiérarchie vous relance sur des tâches qu'elle vous a confié. De plus, le travail réalisé est très rarement conforme aux exigences attendues pour le poste par votre hiérarchie.

- Ainsi, à titre d'exemple, lors de votre prise de poste, la Direction Générale vous a demandé la tenue à jour d'un fichier dit « VIP » listant les coordonnées des personnalités, partenaires de l'Etablissement Campus France. [...] Or, il s'avère que le fichier comportait de nombreuses erreurs. [...] Sur la forme, le fichier transmis est peu lisible. Sur le fond, on comprend difficilement pourquoi certaines mises à jour n'ont pas été effectuées. [...]

- Or, nous ne pouvons que constater des carences dans l'établissement d'un fichier de journalistes, indispensable à l'Etablissement Campus France pour promouvoir et relayer ses actions. [...] Il s'avère que le fichier transmis, fractionné en plusieurs pages, est illisible, incomplet et non mis en forme. Les fonctions et les médias pour lesquels officient les personnes ainsi que leurs numéros de téléphone n'apparaissent pas dans le fichier. Vous n'avez, de plus, pas précisé l'origine de ce fichier et la façon dont il a été établi. [...]

- Vous êtes, de plus, notamment tenu de faire connaître les activités de Campus France auprès de nos salariés et à l'externe. Force est de constater que cela n'est pas fait ou est mal fait. La plupart du temps, votre hiérarchie et la Direction générale sont obligés de vous relancer, vous relire et corriger vos erreurs et oublis. [...]

Ainsi, vos manquements réitérés portent atteinte de façon significative au bon fonctionnement de notre Etablissement. De surcroît, de tels manquements, qui traduisent un manque de rigueur, affectent de façon tout à fait négative l'image de notre Etablissement. Cette situation contrevient en tous points à l'objet même de votre mission. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui vient d'être exposé, nous ne pouvons poursuivre davantage notre collaboration.'.

Sur la demande de nullité du licenciement pour dénonciation d'un harcèlement moral

La salariée soutient que son licenciement a été prononcé le 2 mars 2018 pour avoir dénoncé la situation de harcèlement moral dont elle était victime lors de son audition devant le CHSCT le 20 novembre 2017.

L'employeur conteste tout harcèlement et affirme que le licenciement a été prononcé en raison des négligences de la salariée.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L.1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l'intéressé de la fausseté des faits qu'il dénonce.

La protection instituée par l'article L.1152-2 du code du travail ne joue que si le salarié dénonce des faits qualifiés par lui de harcèlement moral.

En l'espèce, lors de son audition par le CHSCT le 20 novembre 2017, suite à l'exercice du droit d'alerte pour danger grave et imminent au sein du service presse émis le 10 novembre 2017, la salariée a dénoncé un climat de tensions au sein du service presse depuis deux ans qu'elle impute essentiellement à un défaut d'organisation et de ligne hiérarchique claire. A aucun moment, la salariée n'a dénoncé des faits qualifiés par elle d'agissements de harcèlement moral.

La lettre de licenciement du 21 mars 2018 ne mentionne à aucun moment des faits qualifiés de harcèlement moral par la salariée.

En conséquence, la demande est rejetée, par confirmation du jugement.

Sur la demande au titre d'un harcèlement moral

La salariée soutient avoir été victime d'un harcèlement moral et affirme qu'il est à l'origine de la dégradation de son état de santé.

L'employeur soutient que la salariée ne démontre pas la matérialité d'éléments constitutifs de harcèlement dont elle ne s'est jamais plaint et, qu'en réalité, elle dénonce des difficultés organisationnelles.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'occurrence, la salariée se prévaut des éléments suivants :

- sa mise à l'écart,

- des changements incessants de priorités, des demandes urgentes devenues inutiles sans qu'elle en soit informée,

- une absence de ligne hiérarchique claire,

-l'agressivité, l'impolitesse et le manque de respect de la direction,

- un climat anxiogène.

