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25/05/2023 | FRANCE | N°22/17022

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 25 mai 2023, 22/17022


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 25 MAI 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17022

N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPTY



Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 septembre 2022 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 21/04819





APPELANTE



SA ALLIANZ IARD

[Adresse

1]

[Localité 4]

Représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

Assistée par Me Marie-Charlotte DE BENOIT D'EN...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17022

N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPTY

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 septembre 2022 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 21/04819

APPELANTE

SA ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

Assistée par Me Marie-Charlotte DE BENOIT D'ENTREVAUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Mutuelle MATMUT

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Camille PICARD de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C673

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 décembre 2006, Mme [P] [E] a été grièvement blessée à l'occasion d'un incendie survenu dans un immeuble d'habitation dans lequel elle louait un appartement et dont était propriétaire la société civile immobilière Dvd (la société Dvd), assurée auprès de la société Matmut.

L'enquête a établi que le départ de feu se situait dans le hall de l'immeuble, à l'endroit où était garé un scooter appartenant à un autre locataire de l'immeuble, M. [I] [L], assuré au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz), alors qu'il procédait à des réparations sur cet engin, que l'incendie s'était propagé à l'immeuble et que Mme [E] avait voulu sortir de son appartement par la fenêtre et avait chuté au sol.

Par ordonnance du 2 mars 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d'expertise médicale de Mme [E], confiée au Docteur [Z] et débouté cette dernière de sa demande de provision.

Après le dépôt du rapport d'expertise, Mme [E] a, par exploits en date du 28 octobre 2013, assigné la société Dvd, la société Matmut, la société Allianz et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la CPAM).

Par jugement du 31 mars 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté l'irrégularité de l'assignation délivrée au FGAO,

- donné acte au FGAO de son intervention volontaire,

- déclaré la société Dvd entièrement responsable du préjudice subi par Mme [E] consécutivement à l'incendie,

- condamné in solidum la société Dvd et la société Matmut à indemniser l'entier préjudice de Mme [E],

- condamné in solidum la société Dvd et la société Matmut à payer à Mme [E] la somme de 200 000 euros à titre de provision,

- débouté la société Dvd de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Matmut,

- débouté Mme [E] de ses demandes formées contre la société Dvd au titre de sa prétendue résistance abusive,

- débouté la CPAM de ses demandes formées à l'encontre de M. [L] et de la société Allianz,

- avant-dire droit, ordonné une expertise en aggravation confiée au Docteur [Z] avec mission d'usage,

- sursis à statuer sur les demandes de Mme [E] et de la CPAM dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert.

Les sociétés Dvd et Matmut ont relevé appel de ce jugement.

La Société Dvd a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 septembre 2016 et la société Yvon Périn & Jean-Philippe Borkowiak a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Mme [E] a attrait en la cause la société Yvon Périn & Jean-Philippe Borkowiak et les associés de la société Dvd sont intervenus volontairement à l'instance.

Par arrêt du 30 octobre 2018, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 31 mars 2016 et, y ajoutant, a notamment :

- mis hors de cause le FGAO,

- déclaré irrecevables les demandes des associés de la société Dvd,

- déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts présentée par M. [E] pour résistance abusive,

- fixé la créance provisionnelle de Mme [E] au passif de la liquidation de la société Dvd à la somme de 200 000 euros,

- sursis à statuer sur les demandes de la CPAM en attente de la liquidation des préjudices de Mme [E] et déclaré l'arrêt opposable à la CPAM,

- condamné la société Allianz à relever et garantir M. [L],

- dit et jugé que la société Matmut devait sa garantie à la société Dvd,

- condamné la société Matmut à relever et garantir la société Dvd de toutes les condamnations prononcées contre cette partie avec leurs conséquences en principal, intérêts, accessoires et dépens, en ce compris l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] avec la société Allianz à relever et garantir la société Matmut de toutes les condamnations prononcées contre cette partie avec leurs conséquences en principal, intérêts, accessoires et dépens, en ce compris l'article 700 du code de procédure civile,

Par un arrêt du 26 novembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Allianz avec M. [L] à relever et garantir la société Matmut de toutes les condamnations prononcées contre cette partie en principal, intérêts, frais et accessoires et dépens, en ce compris l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 entre les parties par la cour d'appel de Paris,

- dit n'y avoir lieu à renvoi,

- déclaré irrecevable la demande, formée par la société Matmut, pour la première fois devant la cour d'appel tendant à voir garantir par la société Allianz, avec M. [L], toute condamnation prononcée contre elle.

