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26/05/2023 | FRANCE | N°18/04666

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 26 mai 2023, 18/04666


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 26 Mai 2023



(n° 420, 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04666 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5M4G



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AUXERRE RG n° 17/00009



APPELANT

Monsieur [L] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en per

sonne



INTIMEES

SAS [6]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Catherine SANONER, avocat au barreau d'AUXERRE



CPAM 89 - YONNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florenc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 26 Mai 2023

(n° 420, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04666 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5M4G

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AUXERRE RG n° 17/00009

APPELANT

Monsieur [L] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne

INTIMEES

SAS [6]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Catherine SANONER, avocat au barreau d'AUXERRE

CPAM 89 - YONNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [L] [R] d'un jugement rendu le 20 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Yonne dans un litige l'opposant à la S.A.S. [6] et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [L] [R], salarié de la S.A.S. [6], a déclaré une maladie professionnelle le 1er décembre 2010, affectant l'épaule gauche ; que le 31 mai 2011, la caisse a pris en charge cette pathologie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles relatif aux « affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », s'agissant d'une tendinite de l'épaule droite ; que le 4 juin 2012, l'état de santé de M. [L] [R] a été déclaré consolidé ; que le taux d'incapacité a été ramené à 0 % dans les relations caisse - employeur par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité ; que le 18 juin 2012, le salarié a saisi la Caisse d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l'origine de sa maladie professionnelle ; qu'en l'absence de conciliation, M. [L] [R] a saisi le 21 janvier 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action de M. [L] [R] ;

- dit que la S.A.S. [6] n'a pas commis de faute inexcusable à l'encontre de M. [L] [R] ;

- débouté en conséquence M. [L] [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [L] [R] à payer à la S.A.S. [6] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que l'activité professionnelle de M. [L] [R] ne comportait pas de risque spécifique et que sa maladie n'avait entraîné aucune poursuite pénale ; que le responsable de la production du channel sur lequel travaillait M. [L] [R] entre 2005 et 2012 et d'autres salariés attestent que les machines étaient équipées de moyens de levage pour charger et décharger et que le travail de l'opérateur ne consistait pas uniquement en du travail physique mais aussi en des tâches de contrôle et de surveillance ; que le DUERP mentionnait les risques liés au efforts et postures pénibles dont le maniement de matériels lourds ; que le règlement intérieur rappelle le respect des prescriptions applicables en matière d'hygiène, de sécurité et d'environnement ; que l'entreprise a mis en oeuvre des plans de prévention et de formation dont M. [L] [R] a bénéficié ; que la médecine du travail a été saisie et a délivré des certificats d'aptitude ; que la preuve n'est donc pas rapportée du fait que l'employeur aurait été alerté d'un risque spécifique et qu'il n'aurait pris aucune mesure destinés à protéger son salarié ou qu'il ne se serait pas conformé aux avis restrictifs émis par la médecine du travail.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 21 mars 2018 à M. [L] [R] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 31 mars 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience, M. [L] [R] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu ;

- reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime ;

- ordonner la majoration de la rente à son maximum légal.

Il expose qu'un procès-verbal a été dressé à la suite de son accident du travail survenu en 1997 ; que les personnes qui attestent au bénéfice de l'employeur ne connaissent pas son travail ou n'étaient pas des travailleurs ayant la même productivité ; que l'utilisation de sa machine à commande numérique nécessitait de changer de 5 à 8 outils par pièce usinée ; qu'il devait déplacer des charges lourdes et que les machines n'étaient pas ergonomiques ; qu'il devait décoller certaines pièces avec un marteau pesant 3,5 kilogrammes.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [6] demande à la cour de :

- confirmer dans son intégralité le jugement rendu en première instance le 20 mars 2018 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l' Yonne ;

- débouter M. [L] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire :

- limiter la mission de l'expert aux seuls préjudices énumérés par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;

dans tous les cas :

