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26/05/2023 | FRANCE | N°20/06346

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 26 mai 2023, 20/06346


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 26 MAI 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06346 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNYT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 septembre 2020 par le pôle social du TJ de PARIS RG n° 18/04759





APPELANT

Monsieur [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Raphaël MITRANI, avocat au barreau

de PARIS, toque : A0658



INTIMÉE

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Mme [V] [W] en vertu d'un pouvoir spécial



PARTIE INTE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 26 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06346 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNYT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 septembre 2020 par le pôle social du TJ de PARIS RG n° 18/04759

APPELANT

Monsieur [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Raphaël MITRANI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0658

INTIMÉE

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Mme [V] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE

Madame [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Marie-Hélène MATHIOUDAKIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1597, susbtituée par Me Mélanie GOURDIN-LEHEUP, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [B] [N] d'un jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] et à Mme [G] [Z].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [B] [N] (le père), bénéficiaire d'une pension d'invalidité de catégorie 1 depuis le 1er juin 2014, et Mme [G] [Z] (la mère) sont les parents d'[J], né le 11 novembre 2005 et d'[O], née le 7 janvier 2011, qui s'est vue diagnostiquer le 20 octobre 2016 une scoliose double majeure ; que les parents ont divorcé suivant jugement du 23 juin 2017, l'autorité parentale étant exercée en commun et la résidence des enfants ayant été fixée en alternance une semaine sur deux au domicile de chacun des parents ; que le 13 juillet 2017, M. [B] [N] a déposé un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées au nom de sa fille [O] pour obtenir le versement d'une allocation d'éducation pour enfant handicapé avec son complément, l'aménagement de la scolarité et l'attribution d'une aide humaine par un assistant de vie scolaire ainsi qu'une aide technique ; que le 28 mars 2018, la maison départementale des personnes handicapées a reconnu l'enfant [O] handicapée avec un taux d'incapacité entre 49 et 79 % ; qu'elle a donné son accord pour le versement mensuel d'une allocation de base pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019, d'un complément allocation d'éducation pour enfant handicapé de 2ème catégorie du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019 en raison de l'exigence de réduction de l'activité professionnelle d'un des deux parents d'au moins 20 % par rapport à un temps plein, avec une évaluation au cours de la demande d'aménagement de la scolarité ; que Mme [G] [Z], allocataire principale, a contesté la décision de reconnaître le handicap de son enfant et a demandé à la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] (la Caisse) de ne pas verser l'allocation d'éducation pour enfant handicapé ; que M. [B] [N] a demandé à son ex-épouse de renseigner le formulaire de partage des prestations versées par la Caisse et lui a demandé de le désigner en qualité d'allocataire principal ; que, faute d'accord parental, il a demandé le rattachement de ses enfants à son compte de la Caisse d'Allocations Familiales ; que la Caisse lui a répondu le 18 octobre 2018 que les allocations autres que familiales ne pouvaient être partagées ; que M. [B] [N] a saisi la commission de recours amiable ; qu'il a formé un recours à l'encontre de la décision de rejet devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'entre temps, le 10 avril 2019, la maison départementale des personnes handicapées a attribué une aide humaine mutualisée pour la période du 9 avril 2019 au 31 août 2022 et a renouvelé son accord de versement de l'allocation de base et de son complément pour la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2023.

Le 1er janvier 2019, le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Paris, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Paris.

Le 30 octobre 2019, M. [B] [N] a assigné Mme [G] [Z] en intervention forcée devant le tribunal de grande instance.

Par jugement du 8 septembre 2020, le tribunal a :

déclaré M. [B] [N] recevable en son recours ;

déclaré l'intervention forcée de Mme [G] [Z] recevable ;

dit que M. [B] [N] et Mme [G] [Z] bénéficieront alternativement chacun pour une année de la qualité d'allocataire concernant l'allocation d'éducation pour enfant handicapé au profit de l'enfant [O] [N] - [Z] à compter du 1er janvier 2021, Mme [G] [Z] bénéficiant de la qualité d'allocataire unique pour l'année 2021 ;

rejeté en conséquence la demande de M. [B] [N] de reversement à son profit de la moitié des droits sociaux attribués par la maison départementale des personnes handicapées au bénéfice d'[O] pour la période révolue du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019 ;

dit la présente décision opposable à la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] et renvoyé les parties devant la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] ;

dit la demande de M. [B] [N] de « constater que les agissements de Mme [G] [Z] sont contraires aux intérêts des enfants et particulièrement ceux d'[O] » irrecevable et l'a rejetée;

rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;

rejeté les demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les dépens seront supportés par moitié par les parties.

