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25/05/2023 | FRANCE | N°21/04974

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 mai 2023, 21/04974


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 MAI 2023



(n°2023/ , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04974 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZLY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 19/04595



APPELANTE



S.A.S.U. FAST RETAILING FRANCE prise en la personne de ses représentants

légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





INTIMEE



Madame [...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 MAI 2023

(n°2023/ , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04974 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZLY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 19/04595

APPELANTE

S.A.S.U. FAST RETAILING FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Madame [B] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Sonia BERKANE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 24 août 2009, Mme [B] [I] a été embauchée par la société Comptoir des cotonniers UK Ltd. Son contrat de travail a été transféré le 1er octobre 2011 à la société Création Nelson puis à compter du 1er janvier 2015, à la société Fast retailing France (ci-après la société), chargée de la conception, la production et la commercialisation de vêtements à travers plusieurs marques de prêt-à-porter. Mme [I] a bénéficié d'un congé individuel de formation d'octobre 2017 à juillet 2018 pendant lequel elle a exercé son activité dans l'entreprise à temps partiel, trois jours par semaine, le reste du temps étant consacré à sa formation. En dernier lieu, elle était coordinatrice UK pour la marque Comptoir des cotonniers, catégorie cadre, niveau 5, échelon 3 et elle percevait un salaire de 3 021,96 euros brut que les parties ne discutent pas, pour une durée de travail à temps complet.

La société Fast retailing France emploie au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale de l'industrie de l'habillement.

Mme [I] a été en arrêt de travail à compter du mois du 1er avril au 13 mai 2019.

Le 9 mai 2019, par l'intermédiaire de son conseil, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant à l'employeur une mise à l'écart, une insuffisance de fourniture de travail et une disparité dans l'encadrement dont elle bénéficie par rapport à ses collègues.

Sollicitant la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et estimant avoir subi des agissements de harcèlement moral, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 mai 2019 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 3 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Fast retailing France à verser à Mme [I] les sommes de :

* 11'696,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 169,67 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 7 366,03 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

et ce avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2019,

- rappelé l'exécution provisoire de droit,

- 27'197,64 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [I] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Fast retailing France de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

La société Fast retailing France a régulièrement relevé appel du jugement le 7 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n°4, transmises par voie électronique le 14 février 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Fast retailing France prie la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission,

- condamner Mme [I] à lui rembourser l'intégralité des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 11'696,64 euros au titre du préavis non exécuté,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- très subsidiairement limiter les dommages intérêts prononcés en application de l'article L. 1235'3 du code du travail à trois mois soit la somme de 9 065,88 euros,

- juger que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de Mme [I] qui ne sollicite pas l'infirmation ou la réformation du jugement entrepris,

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Audrey Hinoux.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appelante incidente n° 2, transmises par voie électronique le 31 janvier 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [I] prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- condamner la société Fast retailing France à lui verser la somme de 20'000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- en tout état de cause, débouter la société Fast retailing de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.

MOTIVATION':

Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel incident de Mme [I] :

La société Fast retailing France soutient que la cour n'est pas valablement saisie de l'appel incident de Mme [I] dans la mesure où dans le dispositif de ses écritures signifiées le 2 décembre 2021, elle a demandé à la cour de : « confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ». Elle fait valoir que cette rédaction n'est pas conforme avec le code de procédure civile qui impose à la partie appelante principale ou incidente de demander, dans son dispositif l'infirmation ou l'annulation du jugement.

Mme [I] conclut au rejet de la demande en faisant valoir que l'emploi de la locution «'sauf en ce'» que revient à solliciter l'infirmation du chef de dispositif du jugement concerné et expressément énoncé et que juger du contraire serait faire preuve d'un formalisme excessif condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, « L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible » En sollicitant la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, Mme [I] indique nécessairement et clairement qu'elle sollicite devant la cour l'infirmation du jugement de ce chef.

La cour rejette la demande présentée par la société Fast retailing France et est donc valablement saisie de l'appel incident de Mme [I].

Sur les effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié. 

Mme [I] soutient que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où elle a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur.

La société Fast retailing France conclut au débouté en soutenant que les griefs formés par la salariée sont infondés qu'en réalité elle souhaitait quitter la société et qu'elle n'apporte aucun élément laissant supposer une situation de harcèlement moral.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [I] soutient que les faits de harcèlement moral qu'elle a subis s'évincent de deux séries d'éléments :

- la dégradation de son état de santé,

- le comportement de l'employeur et la sitation de la société Fast retailing France.

