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25/05/2023 | FRANCE | N°21/05034

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/05034


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n°2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05034 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZTZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03256





APPELANTE



SOCIÉTÉ BUREAU VERITAS MARINE & OFFSHORE

[Adresse

3]

[Localité 4]



Représentée par Me Jean DE CALBIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0307





INTIMÉ



Monsieur [Z] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n°2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05034 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZTZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03256

APPELANTE

SOCIÉTÉ BUREAU VERITAS MARINE & OFFSHORE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean DE CALBIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0307

INTIMÉ

Monsieur [Z] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 novembre 1981 à effet au 4 janvier 1982, la société Bureau Veritas a embauché M. [Z] [D] en qualité d'ingénieur, position I.

Le contrat stipule qu'en complément du régime général de la Sécurité sociale, le salarié est affilié auprès de l'IRPSIMMEC et de la CAPIMMEC pour la retraite.

Le 1er janvier 2017, le contrat de M. [D] a été transféré à la société Bureau Veritas Marine & Offshore (ci-après la société).

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale de la métallurgie du 13 mars 1972.

Courant 2017, des échanges sont intervenus entre les parties au sujet d'un départ à la retraite de M. [D] en 2018 et plus précisément avant le 31 janvier 2018.

Par courrier du 30 novembre 2017, M. [D] a informé la société de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2018 et a sollicité le bénéfice du régime d'allocations complémentaires de retraites du Bureau Veritas tel que prévu dans le « règlement » du 5 octobre 1977.

Par courrier en réponse du 21 décembre 2017 reçu en main propre, la société a informé M. [D] que son contrat de travail prendrait fin le 31 janvier 2018 à l'issue d'un préavis de deux mois débutant le 1er décembre 2017.

Il a été notifié à M. [D] en octobre 2018 que le montant annuel de sa rente de retraite supplémentaire s'élèverait à 10 564,88 euros à compter du 1er avril 2018.

Sollicitant l'application des conditions prévues par le « règlement » de 1977 et non celui de 1998, M. [D] a, après mise en demeure infructueuse de la société de lui verser une rente annuelle de 37 304,94 euros, saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 18 avril 2019.

Par jugement du 6 mai 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- dit qu'il y avait lieu d'appliquer le régime de retraite supplémentaire dans les conditions du règlement de 1977 ;

- condamné la société à verser à M. [D] les sommes suivantes :

* 37 304,94 euros annuels au titre de retraite supplémentaire, déduction des sommes versées ;

* 4 000 euros au titre du préjudice moral,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, jusqu'au jour du paiement ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société au paiement des dépens.

Par déclaration du 8 juin 2021, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a dit qu'il y avait lieu d'appliquer le régime de retraite supplémentaire dans les conditions du règlement de 1977 ;

* l'a condamnée à verser à M. [D] les sommes suivantes :

- 37 304,94 euros annuels, au titre de la retraite supplémentaire, déduction des sommes versées, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement ;

- 4 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu'au jour du paiement ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée au paiement des dépens ;

et statuant à nouveau :

à titre principal,

- juger que l'action en inopposabilité de la modification en 1998 du régime de retraite « chapeau» formulée par M. [D] est prescrite ;

par conséquent :

- déclarer irrecevable la demande de M. [D] ;

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

- juger que le règlement de retraite « chapeau » tel que modifié en 1998 est opposable à M. [D] ;

par conséquent :

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;

en tout état de cause,

- condamner M. [D] au paiement des dépens et au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

sur l'appel incident :

- débouter M. [D] de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui verser 20 000 euros à titre de préjudice moral et financier et résistance abusive ;

- débouter M. [D] de sa demande tendant à la condamnation de la société Bureau Veritas au paiement de la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société devait faire application dans son intégralité du régime de retraite supplémentaire dans les conditions du règlement de 1977, y compris à payer à la veuve de M. [D], le cas échéant, une allocation de réversion au sens de l'article VII dudit règlement ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer la somme annuelle de 37 304,94 euros à titre de pension de retraite supplémentaire depuis la date d'ouverture de ses droits à la retraite, déduction des sommes versées, jusqu'à la date de son décès, revalorisée annuellement en fonction de l'évolution du point AGIRC dans les conditions du règlement de 1977 ;

- ordonner que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer des dommages et intérêts à titre de préjudice moral et le réformer sur le quantum ;

statuant à nouveau, sur l'appel incident qu'il a formé portant sur le quantum des dommages et intérêts, réformer le jugement et :

- condamner la société à lui verser 20 000 euros à titre de préjudice moral et financier et résistance abusive ;

- condamner la société à lui payer une indemnité de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance et d'exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2023.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de « l'action en contestation de la modification » opérée par l'employeur en 1998

M. [D] soutient que la modification du régime opérée par l'employeur le 21 juillet 1998 ne lui est pas opposable. C'est dans ces conditions que la société soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en inopposabilité de cette modification.