- débouter M. [L] [R] de sa demande d'indemnité provisionnelle de 5 000 euros ;

- condamner M. [L] [R] à lui payer, à hauteur d'appel, la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. [6] expose être en mesure de démontrer que les risques professionnels attachés au poste de M. [L] [R] étaient parfaitement identifiés dans le document unique et que les mesures nécessaires à la préservation de sa santé au travail ont été prises en sus d'actions de formation régulières ; que M. [L] [R] a bénéficié de formations tout au long de sa carrière professionnelle au sein de la société comme le démontrent les pièces produites aux débats ; que les bilans de formation réalisés par l'entreprise entre 2005 et 2010, soit dans les années précédant la déclaration de la maladie professionnelle de M. [L] [R], démontrent la récurrence de formations, toutes catégories professionnelles confondues, dans le domaine de l'EHS (environnement, hygiène et sécurité) ; que ces formations en sécurité représentent régulièrement plus de 20 % des heures consacrées à la formation professionnelle ; que la formation en EHS fait partie des axes prioritaires du plan de formation en 2009, l'objectif étant de « continuer de développer la culture sécurité en sensibilisant, informant, formant, afin de réduire les risques sur notre site » ; que, dès 2005, le document unique du site d'[Localité 5] répertoriait l'ensemble des risques professionnels pouvant exister du fait de l'activité de l'entreprise, les analysait, cotait la pénibilité résultant des tâches effectuées et définissait les mesures à mettre en place pour les risques ne pouvant être évités, et ce en application des dispositions de l'article L.4121-2 précité ; que le document unique mis à jour en 2017 à l'époque du contentieux en première instance continuait d'analyser les risques professionnels liés aux contraintes physiques marquées, aux postures pénibles et aux manutentions manuelles de charges ; que l'attestation de Monsieur [E] [W] est particulièrement partiale et contestable lorsqu'il déclare que M. [L] [R] devait manipuler des pièces de plus de 1000 kg, lorsqu'il affirme que son poste n'était pas ergonomique, que « on lui mettait la pression pour qu'il fasse beaucoup de travail » et que « avant son arrêt de travail il était sur un poste encore plus pourri » ; que cet attestant avait un emploi de cariste en son sein et qu'il n'était plus dans l'entreprise à l'époque des faits ; que sa formation et ses expériences professionnelles ne lui donnaient donc aucune légitimité pour apprécier les prétendues carences de l'entreprise dans les outils de travail confiés ainsi que dans l'organisation de la production ; que les témoignages qu'elle dépose concordent sur les moyens mis en place par l'entreprise, dans le respect du document unique, pour prévenir les risques professionnels et réduire notamment les efforts de manutention, postures pénibles et travail répétitif ; qu'elle a veillé à aménager le poste de travail de M. [L] [R] lorsque cela était nécessaire et ce, bien avant sa déclaration de maladie professionnelle en décembre 2010 ; que, subsidiairement sur la demande d'expertise, le recours à une expertise judiciaire à ce titre serait infondé puisque le TCI a d'ores et déjà réduit à 0 le taux d'incapacité permanente qui avait été accordé initialement à M. [L] [R] par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ; que de plus, aussi bien en première instance qu'à hauteur d'appel, M. [L] [R] ne verse aucune pièce justifiant d'un préjudice causé par les souffrances physiques ou morales d'esthétique et d'agrément relevant de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qui ne seraient pas considérées comme étant réparées forfaitairement par le livre IV du même code ; qu'il ne donne aucune précision sur sa situation professionnelle depuis son départ de la société [6] en 2012, soit bientôt 10 ans ; que rien ne permet, à ce stade de la procédure, d'accorder une indemnité provisionnelle à M. [L] [R] à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne demande à la cour de :

- prendre acte du fait qu'elle s'en rapporte à justice quant à la recevabilité de la présente instance ainsi que sur l'appréciation des responsabilités ;

dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait reconnue :