Par acte d'huissier en date du 22 mars 2021, la société Matmut a assigné la société Allianz afin que cette dernière soit condamnée à la garantir de toutes les sommes déjà réglées et des condamnations à intervenir contre elle, en principal, intérêts, frais, accessoires et dépens, en ce compris l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la réparation des conséquences dommageables de l'incendie du 10 décembre 2006 et qu'elle soit condamnée également à lui rembourser la somme de 119 691,06 euros versée à son assurée, la société Dvd, dans les droits de laquelle elle est subrogée.

Par ordonnance du 13 septembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, saisi d'un incident formé par la société Allianz, a :

- débouté la société Allianz de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées dans le cadre du présent incident, tant s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle a soulevée, qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens et de la distraction,

- dit que l'action intentée dans le cadre de la présente instance par la société Matmut « ne demeure pas prescrite »,

- condamné la société Allianz à payer à la société Matmut la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- réservé les dépens,

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit,

- renvoyé l'examen de l'affaire à une audience de mise en état ultérieure,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 3 octobre 2022, la société Allianz a interjeté appel de cette ordonnance, en critiquant chacune de ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Allianz, notifiées le 23 janvier 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les dispositions des articles 2219 et suivants du code civil,

Vu l'article 2228 du code civil,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2022 en ce qu'elle a :

- débouté la société Allianz de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées dans le cadre du présent incident, tant s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle a soulevée qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens et de la distraction,

- dit que l'action intentée dans le cadre de la présente instance par la société Matmut « ne demeure pas prescrite »,

- condamné la société Allianz à payer à la société Matmut la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- réservé les dépens,

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 13 décembre 2022 à 13h30, pour conclusions au fond en demande avant le 15 octobre 2022 et conclusions en défense avant le 15 novembre 2022,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau,

- déclarer que les demandes de la société Matmut sont irrecevables en ce qu'elles se heurtent à la prescription décennale,

- condamner la société Matmut à payer à la société Allianz la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Matmut de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société Matmut aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Ghislain Dechezlepretre.

Vu les conclusions de la société Matmut, notifiées le 28 décembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 2224 du code civil,

- confirmer l'ordonnance du 13 septembre 2022 dans toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société Allianz de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions formulées dans le cadre du présent incident, tant s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle a soulevée qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens et de la distraction,

- dire que l'action intentée par la société Matmut « ne demeure pas prescrite »,

- condamner la société Allianz à verser à la société Matmut la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société Allianz à verser à la société Matmut la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la présente procédure d'appel, et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Matmut

Pour juger que l'action de la société Matmut n'était pas prescrite, le juge de la mise en état a estimé en substance que cette société n'était pas subrogée dans les droits de Mme [E], qu'elle ne pouvait l'être, le cas échéant, que dans les droits de son assurée, la société Dvd, que son action récursoire à l'encontre de la société Allianz était soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 et que cette prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de l'arrêt du 30 octobre 2018 ayant tranché les contestations liées à la responsabilité de la société Dvd et à la garantie due par la société Matmut, de sorte que l'action engagée par cette dernière le 22 mars 2021 n'était pas prescrite.

La société Allianz qui conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée fait valoir, s'agissant de la demande de remboursement des indemnités versées par la société Matmut à son assurée, la société Dvd au titre des dommages matériels, que l'incendie étant survenu le 10 décembre 2006 avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il doit être fait application de l'article 2222, alinéa 2, du code civil selon lequel « les dispositions qui réduisent le délai de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure », que le délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil n'a ainsi commencé à courir qu'à compter du 17 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013, de sorte qu'il appartenait à la société Matmut, subrogée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances dans les droits de son assurée qu'elle a indemnisée au cours de l'année 2007 (pièce n° 6), d'agir en justice avant cette date, ce qu'elle n'a pas fait.

S'agissant de la demande de la société Matmut tendant à être garantie des condamnations relatives à l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [E], elle avance que cette action est soumise au même délai de prescription que celui de l'action de la victime, soit en application de l'article 2226 du code civil, dix ans à compter de la consolidation des lésions, laquelle a été fixée par l'expert, le Docteur [Z], au 10 décembre 2009 ; elle en déduit que l'action de la société Allianz, engagée le 22 mars 2021, près de deux ans après l'expiration de ce délai, est prescrite, ajoutant que l'assignation délivrée par Mme [E] par exploit du 28 octobre 2013 à M. [L] et la société Allianz n'a pu interrompre le cours de la prescription compte tenu du principe de l'effet relatif de l'interruption de la prescription selon lequel l'interruption ne profite qu'à celui dont elle émane.