A cet égard, la société fait valoir que l'action introduite le 18 avril 2019, soit plus de vingt ans après la modification litigieuse, est prescrite et se heurte tant à l'expiration du délai quinquennal de droit commun prévu par l'article 2224 du code civil qu'en tout état de cause, à l'expiration du délai « butoir » de vingt ans prévu par le premier alinéa de l'article 2232 du code civil (le 21 juillet 2018).

La société fait également valoir qu'elle démontre, par un faisceau d'indices, que M. [D] avait bien eu connaissance de la modification litigieuse puisqu'il en avait été informé à titre individuel à l'instar des autres cadres bénéficiaires du régime.

Ce à quoi M. [D] réplique que l'employeur ne rapporte pas la preuve que la dénonciation de sa décision unilatérale de 1977 en 1998 lui avait été notifiée individuellement et en conclut qu'aucune prescription ne peut lui être opposée avant la date à laquelle ses droits à la retraite ont été liquidés et que le délai « butoir » ne peut pas y faire obstacle. A cet égard, M. [D] fait valoir qu'il n'a été informé du refus de l'employeur de lui appliquer les conditions du régime résultant du « règlement » de 1977 qu'à réception du courrier du prestataire le 23 octobre 2018 lui notifiant le montant de sa rente.

Suivant l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le premier alinéa de l'article 2232 du code civil précise que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

En l'espèce, à l'appui de son allégation selon laquelle M. [D] avait reçu une notification individuelle de la modification en 1998 du régime de retraite complémentaire résultant du « règlement » de 1977, la société produit :

- le procès-verbal n°651 de la réunion du comité d'entreprise du 20 juillet 1998 ;

- un courriel émanant de M. [A] [W] en date du 27 février 2018 dont il résulte qu'il a participé en 1998, en sa qualité de responsable paie et administration du personnel, à l'établissement d'une liste de 120 collaborateurs entrés dans la société avant le 15 mai 1988 et dont le salaire annuel était supérieur ou égal à 350 000 francs à qui envoyer une lettre fixant les nouvelles modalités de calcul du régime de retraite « chapeau » de Bureau Veritas ;

- le courrier du 21 juillet 1998 reçu par M. [T] [J] ;

- la preuve que M. [B] [M] et M. [K] [P] ont été destinataires de cette lettre du 21 juillet 1998 ;

- une attestation de Mme [R] [C] [N] en date du 13 novembre 2019, responsable ressources humaines au sein de la société, qui rapporte ce qu'elle a entendu dire au sujet de la modification du régime de retraite complémentaire en 1998.

Or, ces éléments sont insuffisants à démontrer que M. [D] avait été personnellement informé de la modification litigieuse. De plus, la circonstance selon laquelle M. [D] aurait nécessairement eu connaissance de cette modification, compte tenu de son écho en interne, est inopérante et ne peut suppléer l'absence de preuve de l'envoi par l'employeur et de la réception par M. [D] de la lettre du 21 juillet 1998 destinées aux salariés concernés par la modification.

Dès lors que la preuve de la notification individuelle n'est pas rapportée, le point de départ de la prescription quinquennale résultant de l'article 2224 du code civil dont l'application n'est pas contestée par les parties, ne peut être fixé qu'à la date à laquelle le montant de la rente qui allait être servie à M. [D] lui a été notifié par l'employeur.

Or, M. [D] verse aux débats une lettre à en-tête de la société Pléiade Conseils, chargée par l'employeur de liquider le régime d'allocations complémentaires de Bureau Veritas, et datée du 23 octobre 2018 l'informant du montant de la rente annuelle (10 564,88 euros) devant lui être servie à compter du 1er avril 2018 ' lettre dont M. [D] a eu connaissance au plus tard le 25 octobre suivant puisqu'il y a répondu, à cette date, par courrier.

Ainsi M. [D] établit-il, sans être utilement contredit par l'employeur, qu'il a eu connaissance du montant de sa retraite complémentaire au plus tôt le 23 octobre 2018. Le point de départ de la prescription quinquennale est donc fixé à cette date.

