Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 30 MAI 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2023 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00407 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMT4
NOUS, Stéphanie GARGOULLAUD, Présidente de chambre, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
S.A.S. JG CAPITAL MANAGEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandra NOYELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0213
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître [W] [C]
AARPI [C] & GRUNDLER
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Quentin BERTRAND, avocat au barreau de PARIS
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 13 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2023.
A cette date l'affaire a été prorogée et mise en délibéré au 30 mai 2023.
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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Vu le recours formé par la S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT (la société JG), enregistré le 29 septembre 2020, à l'encontre de la décision rendue le 2 septembre 2020 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, et notifiée le 4 septembre suivant, qui a :
- fixé à la somme de 25 000 euros hors taxes (HT), soit 30 000 euros toutes taxes comprises (TTC) le montant total des honoraires dus par la société JG à Me [C] ;
- condamné en conséquence la société JG à régler à Me [C], déduction faite de la provision de 18 000 euros TTC, la sommes de 10 000 euros HT soit 12 000 euros TTC, outre les intérêts légaux à compter de la décision,
- Dit que les frais de signification seraient à la charge de la société JG
- Rejeté les autres demandes.
Le 10 novembre 2022, les deux parties ont comparu et ont été entendues.
La société JG soutient que, par l'intermédiaire de son président, M. [J], elle a sollicité Me [C] en juillet 2019 pour l'assister le conseiller et le représenter dans une procédure liée à la restructuration de la société CGG. Une convention d'honoraires signée le 4 septembre 2019 fixait les honoraires à une somme maximale plafonnée à 25 000 euros hors taxes (HT). Une provision de 18 000 euros a été versée. Le 23 janvier 2020, Me [C] a adressé une note faisant état du dépassement de ce plafond et évoquant une nouvelle facture de 10 000 euros.
La société JG estimant que cette facture n'était pas conforme à l'accord initial, ne l'a pas réglée. Elle a proposé le règlement du solde de 7 00 euros au dépôt de la plainte avec constitution de partie civile ou à l'intervention d'une transaction avec la société CGG.
Elle estime que Me [C] n'a pas respecté son obligation de transparence et demande à la cour d'appel de retenir que :
- L'exonération de TVA était applicable, en application de l'article 261 C f du code général des impôts, ce qui permet de retenir un plafond maximum de 25 000 euros sans TVA ;
- Le caractère inachevé de la mission confiée à Me [C] est établi, le fait générateur de l'obligation de payer étant le " dépôt éventuel d'une plainte avec constitution de partie civile " et M. [J] n'ayant pas renoncé ;
- Le client doit être en mesure de vérifier les diligences accomplies au regard du mandat confié à son conseil, et qu'en l'espèce aucune information sur les diligences accomplies permettant à M. [J] d'en contrôler la matérialité n'a été fournie, de sorte qu'il est fondé à sollicité la ré-duction des honoraires. Les diligences sont invérifiables, cependant 90 heures de travail paraît colossal pour un pénaliste reconnu et spécialisé dans ce domaine ;
- La mission étant inachevée, Me [C] ne peut prétendre au paiement de l'intégralité des honoraires plafonnés convenus.
La société JG demande en conséquence l'infirmation de la décision du Bâtonnier, la fixation des ho-noraires dus à la somme de 18 000 euros et le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [C] considère que la décision du Bâtonnier doit être confirmée.
Il rappelle que le dossier initial, portant sur une société de fonds d'investissement, était un dossier extrêmement technique, les cabinets capables de traiter ces dossiers étant peu nombreux et les enjeux très importants, de l'ordre de plusieurs millions d'euros.
L'intention des parties peut être comprise en trois temps :
- il a été prévu une réduction de 50% du taux horaire et un plafonnement de l'honoraire de résultat en échange d'un honoraires de résultat de 7% ;
- le cabinet a procédé à de nombreuses diligences, avec notamment trois projets de plainte dont le client était satisfait, comme en témoigne le fait que la plainte était quasiment définitive selon ses propres mots, selon le courriel du 22 janvier.
- dans un troisième temps, le travail principal étant effectué, et une note complémentaire envoyée, est intervenu un changement de comportement de M [J] : il a demandé trois notes supplémentaires pour décourager son avocat afin qu'il abandonne le dossier. L'honoraire de résultat n'était en effet pas dû en cas de changement d'avocat à l'initiative de Me [C]. Il a voulu le faire abandonner pour ne jamais payer l'honoraire de résultat.