S'agissant de son état de santé, elle fait valoir qu'après une première consultation auprès du médecin du travail en date du 14 mars 2019, celui-ci l'a revue le 1er avril 2019 et a constaté que son état de santé n'était pas compatible avec son poste. Elle communique l'attestation de suivi établie par le médecin du travail le 1er avril 2019 portant cette mention ainsi qu'un courrier du médecin du travail adressé à son médecin traitant également du 1er avril 2019 lequel fait état de sa souffrance au travail et la réponse de son médecin traitant daté du même jour qui indique lui avoir fait un arrêt du travail jusqu'au 13 mai 2019.

S'agissant du comportement de l'employeur, Mme [I] présente les éléments suivants:

- sa mise au placard,

- une absence de travail, le nombre de boutiques gérées par elle étant passé de 21 à 4,

- elle a été négligée voir totalement ignorée par sa hiérarchie n'ayant plus de point hebdomadaire avec sa supérieure et n'étant plus conviée aux PMO meeting auxquels assistaient d'autres coordinatrices au siège.

Elle s'appuie sur l'attestation de Mme [Z], déléguée du personnel jusqu'au mois de janvier 2020, salariée au sein de la société FRF jusqu'à sa démission qui rapporte la teneur d'entretiens avec Mme [I] au cours desquels celle-ci lui a fait part de ce qu'elle était de plus en plus dés'uvrée et n'avait aucune réponse de la part de ses managers lorsqu'elle demandait plus de travail. Mais la cour observe que cette attestation ne fait que reprendre les propos de Mme [I] et non pas les propres constatations de la déléguée du personnel sur les conditions de travail de Mme [I].

Elle s'appuie également sur un mail du 25 juin 2018 informant les salariés du projet de PSE ayant fait l'objet d'un accord avec l'organisation syndicale représentative dans l'entreprise le 14 juin dernier et validé par la direccte impactant 58 postes.

Elle communique encore un mail de sa part du 26 mars 2019 adressé à Mme [J], sa supérieure hiérarchique, lui demandant de lui confier «'un projet ou du boulot en plus pour cette semaine'». Elle produit également un échange de mails avec deux de ses collègues dont il ressort que celles-ci bénéficiaient d'un point hebdomadaire «'conf call'» avec Mme [J] contrairement à elle-même.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent présumer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant de la mise à l'écart de la salariée et des points hebdomadaires avec la hiérarchie, l'employeur explique que les 'conf call' dont font état Mmes [X] et [U] dans leurs mails sont justifiées par le fait que ces coordinatrices étaient basées à l'étranger et il en justifie en produisant l'attestation de Mme [R], responsable store support, qui confirme que Mme [J] avait pour habitude de fixer des points réguliers avec les coordinatrices basées à l'étranger ([Localité 5] et [Localité 6]) mais qu'elle a toujours privilégié la discussion directe avec ses collaboratrices dans l'open space au bureau et qu'aucune des trois collaboratrices basées en France n'avaient de' «' conf call'» avec elle. Toutefois ces éléments ne suffisent pas à justifier que Mme [I] n'était pas isolée au sein de l'entreprise comme elle le prétend et mise à l'écart puisqu'il ressort de l'attestation de Mme [K], responsable des ressources humaines, communiquée par l'employeur que Mme [I] ne communiquait plus avec sa supérieure hiérarchique, de sorte qu'il en résulte que les points hebdomadaires n'étaient pas davantage faits oralement avec la salariée et que la volonté supposée de Mme [I] de s'isoler en gardant ses écouteurs sur les oreilles, décrite par Mme [K] ne suffit pas à justifier l'absence de consignes et de points réguliers par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral.