Il s'ensuit que la prescription n'était pas acquise lorsque M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes.

Le délai « butoir » prévu au premier alinéa de l'article 2232 du code civil et interprété à la lumière de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2224 du code civil, ne peut faire échec à cette solution ' étant observé que le jour de la naissance du droit ne peut être que la date de liquidation des droits et non celle de l'instauration du régime de retraite, sauf à priver le salarié de son droit à un procès équitable.

Partant, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée et M. [D] déclaré recevable en sa demande en paiement.

La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre en ce qu'elle a implicitement mais nécessairement rejeté la fin de non-recevoir, eu égard à la rédaction du dispositif de la décision, bien que celui-ci ne fasse pas expressément mention du rejet de la fin de non-recevoir pourtant annoncé dans les motifs de la décision.

Sur la somme allouée annuellement et les modalités de son versement dans le temps

M. [D] soutient que l'employeur s'est engagé unilatéralement, aux termes d'un règlement en date du 1er juillet 1977, à faire bénéficier les salariés embauchés avant le 14 mai 1988 du régime d'allocations complémentaires qu'il définit. M. [D] fait valoir que ce régime garantit aux salariés bénéficiaires un revenu calculé en fonction de la rémunération globale perçue au cours de l'année précédant la cessation des fonctions ; que ce salaire de référence est ensuite multiplié par un coefficient qui dépend de l'âge de départ et de l'ancienneté du salarié dans la société, dans la limite de 70% à partir de 40 années de service ; que la société verse chaque année jusqu'au décès la différence entre le revenu garanti et la somme des prestations servies par les différents régimes de retraite, au titre des années passées au sein de Bureau Veritas et déduction faite des majorations pour charges de famille. M. [D] fait également valoir qu'il reste éligible à ce régime résultant du règlement de 1977 car l'employeur n'a pas dénoncé régulièrement l'engagement unilatéral - dénonciation subordonnée, comme en matière d'usage, à la réunion de trois conditions : l'information des institutions représentatives, l'information individuelle du salarié et un délai de prévenance suffisant - et qu'en l'occurrence, il n'a pas reçu cette information individuelle. M. [D] fait encore valoir qu'il ne pouvait pas faire partie des 120 salariés concernés puisqu'il gagnait moins de 350 000 francs par an en 1998 et qu'en tout état de cause, l'employeur ne pouvait pas sélectionner 120 salariés car le règlement de 1977 n'a jamais posé de condition de rémunération minimale. M. [D] considère que la société a d'ailleurs, par aveu judiciaire, reconnu dans une autre procédure judiciaire, le droit au maintien du régime issu du règlement de 1977 pour les salariés n'ayant pas reçu de notification individuelle de la modification intervenue en 1998. Enfin, M. [D] conteste l'assiette de la rémunération et le taux de rente retenus.

Ce à quoi la société réplique que M. [D] bénéficie du régime de retraite « chapeau » en vigueur au moment de son départ à la retraite. Elle fait valoir que la modification a donné lieu à une information des représentants du personnel, une information individuelle des intéressés dont M. [D] et qu'un délai de prévenance suffisant a été respecté pour permettre l'ouverture de négociations.

La société réplique encore que M. [D] a été informé individuellement de la modification et qu'il a pris sa décision de partir à la retraite en connaissance de cause.

L'employeur qui souhaite modifier un engagement unilatéral doit procéder à une information collective des représentants du personnel, préalable dans un délai de prévenance raisonnable et à une information des salariés concernés par le biais d'une notification individuelle.

Ces conditions sont cumulatives. Or, en l'espèce, la cour a d'ores et déjà jugé que la société était défaillante à rapporter la preuve d'une notification individuelle à M. [D] de la modification du régime de retraite intervenue en 1998.

En conséquence, le régime issu du règlement de 1977 est seul opposable à M. [D] qui est donc fondé à en demander l'application.

Le règlement du 5 octobre 1977 définit la base de calcul dans son article III ainsi rédigé :

' La rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'allocation est la rémunération globale de l'année entière de calendrier précédant la cessation des fonctions actives et servant de base à la déclaration fiscale faite en France par le BUREAU VERITAS. Il n'est toutefois pas tenu compte des indemnités versées à l'occasion du départ en retraite ou pour congés payés non pris ou pour préavis non effectués ni des quotes-parts de participation versée par anticipation, etc '

Cette rémunération est ensuite revalorisée chaque année en fonction de la valeur moyenne du point de salaire appliquée aux cadres du BUREAU VERITAS au cours de l'année précédant celle du versement de l'allocation. (').'