S'agissant de la TVA, les pièces du dossier établissent que dès la convention d'honoraire, il y a des montants " HT ", il est donc évident que la TVA était due.
Enfin, selon les termes de la convention, le dépôt de plainte n'est pas l'objectif de la mission. Le ca-binet a sollicité une sommation de communiquer la nouvelle plainte pénale dont il y a lieu de penser qu'elle reprend les termes de la plainte proposée par Me [C].
Me [C] demande la confirmation de la décision du Bâtonnier et la condamnation de La société JG à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été mise en délibéré au 13 janvier 2023.
Le 13 janvier, la cour a ordonné la réouverture des débats en application de l'article 444 du code de procédure civile, dès lors que les parties n'avaient pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur le point de savoir si la cour d'appel avait le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rap-portant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat. L'examen de l'affaire a été renvoyé au 13 mars 2023.
A l'audience du 13 mars 2023, les parties ont été entendues.
La S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT, représentée par Me Sandra Noyelle, a demandé à la cour :
- De débouter Me [C] de l'intégralité de ses demandes,
- De surseoir à statuer en attendant que la juridiction compétente statue sur la TVA.
- D'inviter la partie la plus diligente à saisir la juridiction compétente pour statuer sur cette question préalable.
M . [W] [C], représenté par Me Quentin Bertrand demande à la cour d'appel de statuer sur le montant des honoraires hors taxe et s'oppose à la demande de sursis à statuer. Il demande la confir-mation de la décision du bâtonnier.
L'affaire a été mise en délibéré au 12 mai 2023 et le délibéré prorogé au 30 mai suivant.
SUR CE
La convention d'honoraires signée le 4 septembre 2019 entre M. [J], pour la société JG, et Me [C] prévoit en son article 4 que " le montant des honoraires au temps passé sera au maximum de 25 000 euros HT jusqu'au dépôt d'une éventuelle plainte avec constitution de partie civile ".
Sur l'application de la TVA aux sommes en cause.
Il résulte de l'article 261 C du code général des impôts, dans sa version issue de l'article 42 de l'ordonnance n°2013-676 du 25 juillet 2013, applicable à la date de la signature de la convention d'honoraires du 4 septembre 2019, que " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ['] La gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et des placements collectifs relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du para-graphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier et de fonds communs de créances ".
La mise en 'uvre d'une telle disposition, à l'occasion d'une convention d'honoraire liée à une plainte pénale consécutive à des actes jugés susceptible de constituer des infractions d'escroqueries et de faux, supposerait que les recherches préalables au dépôt de cette plainte et, éventuellement, le dépôt de cette plainte, puissent être qualifiées de " gestion " de l'organisme en cause. La société indique que le " mandat confié à Maître [C] était donc lié à la gestion de fonds, puisque les poursuites pénales envisagées visaient à obtenir l'indemnisation des porteurs ".
Il résulte d'une jurisprudence constante que la cour d'appel, lorsqu'elle est saisie d'un recours en ma-tière de contestation et de recouvrement des honoraires d'avocat, n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat (2e Civ., 17 janvier 2013, pour-voi n° 11-24.163, 1re Civ., 10 décembre 2002, pourvoi n° 99-12.842, Bulletin civil 2002, I, n° 302).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a lieu d'infirmer la décision en ce qu'elle fixe le mon-tant toutes taxes comprises, la cour d'appel n'ayant pas le pouvoir de se prononcer sur une contesta-tion se rapportant à l'application de la TVA.
La demande de fixation de la TVA n'entrant pas dans le champ des attributions de cette juridiction, le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel constitue une fin de non-recevoir -et non une excep-tion d'incompétence-, de sorte qu'il y a lieu de déclarer irrecevable cette demande relative à l'applica-tion de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat.
Sur le montant des honoraires dus.
Une convention d'honoraires a été signée le 4 septembre 2019 entre M. [J], pour la société JG, et Me [C].
L'article 4 précisait que " le montant des honoraires au temps passé sera au maximum de 25 000 eu-ros HT jusqu'au dépôt d'une éventuelle plainte avec constitution de partie civile ", formulation que ne conteste par la société signataire et dont le terme " éventuelle " suffit à établir le caractère hypothé-tique du dépôt effectif de la plainte dans le cadre de la mission de l'avocat.