Le tribunal a rappelé les dispositions applicables et le fait que seules les allocations familiales bénéficiaient de l'écartement de la règle de l'allocataire unique. Il a relevé que, pour les autres allocations, les parents pouvaient s'accorder sur une alternance de la désignation du bénéficiaire des allocations, dès lors que la charge effective et permanente de l'enfant était partagée de manière égale entre les parents. Il a fixé une périodicité annuelle au regard des textes autorisant une révision de l'option du bénéficiaire au bout d'un an. Il a refusé de faire droit à la demande de rétroactivité, l'enfant ayant bénéficié des allocations. Relativement à la demande de constat du caractère délétère des agissements de la mère, il a jugé que cette appréciation ne relevait pas de l'autorité judiciaire.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 14 septembre 2020 à M. [B] [N], qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 1er octobre 2020.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, M. [B] [N] demande à la cour de :

le recevoir en sa demande d'attribution en alternance annuelle de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales en application conjointe du principe jurisprudentiel de l'alternance et des articles L.513-1 et R.521-2 du Code de la sécurité sociale ;

ordonner l'attribution en alternance annuelle de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales, à son profit à compter de l'année 2021, en application conjointe du principe jurisprudentiel de l'alternance et des articles L.513-1 et R.521-2 du Code de la sécurité sociale, afin de lui permettre de percevoir les aides familiales du CASVP pour les besoins de sa fille [O] dès l'année 2021 ;

ordonner le reversement à son profit du complément AEEH qui lui a été personnellement attribué par la maison départementale des personnes handicapées de [Localité 5] pour la période révolue du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019 et ordonner à la CAF de [Localité 5] l'établissement de tous les comptes utiles et nécessaires à cet effet ;

condamner solidairement la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] et Mme [G] [Z] à lui payer une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

M. [B] [N] expose que l'examen de la décision d'attribution prise le 27 mars 2018 par la MDPH de [Localité 5] révèle que si l'AEEH a bien été attribuée sur le fondement de l'article L.541-1 alinéa 3 in fine, le complément AEEH a été accordé sur le fondement de l'article R.541-2 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en se fondant sur l'article L.541-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale pour examiner les critères d'attribution du complément AEEH accordé, le tribunal a non seulement effectué une fausse qualification des faits soumis à son appréciation mais il a, en outre, motivé sa décision sur un fondement légal qui ne trouvait pas à s'appliquer ; que le complément AEEH est précisément accordé en fonction de deux critères spécifiques qui ont été retenus par la MDPH à deux reprises ; d'une part, le critère relatif à la réduction d'activité professionnelle d'un des deux parents d'au moins 20 % par rapport à un temps plein ; d'autre part, le critère relatif à ses conditions de ressources ; que le maintien de la qualité d'allocataire unique au profit de Mme [G] [Z] avec l'attribution des droits qu'elle a finalement acceptés de percevoir, par déclaration effectuée par son Conseil à l'audience du 1er juillet 2020, a pour effet de lui attribuer une aide indue et illégale puisqu'elle n'est pas personnellement éligible au complément AEEH ; que la Caisse d'Allocations Familiales ne dispose pas de la faculté d'opérer une répartition des allocations et droits accordés en fonction de la situation particulière de chaque parent ; que seul l'allocataire unique bénéficie de l'intégralité du versement des prestations à l'exception des allocations familiales qui sont partagées par moitié.

