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25/05/2023 | FRANCE | N°21/18547

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 25 mai 2023, 21/18547


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 25 MAI 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18547

N° Portalis 35L7-V-B7F-CERKV



Décision déférée à la Cour : jugement du 06 octobre 2021 - tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 21/01168



APPELANT



Monsieur [U] [H]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Né le

[Date naissance 4] 1974 à [Localité 12]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Laurence ANDRE, avocat au barreau d...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18547

N° Portalis 35L7-V-B7F-CERKV

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 octobre 2021 - tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 21/01168

APPELANT

Monsieur [U] [H]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 12]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté par Me Laurence ANDRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

MACSF ASSURANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

Assisté par Me Sophie GRISSONNANCHE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 février 2008 à [Localité 10] (94), M. [U] [H] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par Mme [R] et assuré auprès de la société MACSF assurances (la MACSF).

Il a présenté à la suite de l'accident une paraplégie complète de niveau D5/D6.

Par jugement rendu le 25 mai 2010, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mars 2011, le droit à indemnisation intégrale de M. [H] a été reconnu et une expertise médicale a été confiée au Professeur [G].

Par un arrêt en date du 17 novembre 2014, la cour d'appel de ce siège a indemnisé les préjudices subis par M. [H], à l'exception des frais de logement adapté.

Par ordonnance du 26 février 2019, le juge des référés a ordonné, à la demande de M. [H], une mesure d'expertise architecturale confiée à M. [N], portant à la fois sur les aménagements nécessaires pour adapter à son handicap la maison dont il a fait l'acquisition le 29 novembre 2018 et sur l'adaptabilité de son ancien appartement loué entre 2011 et 2018.

L'expert a établi son rapport le 24 décembre 2020.

Par acte d'huissier en date du 5 février 2021, M. [H] a fait assigner la MACSF en indemnisation des frais de logement adapté, incluant le coût d'acquisition de la maison.

Par jugement du 6 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- condamné la MACSF à payer à M. [H] la somme de 220 290,90 euros au titre du poste de préjudice du logement adapté, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la décision,

- rejeté le surplus des demandes de M. [H] au titre de la réparation de son préjudice et du doublement des intérêts,

- condamné la MACSF aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la MACSF à payer à M. [H] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de plein droit de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 25 octobre 2021, M. [H] a interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément ses dispositions relatives à l'indemnisation des frais de logement adapté et au rejet de la demande de doublement du taux de l'intérêt légal.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [H], notifiées le 10 novembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

Vu le principe de la réparation intégrale,

Vu les articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

- dire l'appel interjeté par M. [H] recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 6 octobre 2021 en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice relatif au logement adapté de M. [H] à hauteur d'un tiers du coût de son acquisition outre les frais d'aménagement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation au doublement des intérêts légaux en application des dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances,

Statuant à nouveau,

- condamner la MACSF à payer à M. [H] la somme de 502 000 euros au titre des frais d'acquisition du logement adapté et à la somme de 56 175,90 euros au titre des aménagements, soit un total de 558 175,90 euros,

- condamner la MACSF à payer à M. [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée pour la période allant du 24 mai 2021 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, l'offre manifestement insuffisante de la MACSF étant assimilable à une absence d'offre,

- condamner la MACSF au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée au même titre en première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au bénéfice de Maître Jeanne Baechlin, avocat aux offres de droit.

Vu les conclusions de la MACSF, notifiées le 25 août 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 6 octobre 2021 en ce qu'il a fixé l'indemnisation des frais d'adaptation du domicile à une somme de 220 290,90 euros,

statuant à nouveau,

- fixer l'indemnisation des frais d'adaptation du domicile à une somme de 56 175,90 euros,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 6 octobre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande relative au doublement des intérêts formulée par M. [H] en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

- laisser les frais irrépétibles à la charge de chacune des parties,

- condamner M. [H] aux dépens dont distraction au profit de la société Causidicor en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les frais de logement adapté

Le tribunal a indemnisé au titre des frais de logement adapté :

- un tiers du prix de la maison de plain-pied dont M. [H] a fait l'acquisition par acte notarié du 29 novembre 2018, soit la somme de 164 115 euros, en relevant que l'accroissement de la superficie par rapport au logement en location qu'il occupait précédemment correspondait à un choix personnel sans lien causal avec l'accident,

- les travaux d'adaptation de cette maison au handicap de M. [H] pour un montant de 56 175,90 euros.

