RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 26 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/06342 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEB3T
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juin 2021 par le pôle social du TJ d'EVRY-COURCOURONNES RG n° 19/01008
APPELANT
Monsieur [J] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Hind BELFEROUM, avocat au barreau de l'ESSONNE
INTIMÉE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, président de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, conseiller
Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [J] [F] d'un jugement rendu le 10 juin 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [J] [F] (l'assuré) a formé un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne (la Caisse) lui confirmant le caractère bien-fondé d'un indu à hauteur de la somme de 44 373,42 euros, au titre des indemnités journalières versées à tort pour la période du 27 janvier 2013 au 15 août 2016.
L'URSSAF Île-de-France a été appelée en la cause.
Par jugement en date du 10 juin 2021, le tribunal a :
déclaré recevable le recours de M. [J] [F] ;
mis hors de cause l'URSSAF Île-de-France ;
condamné M. [J] [F] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne la somme de 44 373,42 euros au titre des indemnités journalières indûment perçues pour la période du 27 janvier 2013 au 15 août 2016 ;
condamné M. [J] [F] aux dépens effectivement exposés par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne.
Le tribunal a retenu que M. [J] [F] ne démontrait pas avoir reçu effectivement les salaires qu'il alléguait avoir reçus, au regard de la contrariété des bulletins de paie produits par chacune des parties, la qualité de salarié du requérant étant fictive. Il ne démontrait donc pas remplir les conditions pour percevoir les indemnités journalières.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception dont la date de réception n'est pas connue. M. [J] [F] en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 12 juillet 2021.
Par conclusions écrites intitulées « Conclusions n°2 » visées et développées oralement à l'audience par son avocat, M. [J] [F] demande à la cour de :
le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé ;
infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
statuant à nouveau,
dire et juger qu'il avait la qualité de salarié de la Société [5] depuis le 24 septembre 2012 ;
constater sa bonne foi ;
dire et juger que la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne devait lui verser des indemnités journalières pendant la durée de son arrêt de travail ;
en conséquence,
juger qu'il n'a perçu aucun indu en sorte qu'il n'est redevable d'aucune dette sociale à l'égard de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ;
débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il expose avoir créé la Sarl [5] en avril 2011, immatriculée au registre du commerce et des sociétés au 1er juin suivant ; qu'il était désigné comme gérant ; qu'informés de sa prochaine fin de droits, les associés de la société décidaient de son embauche au poste de gérant salarié minoritaire ; qu'une déclaration unique à l'embauche était réalisée auprès des services de l'URSSAF de [Localité 6] pour une embauche à compter du 24 septembre 2012 ; que son relevé de carrière établit sans équivoque qu'il a acquis 4 trimestres sur l'année 2012, soit trois au titre de l'assurance chômage et un au titre de son activité salariée au sein de la société ; que la déclaration préalable à l'embauche et les déclarations à l'URSSAF ont été réalisées avant son malaise du 27 janvier 2013 ; que, concernant le versement des salaires, il a toujours justifié de fiches de paie pour la période incriminée ; que les règlements des salaires se faisaient en espèces ; que, concernant l'absence de déclaration des revenus, il était dans un état de santé très grave et son épouse n'a pas corrigé la déclaration préremplie dans laquelle ne figuraient pas les salaires versés par la société.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne demande à la cour de :
déclarer M. [J] [F] mal fondé en son appel ;
confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 juin 2021 par le Tribunal Judiciaire d'Evry ;
à titre reconventionnel, condamner M. [J] [F] au paiement de la somme de 44 373,42 euros ;
rejeter la demande de condamnation à l'encontre de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle expose que M. [J] [F] lui a adressé trois arrêts de travail maladie sur les périodes suivantes : du 27 janvier 2013 au 09 décembre 2013, du 16 décembre 2013 au 05 mars 2016 et du 14 mars 2016 au 15 août 2016 ; que M. [J] [F] n'a pas repris le travail entre le 10 et 15 décembre 2013, ni entre le 6 et 13 mars 2016 ; que pendant ces périodes, il a tardé à se rendre chez son médecin pour faire prolonger ses arrêts de travail ; qu'elle a indemnisé l'arrêt de travail maladie prescrit à M. [J] [F] sur la base des bulletins de salaire qu'il a fournis pour la période de référence, soit du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2012 ; que la qualité de salarié lui avait été reconnue ; qu'un signalement a été émis par son Service Assujettissement en décembre 2013 afin de déclencher une enquête par l'Organisme ; qu'eu égard au rapport d'enquête complet et détaillé produit, la déclaration faite par M. [J] [F] lui-même en tant que salarié n'est ni prouvée ni justifiée et l'assujettissement au régime général des salariés pour le service d'indemnités journalière a été fait à tort et résulte des déclarations erronées communiquées par ce dernier.
SUR CE
L'article L.321-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :
« L'assurance maladie comporte :
(...) 5°) L'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail ; l'incapacité peut être également constatée, dans les mêmes conditions, par la sage-femme dans la limite de sa compétence professionnelle et pour une durée fixée par décret ; toutefois, les arrêts de travail prescrits à l'occasion d'une cure thermale ne donnent pas lieu à indemnité journalière, sauf lorsque la situation de l'intéressé le justifie suivant des conditions fixées par décret ».
L'article L.313-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°92-722 du 29 juillet 1992, applicable au litige, énonce en outre que :
« I.-Pour avoir droit et ouvrir droit :
(...)