Il ajoute que le Tribunal a opéré une discrimination à son détriment alors qu'il est demandeur à l'attribution en alternance de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales, et en faveur de Mme [G] [Z], tout en affirmant dans son jugement « qu'il y avait lieu de fixer un repère judiciaire qui ne doit pas être compris comme une victoire pour l'un ou une défaite pour l'autre » ; qu'il a été à l'origine de toutes les démarches pour sa fille et qu'il est seul à avoir le droit de bénéficier du complément d'AEEH ; qu'une telle discrimination opérée au détriment des intérêts du père des enfants résidant en alternance avait déjà fait l'objet d'une décision critique et motivée rendue le 27 juillet 2017 par le Défenseur des Droits ; que le cas d'une résidence alternée entre les deux parents pour déterminer les règles d'attribution de la qualité d'allocataire des prestations familiales n'est pas envisagé par l'article R.531-1 du Code de la sécurité sociale ; que l'article R.521-2 du Code de la sécurité sociale prévoit qu'à défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire de cette prestation dans les cas suivants : soit lorsque les deux parents en ont fait la demande conjointe, soit lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique ni fait une demande conjointe de partage.

Il précise en l'espèce que, pendant toute la période de vie commune, la qualité d'allocataire unique attribuée à Mme [G] [Z] a résulté de l'application des dispositions de l'article R.513-1 du Code de la sécurité sociale et que, postérieurement à la séparation du couple, cette qualité d'allocataire unique a été maintenue en application de la lettre circulaire CNAF n°2010-001 du 20 janvier 2010 ; qu'à compter de la réception de la décision du 28 mars 2018 de la maison départementale des personnes handicapées, Mme [G] [Z] n'a jamais répondu à ses demandes et a conservé la qualité d'allocataire unique des prestations familiales ; que la Commission de Recours Amiable de la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] a rejeté sa demande tendant au rattachement de ses enfants à son compte CAF et à l'attribution à son profit de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales ; qu'il se trouve bien fondé à demander à la Cour d'appel d'ordonner l'attribution en alternance annuelle de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales en application conjointe des dispositions du principe jurisprudentiel de l'alternance et des articles L.513-1 et R.521-2 du Code de la sécurité sociale afin de pouvoir percevoir l'AEEH et son complément dès 2021 ; qu'il répond aux conditions du complément d'AEEH et que son budget est contraint ; que l'attribution de la qualité d'allocataire unique à son profit, autorisant le versement effectif de l'AEEH et de son complément lui permettrait en outre de bénéficier des aides familiales qui seraient accordées par le CASVP à l'issue de l'instruction de son dossier ; que ces aides familiales sont de nature à faciliter la vie quotidienne des familles qui s'occupent d'un enfant handicapé et favoriseront en premier lieu le bien être d'[O] ; qu'il convient donc de constater que pour la période révolue comprise entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, le complément AEEH n'était dû qu'à lui ; qu'il n'a pas pu le percevoir, en l'état actuel de la législation applicable, puisqu'il n'a jamais bénéficié de la qualité d'allocataire unique des prestations familiales.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, Mme [G] [Z] demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, plus amples et contraires ;

débouter M. [B] [N] de toutes ses prétentions, plus amples et contraires ;

par conséquent,

confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que Mme [G] [Z] et M. [B] [N] bénéficieront alternativement chacun pour une année de la qualité d'allocataire concernant I'allocation d'éducation pour enfant handicapé au profit de leur enfant commun [O] [N]-[Z] à compter du 1er janvier 2021, Mme [G] [Z] bénéficiant de la qualité d'allocataire unique pour l'année 2021 ;

rejeter la demande de M. [B] [N] visant à modifier l'alternance avec attribution de la qualité d'allocataire unique dès 2021 au profit de M. [B] [N] ;

confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de M. [B] [N] au titre du versement de la moitié des droits sociaux attribués par la MDPH de [Localité 5] au bénéfice d'[O] pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019 ;