- prendre acte du fait qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes indemnitaires ainsi que sur la demande d'expertise médicale sollicitées par l'assuré ;

- le cas échéant, condamner l'employeur au paiement des frais d'expertise et le condamner à en faire l'avance ;

sur son recours récursoire à l'encontre de l'employeur :

- la dire bien fondée à récupérer auprès de l'employeur, la S.A.S. [6], les sommes qui seraient dues, dont elle ferait l'avance, et dire que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter de la date de paiement ;

- en tant que de besoin, condamner la S.A.S. [6] à lui rembourser lesdites sommes.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Yonne expose plus particulièrement que si la Cour accorde la majoration de la rente attribué à M. [L] [R], son remboursement ne pourra être réclamé à l'employeur du fait du jugement rendu le 14 février 2014 par le TCI de Dijon qui a ramené le taux d'IPP de M. [L] [R] à 0 % et a reconnu l'inopposabilité de la décision attributive d'une rente vis-à-vis de la S.A.S. [6], avant toute reconnaissance de faute inexcusable.

Par arrêt avant-dire droit du 9 septembre 2022, la cour a réouvert les débats à l'audience du 10 février afin que la société [6] produise l'ensemble des avis aptitudes médicales de M. [R] depuis son accident du travail du 19 novembre 1997 et le mode opératoire du « gluing ».

A l'audience du 10 février 2023, la société expose que son site d'[Localité 5] a été définitivement fermé à la fin de l'année 2022 et que le service des ressources humaines n'était plus assuré sur place depuis plusieurs mois, qu'en 1997, au moment de l'accident du travail de l'assuré les moyens informatiques ne permettaient pas une numérisation des avis d'aptitude. L'assuré ayant quitté l'entreprise depuis 2012, la société indique qu'elle n'a pas été en mesure de de retrouver l'ensemble des attestations demandées sur la période concernée, mais en produit cependant un certain nombre.

M. [R] indique que les documents versées par la société décrivant le mode opératoire de « gluing », ne correspondent pas à la manière dont le travail s'effectuait en 2010. S'agissant des avis d'aptitude produits par l'employeur, il indique qu'ils correspondent effectivement à sa personne.

La caisse maintient ses conclusions développées lors de l'audience du 25 mai 2022.

SUR CE,

La faute inexcusable susceptible d'être établie à l'encontre de l'employeur est celle qui est à l'origine de la maladie professionnelle déclarée le 1er décembre 2010. Le caractère professionnel cette maladie n'est pas contesté par l'employeur.

L'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il a, en particulier, l'obligation de veiller à l'adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été l'origine déterminante de l'accident du travail subi par le salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.

Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait ou qui aurait du avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur ; aucune faute ne peut être établie lorsque l'employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l'apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu'il pouvait avoir.

La cour relève qu'antérieurement à la déclaration de maladie professionnelle, le 22 août 2005, le service de l'infirmerie de l'entreprise indique que M. [L] [R] est apte au travail sur un poste aménagé de tourneur 3X8, le salarié devant pouvoir bénéficier d'une aide en cas de manutention importante, selon la demande du médecin du travail. L'aptitude était temporaire. De même, la visite de reprise du 20 mars 2006 précise que le salarié est apte à un poste aménage de formateur jusqu'au 9 juin 2006, l'employeur devant éviter qu'il produise tout effort avec les deux membres supérieurs, en l'absence de prise de couple, en évitant tout serrage et tout port de charges supérieures à 15 kg, précision faite que ces avis du médecin du travail s'inscrivent dans la suite d'un accident du travail datant 1997. Cependant l'assuré ne produit aucune pièce relative à cet accident du travail, de sorte qu'il laisse la cour dans l'ignorance des lésions qui ont été consécutives à cet événement.