Sur sa mise à l'écart

La salariée soutient que depuis l'arrivée d'une nouvelle direction en 2016, elle a subi une mise à l'écart se traduisant par le fait qu'elle n'est plus conviée aux réunions du comité de direction, par son déménagement dans un bureau seul éloigné de son service et par la création d'un nouvel échelon hiérarchique au sein de son département transformé en service.

La salariée soutient qu'elle a vécu comme un déclassement le fait que la nouvelle organisation comporte un nouvel échelon hiérarchique depuis le départ de Mme [O], directrice de la communication, qui a été remplacée par M. [Y] et une adjointe, mais la mise ne place d'un nouvel échelon hiérarchique par l'employeur ne constitue pas un fait de harcèlement moral.

Si la salariée établit avoir été destinataire de deux courriels de la direction en 2013 et 2015 sollicitant son avis sur l'ordre du jour d'un comité de direction, il ressort de sa propre audition devant le CHSCT, qu'avant l'arrivée de la nouvelle direction, elle ne faisait qu'accompagner sa chef hiérarchique, Mme [O], directrice de la communication, lorsque celle-ci y était conviée. Depuis le départ de Mme [O], M. [Y] est devenu chef de service et il a une adjointe. En outre, la fiche de poste de la salariée, qui n'est pas cadre dirigeant, ne mentionne pas sa participation au comité de direction.

La salariée soutient sans être contredite qu'elle partageait son bureau avec Mme [O] et que suite à son départ, M. [Y], devenu responsable du service presse, a pris la place de Mme [O] et demandé à Mme [K] de changer de bureau afin de lui permettre de travailler dans le même espace que son adjointe. Ce fait est établi.

Sur le changement constant des priorités, des demandes urgentes devenues inutiles sans qu'elle en soit informée

La salariée produit des échanges de courriels entre elle, la directrice générale et M. [Y] sollicitant leur avis, leur transmettant des projets pour remarques, d'autres comportant des mises au point, des demandes de compléments qui ne font qu'illustrer les relations de travail au sein d'un établissement.

Elle communique le descriptif de ses activités en réponse à la demande de M. [Y] lors de sa prise de fonctions qui lui indique souhaiter la recevoir. La salariée soutient qu'il ne l' a jamais reçue, sans toutefois le justifier.

Ce fait n'est pas établi.

Sur l'absence de ligne hiérarchique claire

La salariée produit un mail du 6 février 2018 demandant à M. [Y] s'il est prévu de faire un communiqué de presse commun avec l'AEFE et sa réponse, ' commun, je ne sais pas... sans doute, à ce stade faisons en un que nous leur soumettrons comme la note'. Cet échange ne permet pas d'établir une absence de ligne hiérarchique claire. Ce fait n'est pas établi.

Sur l'agressivité, l'impolitesse et le manque de respect de la direction

La salariée produit des échanges de courriels avec la directrice générale et son adjoint au ton mesuré. Ce fait n'est pas matériellement établi.

Sur le climat anxiogène

La salariée produit la lettre du 24 août 2017 de l'inspection du travail à l'employeur relatif à un signalement pour souffrance au travail de M. [C] et la décision du 29 janvier 2018 de l'inspecteur du travail. Ces éléments ne concernent pas personnellement la salariée et M. [C] a été débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral à l'encontre de l'employeur par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2021.

Elle verse aux débats la lettre de l'inspection du travail du 23 octobre 2017 faisant suite à l'interpellation d'un salarié, attirant l'attention de l'employeur sur la nécessité de prendre des mesures de prévention sur le RPS, sans citer aucun fait précis la concernant.

Elle produit le compte rendu de l'entretien du 20 novembre 2017 qu'elle a eu avec le CHSCT suite à l'exercice du droit d'alerte pour danger grave et imminent au sein du service presse émis le 10 novembre 2017 dans lequel elle dénonce un climat de tensions au sein du service presse depuis deux ans qu'elle impute à un défaut d'organisation et de ligne hiérarchique claire, ainsi que l'attestation du 5 avril 2018 de M. [B], secrétaire du CHSCT, qui indique que les déclarations de la salariée recueillies à l'occasion de l'enquête corroborent celles des autres salariés du service presse, sur les tensions et l'ambiance délétère attribuées principalement au manque de clarté de l'organigramme et à l'absence d'accompagnement des salariés à l'occasion du départ de la directrice du service presse, Mme [O]. La cour relève qu'à aucun moment, il n'est fait état de pressions en matière d'objectifs, de surveillance ou de méthodes de management générant une souffrance au travail.