rejeter la demande de M. [B] [N] au titre de la condamnation solidaire de Mme [G] [Z] et de la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] [N] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] [N] aux entiers dépens, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose ne pas souhaiter revenir sur le principe de l'alternance de la qualité d'allocataire unique ; que M. [B] [N] ne réside plus depuis le 20 septembre 2022 à [Localité 5] ; qu'il a déménagé à [Localité 6] (92) ; qu'il ne peut donc plus prétendre aux aides proposées par la ville de [Localité 5] ; que le complément AEEH ne sera plus versé au bénéfice d'[O] à compter du 1er juillet 2023, conformément à la décision de la MDPH notifiée par courrier en date du 27 juillet 2022 ; que le père considère à tort que le complément AEEH lui est dû alors qu'il revient à l'enfant sujet du handicap ; que leurs situations financières respectives sont comparables ; que l'enjeu de cette demande d'inversion des années attribuées alternativement aux parents est purement financier et mal fondé ; que l'alternance n'étant pas rétroactive, il n'y a pas lieu d'ordonner le reversement des prestations sociales déjà perçues par l'enfant ; que, s'agissant du complément d'AEEH, il a été fait une exacte application de l'article L. 541-2 du code de la sécurité sociale et de son décret d'application l'article R. 541-2 du code de la sécurité sociale ; que pour obtenir ce complément, le parent qui souhaite en bénéficier doit démontrer la réduction de son activité professionnelle d'au moins 20 % par rapport à un taux plein ; que les fonds ont été placés au profit de leur enfant ; que le changement d'alternance obligerait à un reversement.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par sa représentante, la Caisse d'Allocations Familiales de [Localité 5] demande à la cour de :

dire l'appel de M. [B] [N] régulier en la forme mais le dire mal fondé ;

constater qu'elle n'est pas opposée à la modification de l'alternance annuelle de la qualité de l'allocataire en faveur de M. [B] [N] en 2021 et de Mme [G] [Z] en 2022 ;

confirmer le jugement prononcé le 8 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Paris qui a rejeté la demande de reversement de la moitié des droits sociaux attribués par la MDPH entre juillet 2017 et juin 2019 ;

dire, si la Cour décidait d'infirmer le jugement sur ce point, que Mme [G] [Z] appelée en la cause, serait redevable du complément d'AEEH et la Majoration de Parent Isolé entre août 2017 et juin 2019 ;

débouter M. [B] [N] de toutes ses demandes.

Elle expose que si la Cour modifiait l'alternance et jugeait que M. [B] [N] devait être allocataire unique en 2021 et Mme [G] [Z] en 2022, cela ne modifierait pas les montants perçus par chacun puisqu'ils ont bénéficié tous les deux d'une année de prestation mais que cela pourrait entraîner une confusion sur les années concernées et donc générer des erreurs dans la gestion de leurs dossiers ; que le complément 2ème catégorie a été octroyé en fonction de la situation de M. [B] [N] qui a réduit son activité professionnelle pour s'occuper de sa fille ; que Mme [G] [Z] étant allocataire principale, c'est toutefois elle qui a perçu l'AEEH, son complément et la majoration de parent isolé (MPI) ; que ces aides n'ont été versées qu'en juin 2020, puisqu'avant cette date, elle en avait refusé le bénéfice ; que les premiers juges ont constaté, comme l'a fait la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 25 novembre 2021, que seules les Allocations Familiales pouvaient être versées par moitié ; que l'article L. 552-1 précise que « les changements de nature à modifier les droits aux prestations mentionnées au premier alinéa prennent effet et cessent de produire leurs effets selon les règles définies pour l'ouverture et l'extinction des droits. sauf s'ils conduisent à interrompre la continuité des prestations. » ; que c'est sur ce texte qu'il appartiendra à la Cour de se fonder afin de ne pas remettre en cause des droits acquis par le parent qui bénéficiait des aides, en l'espèce la mère, au risque d'entraîner un trop perçu et l'obligerait à procéder au recouvrement de celui-ci ; qu'étant tributaire de l'accord des parents sur la désignation du bénéficiaire unique, elle ne peut être tenue pour responsable de la situation conflictuelle entre les intéressés ainsi que des procédures engagées.

SUR CE

L'article L.513-1 du code de la sécurité sociale énonce que : « Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant ».

L'article R 513-1 précise ainsi que : « La personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire. Sous réserve des dispositions de l'article R. 521-2, ce droit n'est reconnu qu'à une personne au titre d'un même enfant.

Lorsque les deux membres d'un couple assument à leur foyer la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui d'entre eux qu'ils désignent d'un commun accord. Ce droit d'option peut être exercé à tout moment. L'option ne peut être remise en cause qu'au bout d'un an, sauf changement de situation. Si ce droit d'option n'est pas exercé, l'allocataire est l'épouse ou la concubine.

En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie commune des concubins, et si l'un et l'autre ont la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui des membres du couple au foyer duquel vit l'enfant ».

L'article L.521-2 alinéa 2 dispose que : « En cas de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents telle que prévue à l'article 373-2-9 du code civil, mise en oeuvre de manière effective, les parents désignent l'allocataire. Cependant, la charge de l'enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l'allocataire. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent alinéa ».

L'article R 521-2 dispose ainsi que : « Dans les situations visées au deuxième alinéa de l'article L. 521-2, l'allocataire est celui des deux parents qu'ils désignent d'un commun accord. A défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire :

1° Lorsque les deux parents en ont fait la demande conjointe ;

2° Lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage.

Lorsque les parents ont désigné un allocataire unique ou fait une demande conjointe de partage, ils ne peuvent remettre en cause les modalités ainsi choisies qu'au bout d'un an, sauf modification des modalités de résidence du ou des enfants ».

Il ressort de la combinaison des articles L. 513-1 et R. 513-1 du code de la sécurité sociale que les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant et que, sous réserve des dispositions relatives aux allocations familiales, ce droit n'est reconnu qu'à une seule personne au titre d'un même enfant.

Lorsqu'à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des concubins, les parents exercent conjointement l'autorité parentale et bénéficient d'un droit de résidence alternée sur leur enfant mis en oeuvre de manière effective et équivalente, l'un et l'autre de ces parents sont considérés comme assumant la charge effective et permanente de leur enfant au sens du premier de ces textes.

Il en résulte que l'attribution d'une prestation familiale ne peut être refusée à l'un des deux parents au seul motif que l'autre parent en bénéficie, sauf à ce que les règles particulières à cette prestation fixée par la loi y fassent obstacle ou à ce que l'attribution de cette prestation à chacun d'entre eux implique la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi.

L'article L 541-1 du code de la sécurité sociale dispose que : « Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé.

Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire.

La même allocation et, le cas échéant, son complément peuvent être alloués, si l'incapacité permanente de l'enfant, sans atteindre le pourcentage mentionné au premier alinéa, reste néanmoins égale ou supérieure à un minimum, dans le cas où l'enfant fréquente un établissement mentionné au 2° ou au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans le cas où l'état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou d'accompagnement au sens de l'article L. 351-1 du code de l'éducation ou à des soins dans le cadre des mesures préconisées par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.

L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge ».

Les articles R.541-1 et suivants du même code précisent les conditions d'octroi de l'allocation en raison du taux d'incapacité de l'enfant et de la contrainte pour l'un des parents de réduire son activité professionnelle.

Les règles particulières à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et ses compléments, prévues aux articles L. 541-1 à L. 541-4 du code de la sécurité sociale qui font dépendre leur attribution non seulement de la gravité du handicap de l'enfant mais également des charges supplémentaires et sujétions professionnelles que le handicap a générées pour le parent, ne permettent pas leur attribution à chacun des parents de l'enfant en résidence alternée sans la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement (2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-21.978, 19-25.456).

En l'espèce, le jugement de divorce prononcé le 23 juin 2017 rappelle que l'autorité parentale sur les enfants est confiée conjointement aux deux parents et fixe en alternance la résidence des enfants aux domiciles respectifs de leurs père et mère, le changement s'opérant chaque semaine le lundi matin. Le juge aux affaires familiales a rejeté les demandes de contribution et statué sur le partage par moitié des dépenses exceptionnelles.

Il est constant que la maison départementale des personnes handicapées de [Localité 5] a reconnu à l'enfant [O] la qualité de personne handicapée et a donné son accord pour le versement de l'Allocation d'Education Enfants Handicapés, sous réserve de remplir les conditions administratives et son accord pour le complément d'AEEH. Cette prestation n'étant pas partageable, son versement dépend de la désignation de l'allocataire.

Si les parties ne sont plus en désaccord sur l'alternance, elles le sont sur les modalités de celle-ci.

Il est admis que la mère a été désignée antérieurement au divorce en qualité d'allocataire unique, qualité maintenue à défaut d'accord des parents et de décision judiciaire.

Pour justifier devoir bénéficier de l'alternance dès l'année du jugement déféré, le père indique avoir formulé dans l'intérêt de l'enfant une demande de reconnaissance de sa situation de handicap. Le formulaire rempli par le père ne renseigne pas l'adresse de la mère et ne précise pas les modalités de résidence de l'enfant, indiqué comme domicilié chez le père, ni le titulaire actuel des prestations familiales. La lettre d'accompagnement contient une contradiction en ce que le père, s'il mentionne la résidence alternée, conclut en indiquant vivre seul avec ses enfants sans communication avec leur mère qui a refait sa vie, laissant supposer un délaissement de la mère, ce en contradiction totale avec les termes du jugement de divorce.

Il en résulte une politique du fait accompli, contraire aux dispositions du code civil, notamment de son article 372-2, la demande de reconnaissance de handicap n'étant pas un acte usuel, nécessitant l'accord des deux parents sans présomption d'accord à l'égard des tiers.

Ce fait a été réitéré lors du dépôt du dossier de renouvellement déposé à la maison départementale des personnes handicapées.

S'agissant du complément d'allocation, l'article R. 541-2 alinéa 1 2°du code de la sécurité sociale dispose ainsi que :

« Est classé dans la 2e catégorie l'enfant dont le handicap contraint l'un des parents à exercer une activité professionnelle à temps partiel réduite d'au moins 20 % par rapport à une activité à temps plein ou exige le recours à une tierce personne rémunérée pendant une durée au moins équivalente à huit heures par semaine ou entraîne des dépenses égales ou supérieures à un montant fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture ; ».

L'enfant a été classée en 2ème catégorie. S'il est constant que le père a réduit son activité de 20 %, la lecture de ses propres pièces médicales, notamment du certificat du 13 décembre 2018 du médecin du travail, démontre que la réduction du temps de travail a été accordée en invalidité 1 le 1er janvier 2014, soit bien antérieurement à la démarche de reconnaissance du handicap de l'enfant, et sans lien avec l'affection de celle-ci mais en raison de la pathologie chronique dont lui-même souffrait.

Le jugement de divorce a constaté la similarité des revenus et charges de chaque parent et a rejeté les demandes de contribution formées par chacun d'eux.

Par référence aux dispositions de l'article 373-2-11 3°, qui indique que le juge doit prendre notamment en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, et en l'absence de déséquilibre significatif dans la situation des deux parents, il n'y a donc pas lieu dans ces circonstances de modifier les modalités de l'alternance du bénéficiaire principal telles que définies dans le jugement déféré.

La désignation du bénéficiaire principal des allocations n'étant pas rétroactive et l'AEEH et son complément n'étant pas divisibles, leur versement ne saurait être opéré dans les mains du parent non désigné comme bénéficiaire, même si les droits ont été ouverts en considération de la situation de ce dernier. Dans le cas où la prestation aurait été versée à tort, il appartiendrait seulement à la Caisse d'en demander le remboursement. En conséquence, le père ne saurait réclamer le reversement du complément d'AEEH à son profit depuis le 1er juillet 2017, date à laquelle la décision de la maison départementale des personnes handicapées de reconnaître l'enfant comme handicapée classée en catégorie 2 a pris effet.

Le jugement déféré sera donc confirmé, les demandes de M. [B] [N] étant rejetées.

M. [B] [N], qui succombe, sera condamné aux dépens et au paiement au profit de Mme [G] [Z] d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

DÉCLARE recevable l'appel de M. [B] [N] ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;

DÉBOUTE M. [B] [N] de ses demandes ;

CONDAMNE M. [B] [N] à payer à Mme [G] [Z] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [N] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/06346
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;20.06346 ?
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