Pour étayer ces conditions de travail, M. [L] [R] dépose une attestation de M. [U] [F] qui indique ainsi le nombre de pièces à usiner quotidiennement, leur poids - entre 200 et 300 kg - avec nécessité de les retourner. Il ajoute que le collage de pièces ou « gluing » n'était pas pratiqué de manière ergonomique et qu'aucune formation aux troubles musculo-squelettiques n'a été assurée sur le poste. Au cas particulier, la cour relève qu'il ressort des déclarations du 27 mai 2022 à l'audience de l'assuré qu'il soutient que son travail nécessitait la prise en main d'un marteau d'un poids de 3,5 kg pour taper sur une clé et permettre le décollage des pièces. A cet égard à l'audience du 17 mars 2023, il a contesté de la production par la caisse d'un document démontrant les opérations de « gluing » en soutenant que contrairement à ce qui est indiqué page 6 de la pièce 43, l'opération de décollage ne se pratiquait pas avec un maillet, mais avec un marteau d'un poids beaucoup plus lourd. Il n'a produit toutefois aucune pièce pour étayer sa contestation.

La société produit un extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels (pièce 13) qui indique que le risque de douleurs au dos, en cas d'opération de décollement a été identifié en 2005. Dans la version datée de 2017, postérieurement à la déclaration de la maladie, le port des outils est ainsi coté à un risque de 9. Contrairement à ce que soutient l'assuré, ces risques étaient identifiés dans le document unique d'évaluation des risques professionnels avant l'apparition de la maladie professionnelle dont il a été victime.

L'employeur soutient avoir pris toutes les mesures nécessaires à la prévention de la réalisation du risque. La S.A.S. [6] démontre que M. [L] [R] a suivi une formation d'une heure à la sécurité le 3 octobre 1994, une formation de sauveteur secouriste du travail en 1999, une formation d'élinguer en 2001 et une formation de pontier en 2004, ayant abouti à la délivrance d'une autorisation de conduite des ponts roulants. Si elle précise avoir assuré des formations sur l'analyse de la manutention manuelle, elle ne démontre pas que M. [L] [R] en ait bénéficié. Il a cependant reçu la formation destinée aux membre du CHSCT.

Les attestations de salariés déposées par la S.A.S. [6] indiquent la mise à disposition de palans pour les changement d'outils et le déplacement de pièces lourdes, avec parfois l'assistance de salariés et confirment la réalisation des formations. M. [A] [C] précise que le changement de séries s'opérait à raison de deux à trois fois par semaine et que la sollicitation physique de l'opérateur ne mobilisait que 20 % de son temps de travail.

A la suite de la réouverture des débats la société a produit 7 fiches médicales d'aptitude :

- fiche médicale d'aptitude datée du 30 juin 2005 dans le cadre de la visite annuelle, le poste occupé par l'assuré étant : Tour 3X8 dont les conclusions sont : apte temporaire, accompagné des observations suivantes : sous réserve d'évolution aménagement de poste à prévoir dans un proche avenir avec interdiction de port de charges supérieur à 15kg et sans effort important avec les deux membres supérieurs - à revoir dans un mois.

- fiche médicale d'aptitude datée du 28 juillet 2005 dans le cadre d'une visite demandée par le médecin du travail, le poste occupé par l'assuré étant : Tour 3X8 dont les conclusions sont : apte sous réserve d'évolution et de pouvoir disposer d'une aide en cas de manutention importante à revoir en octobre 2005

- fiche médicale d'aptitude datée du 9 mars 2006 dans le cadre d'une visite de reprise, le poste occupé par l'assuré étant : Tour 3X8 /Perceur dont les conclusions sont : apte au poste aménagé avec les observations suivantes : actuel formateur en évitant tout effort avec les deux membres supérieurs C'est à dire pas de prise de couple, pas de serrage, pas de port de charge supérieur à 15kg.