Mme [K] verse aux débats la lettre de l'inspection du travail du 9 mars 2018 relative à Mme [J], salariée, se plaignant de propos discriminatoires en lien avec la grossesse de la part de l'employeur, ces faits ne concernant pas la salariée.

Elle produit le procès verbal de réunion des délégués du personnel du 30 mars 2018 qui interrogent la direction sur le nombre de sanctions disciplinaires prononcées et sa réponse selon laquelle la politique de gestion des ressources humaines n'a pas varié.

Elle communique l'article de Mediapart du 8 juillet 2020 intitulé ' souffrance au travail à Campus France : le coût social du 'soft power' et un article du Monde du 2 mars 2021 intitulé ' harcèlement moral : plaintes à Campus France' qui ne font que rapporter les plaintes de quatre salariés, en litige avec l'employeur, qui dénoncent le climat social au sein de l'établissement depuis la fusion de plusieurs entités avec la difficulté de 'faire cohabiter plusieurs cultures peu compatibles' entre elles. Ces articles ont donné lieu à des contestations et mises au point de la part de l'employeur et des salariés auprès des organes de presse et à une communication du conseil d'administration le 17 juillet 2020 marquant leur total désaccord sur la présentation de l'établissement telle que retenue par le journal Mediapart.

Enfin, la salariée verse aux débats les avis du médecin du travail du 13 avril 2017 , du 16 novembre 2017 et du 28 mars 2018 préconisant en raison de la fatigue déclarée par celle-ci une surveillance de la patiente sur le plan de la psychiatrie, ces éléments médicaux ne faisant que reprendre ses déclarations.

Le seul changement de bureau de la salariée afin de permettre au responsable du service presse et son adjointe de travailler dans le même espace est un fait isolé ne permettant pas de retenir un harcèlement moral.

La cour retient dès lors que la salariée ne présente pas d'éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement lequel ne peut être constitué par un fait isolé et qu'elle ne justifie pas que son licenciement est en lien avec un harcèlement.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de nullité du licenciement et de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

La salariée sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle reproche à l'employeur d'avoir délibérément manqué à son obligation de protéger sa santé.

L'employeur conteste tout manquement. Il soutient avoir diligenté une enquête dès l'exercice par le CHSCT de son droit d'alerte au cours de laquelle la salariée a été entendue, avoir mis en place un groupe de parole au sein du service presse en lien avec la médecine du travail et avoir formé des propositions en vue d'améliorer les conditions de travail.

Tenu d'une obligation de sécurité, l'employeur doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas son obligation en la matière lorsqu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

L'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L.1152-1 du code du travail.

En l'espèce, la nouvelle organisation du service presse mise en place à la suite du départ de la directrice de la communication s'est traduite par la désaffiliation de la salariée avec son équipe.

Cette nouvelle organisation n'a pas été accompagnée et a été une source de tensions d'une importance telle, pour elle et son équipe, qu'elles ont été dénoncées auprès du CHSCT le 10 novembre 2017, après un premier rapport d'enquête de mai et juin 2016 intitulé droit d'alerte CHSCT invitant, en vain, l'employeur à prendre des mesures de prévention sur le RPS.

Si l'employeur a, dans les suites de l'enquête de novembre 2017, évoqué la création d'un groupe de parole, il ressort de la lettre du secrétaire du CHSCT du 5 avril 2018, non contredite par l'employeur, que la direction ne s'est engagée sur aucun moyen, délai et objectif afin de réaliser un audit sur le service et de définir un nouvel organigramme et qu'au contraire, elle a ' accentué la pression sur ces salariés' relevant que ' sur les huit salariés de ce service entretenus dans le cadre de l'enquête, il n'en reste que trois dont les deux nouveaux encadrants'.

L'employeur, alerté depuis mai 2016 sur les vives tensions au sein du service presse ne justifie pas avoir pris les mesures immédiates propres à faire cesser les risques psychosociaux dénoncés.

Cet environnement de travail a provoqué chez la salariée un état de fatigue constaté par le médecin du travail les 13 avril 2017 et 16 novembre 2017.

En conséquence, la salariée justifiant d'un préjudice moral est fondée à obtenir la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail

La salariée soutient que les négligences, le manque de rigueur et les insuffisances qui lui sont reprochées ne sont pas établies.

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. En vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement fait en premier lieu grief à la salariée d'un manque de rigueur dans la tenue du fichier VIP listant les coordonnées des personnalités partenaires de l'établissement, et de ne pas avoir établi de fichier des journalistes.

La salariée soutient qu'elle n'est pas la seule à intervenir sur le fichier VIP et met en cause l'organisation au sein de laquelle il est difficile de connaître le périmètre de chacun. Cet argument est toutefois inopérant dès lors qu'il ressort de sa fiche de poste d'attachée de presse qu'elle est précisément chargée de la gestion et de l'alimentation du fichier de relation presse, qu'elle doit se mettre en relation avec les principaux acteurs au sein de l'entreprise ou de son environnement et qu'elle 'doit travailler en étroite collaboration avec tous les services de l'entreprise et constamment s'informer afin de pouvoir répondre aux différentes questions des journalistes, des plus basiques aux plus techniques'. L'établissement de cette liste est de la responsabilité de la salariée.

L'employeur établit qu'en février 2018, après quatre corrections, cette liste était encore incomplète, avec des doublons, des fautes d'orthographes, qu'elle comportait des noms de personnalités ayant changé de fonctions depuis plusieurs mois, ou des fonctions erronées ou des omissions.

La salariée soutient que l'employeur ne lui a jamais demandé avant le 28 février 2018 d'établir un fichier de journalistes. Il ressort toutefois de sa fiche de poste d'attachée de presse que 'une part importante ( et capitale) de son travail réside en la constitution d'un fichier de journalistes qu'il/ elle doit entretenir et développer régulièrement'.

Ce grief est établi.

L'employeur lui fait ensuite grief d'être à l'origine de maladresses rédactionnelles et d'oublis préjudiciables à l'image et à l'activité de l'établissement. Il justifie que seul un tweet a été adressé pour évoquer une réunion newsroom à l'impact fort pour l'établissement, que la salariée a tardé à communiquer sur le lancement par le président de la république d'un campus universitaire, qu'elle est à l'origine de maladresses rédactionnelles ( emploi de la formule 'chers collègues et amis' pour s'adresser à des parlementaires ou encore ' l'étudiant africain mobile... de plus en plus d'étudiants gabonais vont au Gabon) ou qu'elle a communiqué de manière inadéquate en relayant des informations négatives dans un article supposé traiter de l'attractivité de la France ayant pour titre ' la France 3 éme place mondiale des innovateurs mondiaux... le CNRS, l'Ifpen et le CEA sortent du top 100 des innovateurs mondiaux ainsi que six entreprises françaises : Total, Alstom, Arkema, Safran, Saint Gobain et Thales' .

En outre, l'employeur justifie par les courriels de relance adressés à la salariée d'un manque de suivi et d'initiatives ressortant de sa sphère de compétences.

Enfin, il n'existe aucun lien entre le licenciement prononcé par l'employeur, qui est justifié par des éléments objectifs, et le manquement à l'obligation de sécurité.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement justifié et a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts à compter de l'arrêt.

L'équité commande d'allouer à la salariée la somme nouvelle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur qui succombe partiellement en ses demandes devra supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

- Condamne l'établissement Campus France à verser à Mme [K] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité ;

- Condamne l'établissement Campus France à verser à Mme [K] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'établissement Campus France aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/09167
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;19.09167 ?
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