Sur l'absence de fourniture de travail, s'agissant de la réduction du nombre de boutiques, l'employeur fait valoir que l'essentiel des 21 boutiques au Royaume-Uni a été fermé avant le mois d'août 2016 et avant le congé individuel de formation de Mme [I] en octobre 2017, que lorsque celle-ci a repris son poste de coordinatrice à plein temps, en octobre 2017, il ne lui restait plus que six boutiques à gérer, qu'ensuite entre octobre 2017 et mai 2019, deux autres boutiques ont été fermés sans qu'elle s'en plaigne. Par ailleurs, il produit des attestations de Mme [R] et de Mme [J] les deux supérieures hiérarchiques de la salariée, dont il ressort que l'essentiel des missions d'une coordinatrice est indifférent au nombre de boutiques à gérer, s'agissant de la communication des opérations mises en place en centrale, la mise à jour et traduction des procédures boutiques et des guides Line visuels merchandising, l'identification de problèmes locaux, la mise à jour des supports utiles. Il fait valoir qu'il ressort de l'attestation de Mme [J] que le successeur de Mme [I] a dû reprendre des missions qu'elle n'avait pas menées à terme comme l'existence de factures toujours prélevées sur les comptes de deux boutiques fermées définitivement depuis 2016 ou la clôture d'un contrat de ramassage de déchets ainsi que cela résulte de l'attestation de Mme [R]. Pour le reste, il soutient que les missions impactées par la baisse du nombre de boutiques ont été compensées par l'octroi de nouvelles missions transversales telles que l'organisation de l'hébergement de 350 responsables de boutiques européennes dans le cadre d'un séminaire en juillet 2018, l'augmentation de ses visites au royaume uni (de par semestre au lieu d'une et de la réflexion sur le développement d'un programme de fidélité pour les meilleures clientes ainsi que cela résulte de l'entretien d'évaluation et enfin, la gestion d'un projet Gmail et l'accompagnement du changement vers cet outil pour l'équipe de stores support. La cour considère toutefois que l'employeur échoue à démontrer qu'avec ces missions transversales, Mme [I] était occupée à temps complet alors que celle-ci se plaignait de ne pas avoir assez de travail dans son mail du 26 mars 2019, et qu'elles suffisaient à compenser la baisse de l'activité de Mme [J] liée à la diminution drastique des boutiques au Royaume, d'autant que les attestations qu'il produit, émanant de deux salariées sous sa subordination, ne sont pas corroborées par des éléments objectifs de nature à démontrer la réalité du travail accompli et que Mme [T] qui avait recruté Mme [I] a affirmé dans une attestation que celle-ci communique que le poste de Mme [I] était intrinsèquement lié au nombre de magasins et que sans les magasins il n'y aurait pas assez de travail pour maintenir le poste. La cour considère en conséquence que l'employeur ne démontre pas que la baisse d'activité de Mme [I] n'existait pas ou était justifiée par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral.

En conséquence de ce qui précède, la cour retient que l'employeur ne justifie pas que la mise à l'écart de Mme [I] et l'absence de fourniture de travail étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral de sorte que le harcèlement moral allégué par la salariée est établi, étant observé que le médecin du travail a constaté la souffrance au travail de la salariée ainsi que cela ressort de l'attestation de suivi et du courrier du 1er avril 2019.

Le harcèlement moral étant caractérisé, la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit comme le sollicite la salariée les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières':

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme [I] les sommes de 11'696,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 169,67 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis dont les montants ne sont pas critiqués par l'employeur et ont été évalués conformément aux dispositions légales et conventionnelles.

Il en est de même pour l'indemnité légale de licenciement, le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser la somme de 7 366,03 euros à ce titre à Mme [I].

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle doit être comprise, en application de l'article L. 1235'3 du code du travail entre 3 et 9 mois de salaire brut, Mme [I] justifiant d'une ancienneté de 9 années complètes au moment du licenciement. Eu égard aux circonstances du licenciement, à ce que Mme [I] justifie de sa situation postérieure à la rupture, ( aucun élément), au montant de son salaire mensuel brut, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 25'000 euros suffisant à réparer son entier préjudice et le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du harcèlement moral, Mme [I] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 20'000 euros de dommages-intérêts. Eu égard à la solution du litige, la cour condamne l'employeur à lui verser la somme de 10'000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La cour confirme le jugement en ce qu'il a statué sur le point de départ des intérêts au taux légal concernant les condamnations de nature salariale et précise que les intérêts au taux légal concernant les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Il est fait d'office application de l'article L. 1235'4 du code du travail et la société est condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement servies à Mme [I] depuis son licenciement dans la limite de trois mois.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société à verser à Mme [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée de sa propre demande de ce chef.

En cause d'appel, la société Fast retailing France est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [I] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS':

LA COUR statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

REJETTE la demande présentée par la société Fast retailing Francesur sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel incident de Mme [B] [I],

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Mme [B] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Fast retailing France à verser à Mme [B] [I] les sommes de:

- 25'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10'000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

PRÉCISE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

CONDAMNE la société Fast retailing France à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [B] [I] depuis son licenciement dans la limite de trois mois,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Fast retailing France,

 CONDAMNE la société Fast retailing France aux dépens et à verser à Mme [B] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04974
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.04974 ?
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