- fiche médicale d'aptitude datée du 31 janvier 2007 dans le cadre d'une visite à la demande de l'employeur, le poste occupé par l'assuré étant : Tour perceur 3X8 /perceur Pontier 50T dont les conclusions sont : apte le 13 juin 2006, sans observations

- fiche médicale d'aptitude datée du 16 juillet 2008 dans le cadre d'une visite périodique, le poste occupé par l'assuré étant : Tourneur Perceur 3X8 C 16/Pontier dont les conclusions sont Apte, sans observations complémentaires

- fiche médicale d'aptitude datée du 6 juillet 2009 dans le cadre d'une visite périodique, le poste occupé par l'assuré étant Tourneur Perceur CN 3X8 C16/Pontier + Poly, dont les conclusions sont : Apte sous réserve de disposer des équipements de prévention individuelle (masque et port de lunettes) ou modifier processus de travail.

- fiche médicale d'aptitude datée du 6 mai 2010 dans le cadre d'une visite périodique, le poste occupé par l'assuré étant : Tourneur perceur CN 3X8 C17/Pontier dont l'avis est Apte, sans aucune observations.

Il résulte de ces pièces que le salarié a été déclaré apte sans réserve à compter de la fiche médicale datée du 31 janvier 2007. Si la fiche médicale du 6 juillet 2009 le déclare apte sous réserve de disposer des équipements de prévention individuelle (masque et port de lunettes), ces équipements sont sans rapport avec la maladie professionnelle susceptible de caractériser la faute inexcusable de l'employeur dans le cadre de la présente instance. Enfin il a été déclaré apte sans réserve le 6 mai 2010, soit 9 mois avant sa déclaration de maladie professionnelle. La cour relève également qu'à partir de la fiche médicale d'aptitude du 31 janvier 2007 le poste occupé par l'assuré est : Tour perceur 3X8 /perceur Pontier 50T et que l'assuré n'établit pas que son poste ait été modifié postérieurement. La société produit un certificat de stage de "pontier" en vue de l'obtention d'une autorisation de conduite datée du 30 septembre 2004 (pièce 5 de la société) et une autorisation de conduite des ponts roulants du 5 juin 2007 dont il ressort que l'assuré a justifié d'un certificat d'aptitude à la conduite des ponts roulants délivré par un organisme extérieur à l'entreprise en date 17 novembre 2006, que son aptitude à la conduite des ponts roulants a été vérifiée par le médecin du travail le 13 juin 2006 et qu'il a suivi une formation aux risques liés à la conduite des ponts roulants le 5 juin 2007 (pièce 6 de la société). Dès lors, la société a vérifié ses aptitudes fonctionnelles et médicales et l'a formé aux risques liés à la conduite des ponts roulants avant de l'affecter à un poste de pontier.

L'assuré produit un document qui correspond aux notations de la médecine du travail à l'occasion des différentes visites. Ce document, qui est en réalité l'impression du dossier dématérialisé de la médecine du travail de l'assuré, qui est constitué de notes, prises avec des abréviations, avec des redondances n'est pas exploitable en l'état et la cour ne peut lui reconnaître un caractère probatoire. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les comptes rendus de visite médicale du travail sont établis en plusieurs exemplaires, dont l'un est remis au salarié, qui avait donc la possibilité de les produire dans le cadre de la présente instance.

Il ressort de ces éléments que l'assuré échoue à rapporter le preuve que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque qui s'est réalisé dès lors que l'intimé s'est conformé aux avis d'aptitude délivré par le médecin du travail et a vérifié son aptitude et l'a formé aux risques liés à la conduite des ponts roulants avant de l'affecter au poste de pontier.

La décision du premier juge doit être confirmée.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de de la société [6] les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

Monsieur [L] [R], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Auxerre du 20 mars 2018 ,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

DÉBOUTE la société [6] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Monsieur [L] [R] aux dépens de la procédure d'appel engagés depuis le 1er janvier 2019.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/04666
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;18.04666 ?
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