Il n'est pas contesté que le dossier présentait une technicité particulière liée, d'une part, à la question initiale, relative à une éventuelle différence de traitement entre porteurs d'obligations dans le cadre d'une restructuration de la dette d'une société cotée, d'autre part aux recherches nécessitées par la question de l'établissement d'infractions pénales atypiques avant le dépôt d'une plainte avec constitu-tion de partie civile.
Il ressort des pièces de la procédure que, si aucune plainte n'a été effectivement déposée, cela ne ré-sulte pas d'une inaction de l'avocat, qui a proposé trois plaintes, dont la dernière datée du 26 dé-cembre 2019 comportait 26 pages et 18 pièces jointes, mais des hésitations argumentées de M. [J] sur le contenu de cette plainte dont il a critiqué les termes par courriels des 22, 23, 28 janvier, 8, 11, 19 et 29 février 2020. L'ensemble de ces critiques du client, très étayées tant en droit que sur la stra-tégie de défense et dont la pertinence n'est pas en cause, permettent d'établir que les échanges entre le client et son avocat étaient constructifs et ont conduit en février 2020 à la production d'une note de cinq pages de Me [C] sur la jurisprudence sur le faux.
Pour autant, le fait que M. [J] ait demandé des explications, lesquelles ont été suivies de réponse jusqu'au 19 février, ne permet pas à lui seul de considérer que la mission était objectivement inache-vée.
La réponse de M. [J] " je nous trouve bien court (sic) pour l'instant sur l'escroquerie au jugement, et si CGG répond [' et que] nous sommes balayés et pire, ma société est en risque ce qui n'est pas souhaitable " a pu permettre à l'avocat de considérer dès le 19 février 2020, après l'ensemble des échanges et projets communiqués depuis plus de quatre mois, qu'il ne parviendrait pas à décider la société JG à déposer plainte.
Dans ces conditions, il appartenait à l'avocat de faire connaître à son client que le terme convenu à l'article 4 de la convention précitée était atteint et que toute mission complémentaire serait de nature à entraîner un complément d'honoraire, ainsi qu'il l'a fait le 19 février 2020. Au demeurant, M. [J] ne saurait invoquer une incertitude sur la nature des diligences accomplies alors même que les pièces échangées permettent de constater qu'il avait connaissance des diligences réelles au fur et à mesure, notamment par téléphone et par courriel, et que la fiche en date du 3 mars 2020 détaille, sans que cet élément soit utilement contesté, un temps de travail de l'associé de 52.5 heures (au taux réduit de 300 € HT au lieu de 500 en raison d'un honoraire de résultat) et du collaborateur de 90.9 heures (au taux réduit de 150 €HT pour les mêmes raisons), ce qui n'est pas contredit par les productions.
Il se déduit de ces motifs, substitués à ceux du Bâtonnier, que Me [C] était fondé à demander à la société JG le versement de la somme de 25 000 euros HT au titre des honoraires dus en vertu de l'article 4 de la convention du 4 septembre 2019. Déduction faite de la provision de 18 000 euros, la société doit donc à Me [C] la somme de 7 000 euros HT, outre les intérêts légaux.
Le bâtonnier a ainsi fait une juste appréciation des honoraires HT revenant à l'avocat et sa décision sera en conséquence confirmée sur ce point, étant précisé que la somme restant due doit en l'état être fixée à 7 000 euros.
Sur les autres demandes.
La solution de l'affaire eu égard à l'équité commande de fixer à la somme de 1500 euros le montant de l'indemnité due par la société JP à Me [C] sur le fondement de l'article 700 du code de pro-cédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée en ce qu'elle fixe le montant toutes taxes comprises,
Déclare irrecevable la demande se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat.
Confirme la décision déférée en ce qu'elle fixe le montant des honoraires dus à Me [C] par la S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT à la somme de 25 000 euros HT et constate que, déduction faite de la provision de 18 000 euros, la S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT doit donc à Me [C] la somme de sept mille euros hors taxes (7 000 euros HT), outre les intérêts légaux à compter de la présente décision.
Condamne la S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT à payer à M. [W] [C] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse les dépens à la charge de la S.A.S JG CAPITAL MANAGEMENT.
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE