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30/05/2023 | FRANCE | N°20/07819

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 30 mai 2023, 20/07819


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 30 MAI 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07819 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVZA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F 17/00852



APPELANTE



Madame [Z] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]r>
Représentée par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739



INTIMEE



S.A.R.L. PRODUXTYL DIFFUSION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Malika HOUIDI, a...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 30 MAI 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07819 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVZA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° F 17/00852

APPELANTE

Madame [Z] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMEE

S.A.R.L. PRODUXTYL DIFFUSION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Malika HOUIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1907

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffière lors des débats : Madame Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

Mme [Z] [F], née en 1979, a été engagée par la SARL Produxtyl Diffusion, après différents contrats à durée déterminée, à durée indéterminée à compter du 24 août 2009 en qualité d'attachée commerciale. Au dernier état, elle exerçait les fonctions de responsable du service logistique.

 

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie de l'habillement du 17 février 1958.

 

Par courrier daté du 24 mars 2017 et remis en main propre le jour même, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 3 avril 2017 avec mise à pied conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre datée du 13 avril 2017.

 

A la date du licenciement, la société Produxtyl Diffusion occupait à titre habituel plus de dix salariés.

 

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [F] a saisi le 31 octobre 2017 le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 15 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- Dit que le licenciement de Mme [Z] [F] repose sur des fautes graves ;

- Déboute Mme [Z] [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamne Mme [Z] [F] à payer à la société Produxtyl Diffusion la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- Met les dépens à la charge de Mme [Z] [F].

 

Par déclaration du 18 novembre 2020, Mme [F] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 20 octobre 2020.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 février 2021, Mme [F] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau , formation paritaire, du 15 octobre 2020 ;

Statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

- condamner la société Produxtyl Diffusion à payer à Mme [F] les sommes suivantes:

46.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit 10 mois de salaires;

6.167,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 616, 76 euros au titre des congés payés afférents ;

5.036,90 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

1.917,10 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire allant du 24 mars au 13 avril 2017, outre 191,71 euros à titre de congés payés afférents ;

2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 mai 2021, la société Produxtyl Diffusion demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 15 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter Mme [F] de l'intégralité de ses demandes, conclusions et fins ;

- condamner Mme [F] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [F] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse extraordinaire et impossible où la faute grave ne serait pas retenue :

- déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied, ainsi qu'au titre des congés payés afférents,

- limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 4.676,89 euros ;

- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 6.000 euros et les congés payés incidents à 600 euros.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 31 janvier 2023.

 

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur le licenciement pour faute grave

 

Pour infirmation du jugement déféré, Mme [F] conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés, rappelant qu'elle a bénéficié d'une évolution particulièrement favorable au sein de la société intimée et qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire.

Pour confirmation du jugement déféré, la société intimée réplique que le licenciement de Mme [F] motivé par son attitude agressive et dénigrante à l'encontre de ses collègues est amplement justifié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi libellée :

« (').J'ai eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont je vous ai fait part lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 3 avril dernier au cours duquel vous avez été assistée par un conseiller, Monsieur [O] [E].

Je souhaite rappeler que vous avez intégré l'entreprise le 24 août 2009. Depuis le 22 février 2016 vous exercez les fonctions de Responsable du service Logistique et qu'à ce titre vous êtes amenée àcollaborer avec plusieurs acteurs de l'entreprise.

Au cours des mois de février et mars 2017 j'ai été amené à constater un manque de professionnalisme, une attitude et des propos inappropriés envers vos collègues ;

- Le 13 février 2017 vous avez envoyé à Madame [Y] [K], exerçant les fonctions de responsable de production, un mail dans les termes suivants «  IL EST TEMPS DE FAIRE AUTRES CHOSES QUE L'OBSERVATEUR '''!! ''. Vous vous êtes ainsi permise de dénigrer le travail de Madame [K] qui est tenue de superviser le travail des collaboratrices du service Production pour le département EPI. De plus vous avez envoyé ce mail à Madame [V] [U] Responsable du Service Clientèle, et en copie moi-même, responsable hiérarchique de Madame [K] ce qui pourrait constituer une vexation voire une humiliation par rapport à son responsable.

- Le 17 février 2017 vous vous êtes adressée par mail à Madame [K], Madame [U] et Madame [N] [P], Employée à l'Administration des ventes de la manière suivante «J'ai fait fait tout le classeur pour trouver la longueur de ses pantalons. MOI !! ''.