L'article IV du même règlement précise, au titre de la durée des services et de l'ancienneté :

' Il n'est tenu compte que des années de service effectives en qualité de collaborateur exclusif entre les âges de 16 ans et de 65 ans et jusqu'à concurrence de 40 années de services. (').'

Et l'article V du règlement précise également, au titre de l'allocation annuelle :

' Tout collaborateur exclusif ayant au moins, soit 60 ans d'âge et 15 ans de services actifs à la date de cessation de ses fonctions actives, soit 55 ans d'âge et 20 ans de services actifs à cette même date, reçoit une allocation dont le montant annuel est déterminé comme suit :

' On totalise :

- la pension de Sécurité Sociale calculée en tenant compte des dispositions de rachat des cotisations prévues par la loi du 23 août 1948, que l'intéressé ait ou non effectué le rachat, et les pensions acquises grâce aux assurances volontaires souscrites à la charge partagée des intéressés et du BUREAU VERITAS.

- la quote-part de pension de retraite calculée, au titre de la Convention Collective Nationale des Cadres du 14 mars 1947 d'après le nombre de points acquis pour les années de service exclusif au BUREAU VERITAS, et d'après l'âge de l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions actives.

- la quote-part de pension de retraite calculée au titre des régimes spéciaux du BUREAU VERITAS (tranche T1 et tranche T3) d'après le nombre de points acquis pour les années de service exclusif au BUREAU VERITAS et d'après l'âge de l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions. (').

- s'il y a lieu, la quote-part du régime de retraite de la Caisse Nationale des Invalides de la Marine calculée au prorata du nombre d'années de cotisations versées à la fois par l'intéressé et par le BUREAU VERITAS.

- éventuellement, la pension provenant de l'ancien régime de retraite (C.N.R.V.).

Toutes ces pensions (') sont celles versées au cours de l'année précédant celle du versement de l'allocation du BUREAU VERITAS (').

A) On multiplie la rémunération de base définie à l'article III par un coefficient, fonction de la durée des services et de l'âge, indiqué dans le tableau annexé au présent règlement.

Tous nombres fractionnaires d'âge et d'années de services seront éventuellement arrondis en valeurs entières de trimestre en vue du calcul par interpolation du pourcentage acquis, toute fraction de trimestre étant comptés pour un trimestre entier.

Le deuxième nombre ainsi obtenu représente la garantie du BUREAU VERITAS et est désigné par le symbole B.

A) L'allocation est alors, en principe, égale à B moins A (B ' A).

Toutefois, le Conseil d'Administration pourra la réduire, la suspendre ou la supprimer compte tenu de l'activité rémunérée que le collaborateur pourrait exercer après la cessation desdites fonctions actives.'

M. [D], né le 25 janvier 1956, était âgé de 62 ans lorsqu'il a pris sa retraite et comptabilisait 36 ans d'ancienneté de service.

La société Pléiade Conseils, prestataire mandaté par l'employeur pour procéder à la liquidation des droits à la retraite de M. [D], a indiqué, dans son courrier du 23 octobre 2018 :

' Age au départ en retraite : 62 ans et 1 trimestre

Ancienneté reconnue au départ en retraite : 36 ans et 1 trimestre '.

Ces données ne sont pas discutées par les parties.

Dès lors, par référence au tableau annexé au règlement du 5 octobre 1977, le taux applicable à M. [D] est de 64,8%, contrairement à ce que la société Pléiade Conseils a retenu dans ledit courrier du 23 octobre 2018 (55,90%).

La société qui doit démontrer qu'elle s'est libérée de son obligation, ne justifie pas du salaire annuel de référence (2017) de M. [D], celui-ci soutenant qu'il s'élève à 106 771,49 euros. A cet égard, elle ne produit pas les bulletins de paie de l'année 2017 du salarié ou toute autre pièce justificative de sorte que la cour retiendra le montant revendiqué par M. [D] soit 106 771,49 euros duquel seront déduites les sommes perçues au titre des régimes de retraite de base et complémentaires après application du taux de 64,8%.

En revanche, il incombe à M. [D], qui ne retient pas les mêmes montants que la société Pléiade Conseils au titre des sommes versées par la Sécurité Sociale, de l'ARRCO et de l'AGIRC tranche B et tranche C, et qui détient seul les justificatifs de ces versements de rapporter la preuve des sommes versées par ces organismes ' ce qu'il ne fait pas puisqu'il se borne à produire les courriers échangés avec la société Pléiade Conseils sans verser aux débats les notifications de retraite émanant desdits organismes. La cour retiendra, par conséquent, la somme totale de 40 580 euros mentionnée dans le courrier du 23 octobre 2018.

Dans ces conditions, le montant de la rente annuelle que M. [D] est fondé à obtenir s'élève à :

106 771,49 euros x 64,8% = 69 187,92 euros (B) ' 40 580 euros (A) = 28 607,92 euros.

Partant, la société sera condamnée à payer à M. [D] la somme annuelle de 28 607,92 euros et la décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum de la rente annuelle.

La revalorisation annuelle de la rente et le versement, le cas échéant, au conjoint survivant s'effectuent selon les modalités prévues par le règlement du 5 octobre 1977 sans que la cour n'ait pas à trancher de litige à ce stade.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et financier et résistance abusive

M. [D] soutient que la société a fait preuve d'une résistance abusive, après avoir fait une volte-face qui a eu des répercussions financières, morales et psychologiques et qui l'a obligé à de multiples démarches puis à la saisine du juge. M. [D] fait valoir qu'il a dû attendre le mois de janvier 2019 pour percevoir le premier versement de sa rente dont le montant avait été réduit de 70% environ par rapport à ce que l'employeur s'était engagé à lui verser et alors même que le règlement de 1977 prévoyait une rectification l'année suivante après l'estimation faite pour la première allocation.

Ce à quoi la société réplique que M. [D] se borne à alléguer des répercussions morales et psychologiques dont il ne justifie pas et conteste tout abus dans l'exercice de sa défense. La société réplique également que le régime de retraite « chapeau » étant un régime différentiel, M. [D] devait fournir des documents permettant d'établir le montant de sa retraite de base et de sa retraite complémentaire et que le nécessaire a été fait dès que M. [D] a transmis ces documents et les arrérages de la rente versés dans les plus brefs délais. Elle fait encore valoir qu'elle n'avait aucune prise sur le délai de traitement du dossier de M. [D] et observe qu'il avait perçu la somme de 25 000 euros au titre de primes lors de son départ à la retraite.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le seul fait de contester le bien-fondé de la prétention du demandeur n'est pas constitutif d'une résistance abusive.

A cet égard, M. [D], qui se plaint d'une volte-face de l'employeur, n'en rapporte toutefois pas la preuve. En effet, il ne produit à ce sujet qu'un courriel émanant de lui-même et, par là-même, insuffisant à démontrer que l'employeur lui aurait assuré dans un premier temps que le règlement de 1977 s'appliquait à lui avant de se rétracter et de vouloir lui appliquer des conditions moins favorables.

M. [D] se plaint de ce que le premier versement de la rente n'est intervenu qu'au début de l'année 2019 alors que, selon lui, le règlement de 1977 prévoit que le calcul du montant de toutes les pensions perçues au cours de l'année précédant celle du versement de l'allocation par l'employeur est effectué sur la base d'une estimation du montant de ces pensions faite par « l'Administration ». Il n'en demeure pas moins que M. [D] ne démontre pas à quelle date il a notifié à l'employeur le montant de cette estimation pour le calcul de la rente prévue par le règlement de 1977.

Par conséquent, M. [D], qui ne rapporte pas la preuve d'une résistance abusive ou d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil de l'employeur, sera débouté de sa demande en dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens en appel et la décision des premiers juges sur les dépens sera confirmée.

La société sera également condamnée à payer à M. [D] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la décision des premiers juges au titre des frais irrépétibles sera confirmée. La société sera déboutée de sa demande au titre de ces frais.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

CONFIRME le jugement hormis sur le quantum de la rente annuelle et en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Bureau Veritas Marine & Offshore à payer à M. [Z] [D] une rente annuelle de 28 607,92 euros à titre de retraite supplémentaire ;

DIT que la revalorisation de cette rente et le versement, le cas échéant, d'une rente au conjoint survivant s'effectuent selon les modalités prévues par le règlement du 5 octobre 1977 ;

DÉBOUTE M. [Z] [D] de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société Bureau Veritas Marine & Offshore à payer à M. [Z] [D] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Bureau Veritas Marine & Offshore aux dépens en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05034
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.05034 ?
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