Elle fait valoir par ailleurs qu'il convient de ne pas confondre l'action récursoire de l'assureur qui agit sur le fondement d'un préjudice propre, distinct de celui de la victime et l'action subrogatoire de ce dernier dans le cadre de laquelle l'assureur est investi des droits de la victime qu'il a indemnisée et bénéficiera de l'interruption de la prescription par celle-ci.

Elle avance qu'en l'espèce, l'action de la société Matmut s'analyse en une action récursoire contre un éventuel tiers co-responsable et l'assureur de celui-ci, que la prescription régissant cette action est celle qui aurait été applicable à l'action de son assurée, la société Dvd dans les droits de laquelle elle est subrogée, si cette dernière avait agi contre ce tiers ; après avoir rappelé les termes l'article 2224 du code civil, elle soutient que la société Matmut a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action récursoire à compter de la date à laquelle elle a été assignée en référé par Mme [E] par acte d'huissier du 6 juillet 2008 afin d'obtenir la mise en oeuvre d'une expertise et le versement d'une provision, voire à compter de la lettre du 8 février 2008 par laquelle la société Allianz a sollicité le remboursement des indemnités versées à son assurée pour un montant de 106 588 euros, de sorte que son action est prescrite.

La société Matmut fait valoir que si elle a, par lettre du 8 février 2008, sollicité le remboursement par la société Allianz des indemnités versées à son assurée au titre de la garantie des dommages aux biens en tant que subrogée dans les droits de cette dernière, cette demande ne saurait être confondue avec l'action récursoire qu'elle a engagée à la suite de sa propre condamnation à prendre en charge le préjudice de Mme [E].

Elle soutient que la prescription de cette action récursoire est régie par l'article 2224 du code civil et que, comme l'a retenu le juge de la mise en état, le délai de prescription de cinq ans prévu par ce texte n'a commencé à courir qu'à compter de l'arrêt du 30 octobre 2018, date à laquelle le dommage de la société Matmut s'est manifesté ; elle précise que jusqu'à cette date la question de la garantie due à la société Dvd au titre des dommages causés aux locataires était discutée, de même que la question de la responsabilité de la société Dvd.

La société Matmut ajoute que si la cour suivait le raisonnement de l'appelante, il conviendrait de retenir comme point de départ de la prescription la date de délivrance de l'assignation au fond de Mme [E], soit le 28 octobre 2013, et non pas celle de son assignation en référé, que le délai de prescription quinquennale a été valablement interrompu par la demande que la société Matmut a présentée par voie de conclusions notifiées le 19 mars 2018 afin d'être garantie par M. [L] et la société Allianz de toutes condamnations pouvant être mises à sa charge, de sorte que son action engagée le 22 mars 2021 ne serait, en tout état de cause, pas prescrite.

Sur ce, il convient de distinguer la prescription de l'action de la société Matmut en remboursement des indemnités versées à son assurée, la société Dvd, au titre des dommages matériels consécutifs à l'incendie et la prescription de l'action de la société Matmut tendant à être garantie par la société Allianz de toutes les sommes déjà réglées et des condamnations à intervenir relatives à l'indemnisation des préjudices de Mme [E].

Sur la prescription de l'action de la société Matmut en remboursement des indemnités versées à son assurée, au titre des dommages matériels

Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

En vertu des règles générales qui gouvernent la subrogation, prévues par les articles 1250 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la cause, le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire.

Il en résulte que l'assureur subrogé dans les droits de son assuré, ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de l'assuré et que le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant.

En l'espèce, la société Matmut qui a indemnisé au cours de l'année 2007, (pièce n° 6 de la société Allianz) son assurée, la société Dvd, des dommages matériels générés par l'incendie survenu le 10 décembre 2006, en exécution des garanties souscrites, est subrogée dans les droits de celle-ci.

L'action en responsabilité de la société Dvd à l'encontre de son locataire, M. [L] et de l'assureur de responsabilité de ce dernier, la société Allianz, était soumise à la date du sinistre au délai de prescription de droit commun de 30 ans prévu à l'article 2262 du code civil.

Sous l'empire de ce texte, le point de départ du délai de prescription des actions en responsabilité contractuelle était la date de réalisation du dommage ou celle à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Ce délai de prescription a été ramené à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile.

L'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de cette loi, entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 19 juin 2008, dispose ainsi que « les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

En application de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, « les dispositions qui réduisent le délai de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure ».

En revanche, la loi du 17 juin 2008, en l'absence de dispositions transitoires en ce sens, n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur.

L'incendie ayant endommagé l'immeuble de la société Dvd s'étant produit le 10 décembre 2006, le délai de prescription de son action en responsabilité et indemnisation a commencé à courir à compter de la date du sinistre, aucun élément ne permettant de retenir que cette société n'en ait eu connaissance qu'ultérieurement.