Le même jour vous avez envoyé à Madame [U] «  il manque les fiches PM dans le classeur de [Localité 5] ou ne sont-ils plus a livrés ou autres raisons ''!! (...) il est grand temps que chacune se mette à faire son travail car moi j'arrête de faire le vôtre !! Les belles paroles et les belles promesses ne sont pas pour moi donc bouger il est encore TEMPS !!!''.

Aussi, vous avez interrogé Madame [S] [A], employée à l"Administration des ventes et Madame [K] au sujet d'un problème de commande de telle sorte «LA COMMUNICATION ENTRE LES SERVICES EST BLOQUEE OU '! (...) Qui se moque de qui ' voilà une question qui me fait bien rire !!!! ''.

Ce comportement est totalement inacceptable et peut porter atteinte à vos collègues.

Pour preuve, par courrier du 18 février 2017, Madame [V] [U] me fait part à son tour de vos agissements répétés avant pour conséquence la dégradation de ses conditions de travail : «je subis en effet; de la part de Madame [F] [Z], des agissements répétés qui ont pour effet une dégradation de mes conditions de travail. Extrêmement affecté par ces agissements répétés, je vous demande d'intervenir au plus vite afin de me permettre de poursuivre mon travail au sein de l'entreprise dans des conditions relationnelles normales. (...) votre devoir est de prendre toutes les

dispositions nécessaires afin de prévenir des agissements de harcèlement moral ».

En conséquence, votre attitude et vos propos ont été dénoncés par certains membres de l'entreprise. En effet, par courriel du 20 février 2017 adressé à Madame [Y] [K], Madame [S] [A] se plaint de propos extrêmement agressifs de votre part: « elle est revenue en me disant la prochaine fois qu'il y a écrit stock client sur le devis, je te le mets dans la tronche. Effectivement il n'y avait pas marqué stock client sur le devis mais il y a des manières de le dire et celle-ci je l"ai trouvée plutôt déplacée ». '

De surcroît par courriel du 23 février adressé à Madame [V] [U], Madame [N] [P] signale votre comportement agressif, vos hurlements répétés et vos propos la dénigrant. Une fois de plus, vous vous permettez de reprocher à une collaboratrice de ne pas faire son travail en entrant sans frapper dans son bureau et en lui jetant des documents sur son plan de travail: «ce matin [Z] est entrée sans frapper dans mon bureau. (...) Tu as ensuite entendu qu'elle nous a reproché de ne pas faire notre travail correctement que nous devions prendre note de ses remarques. Et que je devais faire rapidement les idents. J'ai donc fait ce qui était demandé (...) elle est ensuite arrivée dans mon bureau et m"a balancé les ident sur mon bureau en me disant qu'il aurait fallu qu'elles soient découpées. Elle a ensuite appelé [D] pour lui faire part qu'une fois de plus je n'ai pas fait mon travail. Il devient très difficile de travailler dans des conditions pareilles et selon l'humeur d'[Z] (...). Il faut trouver une solution cela ne peut pas durer ''.

Face à ces différents témoignages et dans un souci de maintenir de bonnes conditions de travail au sein des équipes, je vous ai convoquée le 24 février 2017 pour vous faire part des différentes plaintes que j'ai reçues et ainsi recueillir votre version des faits. Sans avoir à remettre en cause la qualité de votre travail, je vous ai par ailleurs demandé de cesser vos agissements et d'adopter un comportement courtois à l'égard de vos collègues.

Afin d'apaiser les tensions, je vous ai proposé de bénéficier d'un congé exceptionnel entièrement rémunéré à l'issue de notre entretien, jusqu'au lundi 6 mars 2017, sans que cela ne constitue une sanction disciplinaire. Vous avez refusé ce congé.

Lors de cette rencontre j'ai également entendu et pris en compte vos remarques et vous ai proposé de régler, avec les différents responsables de services, les problèmes d'organisation que nous avons pu constater. C'est pourquoi, je vous ai proposé ma présence aux réunions hebdomadaires afin de faciliter les échanges et trouver des compromis. '

En conséquence nous avions organisé des réunions de travail les jeudi 16 'mars et vendredi 17 mars 2017 afin de faire un point sur l'organisation des services et ainsi répondre aux problèmes d"organisation dont vous m'aviez fait part.

Néanmoins, force est de constater que mes requêtes du 24 février dernier sont restées lettres mortes puisque les plaintes de vos collègues se sont réitérées : le 24 mars, Madame [Y] [K] m'écrit dans- un mail «  il est actuellement difficile de travailler sereinement au sein des bureaux. En effet, depuis le début de l'année le comportement d'[Z] [F] a été agressif discourtois envers tout le monde. Sous-entendus, mail agressifs... (...) pour ma part ce climat me mets mal à l'aise car je ne sais pas comment faire pour m'adresser à elle pour avoir des renseignements sur les livraisons ou autres... -''.