M. [H] critique la décision du tribunal en ce qu'elle a limité l'indemnisation des frais d'acquisition d'un logement adapté à son handicap à un tiers du prix d'achat.

Il fait valoir qu'à la date de l'accident, il résidait dans un logement en location d'une superficie d'environ 38 m² inadapté et inadaptable à son handicap, qu'il était propriétaire d'un appartement de deux pièces d'une superficie de 31 m² tout aussi inadapté et qu'à la sortie du centre de rééducation de [Localité 9] où il a séjourné, il a d'abord été hébergé par sa famille puis a été contraint de prendre à bail, en colocation, de septembre 2011 à novembre 2018, un logement HLM également inadapté à son handicap, cette solution lui ayant été imposée par sa situation de précarité financière, son indemnisation définitive n'ayant été réalisée que par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 novembre 2014.

Il expose ensuite que l'expertise architecturale réalisée par M. [N] démontre que le logement HLM qui lui a été attribué en 2011 n'était pas adapté à son handicap et qu'il comportait plusieurs anomalies concernant l'accessibilité à une personne en fauteuil roulant auxquelles il ne pouvait pas être remédié totalement, l'expert ayant conclu que ce logement n'était pas adaptable aux personnes à mobilité réduite, en raison, notamment de la largeur de l'espace de manoeuvre devant la porte d'entrée qui n'était pas suffisante pour la manipulation du fauteuil et ne pouvait être augmentée et de l'absence d'un emplacement de stationnement accessible.

Il fait observer qu'il ne peut lui être imposé de résider indéfiniment dans un logement HLM sous prétexte que les bailleurs sociaux proposent des logements adaptés aux personnes à mobilité réduite, d'autant qu'il ne résidait pas en HLM au moment de son accident.

M. [H] soutient que l'acquisition d'une maison adaptée à son handicap ne constituait pas un choix patrimonial mais la seule solution pour pouvoir disposer de manière pérenne d'un lieu de vie adapté et que la superficie de 144 m² de cette maison n'est nullement excessive au regard de ses besoins.

Il réclame ainsi l'indemnisation de la totalité du coût de cette acquisition, soit la somme de 502 000 euros incluant le mobilier, outre le coût des aménagements de la maison préconisés par l'expert pour un montant de 56 175,90 euros.

La MACSF critique la décision des premiers juges en ce qu'elle a inclus dans les frais de logement adapté, une partie du prix de la maison dont la victime a fait l'acquisition en novembre 2018.

Elle fait valoir en substance que :

- M. [H] était déjà propriétaire d'un appartement de deux pièces, d'une superficie de 31 m² situé [Adresse 5] à [Localité 10] lorsque l'accident est survenu,

- que trois ans après l'accident, il a loué un appartement d'une superficie de 74 m² auprès de l'Office public de l'habitat d'[Localité 10],

- que les victimes qui font le choix d'acheter une maison avec les deniers obtenus à la suite de l'indemnisation de leurs préjudices ne sont pas fondées à réclamer le remboursement du prix d'acquisition de ce nouveau logement si elles ne justifient pas que le bailleur a refusé de les autoriser à réaliser des travaux d'aménagement nécessaires ou qu'il a refusé de leur attribuer un logement adapté à leur handicap,

- qu'en l'espèce, M. [H] ne justifie pas avoir demandé à son bailleur l'autorisation de réaliser des travaux d'aménagement supplémentaires ou l'attribution d'un logement adapté à son handicap, pas plus qu'il ne justifie s'être heurté à un refus de la part du bailleur,

- que rien ne faisait obstacle à la réalisation des travaux préconisés par l'expert au regard des dispositions de l'article 7 f de la loi du 6 juillet 1989 autorisant avec l'accord du bailleur la réalisation des travaux d'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap,

- que M. [H] était en outre prioritaire pour obtenir l'attribution d'un logement adapté par son bailleur social, lequel était tenu de respecter les normes d'accessibilité édictées par l'article R. 111-18-2 du code de la construction et de l'habitation,

- que les principales critiques émises par M. [N] concernant l'adaptabilité du logement HLM portaient sur l'accès à la loggia dont l'usage n'est par indispensable, et l'accès au parking en sous-sol de l'immeuble, alors que le bail de M. [H] n'incluait pas la location d'un emplacement de stationnement et qu'un logement ne saurait être qualifié d'inadapté au seul motif que l'immeuble dont il dépend ne comporte pas de place de stationnement accessible en fauteuil roulant,

- qu'entre 2006 et 2018, M. [H] s'est constitué un important patrimoine immobilier en faisant l'acquisition de 7 appartements,

- que la victime a la libre disposition des indemnités perçues et que la décision prise par M. [H] d'acheter une maison de 144 m² représentant plus du double de superficie du logement qu'il occupait précédemment, relève d'un choix personnel qui n'est pas imputable à l'accident.

La MACSF, tout en relevant que l'indemnisation des frais d'adaptation du domicile de M. [H] devrait correspondre au coût des aménagements réalisés ou à réaliser dans l'appartement loué auprès de l'Office public de l'habitat d'[Localité 10] indique toutefois accepter de prendre en charge le coût des aménagements de la maison de [Localité 11] que l'expert a évalué à la somme de 56 175,90 euros.

Sur ce, il ressort de l'expertise médicale, réalisée le 18 octobre 2010 par le professeur [G], que M. [H] a présenté consécutivement à l'accident de la circulation dont il a été victime le 24 février 2008 une fracture de D5, D6 et D7 ayant entraîné une contusion médullaire qui a provoqué une paraplégie complète définitive justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 75 %.

A la date de l'accident, M. [H] occupait un logement situé [Adresse 6] à [Localité 10] qu'il louait auprès de la SCI Aldebaran ainsi qu'il résulte de la quittance de loyer du mois de janvier 2008 versée aux débats.

Dans son rapport d'expertise architecturale établi le 24 décembre 2020, M. [N] a relevé que ce logement d'une superficie d'environ 38 m² était inadapté et inadaptable à son handicap.

Si M. [H] était également propriétaire non occupant d'un appartement situé [Adresse 3] à [Localité 10] dont il avait fait l'acquisition le 23 février 2006, il ressort des pièces versées aux débats (attestation du notaire, contrat de location) qu'il s'agissait d'un logement d'une superficie de 31 m², composé d'une chambre, d'un coin repas, et d'une salle d'eau avec WC, de sorte qu'il était insuffisamment spacieux pour être adapté au handicap de M. [H] lui imposant de circuler en fauteuil roulant et d'entreposer dans son logement un fauteuil roulant de rechange, un lit médicalisé ainsi qu'un verticalisateur, dont le besoin a été retenu par la cour dans son précédent arrêt.

C'est dans ces conditions que M. [H] a pris à bail, à compter du 15 septembre 2011, auprès de l'Office public de l'habitat de la ville d'[Localité 10], en colocation avec une amie, Mme [P], un appartement d'une surface totale de 74 m² situé [Adresse 2] à [Localité 10].

Dans son rapport d'expertise, M. [N] a relevé que cet appartement était situé au 1er étage d'un bâtiment de 8 étages dont l'ascenseur ne desservait pas le parking situé en sous-sol et que sa surface habitable, hors loggia, était de 69,75 m².

L'expert a relevé que cet appartement présentait les anomalies suivantes concernant son accessibilité :

- la largeur de l'espace de manoeuvre devant la porte d'entrée, côté appartement, est inférieure à 1,20 m et ne peut être augmentée,

- la buanderie, les WC, la salle de bains, la cuisine et la chambre ne sont pas aménagés pour des personnes à mobilité réduite,

- les portes intérieures ne sont pas suffisamment larges pour permettre un accès aux personnes à mobilité réduite,

- les angles aigus des pièces réduisent la surface accessible.

L'expert a établi une proposition d'aménagement de cet appartement pour le rendre plus accessible dont il a chiffré le coût à la somme de 33 480 euros, tout en relevant que ces travaux ne permettaient de remédier ni à l'insuffisance de l'espace de manoeuvre dans l'entrée, ni à la perte de surface accessible dans certains angles aigus.

M. [N] a établi un plan de l'appartement après travaux sur lequel il a matérialisé les surfaces demeurant inaccessibles ou difficilement accessibles par six panneaux de signalisation « sens interdit » et a conclu son rapport en énonçant que ce logement n'était pas adaptable aux personnes à mobilité réduite.

Il convient par ailleurs d'observer que les travaux décrits et chiffrés par l'expert n'incluent pas la fourniture et la pose de portes d'une largeur adaptée au passage d'un fauteuil roulant, alors qu'il a constaté que les portes existantes n'étaient pas suffisamment larges pour permettre un accès aux personnes à mobilité réduite.

Par ailleurs, la cour ayant retenu dans son précédent arrêt que M. [H] avait besoin d'un véhicule adapté à son handicap qui a été indemnisé à hauteur de la somme de 72 756,97 euros, celui-ci doit pouvoir bénéficier d'une place de parking privative accessible en fauteuil roulant sans avoir à supporter l'aléa inhérent à la disponibilité de places de stationnement sur la voie publique, ce que l'expert a justement relevé.

Il est ainsi établi que l'appartement que M. [H] a loué à compter de septembre 2011 auprès de l'Office public de l'habitat d'[Localité 10] n'était pas adapté à son handicap et qu'il s'agissait, même si il a été contraint pour des raisons financières d'y demeurer pendant plusieurs années, d'une solution temporaire ne permettant pas de satisfaire à long terme ses besoins de logement adapté, sans qu'il puisse lui être reproché de pas avoir sollicité une autorisation auprès du bailleur social pour réaliser des travaux d'aménagement dont l'expert a relevé lui-même qu'ils ne pouvaient remédier à la totalité des problèmes d'accessibilité constatés, ni de ne pas avoir sollicité l'attribution d'un nouveau logement social.

Dans ces conditions, compte tenu de l'importance des travaux d'adaptation nécessaires en termes de surfaces, de circulation en fauteuil roulant et d'équipements spécifiques, incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, l'accession à la propriété constituait pour M. [H], non un choix personnel mais la seule solution pour lui permettre de disposer de manière pérenne d'un lieu de vie adapté.

Il existe ainsi un lien de causalité direct et certain entre l'accident dont a été victime M. [H] et l'achat sur la commune de [Localité 11] d'une maison de plain-pied dont la superficie de 143,89 m² , outre un garage de 25,70 m² un cellier de 12,15 m², n'apparaît nullement excessive au regard des besoins de la victime, de sorte que les frais d'acquisition de cette maison, y compris le mobilier, pour un montant total de 502 000 euros, de même que les frais d'adaptation de cette maison au handicap de la victime, évalués par l'expert à la somme de 56 175,90 euros, doivent être pris en charge par l'assureur du responsable, sans que ce dernier, tenu d'indemniser intégralement les conséquences dommageables du sinistre, ne soit fondé à opposer à la victime le fait que l'indemnité allouée permet la constitution d'un patrimoine immobilier.

Le préjudice de M. [H] au titre des frais de logement adapté s'élève ainsi à la somme totale de 558 175,90 euros (502 000 euros + 56 175,90 euros).

Aucune prestation d'un tiers payeur n'étant imputable sur ce poste de préjudice, cette somme revient intégralement à la victime.

Le jugement sera infirmé.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Le tribunal a débouté M. [H] de sa demande de doublement des intérêts aux motifs que les dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances ne trouvaient à s'appliquer que dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, s'agissant du poste des frais de logement adapté, réservé à la demande de M. [H].

M. [H] soutient qu'il incombait à la MACSF, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, de formuler une offre d'indemnisation au titre du poste de préjudice des frais de logement adapté dans les cinq mois de la remise par M. [N] de son rapport d'expertise architecturale, le 24 décembre 2020.

Il ajoute qu'il appartient à l'assureur de faire une offre sur chacun des postes de préjudice à partir du moment où il dispose des éléments permettant de quantifier le dommage, ce qui était le cas des frais de logement adapté après la réception du rapport de M. [N].

Il fait valoir que l'offre d'indemnisation effectuée par l'assureur par voie de conclusions notifiées le 26 mars 2021 pour un montant de 56 175,90 euros équivaut à une absence d'offre dès lors qu'elle était manifestement insuffisante dans la mesure où elle était près de quatre fois inférieure à la somme allouée par le tribunal.

M. [H] demande ainsi à la cour, en infirmation du jugement, de dire que le montant qu'elle accordera au titre des frais de logement adapté portera intérêts au double du taux de l'intérêt légal pour la période courant du 24 mai 2021 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt.

La MACSF objecte que le seul fait que M. [H] ait formulé une réclamation injustifiée et démesurée n'implique pas que l'offre d'indemnisation qu'elle a présentée soit manifestement insuffisante et que la seule circonstance que les montants offerts aient été moindres que les sommes allouées ne suffit pas à rendre cette offre manifestement insuffisante.

Elle soutient que dès lors que son offre formulée par voie de conclusions notifiées le 26 mars 2021 n'est en aucun cas manifestement insuffisante, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande relative au doublement des intérêts formulée par M. [H] en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

La MACSF avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter à M. [H] dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident survenu le 24 février 2008, et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

La cour d'appel de ce siège a par son précédent arrêt du 17 novembre 2014, condamné la MACSF à payer à M. [H] les intérêts au double du taux légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant déduction des provisions versées et des créances des tiers payeurs, du 24 octobre 2008 jusqu'à la date de l'arrêt devenu définitif, en précisant qu'en ce qui concerne la rente allouée la sanction s'appliquait aux arrérages échus.

En revanche, la cour ne s'est pas prononcée sur le poste de préjudice des frais de logement adapté que M. [H] demandait à voir réserver.

Contrairement à ce qu'avance M. [H], il ne résulte des dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances précitées aucune obligation pour l'assureur de formuler une offre d'indemnisation dans les cinq mois du dépôt d'un rapport d'expertise architecturale établi postérieurement au rapport d'expertise médicale ayant fixé la date de consolidation.

Il convient en revanche d'apprécier si la MACSF a respecté les exigences de l'article L. 211-9 du code des assurances qui lui imposaient de formuler une offre d'indemnisation définitive portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice dont elle connaissait l'existence dans le délai de cinq mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de l'état de santé de la victime.

En l'espèce, l'expert médical, le professeur [G], s'il a constaté le défaut d'accessibilité du logement du frère de la victime dans lequel cette dernière était temporairement hébergée lors des opérations d'expertise, ne s'est pas prononcé sur le poste de préjudice lié aux frais de logement adapté, lequel n'a été caractérisé qu'après l'expertise architecturale réalisée par M. [N] suivant rapport établi le 24 décembre 2020.

Il en résulte que la MACSF n'était pas tenue de faire une offre incluant une proposition d'indemnisation au titre de ce poste de préjudice dans le délai de cinq mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de la victime.

Seules sont ainsi applicables les dispositions de l'article L. 211-9, alinéa 1, du code des assurances qui prévoient que l'assureur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée.

En l'espèce, la responsabilité du conducteur du véhicule assuré n'étant pas contestée et le dommage en rapport avec les frais de logement adapté a été entièrement quantifié après l'établissement du rapport d'expertise architecturale de M. [N] le 24 novembre 2020.

Si M. [H] indique dans ses conclusions d'appel avoir formulé une demande d'indemnisation dès le mois de janvier 2021 par une lettre officielle de son conseil, l'intéressé ne verse aux débats aucun justificatif permettant de l'établir.

La première demande d'indemnisation présentée par M. [H] au titre des frais de logement adapté, dont il est justifié, résulte de l'assignation délivrée à la MACSF par acte d'huissier en date du 5 février 2021, de sorte que l'assureur devait formuler une offre d'indemnisation au plus tard le 5 mai 2021.

La première offre d'indemnisation définitive portant sur le poste de préjudice des frais de logement adapté dont la MACSF justifie a été faite dans ce délai par voie de conclusions notifiées le 26 mars 2021.

Toutefois, cette offre d'un montant de 56 175,90 euros correspondant aux seuls frais d'adaptation du logement dont M. [H] a fait l'acquisition en novembre 2018, est manifestement insuffisante pour ne représenter qu'un peu moins de 11 % de l'indemnité allouée par la cour, de sorte qu'elle équivaut à une absence d'offre.

Il en est de même des offres identiques faites ultérieurement par la MACSF par voie de conclusions devant le tribunal puis devant la cour.

La MACSF encourt ainsi en principe la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances sur le montant de l'indemnité allouée au titre des frais de logement adapté, provisions non déduites, à compter du 6 mai 2021 et jusqu'à la date de l'arrêt devenu définitif.

Toutefois, compte tenu des limites de la demande de M. [H], il convient de condamner la MACSF à payer à M. [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée au titre des frais de logement adapté, provisions non déduites, à compter du 24 mai 2021 et jusqu'à la date de l'arrêt devenu définitif.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La MACSF qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [H], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

* condamné la société MACSF assurances à payer à M. [U] [H] la somme de 220 290,90 euros au titre du poste de préjudice du logement adapté, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la décision,

* rejeté le surplus des demandes de M. [U] [H] au titre de la réparation de son préjudice et du doublement des intérêts,

* rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties,

- Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société MACSF assurances à payer à M. [U] [H], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, une indemnité de 558 175,90 euros au titre du poste de préjudice lié aux frais de logement adapté,

- Condamne la société MACSF assurances à payer à M. [U] [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée au titre des frais de logement adapté, provisions non déduites, à compter du 24 mai 2021 et jusqu'à la date de l'arrêt devenu définitif;

- Condamne la société MACSF assurances à payer à M. [U] [H], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Condamne la société MACSF assurances aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/18547
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.18547 ?
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