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31/05/2023 | FRANCE | N°19/06949

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 31 mai 2023, 19/06949


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 31 MAI 2023



(n° 2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06949 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAE5B



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00990





APPELANTE



SNC EUROPE NEWS

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représent

ée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168





INTIMÉ



Monsieur [L] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J1...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 31 MAI 2023

(n° 2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06949 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAE5B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00990

APPELANTE

SNC EUROPE NEWS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

INTIMÉ

Monsieur [L] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [O] a été engagé par la société Europe News dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2012 en qualité de directeur de l'information d'Europe1, au statut de journaliste. Le contrat mentionne qu'il rapportait directement à la présidence et siégeait au comité de direction.

M. [O] a été nommé directeur général de la société, à compter du 6 mai 2013. L'avenant au contrat de travail indique qu'il demeurait directeur de la rédaction d'Europe1.

Le 11 janvier 2017, M. [O] a remis sa démission de son mandat de directeur général.

M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 7 juillet 2017. Il a fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle le 20 juillet 2017.

M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 février 2018.

Par jugement du 18 février 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société Europe News à payer à M. [O] les sommes suivantes :

. 310 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et d'image,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté M. [O] du surplus de ses demandes.

- débouté la société Europe News de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société Europe News aux entiers dépens.

La société Europe News a formé appel par acte du 07 juin 2019.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 20 mars 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Europe News demande à la cour de :

'Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris,

Statuant à nouveau :

À titre principal :

Juger que le licenciement de M. [O] est bien fondé en raison de son insuffisance professionnelle ;

Juger que le contrat de travail de M. [O] a été exécuté de façon loyale ;

Juger que M. [O] n'a subi aucun préjudice moral et d'image ;

Débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner M. [O] à verser à la société Europe News la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A titre subsidiaire, en cas de confirmation partielle ou totale du jugement :

Réviser à de plus juste mesures le quantum des condamnations prononcées au titre :

- de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- des dommages et intérêts pour préjudice moral et d'image. '

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 16 mars 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [O] demande à la cour de :

'Déclarer la société Europe News mal fondée en son appel et en ses demandes, l'en débouter,

Confirmer la décision de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 février 2018,

Juger que le licenciement de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Juger que le contrat de travail de M. [O] a été exécuté de façon déloyale par la société Europe News,

- Juger que M. [O] a subi un préjudice moral et d'image.

En conséquence,

- Condamner la société Europe News au paiement de :

. 310 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et d'image,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. '

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

L'insuffisance professionnelle est caractérisée par l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante. Elle ne résulte pas d'un comportement volontaire, mais révèle l'incapacité constante du salarié à assumer ses fonctions. Elle constitue une cause de licenciement et doit être caractérisée par des éléments réels et objectifs.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement indique que le licenciement est notifié pour insuffisance professionnelle. Elle fait état d'une insuffisance flagrante de résultats caractérisée par une baisse continue des audiences depuis la saison 2015-2016, qui a eu des conséquences graves sur les performances économiques de l'entreprise, d'une baisse du chiffre d'affaires et du résultat opérationnel. La lettre précise qu'il appartenait à M. [O] de prendre les décisions permettant d'enrayer la baisse des audiences, du chiffre d'affaires et/ou d'adapter la structure de coût de l'entreprise. L'employeur reproche plus précisément à M. [O] la prise de décisions sur l'opportunité du moment et non sur une logique de cohérence globale, des mauvais choix de grille, des changements répétés, une organisation non optimisée, spécifiquement pour la rédaction, l'évolution de la rémunération de M. [W] qui était déconnectée des audiences, ainsi qu'un management trop directif et rigide auquel les équipes n'étaient pas associées.

La société Europe News produit des tableaux qui indiquent sur plusieurs années l'évolution des audiences d'Europe1, par catégories et tranches horaires, ainsi que les résultats financiers. Ils démontrent une baisse durable et significative des données sur les différents créneaux. L'audience cumulée qui était de 9 pour la saison 2014/2015 est passée à 7,9 en 2016/2017 et la part d'audience de 5,7 à 4,7. Le chiffre d'affaires, en 'mEuros', est passé de 74,7 en 2014 à 61,7 en 2016 et à une évaluation de 53,2 en 2017.

L'évaluation de M. [O] qui a été établie le 2 février 2017 pour l'année 2016 mentionne une baisse de certains résultats quantitatifs dans les parties relatives à la rémunération variable. Cependant, aucun commentaire sur son activité n'a été formulé par son supérieur hiérarchique dans la rubrique 'évaluation et bilan 2016", qui pouvait y signaler que la prestation était estimée insuffisante. Pour cette période plusieurs objectifs sont atteints à 100% : l'objectif quantitatif L.A. et l'objectif comportement ; l'objectif quantitatif business est quant à lui atteint à 75%.

La société Europe News verse aux débats un courriel du 10 juillet 2017, adressé par le directeur délégué de l'antenne, qui retrace les déplacements de chroniques ou ajustements d'antenne qui ont eu lieu au cours de la saison passée. Il doit être relevé qu'il s'agit d'une réponse à une demande qui avait été formée par le destinataire du message, demande initiale qui n'est pas produite par l'appelante, ce qui ne permet pas d'appréhender la réalité de l'échange. Les déplacements ou ajustements indiqués sont liés à des événements d'actualité, essentiellement les élections présidentielles qui se sont déroulées au printemps 2017 et qui ont été suivies des élections législatives, ou encore le festival de [Localité 5], ce qui correspond au créneau d'actualité à laquelle la tranche horaire en cause était consacrée.

L'appelante produit les organigrammes successifs de la rédaction et de la direction de l'information, dont il résulte que leur organisation a été modifiée à plusieurs reprises.

Aucun élément produit ne démontre que les différents changements intervenus seraient à l'origine d'une baisse d'audience d'Europe1.

Les orientations stratégiques étaient prises par la direction, notamment lors des comités de direction, ce qui résulte des courriels relatifs à leur déroulement qui sont produits par l'appelante.

M. [O] justifie que son supérieur hiérarchique lui adressait des commentaires sur les contenus des programmes ou les invités, ce qui démontre que l'activité au sein du service de l'information était suivie par la direction, de même que celle des autres activités d'Europe 1 puisque la 'playlist' des titres musicaux diffusés était communiquée à son supérieur.

M. [O] produit un courriel de son supérieur en date du 25 mai 2016 qui lui indique que l'année suivante la grille devrait être rigoureusement tenue et poursuit ' la grille droit ressembler à quelque chose comme ça' indiquant ensuite les activités par créneau horaire, voire par demi-heure, ainsi que les intervenants d'Europe1 qui étaient prévus. Cet élément confirme l'implication majeure de la direction sur la grille des programmes, y compris pour la direction de l'information. L'appelante en conteste la portée, sans produire d'élément contraire, le courriel de M. [O] qui informe les collaborateurs de la nouvelle grille ne démontrant pas que celle-ci avait été élaborée par lui seul.

Les différents éléments produits par les parties, échanges de courriels, articles de presse ou comptes rendus du comité d'entreprise indiquent qu'au cours des années qui ont précédé le licenciement plusieurs animateurs ou personnalités qui avaient une audience très importante avaient quitté Europe1 pour intégrer d'autres structures, sans que cela soit imputable à M. [O], et que cela a été à l'origine d'inquiétudes des salariés et de nombreux changements et ajustements de l'activité.

Les organigrammes produits par l'appelante indiquent l'existence de plusieurs directions, notamment de l'antenne, de la communication, du marketing et un directeur des programmes, de sorte que plusieurs responsables participaient à l'activité d'Europe1 et dont les résultats financiers ne peuvent être seulement imputés à M. [O].