Le même jour, Madame [N] [P] m'écrivait : « je tenais à vous informer que mes conditions de travail sont très compliquées. Depuis le retour de Madame [F], les échanges important pour mon travail ne sont plus possibles. Les réceptions de mails au quotidien de cette dernière me mettent en retard sur mes tâches. Il devient très difficile pour moi de continuer dans les conditions actuelles » .

Pendant toute la durée de l'entretien du 3 avril dernier, et après l'énoncé de chaque fait,je vous ai demandé de me livrer vos explications. Or, vous n'avez pas jugé utile de m'en apporter, et avez préféré donner la parole à Monsieur [E] qui a notamment qualifié mon attitude de « Cinéma » .

Je souhaite vous rappeler que suite à des tensions qui avaient démarré tout au long du dernier trimestre 2015 entre le service logistique dont vous êtes responsable et le service Clientèle géré par Madame [V] [U], et dans le but de préserver de bonnes relations de travail, je vous ai attribué des février 2016 une prime qualitative mensuelle de 500 euros dont le versement est subordonné au bon déroulement des réunions hebdomadaires (paragraphe n°3 de l'avenant à votre contrat de travail du 22 février 2016).

Durant l'année 2016, j'ai pu constater vos efforts qui ont permis de maintenir une bonne entente et communication entre les services.

Cependant, après avoir intégré votre prime contractuelle de 500 € dans votre salaire fixe ,à compter du ler janvier 2017, votre comportement s'est de nouveau subitement dégradé.

Je ne peux tolérer un tel comportement au sein de l'entreprise. Par votre attitude, vos collègues sesentent agressées verbalement, dénigrées en permanence et s'inquiètent de la poursuite de leur travail dans de telles conditions.

En conséquence, j'ai décidé de vous licencier pour faute grave.(...)»

Il en résulte qu'il est reproché à Mme [F] une attitude agressive et dénigrante à l'encontre de ses collègues s'exprimant notamment par le ton et la teneur de certains courriels adressés qui plus est en copie à plusieurs autres personnes mais aussi par un comportement agressif et des hurlements répétés, vécus par ses collaboratrices comme des faits de harcèlement moral dont elles ont demandé à l'employeur de veiller à ce qu'il y soit mis fin.

Au soutien de la preuve qui lui incombe de la réalité des griefs reprochés, l'employeur s'appuie sur la plainte qui lui a été adressée par Mme [V] [U], responsable du service clientèle, par courrier du 18 février 2017 dénonçant des agissements répétés de Mme [F] de dénigrement ayant pour conséquence la dégradation de ses conditions de travail et réclamant l'intervention de l'employeur (pièce 6) et sur les informations recueillies auprès des différentes salariées suite à ce signalement et reprises dans leurs attestations versées aux débats. Ainsi, Mme [Y] [K],(pièce 25) responsable de production témoigne avoir reçu des courriels agressifs et insultants de l'appelante sous entendant qu'elle ne faisait pas son travail :« moi je suis fatigué de faire le taff de tout le monde» « TROP BONNE TROP CONNE » (pièce 11 courriel du 17 février 2017) et des propos tenus dans le local préparation à leur sujet « elles sont nulles (') heureusement que je fais leur travail » mais aussi de façon récurrente les difficultés de communication croissantes avec Mme [F] qui ne répondait pas lorsqu'on lui disait bonjour et a subitement demandé qu'on la vouvoie. Mme [U], fait état pour sa part d'altercations verbales récurrentes au sujet du suivi de dossiers, de critiques de son travail et de réflexions quant à l'éducation de ses enfants mais aussi de réunions de travail chaotiques en raison de la colère de Mme [F], dont elle confirme qu'elle a exigé le vouvoiement à son égard. Mme [S] [A], assistante achat atteste quant à elle que l'appelante lui lui aurait indiqué « la prochaine fois ton dossier je te le jette à la gueule » (pièce 27)  (ce dont elle s'était immédiatement plainte à Mme [K] par courriel du 20 février 2017, pièce 9) et qu'il n'y avait plus de communication ni entente tout passant désormais par courriel ce qui compliquait les échanges. Mme [P] assistante ADV a confirmé les agressions verbales et écrites au quotidien nuisant à la communication entre les différents services, il est également produit la courriel qu'elle a dressé le 23 février 2017 (pièce 28) à Mme [U] avec comme intitulé « au secours » par lequel elle dénonce le fait que Mme [F] lui aurait « balancé les idents sur le bureau en me disant qu'il aurait fallu qu'elles soient découpées. Elle a ensuite appelé [D] pour lui faire part qu'une fois de plus je n'avais pas fait mon travail. Il devient très difficile de travailler dans des conditions pareilles et selon l'humeur d'[Z]. Le matin je ne sais pas qu'elles vont être les remarques orales ou écrites me dénigrant. Sans parler qu'elle hurle à longueur de journée, que les cloisons ne sont pas très isolées. Il faut trouver une solution cela ne peut pas durer. » (pièce 14) .