La prescription prévue par la loi ancienne étant en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le nouveau délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013 ainsi que le relève justement la société Allianz.

Si la société Matmut se prévaut de ce que la prescription aurait été interrompue par l'appel en garantie formé à l'encontre de la société Allianz par voie de conclusions notifiées le 19 mars 2018 lors de l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 30 octobre 2018 partiellement censuré sans renvoi, il convient de relever que cette demande formée après l'expiration du délai de prescription ne pouvait en interrompre le cours.

Il en résulte que l'action subrogatoire engagée le 22 mars 2021 par la société Matmut à l'encontre de la société Allianz, assureur de responsabilité civile de M. [L], en vue d'obtenir le remboursement des indemnités versées à son assurée, la société Dvd, au titre de son dommage matériel est prescrite.

Sur la prescription de l'action de la société Matmut tendant à être garantie par la société Allianz de toutes les sommes déjà réglées et des condamnations à intervenir relatives à l'indemnisation des préjudices de Mme [E]

Par une disposition non censurée, l'arrêt du 30 octobre 2018 de la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 31 mars 2016 en ce qu'il a condamné la société Matmut, in solidum avec son assurée, la société Dvd, à indemniser l'entier préjudice de Mme [E] et à lui verser une provision de 200 000 euros dont le règlement effectif n'est pas contesté.

L'action engagée par la société Matmut en vue de faire supporter la charge de la réparation des préjudices de Mme [E] par la société Allianz, assureur de M. [L], co-responsable du dommage, n'a pas le caractère d'une action récursoire par laquelle la société Matmut ferait valoir des droits qui lui sont propres à l'encontre de la société Allianz, mais en application des articles 1382 et 1351,3° du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celui d'une action subrogatoire dans les droits de la victime dans la limite de la part de responsabilité du co-obligé.

En vertu des règles générales qui gouvernent la subrogation, prévues par les articles 1250 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicables à la cause, le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire.

Il en résulte que l'assureur subrogé dans les droits de la victime d'un dommage, ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de la victime et que le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant.

Or le délai de prescription de l'action de Mme [E] à l'encontre de M. [L] et de son assureur, la société Allianz, est de dix ans à compter de la consolidation de son état de santé en application des dispositions de l'article 2270-1 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, applicable au litige, étant observé que ni ce délai ni son point de départ n'ont été modifiés par l'article 2226 du code civil.

La consolidation de l'état de santé de Mme [E] ayant été fixée par l'expert, le Docteur [Z], au 10 décembre 2009, le délai de prescription de l'action de la victime expirait le 10 décembre 2019.

Toutefois, Mme [E] a par acte d'huissier en date du 28 octobre 2013, assigné M. [L] et son assureur, la société Allianz, afin de les voir condamner in solidum, à titre subsidiaire, à l'indemniser de ses préjudices.

Il résulte des article 2241 et 2242 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, applicable au litige, s'agissant d'une cause d'interruption survenue postérieurement à son entrée en vigueur, que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et que cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

L'effet interruptif de prescription de l'assignation délivrée par la victime subrogeante s'étendant à l'assureur subrogé dans ses droits et cette interruption ayant produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance à la suite de l'arrêt rendu le 30 octobre 2018, l'action de la société Matmut engagée le 22 mars 2021 à l'encontre de la société Allianz afin d'être garantie des sommes déjà versées et des condamnations à intervenir n'est pas prescrite.

*************

L'ordonnance du juge de la mise en état qui a, sans distinction, débouté la société Allianz de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées dans le cadre du présent incident, s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle a soulevée et dit que l'action intentée dans le cadre de la présente instance par la société Matmut « ne demeure pas prescrite » sera infirmée.

Sur les demandes annexes

Les dispositions de l'ordonnance déférée relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Allianz, qui succombe partiellement en son recours, supportera la charge des dépens d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe

- Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la société Allianz IARD de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées dans le cadre du présent incident, s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle a soulevée et dit que l'action intentée dans le cadre de la présente instance par la société Matmut « ne demeure pas prescrite » sera infirmée,

- La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déclare irrecevable, comme prescrite, l'action subrogatoire engagée le 22 mars 2021 par la société Matmut à l'encontre de la société Allianz IARD, assureur de responsabilité civile de M. [L], en vue d'obtenir le remboursement des indemnités versées à son assurée, la société Dvd, au titre de son dommage matériel,

- Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Allianz IARD tirée de la prescription de l'action de la société Matmut tendant à être garantie par cette dernière de toutes les sommes déjà réglées et des condamnations à intervenir relatives à l'indemnisation des préjudices de Mme [P] [E],

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la société Allianz IARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/17022
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.17022 ?
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