2° Aux prestations prévues au 5° de l'article L. 321-1 pendant une durée déterminée ;
(..)
l'assuré social doit justifier, au cours d'une période de référence, soit avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à un montant fixé par référence au salaire minimum de croissance, soit avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé ».
L'article R.313-3 énonce que : « 1° Pour avoir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie pendant les six premiers mois d'interruption de travail, aux allocations journalières de maternité et aux indemnités journalières de l'assurance maternité, l'assuré social doit justifier aux dates de référence prévues aux 2° et 3° de l'article R. 313-1 :
a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les six mois civils précédents est au moins égale au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 1 015 fois la valeur du salaire minimum de croissance au premier jour de la période de référence ;
b) Soit avoir effectué au moins 200 heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédents.
L'assuré doit en outre justifier de dix mois d'immatriculation à la date présumée de l'accouchement pour bénéficier des indemnités journalières de l'assurance maternité.
2° Lorsque l'arrêt de travail se prolonge sans interruption au-delà du sixième mois, l'assuré social, pour avoir droit aux indemnités journalières après le sixième mois d'incapacité de travail, doit avoir été immatriculé depuis douze mois au moins à la date de référence prévue au 2° de l'article R. 313-1.
Il doit justifier en outre :
a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les douze mois civils précédant l'interruption de travail est au moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement le début de cette période, dont 1 015 fois au moins la valeur du salaire minimum de croissance au cours des six premiers mois ;
b) Soit qu'il a effectué au moins 800 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l'interruption de travail, dont 200 heures au moins au cours des trois premiers mois ».
La date de référence est celui de l'arrêt de travail. Dès lors, l'assuré, qui n'allègue d'aucun volume horaire d'activité sur la période de référence prévue par les textes précités, doit démontrer que des cotisations ont été payées sur cette période de telle sorte que la rémunération cotisée lui assurait des droits à indemnités journalières.
Selon l'enquête administrative diligentée par la Caisse, les pièces produites ne démontrent pas le salariat.
En effet, elle dépose pour les mêmes périodes visées par l'assuré des bulletins de paie différents de ceux qu'il verse, faisant mention du paiement des salaires par chèques et d'une date de première embauche au 1er juillet 2012 et non au 24 septembre 2012, comme les déclarations de données sociales l'indiquent. L'assuré dépose en réplique des bulletins de salaire pour les mois de septembre à décembre 2012 mentionnant des paiements en espèces et le bulletin de salaire du mois de janvier 2013 mentionnant un paiement par chèque. Il existe donc deux séries de bulletins de paie portant des mentions divergentes. Aucune valeur probante ne peut donc leur être attachée. Il n'est donc pas prouvé par ces pièces qu'un précompte a été effectué.
Interrogée, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse répond ne pas connaître de période validée postérieure au mois de février 2011. L'URSSAF indique qu'aucun échéancier de paiement ni aucune déclaration fiscale n'ont été établis pour l'année 2012. Elle précise le 17 décembre 2013 que l'assuré est inconnu de ses fichiers et qu'aucune trace de demande d'échéancier n'était en cours.
L'assuré dépose les déclarations annuelles de données sociales de 2012 et 2013 le mentionnant comme salarié pour des rémunérations correspondant aux mentions des bulletins de paie. Il produit en outre les bordereaux récapitulatifs de cotisations pour les mêmes périodes. Or, les bordereaux récapitulatifs de cotisations de 2012 ont été antidatés, la date figurant sur les documents édités ayant été maladroitement rayée et faisant apparaître une date d'édition au mois de septembre 2013. De même les bordereaux des trois premiers trimestres 2013 ont été édités à des dates qui ont été rayées, indiquant une déclaration qui n'a pas été effectuée aux dates indiquées. Si l'URSSAF atteste le 11 décembre 2017 qu'au jour de sa radiation, la société était à jour de ses cotisations, aucune pièce ne démontre que celles-ci ont été payées durant la période de référence.
Selon le contrôleur, l'étude des comptes bancaires démontre l'absence de tout paiement de salaires. L'étude de la comptabilité de la société fait apparaître que les salaires sont provisionnés mais non versés.
Si l'assuré produit le compte de résultat simplifié de 2012 et des extraits du Grand-Livre de la société dont il était le gérant mentionnant des paiements réglés en espèce, aucune attestation du comptable de l'employeur n'indique à quelle date ces écritures, en contradiction avec ce qui a été constaté, ont été passées en comptabilité, de telle sorte que ces pièces, dont certaines éditées en avril 2013, ne présentent aucune valeur probante permettant de justifier qu'à la date de référence, les salaires allégués avaient faits l'objet de cotisations.
L'assuré ne démontre donc pas qu'un précompte a été effectué, et, à tout le moins que la société avait cotisé pour lui sur la période de référence.
Les pièces qu'il produit démontrent une tentative de régularisation a posteriori d'une situation de fait dans laquelle l'assuré n'avait pas la qualité réelle de salarié de sa société.
Il n'avait donc pas droit au versement des indemnités journalières.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne justifie de sa créance par la production de son bordereau récapitulatif des versements opérés.
Il doit être fait droit à sa demande.
Le jugement déféré sera donc confirmé et les demandes de l'assuré seront rejetées.
M. [J] [F], qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de M. [J] [F] ;
CONFIRME le jugement rendu le 10 juin 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry ;
DÉBOUTE M. [J] [F] de ses demandes ;
CONDAMNE M. [J] [F] aux dépens.
La greffière La présidente