Il est également versé aux débats différents courriels adressés par l'appelante à certaines collaboratrices en copie parfois à d'autres, sur un ton agacé voire agressif, traduit par l'utilisation des caractères majuscules pour appuyer ses propos avec une ponctuation autoritaire (multiplication des points d'exclamation). Il est ainsi produit un courriel envoyé à Mmes [U] et [P] avec en copie Mme [K], le 17 février 2017, « (') Il est grand temps que chacune se mette à faire son travail car moi j'arrête de faire le vôtre !!!(...) ».

Durant l'entretien qui s'est déroulé entre M. [H] (gérant) et Mme [F] en date du 24 février 2017 au cours duquel il lui a été fait part de reproches quant à sa façon de communiquer avec ses collègues, cette dernière a essentiellement répondu par courrier du 1er mars 2017, en indiquant être reconnue pour être une personne à fort caractère, très rigoureuse dans son travail mais déplorant ne pas être une fois de plus entendue ou écoutée, rappelant qu'elle avait déjà signalé à son employeur son inquiétude face au 'l'acsite' (laxisme)et la qualité de travail des autres services qui impactent directement sur le sien et réclamant une fiche de poste pour chacun. Malgré cette mise point et l'absence de Mme [F] entre le 27 février et le 12 mars inclus dans le cadre d'un arrêt de travail (après qu'elle ait refusé une proposition de mise en congé), il est résulte du courriel de Mme [K] adressé à M. [H] le 24 mars 2017, qu'il était toujours difficile de travailler sereinement, depuis son retour, le 13 mars 2017, Mme [F] évitant tout contact verbal et ne s'exprimant que par mail ou ne répondant pas du tout, cette ambiance ne permettant pas une bonne communication sur les dossiers et pouvant engendrer des problèmes de fonctionnement de la société.(pièce 18).

Aussi les dénégations de Mme [F] qui souligne sans être contestée sur ce point s'être toujours investie sans compter ses heures mais affirme qu'elle n'a jamais fait preuve d'agressivité mais seulement d'une grande implication dans la gestion de ses responsabilités et d'un souci élevé de l'intérêt de l'entreprise ne sont pas recevables. Elle ne peut pas plus soutenir que ses remarques n'étaient jamais gratuites et que ces propos avaient toujours une justification pour la bonne réalisation de ses missions alors qu'il lui appartenait le cas échéant de saisir officiellement et plus efficacement, le gérant des difficultés qu'elle dénonçait. Elle ne peut donc considérer que ces propos n'avaient rien de véhément d'autant que leur récurrence avait pour conséquence une dégradation des conditions et de l'ambiance de travail des autres salariés.

C'est de façon peu convaincante que Mme [F] soutient qu'en réalité son licenciement serait artificiel et en lien avec des difficultés économiques auxquelles la société serait confrontée depuis août 2016, sans qu'il soit justifié que des licenciements pour motif économique ont été prononcés d'autant que les qualités professionnelles de l'intéressée n'ont jamais été remises en cause et ont au contraire justifié une belle promotion.

C'est en vain également que Mme [F] fait valoir que l'employeur n'ayant à l'issue de l'entretien du 24 février 2017 engagé aucune procédure disciplinaire, ne pouvait plus invoquer que des faits postérieurs à cette date au soutien de son licenciement. Rien ne permet en effet de retenir que cet entretien informel ait eu une connotation disciplinaire et qu'il était de nature à purgerle pouvoir disciplinaire de l'employeur.

Mme [F] qui considère toutefois que la société n'a pas voulu entendre sa position et qui invoque même sa souffrance au travail n'est pas fondée à prétendre que la société n'a jamais tenté d'apaiser la situation et la cour retient qu'en tout état de cause celle-ci n'autorisait pas son comportement dont la gravité, compte tenu de l'obligation de l'employeur de veiller à la santé de ses salariés, empêchait la poursuite des relations contractuelles ainsi que l'ont retenu les premiers juges qui méritent d'être confirmés en totalité.

Sur les autres dispositions

Partie perdante en son recours, Mme [F] est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

L'équité commande de na pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Mme [Z] [F] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/07819
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;20.07819 ?
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