La société Europe News ne produit pas d'élément démontrant l'existence de difficultés spécifiques qui seraient liées à l'organisation de la rédaction ou des services de l'information. Le compte rendu de réunion du 13 avril 2017 qui fait état d'une fatigue importante des membres des équipes indique que celle-ci est liée tant au contexte de l'actualité, les élections présidentielles, qu'à une diminution des effectifs. Les éléments versés aux débats démontrent que cette diminution était une politique menée par la direction, ce qui est confirmé par l'évaluation de M. [O] du 2 février 2017 qui mentionne un objectif de participation au plan d'économies de la société.

La rigidité du management a été évoquée au cours de réunions du printemps 2017, comme étant une pratique de la direction d'Europe1, sans concerner particulièrement M. [O], qui a alors répondu avoir pris en compte cette remarque, qui avait déjà été formée, pour améliorer les relations futures, sans avoir été contredit par ses interlocuteurs au cours de l'entretien.

L'intimé fait utilement valoir qu'il n'intervenait pas dans le choix de la rémunération de M. [W]. L'appelante produit plusieurs courriers signés par M. [O] dans lesquels il informe celui-ci des modalités et des objectifs de sa rémunération variable, mais il n'est pas démontré qu'il avait le contrat de travail en cause ou qu'il ait participé à l'élaboration de son contenu, ni des avenants portant sur la rémunération. Les courriers que l'intimé a adressés ne comportaient que des informations sur les modalités de la rémunération variable, dont le taux avait été décidé préalablement dans le cadre d'un avenant, dont aucun n'est produit à l'instance.

Il résulte ainsi des éléments produits par les parties que l'insuffisance professionnelle de M. [O] n'est pas caractérisée.

Le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

M. [O] avait une ancienneté supérieure à deux années et l'effectif de la société Europe News était d'au moins onze salariés.

L'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1235-3 du code du travail, en sa version applicable à l'instance, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [O] percevait un revenu fixe mensuel de 21 184,62 euros, complété de primes qui ont été de 41 340 euros au mois d'avril 2017.

Le contrat de travail prévoyait dans un paragraphe 'fin de contrat' qu'en cas de licenciement pour un motif qui ne serait ni la faute grave ni la faute lourde il bénéficierait d'une indemnité de licenciement qui serait calculée en prenant en compte, à la date de signature du contrat, une ancienneté de sept années.

M. [O] justifie avoir signé un contrat à durée déterminée comme éditorialiste, journaliste cadre avec une rémunération forfaitaire mensuelle de 8 500 euros. Il n'est pas contredit utilement lorsqu'il indique qu'au moment de son licenciement les équipes des différents groupes dotés d'un service d'information étaient déjà constituées, ce qui rendait très difficiles ses recherches d'emploi à un niveau équivalent.

Compte tenu des ces éléments, le conseil de prud'hommes a justement évalué à 310 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail la société Europe News doit être condamnée d'office à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que 'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.'

M. [O] fait valoir que les conditions d'exécution de son contrat de travail avant son licenciement ont été déloyales.

La charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

M. [O] produit un article de presse dans lequel M. [I], le journaliste qui l'a remplacé sur une partie de ses activités professionnelles, indique qu'il a été approché par le président dès le mois de janvier 2017, qu'il a conditionné son accord à un changement d'équipe, puis que des pourparlers ont eu lieu et que la décision était déjà arrêtée au 8 mai suivant.

Dans le cadre de la réunion en date du 23 mai 2017 avec la société des rédacteurs, M. [O] a été interrogé sur le flou quant à l'activité et l'organisation d'Europe 1 pour la rentrée suivante : il a répondu aux élus présents que la grille était en cours de finalisation et que le président devait définir les orientations. M. [O] avait préalablement sollicité ce dernier pour connaître les recommandations, mais sans obtenir de réponse claire, le message reçu étant 'que l'on ne sait pas encore et qu'il faut attendre.' Le président avait pourtant déjà connaissance du projet de modification de l'activité et du recrutement du successeur de M. [O], dont il était à l'origine.

M. [O] a ensuite sollicité le président par message du 2 juin 2017 pour faire état des difficultés rencontrées avec les équipes, relatives au recrutement de la personne qui allait le remplacer sur une partie de ses activités et de sa mise à l'écart de tout processus de décision quant à son service à la rentrée, alors qu'il en était le directeur.

M. [O] a encore écrit au président, par lettre recommandée du 19 juin 2017, pour renouveler ses inquiétudes et signaler qu'il apprenait par ses propres équipes la situation à venir des salariés et intervenants.

L'appelante ne justifie d'aucune réponse qui aurait été apportée à M. [O].

M. [O] démontre que la personne qui l'a remplacé au poste de direction est arrivé à Europe1avant son licenciement, le profil professionnel de son successeur indiquant qu'il exerce en qualité de directeur de l'information depuis le mois de juin 2017.

Le dirigeant de la société Europe News a ainsi laissé M. [O] animer les réunions avec les représentants des journalistes sans le tenir informer des décisions qui étaient prises, l'a fait poursuivre son activité jusqu'à la procédure de licenciement, tout en organisant le service de l'information après la rentrée sans l'y associer alors même qu'il en était le directeur et qu'il participait au comité de direction de la société.

L'appelante conteste avoir prévu de remplacer M. [O] à son poste avant son licenciement, sans s'expliquer sur l'absence de réponse qui a été apportée à ses demandes, ni sur le recrutement d'un journaliste pour le remplacer sur une partie de son activité dès le mois de mai, ni sur le recrutement d'une personne au mois de juin 2017 pour occuper ses fonctions de directeur de l'information. La société Europe News indique que son successeur n'a occupé cette fonction qu'après le licenciement sans produire aucun élément contredisant les éléments produits par M. [O].

L'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur est établie.

La société Europe News fait valoir que l'argumentation de M. [O] étant similaire à celle qu'il développe pour contester son licenciement, il demande deux fois la réparation du même préjudice.

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a pour objet de réparer la perte injustifiée de l'emploi et ses conséquences financières. Les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ont quant à eux pour objet la réparation du préjudice subi au cours de l'exécution du contrat de travail. Il ne s'agit pas du même préjudice, qui est distinct.

Le préjudice subi par M. [O] est établi par les difficultés rencontrées dans l'exercice de sa fonction au cours des derniers mois de son contrat de travail, faisant apparaître la perte de ses prérogatives, malgré les sollicitations du président de la société. Le conseil de prud'hommes a justement évalué à 50 000 euros le montant des dommages et intérêts à même de le réparer.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice moral et d'image

M. [O] fait valoir qu'il a subi un préjudice moral et d'image, sa situation ayant été médiatisée et son successeur installé avant son licenciement.

Il produit plusieurs articles de presse qui relatent l'activité des intervenants d'Europe1, parmi lesquels un article d'un journal national en date du 24 mai 2017 qui indique qu'il est 'placardisé à Europe1" pour estimer crédible sa nomination dans un autre média, ce qui annonçait son départ de la société. M. [O] justifie de l'arrivée de son successeur dès le mois de juin 2017 et n'est pas utilement contredit par des éléments probants, l'appelante ne produisant aucun élément sur les activités qui ont été exercées par cette personne entre son arrivée et le départ de l'intimé ni sur les conditions d'exercice pendant cette période.

Si comme le soutient l'appelante, l'actionnaire de la société était fondé à reprendre la main sur des dossiers sensibles, cela ne justifiait pas la mise à l'écart progressive du directeur de l'information, qui a été perçue avant son licenciement tant par les salariés de la société que par les médias.

M. [O] dont le parcours professionnel fait l'objet d'un traitement régulier par les médias démontre l'existence d'un préjudice moral et d'image distinct, qui sera réparé par la condamnation de la société Europe News à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Europe News qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de l'indemnité allouée en première instance qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne à la société Europe News de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [O] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,

Condamne la société Europe News aux dépens,

Condamne la société Europe News à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 19/06949
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;19.06949 ?
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